Comic Con Paris 2013 : Les Revenants, influences et références, de Twin Peaks à Cronenberg

Date : 20 / 07 / 2013 à 20h10
Sources :

Source : Unification France



Après la diffusion de l’épisode pilote de la série, Camille, Fabrice Gobert est revenu avec Alain Carrazé et Romain Nigita sur les influences et références qui jalonnent la série phénomène de Canal Plus ...

A l’origine : un film éponyme
Les Revenants est un film produit par la société Haut et Court, sortie en 2004. Film étonnant qui faisait le pari de faire du fantastique à la française. Le point de départ est un fait extraordinaire (le retour à la vie de personnes mortes) et le traitait de manière extrêmement réaliste. Pas beaucoup d’effets spéciaux mais une incursion dans le fantastique. C’était un film très audacieux, marquant, qui a fait peu d’entrées car il était peut-être trop austère.
Il a été contacté par les producteurs qui voulaient en faire une série, après avoir vu Simon Werner a disparu... , film qu’il a réalisé sorti en 2010, pour travailler dessus, l’écrire puis le réaliser.

Le film a-t-il eu une influence ou s’en est-il éloigné très vite ?
C’est certes un point de départ puisqu’on retrouve certains personnages du film dans la série.
Il ne l’avait pas revu quand il a commencé à travailler sur le scénario de la série. Dans son souvenir, on pouvait raconter des histoires incroyables sans avoir recours à trop d’effets spéciaux et c’était passionnant de creuser le questionnement intime posé par le retour des morts.


Première convergence visuelle : les 4400 et son lac
S’il avait vu les premiers épisodes et que le point de départ est assez similaire, le retour de gens en masse, il en garde un souvenir assez diffus. Dans les 4400, on voit le retour de gens disparus et non décédés.
L’approche est différente puisque son idée était de sortir de la masse, et ne traiter que quelques retours pour les traiter de manière intime.
L’idée d’un barrage qui surplombe la ville lui plaisait énormément mais les photos du lac sont une idée de Canal Plus, pas de lui.
Fabrice Gobert trouve très intéressant de noter que les images se répondent quand on traite le même sujet.

Deuxième référence visuelle : Twin Peaks et son pub, le Double R

Il n’a pas vu la série lors de sa diffusion télévisée mais à sa sortie en DVD dans les années 2000. C’est une série très marquante que l’on retrouve partout.
On retrouve dans Les Revenants et Twin Peaks, mais aussi dans True Blood ou encore Happy Days, un lieu récurrent : le pub, le bar dans lequel se retrouvent les jeunes.
Pour Fabrice Gobert, il est important qu’il y ait un bar crédible dans une fiction française et qui fasse penser à l’imaginaire véhiculé par les séries américaines.
Au moment du repérage, il cherchait quelque chose de plus proche de True Blood que de Twin Peaks, un bar perdu au milieu de nulle part. Ce bar existe dans la banlieue d’Annecy et s’appelle La Licorne.
Le réalisateur trouvait très intéressant de plonger ses personnages très français dans un environnement qui permet de faire surgir le fantastique, le retour de zombies fait partie de la culture cinématographique américaine et non de la française.

S’il n’a pas montré Twin Peaks à ses équipes, il leur a montré les clichés du photographe américain Grégory Crewdson, qui rappelle le travail de David Lynch

Le photographe américain met en scène des acteurs en général assez connus dans des photos exceptionnelles, directement inspirées de David Lynch.
Il a cette faculté de transformer le quotidien, le banal, en quelque chose d’extraordinaire qui génère de la fiction, du rêve, du fantasme.
Avec une photographie des endroits américains, souvent en banlieue, on peut se raconter de multiples histoires. C’est un réservoir à histoires fantastique.
Il a souvent montrée ses travaux au chef opérateur, Patrick Blossier.
Le tournage a eu lieu à Annecy et organisé de manière à tourner des plans larges dans lesquels la lumière commence à disparaître, le réel disparaît, la lumière artificielle arrive, de manière à préparer l’arrivée du fantastique. Ce moment du passage entre le jour à la nuit. Il y a une cohérence visuelle avec le thème de passage vie/mort.
L’idée directrice reste de préparer le téléspectateur et les personnages à ce qui se passe quelque chose d’incroyable.

Autre référence à Twin Peaks : la fascination pour l’éclairage

Dans Les Revenants, ce lampadaire, cadré toujours de la même façon mais à des heures différentes, est un hommage au feu tricolore dans Twin Peaks (effrayant car il bougeait dans la nuit, un balancement qui suggérait que la tempête allait peut-être arriver). Cette récurrence donne l’impression de ne jamais pouvoir sortir de ces décors.
C’est la question qu’ils se sont posés avec le chef opérateur : pour ne pas lasser le public, refrains récurrents mais à des moments différents qui suggèrent qu’il va se passer quelque chose.
On se rend compte que la manière de filmer les choses peut transformer un élément extrêmement réaliste, voir anodin, en quelque chose d’effrayant.
Il n’a pas montré la série de David Lynch aux équipes car c’est très casse-gueule de dire que l’on fait un Twin Peaks à la française.
Il est intéressant d’essayer d’inventer une façon de fonctionner sans faire systématiquement référence à Twin Peaks, série incroyable qui a inspiré beaucoup de séries (comme True Blood).

Le personnage de Mme Costa, fait-il référence à la dame à la bûche dans Twin Peaks ?

