Le Guide du voyageur galactique : Pourquoi l’absurde est essentiel à la SF ?
LE GUIDE DU VOYAGEUR GALACTIQUE : POURQUOI L’ABSURDE EST ESSENTIEL À LA SF ?
Dans le vaste univers de la science-fiction, certaines œuvres ne se contentent pas de dépeindre des mondes extraterrestres ou des futurs lointains avec sérieux et rigueur qui nous offre la possibilité d’entrevoir un avenir qui pourrait être le nôtre. Certaines œuvres choisissent de plonger notre imagination dans les confins de l’absurde pour nous offrir une critique acerbe de notre propre réalité.
C’est le cas de H2G2 : Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams, un roman de SF qui ne cesse de surprendre par son humour décalé et sa manière unique d’aborder des questions profondément humaines. D’ailleurs, dans cette quête qui est la nôtre, je me suis demandé pourquoi l’absurde est si essentiel dans ce chef-d’œuvre de la science-fiction. Que nous apprend-il sur la nature de notre existence et sur les structures qui régissent notre société ?
L’absurde, c’est nous face à nos contradictions
Le Guide du voyageur galactique commence par une situation à la fois banale et ridicule : la destruction imminente de la Terre pour faire place à une voie express spatiale. Voici donc le reflet de ce banal quotidien qui vient se heurter à nous. À première vue, cela semble être un point de départ totalement déconnecté de notre réalité, mais en y regardant de plus près, on réalise que cette scène grotesque reflète les absurdités de nos propres systèmes bureaucratiques.
Combien de décisions sont prises au nom du « progrès » sans considération pour les conséquences humaines ou environnementales ? La bureaucratie est impitoyable et dans celles des Vogons l’est également, par réciprocité, avec une obsession pour les formulaires et les procédures. Cela fait écho à nos propres institutions où le sens des priorités est souvent perdu dans un labyrinthe de paperasse administrative. Douglas Adams utilise donc l’absurde pour exacerber ces contradictions et les rendre également drôles. Parce qu’il vaut mieux en rire que d’en pleurer, comme disait l’adage.
En poussant ces situations à l’extrême, Douglas Adams révèle donc les incohérences sous-jacentes de notre existence quotidienne. Par exemple, l’idée que la Terre pourrait être détruite simplement parce qu’un avis de démolition n’a pas été consulté à temps est une satire mordante de la manière dont les petites négligences bureaucratiques peuvent avoir des conséquences disproportionnées pour une population qui n’a pas suffisamment d’information sur l’avenir d’un territoire.
L’absurde prend alors une tournure écologique lorsque la Terre est détruite. Ce geste, totalement dénué de sens pour un humain, est une simple formalité pour les Vogons, qui ne sont que des bureaucrates et qui voient, dans cette voie galactique, une tâche administrative supplémentaire à réaliser. Ce passage du livre est d’ailleurs très intéressant, car il n’est rien d’autre qu’une critique cinglante de la manière dont l’environnement est souvent sacrifié au nom du modernisme et du progrès collectif.
Dans notre monde, les décisions écologiques sont souvent prises sans tenir compte de l’impact à long terme, mais aussi avec des résultats désastreux pour les écosystèmes. Si l’univers est si vaste et indifférent, que signifie vraiment la destruction d’une planète comme la Terre ? Adams, par le biais de l’absurde, soulève alors de nombreuses questions sur la manière dont nous valorisons notre environnement dans une perspective plus large.
42 et l’illusion de la quête du sens de la vie
Un autre aspect fascinant de l’absurde dans Le Guide du voyageur galactique est sa manière de traiter notre quête personnelle pour donner un sens à la vie. L’une des idées les plus célèbres du livre est la réponse « 42 » à la question ultime sur le sens de la vie, de l’univers et de tout le reste. Cette réponse, à la fois déconcertante et surtout hilarante, reste à cet instant du récit l’illustration parfaite de ce qu’est l’absurde. En nous donnant un chiffre « normal » comme unique réponse à l’une des questions les plus profondes de l’univers, Adams met en lumière l’inconsistance de notre propre quête de sens. En fait, il met en évidence que ce que nous cherchons est déjà là, sous nos yeux, mais nous n’arrivons pas à nous convaincre que cette réponse est essentielle, car elle n’a pas été suffisamment introspectée par des esprits supérieurs.
Ce qui est génial avec « 42 », c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’une blague pour Adams ; c’est une manière de nous démontrer que ce que nous cherchons désespérément peut être complètement indifférent à nos préoccupations et c’est d’ailleurs, à ce moment, qu’une réponse de non-sens surgit et nous pousse à accepter le fait que certaines questions n’ont peut-être pas de réponse et que la quête elle-même est plus importante que le restent.
