For All Mankind : Review 2.09 Triage
En s’achevant par un pesant cliffhanger, For All Mankind 02x08 And Here’s To You avait placé les spectateurs dans un état de suspension nerveuse. Inutile donc de préciser que For All Mankind 02x09 Triage était attendu avec un surcroît d’impatience, du moins comparativement à la force tranquille des précédents épisodes de la saison.
Et pourtant, contre toute attente, en dépit de la montée en tension et en gravité géostratégique, l’avant-dernier épisode de la saison aura réussi à conserver le rythme lent et hypnotique de la série, combinant avec une authenticité rare l’exploration intime et les relations de causes à effets se déployant dans un temps polynomial.
Les deux cosmonautes russes, Ilya Yozhkine et Rolan Efimovitch Baranov ont été transportés par Tracy en LEM sur Jamestown. Le premier est décédé, littéralement carbonisé du fait de l’embrasement du mélange gazeux, enflammé par une étincelle lors du contact avec la balle tirée par le M-16 de Webster. Le second, dans le coma, souffre d’un pneumothorax (la balle reçue ne s’étant pas enfoncée trop profondément et n’ayant causé aucune fracture) et d’une hypoxie (ayant possiblement causé des lésions cérébrales). Il a été placé en soins intensifs dans l’infirmerie hermétique de Jamestown. La marine Helena Webster le veille avec angoisse et se réfugie dans la lecture de la Bible, sous le poids de la culpabilité incommensurable d’avoir abusivement tiré sur des cosmonautes désarmés, exposant dès lors le monde à une troisième guerre mondiale (comme le rappellera en parallèle Margo, il faut moins que ça pour déclencher une guerre, et les 20 millions de victimes de la WW1 seraient atteintes en quelques heures lors d’une WW3).
Grâce à d’âpres négociations, deux Soviétiques seront autorisés à venir en délégation sur la base lunaire américaine, à savoir le colonel Tsukanov et le Dr Maïakovski. Ce dernier examinera Baranov, mais la médecin de Jamestown s’opposera à son rapatriement, de peur qu’il en décède. Les relations entre les personnels de Jamestown et de Zvezda se révèleront paroxystiquement tendues, et celles-ci s’aggraveront encore suite à la vision gore du corps d’Ilya Yozhkine avant son emport par les deux Soviétiques.
Quelques temps après leur départ, le cosmonaute Rolan Baranov sortira du coma… au grand soulagement d’Helena… mais pour demander en langue anglaise l’asile politique aux USA juste après avoir pris conscience qu’il n’était ni sur Zvezda ni en URSS. Un asile que curieusement les USA (par la voix d’Ellen Wilson) lui accorderont aussi sec… conduisant les Soviétiques (et Margo elle-même généralement suspicieuse envers les autorités étatsuniennes) à penser que leur compatriote est retenu contre sa volonté et soumis à des interrogatoires musclés.
Assurément, la peinture des contacts difficiles entre les deux blocs sera saisissante de vérité, moyennant tout l’éventail de postures possibles, entre l’inébranlable suffisance des marines, l’indicible honte de la tireuse infortunée (Helena), le malaise et l’angoisse du personnel de Jamestown (Tracy en tête, littéralement tremblante à son retour de mission)… Et de l’autre côté de la barrière : l’emploi d’une langue russe – souvent non doublée ni sous-titrée on screen – mais toujours irréprochable jusque dans les plus insignifiantes interjections, la colère et le dégoût des officiels soviétiques, mais aussi le désir viscéral de bien des Russes de passer à l’Ouest aussitôt que l’occasion se présente (et cela malgré les tirs yankee ayant failli causer leur mort juste avant). Une réalité qui s’enracine avec justesse dans l’Histoire de l’URSS du monde réel comme peuvent en témoigner le fort tropisme de défections vers l’Ouest, ayant même touché e.g. Svetlana Iossifovna Allilouïeva (la propre fille de Staline !) ou encore des danseurs Roudolf Khametovitch Noureïev, Alexandre Borissovitch Godounov et Mikhaïl Nikolaïevitch Baryshnikov...
Le tout jalonné de ce flot incessant d’actualité contrefactuelle, commentant les événements à travers les prismes déformants des discours politiques et de l’exposition médiatique...
Malgré tout, quelques interrogations affleurent…
Il n’y a rien d’équivoque à ce que les deux Soviétiques dépêchés sur Jamestown (Tsukanov et Maïakovski) parlent un parfait anglais (quoique avec accent) lorsque ceux croisés par les Marines dans For All Mankind 02x08 And Here’s To You ne pouvaient articuler un seul mot en langue anglaise (après tout, l’ensemble des cosmonautes n’ont pas forcément la même formation en anglais, et ceux qui furent sélectionnés pour négocier avec les Américains avaient tout intérêt à pouvoir communiquer avec eux).
