The Orville - New Horizons : Critique 3.03 Mortality Paradox

Date : 19 / 06 / 2022 à 14h00
Sources :

Unification


THE ORVILLE NEW HORIZONS

- Date de diffusion : 15/06/2022
- Plateforme de diffusion : Hulu
- Épisode : 3.03 Mortality Paradox
- Réalisateur : Jon Cassar
- Scénaristes : Cherry Chevapravatdumrong
- Interprètes : Seth MacFarlane, Adrianne Palicki, Penny Johnson Jerald, Scott Grimes, Peter Macon, J. Lee, Mark Jackson, Chad L. Coleman, Jessica Szohr et Anne Winters

LA CRITIQUE FM

Après un second épisode très en dessous des standards de qualité de la série, The Orville est de retour avec un paradoxe de la mortalité qui réserve de nombreuses surprises au téléspectateurs. La qualité première du scénario de Cherry Chevapravatdumrong est justement de nous laisser bouche bée à chaque développement de son histoire.

Si on sent bien que chaque "univers" a un but précis, lié à chaque membre de l’équipe d’enquête, la résolution finale a de quoi bien surprendre le spectateur. Mais c’est en même temps une récompense pour les fans de la série qui se rappelleront d’un des meilleurs épisodes des saisons précédentes.

Pour autant, l’histoire a quand même un peu de mal à commencer. les pérégrinations à l’intérieur de l’école prennent un peu trop de temps avant l’arrivée de Randall, un lycéen un peu particulier. Mais l’intérêt va croissant ensuite.

La série reste à un niveau bas d’humour par rapport aux deux premières saisons. J’ai du mal à appréhender si c’est un bien ou un mal. Après deux épisodes centrées beaucoup sur le Docteur Finn, c’est l’occasion de mettre plus en avant les autres personnages, en l’occurrence Bortus et Gordon.

Et tous ces rebondissements pour en arriver à une réflexion sur la mortalité ou plutôt l’immortalité... Il me semble que cette thématique aurait méritée plus de place qu’un discours sur le sujet par une femme habillée à la mode TRON et quelques réflexions autour d’un verre.

Néanmoins, un excellent épisode.

LA CRITIQUE YR

La troisième saison de The Orville se spécialise décidément dans la mission d’offrir des sequels ou des épilogues aux opus de la seconde saison…
Ainsi, The Orville 03x01 Electric Sheep étudiait (un peu trop tardivement) les conséquences de The Orville 02x08+02x09 Identity sur la place d’Isaac au sein de l’union.
The Orville 03x02 Shadow Realms explorait (en mode méta et avec un certain mauvais goût) les ouvertures tragiques permises par The Orville 02x10 Blood Of Patriots.
Et maintenant, The Orville 03x03 Mortality Paradox révèle la plus inattendue des conséquences à The Orville 02x12 Mad Idolatry ! Cet épisode mémorable — quoique très polémique lorsque bien analysé — de la seconde saison se voulait une ambitieuse variante du chef d’œuvre ST VOY 06x13 Blink Of An Eye saupoudrée de l’exceptionnel ST TNG 03x04 Who Watches The Watchers. En raison d’une orbite multiphasique, cette planète parcourait 700 ans de sa chronologie… tous les 11 jours dans l’univers de The Orville. C’est ainsi qu’une classique exploration ethnologique au sol… avait transformé — bien malgré elle — Kelly Grayson en "déesse", figure religieuse et sujet de culte pour cette société alors primitive... mais contribuant paradoxalement à accélérer son évolution (peu ou prou comme il en avait été pour l’USS Voyager coincé dans l’orbite de la planète de Kelemane sujette à un gradient gravimétrique dans ST VOY 06x13 Blink Of An Eye).