Il voulait un personnage de femme mais Mme Costa ne fait pas forcément référence à la dame à la buche car il l’a revu depuis et elle est complètement barrée.
Mme Costa a un côté un peu éloigné de l’action, elle n’a pas les mêmes préoccupations que les autres personnages qui jouent un peu leur vie là-dedans. Elle est un peu en retrait, elle a le genre d’ironie de spectatrice.
Pour Fabrice Gobert, c’est toujours bien d’avoir dans une série une sortie de commentateur, comme le père décédé dans Six Feet Under qui revient régulièrement donner son avis, ou encore Augustus Hill dans Oz, qui n’est pas dans la réalité et s’adresse aussi bien aux personnages qu’aux téléspectateurs.

Troisième référence visuelle : Morse de Tomas Alfredson

L’extrait projeté (une femme se fait dévorer par des chats) n’est pas représentatif de ce qui a plu à Fabrice Gobert dans le film car dans ce film il y a un grand travail sur le hors champ, l’imaginaire et sur la façon dont on peut imaginer le fantastique surgissant dans le réel.
Dans Morse, le personnage de la fille est un vampire qui vit en marge de la société mais qui essaie d’y reprendre sa place.
La banlieue suédoise y est filmée de manière fascinante car les décors transcendent : filmer de manière fantastique des choses réalistes.
En général il ne donne pas beaucoup à voir et on est obligé d’imaginer ce qui se passe dans l’obscurité, ce qui est bien plus effrayant.

Fabrice Gobert aurait été intéressé par garder l’atmosphère enneigé de Morse, c’était même la première version du scénario. Mais il s’est rendu compte que tourner 5 mois en France sous la neige n’était pas envisageable car trop compliqué.
Au final, ils n’ont gardé une scène enneigée (l’accident) ce qui permet de se retrouver dans la temporalité.

Autre thème important de la série : la détérioration physique (La Mouche)

Fabrice Gobert est intéressé par tous les films de David Cronenberg, quel que soit leur genre.
Dans le film Les Revenants, les morts sont extrêmement réalistes, ils sont juste un peu plus blêmes que les vivants. Il est intéressant que ces personnages de revenants soient très semblables à quand ils sont partis, et ils ont un appétit de vie vu dans les premiers épisodes. Mais très vite surgissent des éléments qui nous laissent à penser qu’ils ne sont pas exactement comme avant.

L’idée est d’être spectateur mais également dans la tête du personnage, on pense que tout est normal mais il y a quelque chose de bizarre qui s’exprime par une détérioration physique progressive et donc effrayante, quelque chose qu’on ne peut pas arrêter. C’est certes effrayant mais c’est soi-même … Fabrice Gobert fait référence aux boutons d’acné que l’on a tous explosés étant jeunes.

Cette évolution physique (on ne sait pas vers quoi on devient) les revenants et leurs familles se demandent s’ils sont comme avant, ou sont-ils quelque chose d’autre, et dans ce, que sont-ils ?
Le changement physique est un élément fondamental de la série, comme dans les films de Cronenberg.

Le thème du double : A Scanner Darkly avec Keanu Reeves

Quand il travaillait sur le scénario avec Emmanuel Carrère (c’est un grand spécialiste de Philip K. Dick à qui il a consacré une excellente biographie), il pensait beaucoup au film animé de Richard Linklater. Même manière de se décaler légèrement de la réalité pour faire surgir quelque chose d’extrêmement effrayant, car on n’est pas dans un monde dans lequel tout peut arriver.
C’est là que réside l’intérêt du fantastique : ouvrir les portes à l’impossible, au miracle et à l’irréel. Il faut cependant ne pas trop ouvrir ces portes et faire surgir les éléments surnaturels de manière progressive pour que l’on sente que les choses pourraient éventuellement arriver comme ça dans la réalité.

Cette idée permettait de montrer la culpabilité de Thomas qui a vraiment pris la place de Simon.
Les revenants provoquent chez les vivants le retour du passé, du refoulé. Nous sommes projetés dans l’inconscient de Thomas de manière très concrète.
Les idées de K. Dick sont très fortes car très visuelles, elles parlent de l’inconscient et expriment ce qui se passe dans le cerveau. Ceux sont des images très fortes pour exprimer ce que l’on ne comprend pas à l’intérieur de nous.


La Horde : The Fog de John Carpenter
Dans l’épisode 7, on voit une horde émerger du brouillard et revenir au Lake Pub.
Ils ont eu de la chance le jour du tournage quand le brouillard s’est invité sur le lac de Tignes sans crier gare.
L’idée dès l’écriture était de s’autoriser à aller de plus en plus dans le fantastique et d’emmener les personnages dans l’acceptation du fantastique et faire surgir des choses de plus en plus improbables.
Cette horde arrive progressivement et ces scènes n’auraient pas pu être tournées dans les deux premiers épisodes car il y avait la nécessité de progression et de rendre ces évènements acceptables.

Fabrice Gobert a toujours été très impressionné par John Carpenter : sa mise en scène minimaliste mais extrêmement efficace et sa gestion des effets, sans surenchère dans les plans ou les effets spéciaux.

Le personnage de Victor : Shining de Stanley Kubrick
Le petit garçon est un des personnages clefs de la saison 1, admirablement interprété par Swann Nambotin. Mi-ange, mi-démon, le personnage est pris de mutisme quand il découvre le cadavre de la voisine de Julie.
Cette scène n’est pas sans rappeler celle de The Shining de Stanley Kubrick.


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