En revanche, alors que Rolan Baranov n’avait pas été fichu dans le précédent épisode de s’exprimer dans un anglais même sommaire devant les armes puis les tirs américains – au point de se précipiter lui aussi vers la caisse contenant un carton de traduction au risque d’une nouvelle méprise –, il se révèle dès sa sortie de coma être capable de parler anglais pour formuler une demande d’asile, impliquant une maîtrise linguistique bien supérieure aux locutions d’urgence véhiculaires du globish ! Bien entendu, ce serait faire insulte à une série de Ronald D Moore que de soupçonner une incohérence internaliste aussi grossière. De toute évidence, Baranov a appris en secret la langue anglaise sans rien en révéler à ses collègues pour ne pas être suspecté de sympathies pro-occidentales, et il a préféré risquer la mort face à l’incompréhension des tireurs anglophones du seul fait de la présence de feu Yozhkine. À moins que Rolan ait appris phonétiquement cette phrase tout faite de demande d’asile en anglais pour le cas hypothétique où une situation de ce genre se présenterait à lui (il y eut plusieurs précédents de ce genre dans le monde réel). Il n’est pas non plus possible d’exclure un piège très élaboré des Soviétiques dans lequel les Américains seraient tombés à pieds joints... en ne questionnant guère la logique interne des événements (une incapacité à communiquer en anglais pour empêcher un massacre mais une capacité à communiquer en anglais pour passer à l’Ouest).
Étant donné l’inconfort des USA à la suite de cette méprise lunaire et leur évidente volonté de prouver à l’URSS leur bonne foi pour éviter toute escalade, il reste étrange que la demande d’asile de Baranov soit acceptée, au risque de suggérer – par un enchaînement problématique des événements – une manipulation des États-Unis, aux yeux tant de l’URSS que de l’opinion publique internationale. Les intérêts collectifs (des USA) auraient logiquement dû l’emporter sur l’intérêt individuel (de Baranov). Pour autant, cela ne constitue pas forcément une incohérence d’écriture, car dans un esprit non-manichéen de partage des torts, la série prend visiblement le parti d’exacerber l’arrogance étatsunienne... quitte à trancher avec les scrupules individuels des protagonistes mis en scène. Ronald Reagan avait une propension bien connue à accueillir tous les transfuges dans un esprit de défi et au mépris de toute prudence stratégique, mais la chronologie de FAM présente cependant des rapports de force Est-Ouest assez différents...
Les répercussions ne se font pas attendre. Un officiel russe annonce déjà dans les médias que dans la mesure où les premiers actes de violence ont été perpétrés par les Américains sur la Lune, et dans la mesure où (selon des sources prétendument crédibles) la prochaine fusée américaine Sea Dragon prévoit d’emporter des armes nucléaires sur la Lune, l’URSS n’hésitera pas à la détruire.
C’est donc le branle-bas de combat du coté étatsunien, bien qu’un doute demeure sur la capacité réelle des Soviétiques à porter leur menace à exécution.
La première navette Bourane décolle de Sakhaline pour finalement s’arrimer à la station spatiale soviétique Mir – manifestement placée en orbite au moins trois ans avant dans la timeline de FAM (au lieu du 19 févier 1986 dans la nôtre). Un souffle froid (ou une douche froide) qui rappellera à Margo dans la solitude de sa conscience sa possible responsabilité dans ce succès soviétique…
Bien vite, il apparaîtra logique que Bourane – supposément armée selon la CIA – sera l’instrument d’un blocus lunaire soviétique, interceptant voire détruisant tous les chargements que les USA pourraient y envoyer au moyen de la puissante fusée Sea Dragon (à décollage submaritime à 50 km au large de Guam). Il faut dire en effet que l’autonomie limitée des navettes spatiale de cette ère – quand bien même nettement plus avancées que dans notre timeline – ne permettent aucunement de contourner l’étroite "route spatiale" de l’injection translunaire imposée par le transfert de Hohmann. Dès lors, un tel blocus n’a rien d’invraisemblable...
En tant que DRH et responsable des opérations, Molly transmettra donc l’ordre du Pentagone à Baldwin de faire prématurément décoller la navette atomique Pathfinder avant même la fin des simulations et des essais pour convoyer Sea Dragon 17 jusqu’à Jamestown et tenir en respect les Soviétiques… telle une caravane de colons à travers l’Oklahoma protégée par les Tuniques Bleues pour dissuader les Amérindiens d’attaquer…
Curieuse sensation pour Ed de se retrouver de l’autre côté du mur, lui qui s’était tenu durant presque dix ans à la place de Cobb, et qui n’est désormais plus autorisé à connaître les détails secret défense, notamment la nature exacte du chargement de Sea Dragon à propos duquel les déclarations soviétiques ne sont pas forcément infondées. Le centre de commande de Pathfinder sera en outre distinct de celui de la NASA à Houston, qui plus est en comité restreint et sous la supervision du général Bradford, Madison n’étant pas autorisée à assister aux opérations (contrairement à Ellen).