Deux ans après, The Orville 03x03 Mortality Paradox dévoile ce que sont devenus les ressortissants de The Orville 02x12 Mad Idolatry à travers leur très lointaine descendante, Dinal...
Eh bien il faut le voir pour le croire : bénéficiant grâce à leur planète très particulière d’une chronologie accélérée par rapport aux autres sentients de l’univers, deux ans pour la Planetary Union représentent rien de moins que 50 000 ans pour cette espèce multiphasique ! Autant dire une très longue Histoire durant laquelle les ancêtres de Dinal ont pris eux-mêmes proactivement et artificiellement en main leur propre évolutionnisme (car estimant l’évolution naturelle "aveugle et ivre", i.e. trop lente et aléatoire). Finalement, ils sont devenus des êtres omniscients, omnipotents, immortels, similaires aux quelques "God like" rencontrés par James T Kirk au fil de ST TOS !
Seulement cette immortalité n’est pas sans contrepartie, ses sujets ayant progressivement connu le même "ennui existentiel" que le Continuum selon le référentiel ST VOY 02x18 Death Wish (avoir tout appris, tout vu, tout vécu... mais ne plus rien craindre). Ils cherchent donc désormais à faire "à nouveau" l’expérience de la mortalité mais sans y sacrifier leur immortalité... en somme par procuration, à travers les yeux d’humanoïdes mortels. Un "commerce de vécus" qui pourrait presque flirter avec celui de ST VOY 04x10 Random Thoughts.
Et c’est avec une ironie consommée — ou bien tel un juste retour de manivelle — que leur ancienne fausse déesse Kelly et ses semblables de l’USS Orville ont été choisis comme cobayes par Dinal et les siens pour ce "trip régressif" au moyen de simulacres (selon un update du cyberpunk de Daniel F Galouye, Philip K Dick, Bruce Sterling, William Gibson...) et ainsi que les pratiquait Q (en créant ad libitum des univers de poche comme tout démiurge digne de ce nom). À ne cependant pas confondre avec les illusions seulement télépathiques et perceptives de ST TOS 00x01 The Cage.
Dinal se fera donc passer pour Talla Keyali de retour de congé de sa planète originelle Xelaya. Et à l’occasion de l’exploration en away team de la surface de Narran 1 — une planète désertique réputée stérile mais renvoyant soudain d’inexplicables signaux de vie sentient (nécessitant donc une investigation) — Kelly Grayson, Ed Mercer, Bortus, et Gordon Malloy seront plongés (sans le comprendre au départ) dans une succession de réalités impossibles et de terres truquées, tantôt décalées, tantôt psychédéliques, avec toujours un climax pour l’obligatoire memento mori. Mais plutôt que des fantasmagories totalement aléatoires, exotiques ou gores, les environnements seront toujours partiellement empruntés aux propres souvenirs, fantasmes ou cauchemars intimes des quatre protagonistes... pour mieux explorer leurs "peurs de la mort" les plus viscérales... comme l’avaient (entre autres) fait (quoique différemment) Doctor Who 32x11 The God Complex... et bien avant ST TOS 02x01 Catspaw et ST VOY 02x23 The Thaw.
Au moment où chaque protagoniste sera convaincu — par l’enchaînement et/ou la violence des événements — que son heure avait sonné, il connaîtra une brève décorporation (ou cessation d’appartenance) de quelques secondes, tandis que ses yeux deviendront vitreux. C’est précisément le moment où les aliens immortels s’engouffreront dans son corps pour tenter de vivre intensément son dernier souffle. Dinal révélera cependant à la fin de l’enchaînement des simulacres que jamais les vies des protagonistes ne furent véritablement en danger, il fallait juste qu’ils soient convaincus du contraire. Un soulagement et des circonstances atténuantes certes, mais cela n’en était pas moins d’authentiques tortures par terreurs imposées (dans la veine de celles que Q infligeait à Picard dans ST TNG quand bien même en général pour la bonne cause). Cela vaudra en retour à Ed d’adresser à Dinal une remontrance bien sentie et toute kirkienne : « Quand on touche un ver pour qu’il bouge, on peut le tuer. Il y a des siècles, mon peuple s’est servi d’autres espèces pour expérimenter au nom du savoir. Ça ne nous a pas pris 50 000 ans pour comprendre que c’était mal. ». Brillant.