La technologie est également absurde et aliénante
Vous verrez, et c’est normal, que la technologie est omniprésente dans Le Guide du voyageur galactique, pourtant, elle n’apporte pas toujours les réponses ou plutôt le réconfort que l’on pourrait espérer recevoir.
Parlons de Marvin, le célèbre robot dépressif qui est doté d’une intelligence artificielle très avancée, ce qui lui permet de résoudre des problèmes complexes voire même impossibles. Pour ce super-robot, cette connaissance ne lui permet pas d’atteindre une certaine plénitude, car il est en permanence profondément malheureux. Son état de morosité va alors être une satire de notre propre dépendance à la technologie et à un savoir que nous ne maîtrisons pas.
Si vous préférez, il faut comprendre que savoir comment se construit un système de propulsion (c’est un exemple) ne va pas faire de nous des experts en avionique. Nous ne savons pas quoi faire d’une telle connaissance de façon concrète. Il y a donc une forme de désespoir qui s’installe en nous et nous fait entrevoir la vacuité de notre existence. Pourquoi savoir certaines choses, les comprendre, si nous ne pouvons rien en faire ?
L’absurde, ici, est flagrant. Il se manifeste par le contraste entre la technologie avancée et l’insatisfaction profonde qu’elle engendre. Dans notre société, nous voyons souvent la technologie comme un remède à nos problèmes, mais le personnage de Marvin nous rappelle que la technologie, si elle est mal utilisée ou mal comprise, peut aussi exacerber notre sentiment d’aliénation. Le Guide du voyageur galactique nous pousse ainsi à nous interroger sur la place de la technologie dans nos vies et surtout sur la manière dont elle peut à la fois nous rapprocher et nous éloigner les uns des autres.
En fin de compte, l’absurde dans Le Guide du voyageur galactique sert à nous forcer à voir notre monde sous un angle différent. En exagérant les aspects les plus irrationnels de la société, Douglas Adams nous pousse vers des croyances que nous tenons pour acquises. Il nous invite à réévaluer notre perspective sur des questions aussi fondamentales que le sens de la vie, la place de la technologie dans celle-ci, la bureaucratie et surtout l’écologie.
Mais au-delà de la simple critique facile, il nous rappelle que, dans l’immensité de l’univers, nos préoccupations peuvent parfois sembler dérisoires et cette prise de conscience, loin d’être une source de découragement, peut au contraire nous libérer, nous inciter à adopter une perspective plus légère, plus flexible face aux défis de la vie quotidienne.
Alors, si maintenant vous souhaitez lire ce roman de SF ou que vous venez de le refermer, prenez un moment pour réfléchir à votre propre existence à travers le prisme de l’absurde. Que valent vraiment nos préoccupations quotidiennes à l’échelle cosmique ?
L’absurde, plutôt que de nous plonger dans le désespoir, peut être aussi une source de libération et d’émancipation. Il nous rappelle que parfois, la meilleure réponse à l’absurdité du monde est de rire de la situation, de lâcher prise… non pas parce que nous espérons trouver toutes les réponses, mais parce que le voyage en lui-même en vaut peut-être la peine. L’absurde dans un récit de science-fiction permet de transcender les limites du réalisme pour explorer des questions fondamentales. Il déstabilise les attentes du lecteur, l’incitant à remettre en question les normes établies et les idées préconçues sur la société, la technologie ou même la nature de l’existence. Loin d’être un simple outil comique, l’absurde permet d’aborder des sujets complexes avec légèreté tout en offrant une critique acerbe du monde réel. Il pousse à réfléchir en dehors des cadres traditionnels et, par son caractère décalé, il révèle des vérités plus profondes sur la condition humaine. En somme, l’absurde, par son exagération et son caractère imprévisible, enrichit la science-fiction en lui apportant une dimension philosophique et satirique unique
Maintenant, si vous avez une serviette de bain à portée de main, vous pouvez continuer cette exploration du Guide du voyageur galactique à travers l’épisode de mon podcast Sauce Fiction, consacré à la littérature SF. Mais aussi, découvrir une mini série complètement déjantée Mohaming contre-attaque que je vous présente également dans Sauce Fiction le podcast de SF
À bientôt les fans de fiction !
SAUCE FICTION : LE PODCAST
Les illustrations des articles sont Copyright © de leurs ayants droits. Tous droits réservés.