Et pour Ed, ce sera une mission à haut risque, rien que par le caractère inaugural de ce vol précipité, et ensuite par la confrontation bien incertaine avec Bourane. L’amiral commandant laissera donc la liberté à ses deux coéquipiers, Gary et Sally, de se retirer. Mais après quelques hésitations, n’écoutant que leur devoir, ces derniers embarqueront. Chacun recevra une arme à feu, non seulement pour se défendre... mais également pour ne pas tomber vivant entre les mains soviétiques. Les enjeux sont donc éloquents. L’opération présente malgré tout une vocation dissuasive, car comme le résumera parfaitement Baldwin : « Si quelqu’un tire, on aura échoué ».
Délibérément, la mise en scène induira le spectateur en erreur… afin d’asséner une surprise de taille… du moins à l’aimable attention des passionnés à la fois de SF et d’astronautique réelle ! Saturant la diégèse de tous les checks et procédures astronautiques pré-décollage au réalisme sans faille que cultive avec tant de maestria la série, le spectateur s’imagine que Pathfinder est toujours au sol, attendant que son lanceur ou propulseur d’appoint décolle verticalement. Sauf qu’à un moment, la caméra pivote, et il apparaît soudain que le Pathfinder est déjà dans les airs, à 25 000 pieds (ou 7 600 mètres), transporté à 430 km/h sur le dos d’un aéronef – le véhicule de lancement étant en réalité un gros porteur, le FRED 807A9 !
S’ensuivra une délicate séparation, puis le Pathfinder attendra que l’aéronef porteur soit hors de portée de ses réacteurs pour allumer son moteur nucléaire. Et tandis qu’une troisième tuyère s’illuminera d’un blanc éclatant, le Pathfinder quittera la haute atmosphère et s’arrachera à l’attraction terrestre par un delta-v phénoménal. Fort de son moteur nucléaire pleinement opérationnel au premier essai, l’astronef gagnera triomphalement la LEO puis l’injection translunaire sur un air de musique classique évoquant 2001…
L’épisode a donc réussi, l’air de rien, à ménager une surprise de taille en offrant à l’Histoire spatiale un moment proprement historique, au moins aussi important que les navettes spatiales lunaires de première génération. À savoir un orbiteur astronautique de seconde génération, non plus à décollage vertical (comme tous les lanceurs actuels), mais à décollage horizontal (comme les avions au départ, mais avec la possibilité de quitter progressivement la troposphère puis la stratosphère…). Ce qui est totalement logique au regard des contraintes imposées par le moteur nucléaire (ne devant pas être exposé à de trop brutaux changements de pression et de température), mais également au regard de ses réserves de poussée et de son autonomie, représentant dès lors une avancée significative en direction de tous les astronefs et navettes orbitales à décollages horizontaux qui inondent la SF – Star Trek en tête. Baldwin ne manquera d’ailleurs pas de convoquer l’historique de ce fantasme aussi vieux que l’astronautique avec les X-15 qui effleuraient l’espace sans pouvoir l’atteindre.
Un grand moment du rock’n’roll, bouleversant pour les connaisseurs, et au cœur de la vocation prequelle de FAM. Un moment qui pourrait presque valoir à lui tout seul – d’une perspective symbolique – la note maximale à l’épisode.
Et une incontestable source d’inspiration, voire une feuille de route pour les défis spatiaux du futur immédiat dans le monde réel...
Mais revenons à ladite arrogance géostratégique étatsunienne. Il faut croire que celle-ci conduira à un nouveau cliffhanger de fin d’épisode, quant à lui bien plus traumatique encore que le précédent. Cette fois, loin de toute méprise ou incommunicabilité, une escouade de cinq cosmonautes soviétiques (minimum) prendront violemment d’assaut Jamestown ! Tirant d’abord des balles dans les hublots de la salle de commande, les vitres finiront par céder, provoquant une violente dépressurisation à laquelle ne survivra pas l’un des astronautes de service (littéralement expulsé sans combinaison à la surface de la Lune), tandis que les trois autres réussiront à se réfugier dans une coursive (en fermant avec mille difficultés la porte hermétique) et que le commandant Rossi se retrouvera isolé dans sa cabine attenante. Puis, franchissant les hublots béants, comme en territoire conquis, les cosmonautes en combinaison et armés jusqu’aux dents poseront leur pied dans le centre de commande dépressurisé de Jamestown !
Ce coup de théâtre est d’une violence à laquelle la série FAM ne nous avait pas habituée jusqu’à maintenant. Mais surtout, ses fondements stratégiques ont de quoi interpeller... Car autant, la destruction du vol KAL 007 le 1er septembre 1983 par la défense aérienne soviétique ainsi que la fusillade d’astro-marines sur deux cosmonautes désarmés pouvaient officiellement passer pour des accidents involontaires (quand bien même l’autre camp n’y croirait pas et quand bien les complotismes prospéreraient), autant l’attaque armée de la base Jamestown ne pourra jamais bénéficier d’un cover up accidentel. Il s’agit donc ici d’un authentique casus belli par l’intention, c’est-à-dire d’une rupture paradigmatique dans la dynamique d’escalade.