Le premier simulacre, qui est aussi le plus long, porte sur une high school étatsunienne du début du 21ème siècle en pleine forêt... Irrésistiblement, c’est-à-dire conformément à leur "incontinence exploratrice" (i.e. exactement comme dans The Orville 03x02 Shadow Realms), les protagonistes pénètrent à l’intérieur. Mais cet environnement est un semi-conducteur, et ils s’y retrouvent piégés (ni la super-force de la fausse Talla ni les armes à particules n’y changeront quoi que ce soit). Ils seront alors contraints de devoir composer avec toutes les idiosyncrasies de lycéens contemporains vivant leur vie comme si de rien n’était... ainsi qu’avec les violences du racket et des règlements de compte... dont Gordon sera inexplicablement la cible. Rien d’original en soit dans cet environnement... si ce n’est de le rencontrer sur une lointaine planète, pas même supposée abriter la vie. Plus qu’une quelconque Hodgkin’s Law Of Parallel Planetary Development ou encore une colonie d’humains "abductees" (du genre ST ENT 03x09 North Star), c’est évidemment l’inclassable ST TNG 02x12 The Royale qui vient immédiatement à l’esprit... ce qui est bon signe tant il s’agit d’un pur OVNI télévisuel.
Finalement, c’est sur le terrain de football de l’établissement que Gordon connaîtra sa NDE ("Near Death Experience") en se faisant courser puis saisir tel un fétu par la paluche de "l’ogre géant" Randall (qui en réalité terrorise tout l’établissement). La source d’inspiration de cette spectaculaire incongruité provient certainement du boss du jeu vidéo Duke Nukem 3D (troisième épisode Shrapnel City, neuvième niveau Stadium).
Le passage d’un "parc" à l’autre de ce Westworld transdimensionnel se fait par le simple franchissement d’une porte (au propre comme au figuré).

Le second simulacre est un avion commercial de l’ère contemporaine dans lequel les protagonistes débarquent en plein vol. Ils sont invités avec insistance à rejoindre "leurs" places. Mais les perturbations aériennes se multiplient dangereusement... jusqu’à ce que Gordon — as du pilotage sur n’importe quel engin volant quelle que soit l’époque — comprenne qu’il n’y a aucun pilote dans le cockpit. Non sans mal, il se familiarise alors avec les commandes, hélas pour découvrir que les réservoirs de carburant sont vides (l’illogique psychédélique même du cauchemar). Il tentera alors un atterrissage de fortune sur un glacier dans une région de très haute montagne. C’est au moment du crash paroxystiquement violent qu’Ed connaîtra à son tour sa propre NDE.

Le troisième simulacre conduit les protagonistes dans une chambre mortuaire moclane nimbée de rouge, composée de deux rangées (infinies en profondeur et en hauteur) de "cocons" en suspension au-dessus du sol. Selon Bortus, une pratique qui s’inscrit dans un rituel "d’élévation" des morts durant neuf jours. Cette superbe scénographie a quelque chose de profondément alien... et d’inquiétant comme savait l’être la saga Phantasm (1979-2016) de Don Coscarelli. L’occasion aussi de découvrir certaines facettes macabres de la culture moclane, mais aussi l’universalité du traumatisme zombie. En effet, appuyant sur un écran, la fausse Talla provoquera l’ouverture simultanée de tous les cercueils ovoïdes en lévitation. Et après un temps polynomial (subjectivement long mais en réalité assez bref), l’un des cadavres moclans ouvrira brutalement leurs yeux et se saisira de Bortus pour l’étrangler. Ce sera sa NDE ! Quelqu’un se souvient-il du film Patrick de Richard Franklin (1978) ?
S’ensuit un simulacre de transition... avec un escalier sans fin descendant dans un gouffre sans fond, à la façon des visions dantesques d’A Matter Of Life And Death de Michael Powell & Emeric Pressburger (1946).

Le quatrième simulacre mène le groupe sur Xelayah, la planète de Talla (et d’Alara), avec son ciel nocturne constellé de deux lunes et d’anneaux orbitaux radiant (comme sur la superbe Synnax dans la série Foundation). Une expérience unique puisque ce monde est physiquement hors de portée des humains en raison de sa supergravité (qui les tuerait instantanément), sauf s’ils en passent par la frustrante contrainte de rester sous la "cloche" d’un "gravity shield" (cf. The Orville 02x03 Home). La simple possibilité de sa présence à la surface de Xelayah permettra à Ed de comprendre que tout n’est en vérité que simulation. On progresse...
Un faisceau lumineux est émis à intervalles réguliers (ou codés) depuis la lointaine rive opposée du vaste (et superbe) lac Ruell. Désireux d’obtenir des réponses, Gordon et Kelly s’embarquent nuitamment sur un radeau, cette dernière "donnant l’ordre" à Ed et Bortus de rester par sécurité sur le rivage (car blessés durant les deux simulacres précédents). Mais au cours de la traversée, Grayson sera saisie par l’interminable tentacule d’une monstrueuse pieuvre, et entrainée dans les tréfonds du lac... où elle connaîtra sa NDE. N’écoutant que son "courage", la fausse Talla plonge alors sans hésiter à sa rescousse et, moyennant une capacité de nage totalement surhumaine, sauve Kelly depuis une profondeur létale.

