Foundation : Review 1.05 Upon Awakening

Date : 19 / 10 / 2021 à 14h30
Sources :

Unification


Il est un terrain suspensif sur lequel la série Fondation ne fait pas les choses à moitié : Foundation 01x04 Barbarians At The Gate s’était en effet achevé, non par un, mais par deux, voire par trois cliffhangers ! Le premier portait sur l’attaque imminente de Terminus City par les troupes anacréoniennes, le second sur l’entrée en scène du personnage littéraire de Lord Dorwin (devenu ici le commandant Kray Dorwin), et le troisième sur la "reprise de contact" avec Gaal enfermée dans un caisson de stase spatial.

La construction narrative de ce cinquième opus ne suit malheureusement pas le schéma du troisième mais plutôt du quatrième, nettement plus télévisuel. À savoir des navettes incessantes entre les histoires A et B... hélas sans que cette fois la diégèse ne le justifie (étant donné l’absence de toute interconnexion symbolique au causale). Par homogénéité envers la suite de la série, nous renommerons D l’histoire B.
En revanche, les points de bascule sont calculés pour être aussi générateurs de suspens que possible, comme pour tenter de créer une multitude de cliffhangers artificiels à l’intérieur de l’épisode. Si ce procédé racoleur est un hommage aux découpages des serials d’il y a un siècle, il ne s’applique aucunement au style des pulps dans lesquels Isaac Asimov publiait ses premières nouvelles...

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu (forcément riche en spoilers), veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

(D) Le voyage de Gaal, où la poésie et l’introspection s’égarent parfois dans l’hagiographie et le nombrilisme

Marquant le milieu de saison, Foundation 01x05 Upon Awakening vient enfin lever le voile sur les événements tragiques par lesquels s’était achevé Foundation 01x02 Preparing To Live : l’assassinat de Hari Seldon par son fils adoptif et premier disciple, l’expulsion de Dornick hors du vaisseau Deliverance (quoique réapparue ensuite comme narratrice intradiégétique), et la disparition des radars de Raych Foss. C’est à eux que sera consacrée une bonne moitié de ce cinquième épisode, mais à travers le destin peu commun de Gaal sur le temps long : née et ayant grandi dans le plus obscurantiste des mondes, rien ne laisser présager qu’elle allait rejoindre l’élite scientifique de l’Empire galactique… puis être exilée vers Terminus… avant d’être éconduite vers des rivages plus douloureux encore, à savoir les affres de l’erreur judiciaire, des deuils multiples, du déphasage temporel, et de la calomnie ou de l’oubli par la postérité… jusqu’à une rivière de solitude dans un vaisseau fantomatique aux mains d’une IA impénétrable la conduisant vers une destination inconnue.

Cette histoire D est assurément portée par le souffle de la Hard SF.

Elle débute par la jeunesse de Gaal sur Synnax, plongée dans le conditionnement aliénant de la Religion du Grand Éveil (Faith of the Awakening en VO), promue novice, bientôt votive, et promise à la plus haute carrière cléricale. Mais au prix d’un perpétuel déni de réalité (la montée des eaux et la dégradation de l’écosystème) par soumission fataliste à l’omnipotence présumée d’un mystérieux Seer (ou Celui-qui-voit en VF), et impliquant l’élimination de toute pensée rationnelle, au point de faire participer la jeune Dornick – bien malgré elle et la mort dans l’âme – à l’exécution par noyade (façon sorcières de Salem) du dernier homme de savoir, Arren Sorn. Une tragédie qui se révélera traumatisante et altérera définitivement le parcours tout tracé de Gaal. Le courage inébranlable face à la mort, le souvenir, et les paroles de feu celui qui fut son "éveilleur" en sciences… auront fait naître chez la jeune fille un germe d’indépendance d’esprit (donc de rébellion) et une soif de connaissance. N’y tenant plus, elle plongera nuitamment dans les eaux perpétuelles de Synnax (oui oui l’héroïne est super-championne de nage et d’apnée comme l’a montré Foundation 01x02 Preparing To Live) pour mettre la main sur les livres interdits engloutis avec le cadavre de "l’hérétique". Elle les étudiera et les absorbera clandestinement… jusqu’à participer un jour victorieusement (mais en loucedé via des marchands chargés de transmettre son message à Trantor) au concours mathématique visant à résoudre la conjecture d’Abraxas. Hari Seldon la contactera alors via un enregistrement holographique et dithyrambique pour lui annoncer son invitation officielle à l’université de Streeling. Mais ce seul honneur signant sa mise à mort par les autorités religieuses de Synnax, ses parents organiseront son départ secret, non sans éprouver un profond dégoût (son père Jarko notamment) devant l’apostasie de leur fille et son départ pour l’outrageante "planète des machines", Trantor. La suite est connue…
Et c’est ainsi que Foundation 01x05 Upon Awakening se reconnecte au pilote de la série.
Une nouvelle origin story, poignante, dispensant une belle étude sociale qui conjugue de façon troublante la plus grande des poésies aliens au pire des obscurantismes imaginables, mais exposé ici avec distanciation, sans jugement ni complaisance – les actes étant bien assez éloquents par eux-mêmes.