Il serait alors permis de déplorer que la série confère ainsi le mauvais rôle, si ce n’est moral, du moins stratégique aux Soviétiques. Car lorsqu’on fait le bilan, outre le drame du KAL 007 commun aux deux timelines, ce sont tout de même les Soviétiques qui se sont au départ emparés – tels des pirates ou des corsaires – de la mine de lithium américaine dans le cratère 357/Bravo. La reconquista musclée par les USA de ce territoire abusivement annexé, puis l’accident bien involontaire avec Baranov et Yozhkine n’en sont que la résultante rétributive. Du coup, une nouvelle fois, ce sont les Soviétiques qui semblent franchir un nouveau Rubicon dans le réchauffement critique de la Guerre froide…
Malgré tout, et au risque de voir "l’ultime frontière" lunaire se transformer en nouveau far west, pour mieux saisir l’équilibre (et donc la parfaite réciprocité) de ce rapport de force, il faut prendre la peine de considérer la perspective des Soviétiques et la seule manière dont ils pouvaient percevoir l’enchainement trompeur des événements. Qu’un de leur cosmonaute ayant frisé la mort sous le feu étatsunien (après l’assassinat de son collègue) et apparemment soigné sur Jamestown ait demandé l’asile juste après avoir repris connaissance, cela présente toutes les caractéristiques d’une capture (et d’une torture) sous couvert de charité et avec la bénédiction de l’opinion publique. Dès lors, pour ne pas laisser passer un tel camouflet et ne pas abandonner un de leurs ressortissants aux mains de l’ennemi (avec le risque qu’il révèle des secrets vitaux), après avoir endormi la méfiance étatsunienne en maintenant la mission de paix Soyouz-Apollo, la seule option viable pour les Soviétiques était d’attaquer Jamestown, non pour en massacrer sciemment tous les occupants mais pour récupérer Baranov avant qu’il ne soit envoyé aux USA...
Auquel cas, l’erreur stratégique, ce ne serait pas les Soviétiques qui l’auraient commise, mais bien les Américains – et possiblement l’héroïne Ellen Wilson elle-même – en accédant inconsidérément à cette demande d’asile... qui pourrait presque s’apparenter à un piège en étant un brin parano.
Mais en plus des bâtiments de la flotte russe faisant route vers le canal de Panama et la tentative de blocus lunaire au moyen de la navette Bourane (ayant conduit les USA a placé leur état d’alerte sur Defcon 3), l’assaut armé sur Jamestown confirmerait en creux que l’URSS de la timeline de FAM est bien plus robuste – militairement et économiquement – que la "nôtre" à la même époque pour ne pas craindre de provoquer et défier ainsi frontalement les USA, ce qui accréditerait alors intelligemment une divergence causale bien antérieure à la survie de Sergueï Korolev en 1966.
L’enfer s’abat donc sur Jamestown à la fin de For All Mankind 02x09 Triage. Outre les astro-marines qui feront pour la première fois un usage légitime de leur M-16 sur la Lune, la lente quête personnelle de rédemption de Gordo l’aura poussé à rejoindre Tracy sur l’astre sélénite pour tomber à pic au moment de l’arrivée en force des Soviets. Un bel exemple de construction narrative au long cours maîtrisée. De quoi "pimenter" ce séjour lunaire qui s’apparentait de plus en plus pour les deux tourtereaux à Moonlighting – Gordo venant d’ailleurs de sortir à Tracy le grand jeu du karaoké sur I can’t Make It Alone de PJ Proby... avant de l’emballer dans la fumerie clandestine.
L’évolution d’Ellen est relativement singulière. Alors qu’elle projette très sérieusement depuis plusieurs épisodes d’abandonner toutes ses fonctions et décliner sa nomination d’administratrice permanente à la tête de la NASA, ses démonstrations de force depuis FAM 02x07 Don’t Be Cruel semblent lui monter à la tête, ou du moins durcir sa prudence et son humilité originelle.
Il faut voir avec quelle assurance elle a immédiatement accédé à la demande d’asile du cosmonaute Rolan Efimovitch Baranov en dépit d’un terrain plus miné que jamais (or vu l’écoute que lui accorde le président Reagan, il est probable que son avis défavorable se serait traduit par une issue fort différente).
Mais comme si cela ne suffisait pas, Ellen était également prête à adresser un avis défavorable à la poursuite de la mission Soyouz-Apollo, alors que la stratégie la plus intelligente consistait à laisser aux Soviétiques l’initiative de l’éventuelle annulation, avec à la clef – dans le cas où les deux blocs suivraient une semblable logique – la préservation de l’ultime symbole qui pourrait empêcher une escalade vers la WW3. Parce que dans toute société – même totalitaire – soucieuse de son image et apportant donc une place cardinale à la propagande, l’ultime garde-fou sera le symbole.
En somme, Ellen ou les pires choix possibles, comme un fait exprès au service consciencieux de l’apocalypse nucléaire...
Il faudra la finesse modeste de Madison pour réussir à convaincre l’arrogante Waverly de continuer à soutenir Soyouz-Apollo, ne fût-ce que comme litmus de l’état réel des relations Est-Ouest…
Autant dire qu’Ellen commence bel et bien à dévoiler le profil d’une pure politicienne, avec tout ce que ça implique de narcissisme et d’irresponsabilité. Rien d’étonnant qu’elle soit une "person of interest" pour Lee Atwater, conseiller spécial de Ronald Reagan pour les affaires politiques, grand marionnettiste électoraliste du parti républicain, chasseur de têtes à la recherche des sénateurs de demain et des futurs présidentiables d’après-demain... que cet ersatz de Roger Stone fabrique avec la même "déontologie" que des vedettes de catch.