De retour sur la rive, les héros sont témoins de la formation "spontanée" d’un escalier de pierre et d’une majestueuse porte en bois de castel... avec rien derrière ! Autant dire la façade d’un décors comme dans l’inoubliable ST TOS 03x01 Spectre Of The Gun... ou plus probablement d’un nouveau portail permettant d’accéder au simulacre suivant. Mais comprenant désormais cette logique de pur gaming (défi/récompense avec montée en niveau) digne de ST DS9 01x10 Move Along Home, le capitaine Mercer refuse de continuer à entrer dans le jeu pervers d’un marionnettiste caché imposant une errance sans fin à travers de (faux) mondes. C’est tout juste s’il ne hurle pas à la mort : "Q, en voilà assez !"
Refusant alors de franchir le portail de la résignation, les protagonistes partent délibérément dans une autre direction à la surface de cette Xelayah truquée. Après une longue marche, le tricordeur de Bortus détecte une signature énergétique en provenance d’une grotte. Et à l’intérieur de celle-ci un modèle inconnu de générateur holographique (d’une puissance, d’une élaboration et d’une portée totalement inédites)... protégé par un champ de force que Bortus réussit à désactiver. Puis Ed désintègre au "phaser" cet appareil soupçonné d’être à l’origine de toutes les illusions vécues depuis leur atterrissage sur Narran 1. Effectivement, aussitôt, l’environnement de la grotte s’efface pour révéler le désert planétaire s’étendant jusqu’à l’horizon... et la navette ECV-197-1 à proximité.

Revenu à bord de l’USS Orville (dont le capitaine par interim John LaMarr avait désespérément fait rechercher le cinq disparus en envoyant notamment un détachement au sol mais en vain), les analyses par le robot Isaac des fragments du générateur détruit et par la Dr. Finn des sujets exposés révèlent qu’il s’agirait d’une technologie très avancée d’origine kaylon combinant à la fois l’holographie et des scans neurogènes profonds, générant mécaniquement des hallucinations contrôlées. Aussitôt prévenu par radio de l’apparente capacité du pire Nemesis de l’humanité à contrôler la réalité, l’amiral Halsey dépêchera un convoi sur Narran 1. Mais insensible à la technologie mystificatrice de ses semblables, Isaac préviendra l’USS Orville que ledit convoi est en réalité constitué de vaisseaux kaylons masqués. Or exactement comme dans The Orville 03x01 Electric Sheep, l’exaspérante enseigne Charly Burke — visiblement incapable d’évoluer — tentera de jeter le doute sur le témoignage d’Isaac (soupçonné par elle de jouer double jeu pour pousser la flotte de l’Union à s’entretuer), mais après quelques instants d’hésitation, le capitaine Mercer choisira une nouvelle fois de croire Isaac, à raison. Malheureusement, trop tard, car les vaisseaux Kaylons s’abattront sur l’USS Orville comme la foudre (à cinq contre un), le privant successivement de toutes ses ressources et de tous ses systèmes vitaux. Après qu’Ed, Kelly, Gordon et Bortus furent convaincus de leur trépas imminent, et donc en passent à nouveau par une NDE (collective cette fois), le temps se figera pour une scène spectaculaire digne de ST TNG 06x25 Timescape ou encore du traumatique Stargate SG-1 10x20 Unending... au moment précis où l’un des vaisseaux attaquant entrera (intentionnellement) en collision fatale avec l’USS Orville. Et alors la fausse Talla se dévoilera sous les traits de Dinal dans un corps glorieux, lumineux et strié de rose fluo...