C’est donc précisément au moment où le spectateur se met doucement à douter de la légitimité d’Ellen au poste qui lui est temporairement assigné que le destin se chargera de la convaincre de le conserver, tout en renforçant sa détermination "carnassière"… après les larmes et les sanglots de la rupture.
En effet, il suffira que Pam découvre au travers d’un échange avec Larry Wilson que les plus illustres destinées politiques s’offrent à son amante, en complément de la plus haute carrière à la NASA… pour qu’elle décide de s’effacer et disparaître par l’entremise d’une lettre de rupture où elle prétendra aimer davantage sa copine précédente, Élise.
Un touchant sacrifice altruiste de la part de Holton – d’autant plus touchant qu’anti-soapesque – du moins à supposer qu’elle soit vraiment partie du principe que sa relation avec Waverly constituait le seul handicap à toutes ces prometteuses ambitions, car il n’est pas non plus à exclure que Pam ait été surtout intimidée par tant d’honneurs et de paillettes, percevant un décalage social croissant entre elle et Ellen (à l’exemple de celui qui ne cesse d’opposer Wayne à Molly mais dont la relation mutuelle a pourtant réussi à se nourrir).
Les allergiques au soap opera se réjouiront probablement de cette cloture, car cela fera toujours un peu moins de romantisme à l’écran. Cependant, cette initiative renforce encore davantage la logique du "tout ou rien" cultivée par Ellen dans l’épisode précédent... jusqu’à la faire triompher de facto ici ! Comme si Pam, qui fut à l’origine de la rupture originelle (dans la première saison) du fait d’une pseudo-"pureté" ou "orthodoxie" LGBT, partait soudain du principe qu’Ellen, pourtant si diplomate et si peu militante, serait incapable d’une demi-mesure pragmatique (dans cette zone de gris que chantait Karen)... alors que son mariage-lavande avec Larry lui permettait de vivre librement sa relation gay, au minimum à la tête de la NASA, voire même en tant que sénatrice un jour – le progressisme accru de la timeline de FAM se chargeant du reste... Mais il fallait visiblement que la série restât dans une logique d’alternative exclusive : la gloire et le pouvoir XOR l’homosexualité... quitte à y sacrifier des leviers stratégiques susceptibles de faire progresser la cause LGBTQIA+.
Alors oui, Pam s’est sacrifiée, c’est bô. Mais ce sacrifice, au pire n’était pas nécessaire, au mieux est pour le moins grandiloquent...
Et il n’est pas impossible que la NASA ait à le regretter par la suite si la série venait à confirmer certaines des tendances inquiétantes qui s’esquissent chez Ellen. Auquel cas, ces quelques frustrations narratives ne seraient plus à verser au débit de l’écriture, mais paradoxalement à son crédit...
Kelly est revenue au sein de son foyer d’adoption – plus confiante que jamais après son escapade "aux frontières" du Viêt-Nam.
Mais sa mère, elle, est confrontée à la gueule de bois de la dysphorie post-coïtale. N’ayant encore jamais trompé son mari (et amour de jeunesse), n’ayant pas non plus vocation à le faire sur des bases régulières, elle se révèle bien désemparée, largement incapable de dissimuler bien longtemps sa faute à son époux. Ironisant pour s’endurcir – et en même temps pour édifier sa fille – suite à l’annonce par Ed de son départ prématuré et classifié en Pathfinder, Karen dissimule si mal sa nervosité et son malaise qu’elle se retrouve bien vite acculée, dans ce genre de situation où elle en a trop dit pour pouvoir reporter ses aveux à une séance ultérieure. Pressurisée comme un citron par Ed avant son départ pour le pas de tir, elle finira par lâcher le morceau, toute penaude, s’engageant à ne jamais réitérer ce qui n’était pour elle qu’un one shot, tout en appelant à la médiation d’un conseiller conjugal pour sauver le couple. Karen ne révélera toutefois pas l’identité de son amant d’un soir, évitant ainsi à Danny de fâcheuses conséquences...
Évidemment, la réaction d’Edward se fera très violente, tombant des nues d’abord, et ne captant strictement rien aux justifications exposées par sa femme, qui s’apparenteront tout au mieux pour lui à une casuistique byzantine absconse. C’est alors que Karen lui adressera une vérité qui n’aurait assurément pas sa place dans un "fortune cookie", mais qui stigmatise avec panache l’état d’esprit primaire et binaire de ces vaillants serviteurs de l’état en uniforme, moyennant un polysémie liant remarquablement bien le privé au public, s’appliquant aussi bien aux questions privées de cul et de cœur qu’aux affaire d’états et de stratégie qui secouent en parallèle les relations USA-URSS : « Tu aimes que ce soit simple. Partant ou pas, blanc ou noir, oui ou non. Tu vis dans un monde binaire parfait, qui n’existe pas pour le reste du monde. Moi je vis dans la zone grise, où tout est compliqué et où rien n’est simple. Ed. »
La modeste épouse-n’ayant-jamais-rêvé-d’espace du vaillant héros-pionnier de l’astronautique réussira ainsi à tirer de sa pauvre errance extraconjugale un germe idéel – un sème – qu’elle implantera – possiblement de façon féconde – dans l’esprit de son mari avant son départ pour une mission périlleuse. Et c’est ainsi que par les chemins de traverse les plus inattendus, la petite histoire intime finit par fertiliser la grande Histoire uchronique.