Il s’avérera donc qu’il s’agissait là d’une double illusion, comme avec le rêve borg de Jean-Luc Picard au début de ST First Contact, ou davantage encore dans ST TNG 04x08 Future Imperfect où l’enfant alien Barash emploiera un semblable procédé sur Riker. C’est-à-dire que le pseudo-générateur holographique aura été introduit dans le quatrième simulacre par l’alien Dinal comme plan B pour faire croire à ses "cobayes" qu’ils étaient revenus à la réalité... afin d’avoir le champ libre pour poursuivre de plus belle les simulacres... mais plus subtilement, c’est-à-dire désormais sans rupture de continuité ni invraisemblances patentes afin qu’ils ne soient pas éventés.
Et ce qui a suivi le prétendu retour au réel désertique de Narran 1 était en réalité le point de départ du cinquième simulacre, cette fois "derrière" et non après le quatrième.
Ces niveaux d’illusion très élaborés, imbriqués les uns dans les autres, ont pour vocation de déstabiliser afin de conduire à douter de la réalité elle-même, plus efficacement encore que le complotisme à la mode. Une proposition toujours ambitieuse qui n’est pas sans rappeler un des plus brillants paradigmes trekkiens dans lequel s’était justement spécialisé Brannon Braga, au travers notamment des chefs d’œuvre ST TNG 06x12 Ship In A Bottle, ST TNG 06x21 Frame Of Mind, et ST TNG 02x03 Projections. Et bien sûr leurs très nombreux épigones comme The X Files 06x21 Field Trip, Farscape 03x14+03x15 Infinite Possibilities, Stargate SG-1 03x10 Forever In A Day, SG-1 06x19 The Changeling, SG Atlantis 01x08 Home, SG Atlantis 03x06 The Real World... Ainsi que dans une certaine mesure les Solaris d’Andrei Tarkovsky (1972) et Steven Soderbergh (2002), ou encore Welt am Draht de Rainer Werner Fassbinder (1973)...

Si l’on prend la peine de les rechercher et des inventorier, The Orville 03x03 Mortality Paradox accumule une myriade d’harmoniques du Star Trek historique, de la SF audiovisuelle et littéraire, et de la culture des jeux vidéo. Mais aucun épisode de The Orville n’échappe à ce tropisme, non seulement parce que c’est dans son ADN de série parodique et méta, mais aussi et surtout parce qu’il est quasi-impossible de développer une histoire totalement originale après des milliers d’épisodes cumulés de Star Trek, Stargate, Doctor Who, The X-Files, Babylon 5, Farscape et bien d’autres films et séries, a fortiori après davantage encore de nouvelles, romans, BD, jeux en tous genres depuis plus d’un siècle — la visibilité du procédé étant en général fonction de la notoriété des sources d’inspiration (et/ou de la culture du spectateur).
La "thin blue line" entre l’acceptable et le répréhensible réside alors dans la proportion d’appropriation (picorer des bribes de-ci de-là constituent des hommages volontaires ou des revisitations coïncidentes, s’emparer de l’intégralité d’une œuvre spécifique est un plagiat en l’absence de crédits), dans la plus-value apportée (bien souvent fruit d’un savant ré-assemblage créatif)... mais aussi dans l’élégance du geste. Et lorsque les références sont nombreuses mais intelligemment employées, l’exercice oscille entre la générosité... et l’érudition culturelle. Comme l’avait pertinemment montré René Girard dans sa théorie mimétique, l’acte de création repose avant tout sur une imitation...
Or par ses multiples pouvoirs d’évocation et latitudes d’interprétation, The Orville 03x03 Mortality Paradox concentre en réalité avec intelligence de nombreux tropes centraux de l’imaginaire, aussi bien littéraire qu’audiovisuel…
Par exemple, le thème de l’entité — ou en l’occurrence de l’extraterrestre tellement avancé qu’il est indistinguible d’une divinité — vivant à travers les yeux des humains, jusqu’à faire d’eux des véhicules à expériences et sensations dans des univers créées à cette seule fin, cela renvoie aussi bien aux théories du père François Brune qu’au cycle de SF littéraire World Of Tiers (La Saga des Hommes-Dieux) de Philip José Farmer (avec lequel The Orville 03x03 Mortality Paradox partage d’ailleurs plusieurs points communs conceptuels).
Ou encore, le chemin de l’évolution (naturelle ou artificielle) aurait-il pour aboutissement, non seulement l’immortalité, mais également la démiurgie ultime, à savoir l’aptitude à créer d’autres univers, tel un relais cosmique depuis quelque autre Galactus/Galan antérieur qui aurait créé le nôtre ? Selon la thèse du cogniticien Yuval Noah Harari, cette propension — quand bien même virtuelle — existe déjà en germe chez tous les humains, et pas seulement les plus créatifs comme Stan Lee et Jack Kirby.