Oh bien sûr, il serait permis de faire à Karen le grief de son incontinence. N’est-ce pas irresponsable et égocentrique de pourrir ainsi l’esprit de son mari avant une mission hautement périlleuse dont rien ne garantit qu’il reviendra vivant ?! Certes. Mais l’incapacité de mentir à son mari est aussi l’honneur de Karen, évitant ainsi d’ajouter la tromperie à l’adultère. Et peut-être que les quelques vérités exprimées par Karen feront la différence, là-bas, quelque part entre la Terre et la Lune, dans les clairs-obscurs des infinies nuances de gris… qui caractérisaient également la série de ST DS9 dans les propres scenarii de Ronald D Moore.
Déjà, les propos de Karen hantent Ed dans son parcours de solitude... Il était parti furieux, dans son cabriolet, sans un au revoir. Dans un diner de Cap Canaveral, il a retiré son alliance pour "tringler" une blonde croisée au bar… mais sans y parvenir vraiment au pieu… affrontant alors la suprême humiliation pour la virilité masculine. Eh oui, l’adultère de représailles ne peut symétriser l’adultère thérapeutique...
Puis dans le silence des sphères célestes, à bord du Pathfinder, des images et de paroles de Karen ne cesseront de le hanter. Paradoxalement, sa femme sera ainsi plus que jamais à ses côtés pour le difficile voyage qui s’annonce…
Quoique loin de la grande scène de l’univers, un autre drame pas moins tragique continue à hurler sa détresse dans l’intimité des alcôves : la cécité programmée de Molly Cobb.
Devant l’incurabilité d’un glaucome à pression normale, il est assez compréhensible que Molly se tourne vers des médecines alternatives, la perspective de devenir aveugle terroriserait n’importe qui, mais bien davantage encore celui ou celle dont la vocation d’exister, la raison d’être est indexée sur le pilotage et le vol aéro. De désespoir, elle s’est ainsi trouvée – de l’autre côté du Rio Grande, à Guadalajara, là où les règlementations et les contrôles médicaux sont moins contraignants – une clinique privée où un traitement non conventionnel est pratiqué (injection d’antioxydants directement dans l’œil) pour guérir de semblable glaucomes, moyennant les coquettes sommes de 10 000 dollars avant le traitement et 15 000 après. Le hic, c’est qu’hormis quelques témoignages de satisfaction possiblement bidonnés sur une brochure publicitaire, ce praticien exerçant au Mexique ne fournit aucune vraie donnée médicale, ni protocole, ni essai clinique, ni analyse post-opératoire, ni caution de spécialistes reconnus. Et cette facette sera déterminante aux yeux de Wayne… qui dans sa jeunesse était supposé prendre le relai de son père, ponte médical s’il en est. Il va donc de soi que de son point de vue, sa femme est prête à se faire entuber par un charlatan… qui pourrait très bien lui faire perdre la vue bien plus vite, voire la tuer. Et il préfère encore accompagner benoîtement son épouse dans l’humiliation et la petite mort de la cécité.
Il en résultera une violente confrontation d’entendement, qui attendra son paroxysme ontologique dans la définition radicalement opposée des notions de courage : Molly étant l’illustration vivante de l’héroïsme insouciant et casse-cou des "fous volants", ayant développé un relation à la prise de risque comparable à l’addiction envers une drogue dure ; tandis que Wayne – terrorisé à la seule vision d’un décollage de fusée à la télévision – érigera le fatalisme envers l’inéluctable déchéance humaine (à l’exemple de sa mère en fauteuil roulant) en parangon du témérité. Chacun devenant dès lors, selon des définitions aussi antinomiques, le "lâche" de l’autre.
Cette opposition philosophique entre l’héroïsme de l’extraordinaire et l’héroïsme de l’ordinaire, c’est ni plus ni moins la problématique du Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline.