Les nombreuses péripéties qui composent les trois premiers quarts de l’épisode sont spectaculaires, impressionnantes, immersives, souvent surréalistes presque dans le style d’Inception de Christopher Nolan (2010), tout en distillant une profonde angoisse kafkaïenne pour qui ne possède pas l’explication (et celle-ci était quasi-impossible à anticiper ou deviner, épargnant ainsi aux personnages tout syndrome idiocratique). Par des voies récréatives et détournées, chacun des simulacres lève peut-être aussi un coin du voile sur la psyché et l’inconscient des personnages impliqués, soit autant d’informations que The Orville pourrait fort bien fructifier par la suite étant donné son internalisme acéré et scrupuleux.
Mais dans le même temps, c’est aussi un déferlement friqué quelque peu tape-à-l’œil et un poil show off de grand spectacle bourré d’effets spéciaux (certes de grande qualité) qui sera susceptible d’agacer les amateurs d’intimisme...
Certaines extensions adulescentes un zeste longuettes (le simulacre de la high school aurait gagné à être raccourci de moitié) et un ludisme onaniste transparaissent parfois derrière la tension, comme si ST TNG 02x02 Where Silence Has Lease basculait progressivement dans Farscape 03x16 Revenging Angel. Il faudra donc que les spectateurs soient complètement en phase avec le "trip" des auteurs pour ne pas percevoir un effet de dilution voire parfois de remplissage (à force). Il aurait suffi d’un cut plus resserré pour dix minutes de run en moins, et le rythme aurait été un sans-faute.
Dans le cinquième et dernier simulacre, la concomitance scénique de l’USS Orville illusoire (attaqué par les Kaylons se faisant passer pour des vaisseaux de l’Union) et de l’USS Orville authentique (qui réécrit les événements montrés au début de l’épisode avec le "nouveau" retour de Talla, mais la vraie cette fois) est susceptible de provoquer une certaine confusion d’entendement, même si ce parti pris dissociatif peut aussi être considéré comme audacieux à la façon d’une "uncanny valley", selon le point de vue.
Ce "big ride" en flux tendu pourrait constituer une petite diversion pour éviter de poser — ou plutôt de répondre — à certaines questions, e.g. « pourquoi ces souvenirs spécifiques ? » se demandait Ed...
Enfin, l’apparence que se donne Dinal est une simple coquetterie à l’usage des protagonistes puisque selon ses propres dires, son niveau panthéiste "d’union avec l’univers" transcende toute catégorisation morphologique et identitaire. Dans ce cas, pourquoi fallait-il qu’elle fasse l’effet de sortir du Tron de Steven Lisberger (1982) voire de celui de Joseph Kosinski (2010) ? Une référence un peu HS dans ce contexte, même si cela touchera probablement bien des spectateurs nostalgiques... En réalité, il faut probablement y voir une kitscherie 2.0 qui tente d’actualiser le style ST TOS en 2022...

La partition musicale de Joel McNeely est toujours une jolie réussite, nettement moins grandiloquente (et opportuniste) que celles des productions Secret Hideout en général. Certes, son manque de discrétion reste assez loin des standards bermaniens, mais elle réussit néanmoins à offrir de vrais "moments cosmiques" à la Ron Jones et/ou à la Joel Goldsmith (le fils de Jerry).