Mais empiriquement, FAM saisit parfaitement ici le problème des victimes atteintes de maux incurables dont l’entourage familial préférera presque toujours les tragédies certaines dans l’orthodoxie médicale... aux probabilités très faibles – et souvent risquées – de rémissions en dehors des clous. Donnant parfois l’impression de se transformer en Annie Wilkes de Misery (de Rob Reiner) envers leurs proches aimés…
Préférant sans doute que son indomptable femme "succède" à sa mère dans le rapport de dépendance plutôt que de la perdre brutalement, Wayne ne manquera d’ailleurs pas d’exercer un chantage explicite en menaçant Molly de la quitter définitivement si jamais elle avait l’impudence – et l’inconscience – de suivre ce traitement que la médecine réprouve. Et de bouffées hystériques en insultes mutuelles, les deux époux rompront cathartiquement…
Et pourtant, cette relation hors norme unissant deux parfaits contraires finira en définitive par l’emporter, Molly revenant finalement à Wayne dans un grand moment d’affection (pudique et sans mélo), apparemment résignée désormais face à son destin tragique… quitte pour cela à trahir quelque peu sa nature, en cessant pour la première fois de prendre les risques fous ayant guidé son existence, renonçant donc à mourir comme elle a vécu.
Grâce à Margo Madison, la mission conjointe Soyouz-Apollo est donc maintenue, du moins du côté américain.
Du centre de contrôle de Houston à la salle blanche d’attente puis à l’habitacle d’Apollo 75 de Cap Canaveral, tout le personnel de la NASA est fébrilement suspendu au décollage incertain de Soyouz, donc à la décision soviétique. Y compris le CAPCOM vétéran Bill Strausser et l’ingénieure rebelle Aleida Rosales dont une apparition fugace et presque muette, mais néanmoins signifiante, entérinera non seulement leur retour commun à la NASA, mais également leur réconciliation et désormais complicité nouvelle.
Nathan Morrison et Danielle Poole ne sont pas en reste. Cette dernière, désormais revenue de la sinistre URSS, a retrouvé son grand sourire… et son optimisme qui déplacerait des montagnes. Et durant l’interminable attente, parée à décoller pour apporter une lueur d’espoir dans une ligne temporelle désormais au seuil du cataclysme, elle offrira l’un des plus poignants hommages externalistes de l’Histoire audiovisuelle à Star Trek en citant explicitement une réplique entière – l’une des plus mémorables – de James T Kirk, avec la même déférence que les croyants citent les Saintes Écritures : « Nous sommes des êtres humains avec le poids de millions de génocides sur la conscience. Mais stoppons tout ça. Admettons une fois pour toutes que nous sommes des tueurs. Et décidons d’arrêter le massacre. C’est tout ce qu’il faut. Décider qu’à partir d’aujourd’hui, nous ne tuerons plus. » Contrairement aux clins d’œil putassiers dont usent et abusent certains arnaqueurs d’Hollywood, Danielle ira sourcer cette "citation biblique" en désignant explicitement – fait rare – le titre, le numéro de l’épisode et même sa date de diffusion (23 février 1967), à savoir Deutéronome 12:1-19, euh pardon : Star Trek The Original Series 01x23 A Taste Of Armageddon de Robert Hamner et Gene L Coon. Assurément l’un des meilleurs opus de la franchise, et constituant visiblement un autre point fixe d’invariance entre les deux réalités. Si Morrison verra en elle une pure trekkie, Poole rappellera surtout ici implicitement l’importance culturelle, presque messianique, et souvent sous-estimée en France de la série originale de Star Trek au sein de la communauté afro-américaine.
Et lorsque plus tard, au soulagement général, Sergueï Orestovich Nikulov transmettra à Margo en visiophonie analogique depuis Moscou son "go" inespéré, c’est à travers l’interface de Star Trek que Danielle donnera l’ordre de décollage à Nathan : « M. Sulu, mettez-nous en orbite terrestre ». Auquel il répliquera tout naturellement : « À vos ordres, capitaine ».
Alors que For All Mankind pourrait se définir comme le prequel du prequel du prequel de Star Trek, la série de Ronald D Moore assume paradoxalement aussi les influences de cette saga sur sa réalité alternative jusqu’à en inspirer le progressisme et l’héroïsme pionnier. Une dédicace amoureuse et une superbe mise en abyme méta, combinant internalisme et externalisme d’une façon encore inédite, scellant l’indéboulonnable humanisme de la vision d’auteurs qui appartiennent à l’Histoire créative du Real Star Trek.
Pour finir, l’épisode mérite un focus sur sa forme très soignée et pensée...
La mémorable discussion entre le couple Baldwin se tient de nuit sur un parking. Elle illustre par le visuel le sens des propos des Karen (le gris), mais aussi les tiraillements de ce carrefour existentiel (rester ou partir).
Lorsque Molly décide de faire demi-tour en direction de son mari, renonçant à son projet thérapeutique incertain, elle suit la projection du soleil ciselée par la porte du hangar aéronautique. Ce plan la montre donc en train de suivre une lumière rétrécie, auréolée d’obscurité. Soit une vaticination graphique de la cécité qui vient mais que Molly a désormais choisi en plein connaissance de cause, acceptant d’investir l’angle mort de la relation avec son mari.
Le plan final de l’invasion de Jamestown fait baigner les cosmonautes soviétiques d’une lumière rouge, figurant ainsi le "péril rouge". Et pour annoncer ce basculement du fantasme à la réalité, la visite officielle de Tsukanov et le Maïakovsk s’accompagnait également de l’éclairage carmin du sas, tel un mauvais présage. Une perspective cependant réversible car les visages du personnel de Jamestown se pressant derrière le hublot paraissaient aussi inquiétants que ceux qui hantaient ST TOS 03x17 The Mark Of Gideon.
Cet inventaire non exhaustif du langage visuel de l’opus montre qu’outre de s’appuyer sur un worldbuilding sans faille, une psychologie très fouillée, une extrapolation scientifique implacable, et une écriture multidimensionnelle, For All Mankind sait aussi être plastique au moyen d’une symbolique signifiante venant en renfort de la narration – l’épisode pouvant presque être résumé en images.
Curieux hasard du calendrier : cette seconde saison fut développée, écrite et produite pendant la fin du mandat de Donald Trump, alors que rien ne permettait encore d’anticiper avec certitude la victoire de Joe Biden et la dégradation corollaire des relations entre États-Unis et Russie. Et pourtant, difficile de ne pas être saisi par le troublant parallèle entre l’actualité du monde réel en avril 2021... et l’envenimement géostratégique et diplomatique, semaine après semaine, entre les USA et l’URSS dans la chronologie de For All Mankind en 1983 – modulo la composante spatiale bien sûr.
Conclusion
For All Mankind 02x09 Triage porte à un niveau sans précédent le degré d’intrication quantique entre l’intime et le géopolitique, entre le micro et le macro, chacun faisant le curieux effet de procéder de l’autre et réciproquement. Non seulement l’épisode atteint un parfait point d’équilibre entre le soap opera et la grande Histoire, mais il réussit même à légitimer rétrospectivement dans le champ cardinal de l’internalisme les ressorts qui avaient subjectivement pu sembler trop intimistes, trop soapy, voire HS durant les épisodes précédents. En effet, tous les fils interpersonnels (Karen et Ed, Gordo et Tracy, Ellen et Pam, Molly et Wayne, Margo et Sergueï, Danielle, Aleida et Bill…) patiemment tissés au cours de la saison concourent à éclairer le sens de cet épisode pré-conclusif, et leur puissance homothétique n’aurait probablement pas été aussi grande s’ils avaient été abrégés. À l’instar du magnifique discours tenu par Karen sur les zones de gris que son mari Ed a du mal à appréhender à travers son entendement binaire d’ex-soldat, même les errances psychologiques et sexuelles – perçues comme "crindge" de prime abord – viennent finalement apporter du sens et de la nuance aux grands enjeux géopolitiques… jusqu’à conférer son nom au grand final de la saison, FAM 02x10 The Grey.
Somme toute, rien n’aura été gratuit dans cette série.
Comme l’agencement en jeu de taquin (ou en jeu de piste) de cette critique le prouve, For All Mankind 02x09 Triage peut également être cité en exemple de complexité d’écriture tant chaque composante diégétiques est intimement liée aux autres sur le plan causal, avec un degré d’interpénétration record, formant un mandala ou une tapisserie dont il ne serait pas possible de tirer un fil sans défaire tout l’édifice, conformément à l’enseignement de l’un des meilleurs épisodes jamais écrits par Ronald D Moore, à savoir Star Trek The Next Generation 06x15 Tapestry.
Il en ressort cette jouissance si rare de l’euréka – un privilège dévolu à une poignée de séries imaginaires véritablement et intrinsèquement cohérentes – lorsque des partis pris laissant initialement sceptiques, prennent rétroactivement tout leur sens vers la fin du "run", à l’image des troisième et quatrième saisons d’Enterprise qui venaient légitimer tout ce qui avait laissé les spectateurs perplexes dans les deux premières (et même "avant")...
Ainsi, For All Mankind 02x09 Triage est un épisode qui ne se contente pas de plaider pour lui-même, mais bel et bien pour l’ensemble de la seconde saison et pour son paradigme foncièrement character driven dans la composition de l’uchronie. Sa méticulosité acérée (en psychologie, en sciences, en technologie...) au service d’une continuité acribique ne cesse de témoigner de la maîtrise de construction globale des showrunners, jusque dans les apparentes imperfections des comportements et des choix tactiques... forgées dans l’exaspérante imperfection des décisions humaines, pour toujours davantage de réalisme contextuel.
En bonus, et non des moindres : l’épisode offre le plus bel hommage possible à Star Trek The Original Series ainsi que la toute première mise en orbite par voie aéronautique de l’Histoire de l’humanité, tel le chaînon évolutionniste manquant entre le réel et les rêves de SF.
Autant dire un vrai top de la série voire même de la SF en général.
Quitte à détourner la célèbre formule de Carl Philipp Gottlieb von Clausewitz : For All Mankind serait en quelque sorte la continuation de Star Trek par d’autres moyens...
De là à conclure qu’il ne faut surtout pas porter le label "Star Trek" aujourd’hui pour pouvoir être trekkien, il n’y a qu’un pas...
ÉPISODE
Episode : 2.09
Titre : Triage
Date de première diffusion : 16 avril 2021 (Apple TV+)
Réalisateur : Sergio Mimica-Gezzan
Scénaristes : Bradley Thompson et David Weddle
BANDE ANNONCE
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