Conclusion

« Ces abstractions qui vous catégorisent, capitaine, explorateur, mari, homme, n’ont plus aucun sens quand on ne fait qu’un avec le cosmos. Et alors, sculpter un univers devient aussi facile qu’un simple clin d’œil. »
(Dinal)

The Orville 03x03 Mortality Paradox incarne l’une des plus belles illustrations de la troisième loi de Clarke, soit la démystification de toute fantasy (et religion) par le prisme de la SF.
Les dieux ne sont que des humanoïdes ayant architecturé scientifiquement leur propre évolution. Et leurs rares interactions avec nous — c’est-à-dire les créatures qu’ils furent jadis — constituent un pèlerinage à la fois documentaire et sensoriel.

The Orville 03x03 Mortality Paradox se conclue par une méditation discursive haut perchée et totalement ouverte sur la finalité eschatologique et sotériologique de l’existence, et donc sur la mortalité mais sans l’anxiolyse d’une quelconque moraline. Car dans leurs superbes réflexions métaphysiques, les protagonistes n’envisagent même pas explicitement l’évidente hypothèse déiste ou vitaliste (l’au-delà, la vie après la mort, etc.).
Sans toutefois fermer objectivement de porte (sans quoi ce ne serait plus de la SF), les regards et les convictions subjectives glissent imperceptiblement de l’agnosticisme vers l’athéisme à la manière d’un signe de maturité selon le stoïcisme antique, réservant l’espoir de l’immortalité plutôt évolutionnisme et davantage encore au transhumanisme. Somme toute, la science ou le néant ! L’ombre politiquement incorrecte de Brannon Braga — et sa mythologie de l’athéisme préfigurant le Traité d’athéologie de Michel Onfray — transparaît donc ici sans ambages.

« - La mort est une partie essentielle de la vie. C’est un noble rite de passage. »
« - Oui, selon une sagesse philosophique conventionnelle. Qui ne m’a jamais convaincu. »
« - Tu préférerais vivre éternellement ? »
« - Oui. »
« - Pourquoi ? Je veux voir ce qui se passe. »
S’asseoir autour d’un verre et philosopher sur des expériences larger than life, voilà aussi l’un des visages de "l’esprit Star Trek"...
Cette péroraison aurait non seulement eu toute sa place dans le Star Trek historique, mais qui en aurait même incarné l’un de ses zéniths. Le regard d’Ed Mercer converge d’ailleurs avec celui de Will Riker à la fin de ST Generations, un autre opus très trekkien consacré à la mortalité.

En outre, au travers de Dinal et de son espèce qui ont hypothétiquement (?) atteint le stade ultime de l’évolution par voie strictement prométhéenne et qui ont pourtant été en quelque sorte "enfantés" dans le sein de Kelly, ce troisième épisode de la troisième saison offre dans l’univers de The Orville une possible explication rationnelle sur l’origine de Q et du Continuum dans le Trekverse. Soit une démystification foncièrement trekkienne en essence... mais que pourtant Star Trek n’avait encore jamais osé jusqu’à présent quant à l’origine exacte de ses nombreux "God-like".

Cette suite inattendue à The Orville 02x12 Mad Idolatry singularise cet épisode de la seconde saison par rapport à son inspirateur ST VOY 06x13 Blink Of An Eye tout en lui conférant un télisme narratif insoupçonné.
Et combiné au très décrié The Orville 03x02 Shadow Realms, The Orville 03x03 Mortality Paradox compose paradoxalement une dialectique. Le précédent grandit celui-ci, moins à la façon d’un contraste qualitatif qu’au titre d’antinomies évolutionnistes et paradigmatiques congruentes à un même univers. C’est-à-dire à la façon d’une thèse et d’une antithèse qui ne se contredisent pas mutuellement mais se renforcent, induisant donc une émergence (au sens de Samuel Alexander), soit un tout supérieur à la somme des parties

The Orville 03x03 Mortality Paradox n’est peut-être pas un épisode parfait, mais il est un parfait Star Trek par la sophistication de ses niveaux de réalité imbriqués les uns dans les autres (comme des poupées gigognes), par son propos, sa finesse, son esprit, sa sémantique, et sa philosophie. Après tant d’années, cette réussite est à marquer d’une pierre blanche, ou plutôt rose comme Dinal.
Et loin d’en être à son coup d’essai, Cherry Chevapravatdumrong confirme ici tout son talent scénaristique.

NOTE ÉPISODE

NOTE STAR TREK

BANDE ANNONCE



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