Et pourtant, à bien y réfléchir, plusieurs apories plombent cette "si belle" chronique…

Les autorités théocratiques de Synnax proscrivent les mathématiques et les mathématiciens. Or dans l’Histoire humaine, aucune religion – même dans les paganismes antiques, même dans les formes les plus extrêmes d’islam, de catholicisme ou de protestantisme chrétiens – n’a jamais interdit les mathématiques ni persécuté les mathématiciens (étant donné leur importance cardinale pour le fonctionnement même d’une société organisée).
Seuls les domaines scientifiques étendus (technologies, physique, astronomie, biologie…) ont parfois fait l’objet de censures et de condamnations en raison de leur portée philosophique et donc de leur potentialité à contredire des cosmogonies sacrées déjà établies. Or curieusement, Synnax ne rejette pas le bénéfice de la technologie et de l’astronautique, puisque ses indigènes laissent amerrir les vaisseaux de l’Empire, commercent avec eux, et emploient des machines pour communiquer avec le monde extérieur, du moins suffisamment pour être informés en temps réel du triomphe mathématique de Gaal sur Trantor !
Il y a là une contradiction difficile à accommoder, même dans un système de pensée dogmatique et quiétiste : on interdit toute mathématique, pourtant sans emprise aucune sur le corpus religieux… mais par contre on en tolère ses applications, bien moins neutres théologiquement…

Et puis, il y a la jeunesse hagiographique de Gaal... aussi édifiante que la vie des saints... mais aussi peu réaliste.
Il est très probable que les showrunners tentent de reproduire et généraliser à l’échelle de la série le cas historique du jeune prodige indien Srinivasa Ramanujan (1887-1920), dépourvu d’instruction, et ayant appris en autodidacte les mathématiques à partir de seulement deux livres ! Et tout comme Hari Seldon convie dans l’épisode Gaal Dornick à l’université de Streeling, Godfrey Harold Hardy invita en 1914 Srinivasa à l’université de Cambridge.
Cependant, cette analogie est aporétique. Car les découvertes de Ramanujan reposaient sur un champ restreint des mathématiques, à savoir la théorie des nombres. Tandis que les connaissances cumulées à l’ère de l’Empire galactique et le champ de recherche présidant à la psychohistoire demeurent sans commune mesure pour se risquer à une quelconque transposition des mathématiques du début du 20ème siècle... D’ailleurs, ironiquement, la conjecture de Ramanujan – que la conjecture d’Abraxas résolue par Gaal Dornick est supposée paralléliser – n’a été pleinement démontrée (et moyennant une reformulation) qu’en 1973 par Pierre Deligne.
Alors faudrait-il vraiment considérer plausible qu’une jeune ressortissante d’un monde profondément obscurantiste, quand bien même brillante, quand bien même géniale, mais privée du minimum syndical de l’instruction scientifique (puisque l’enseignement des sciences y était interdit, les universités désaffectées, les savants et enseignants persécutés et même massacrés) aurait pu résoudre par elle-même un des plus grand défis mathématiques de ce lointain futur si avancé – puisque disposant du Graal du FTL – avec pour seul et unique base de connaissance autodidactique trois livres ?! Sérieux ? Le génie sans savoir reste stérile.
Aucun professeur pour lui apprendre, aucun exercice pratique ni "trial and error" pourtant essentiel à la progression (y compris des cerveaux surdoués) ? Et voilà que du premier coup, pour son tout premier exercice pratique de mathématiques, elle coiffe au poteau les milliards de milliards de ressortissants instruits d’une galaxie entière !
En fait, ce conte digne de figurer sur une image pieuse enluminée nous vend rien de moins que la science infuse d’une dea ex machina. Et ça, ce n’est pas du tout asimovien.
Avec en bonus une éloquente illustration des limites et des sophismes de l’utilitarisme transpositionnel tant prisé par cet Hollywood qui n’aime pas – ou ne comprend pas – vraiment la SF.

Enfin, à l’ère du woke inclusif, il serait permis d’être choqué que la population de Synnax soit uniquement composée d’humains noirs de peau.
Certes, à la base, il pourrait être audacieux de représenter ainsi un communautarisme de sociabilité naturelle prenant le contrepied des SF étatsuniennes (Star Trek, Stargate…) qui figurent systématiquement depuis une trentaine d’années des nations arc-en-ciel à travers toute la galaxie (comme si les différences de phénotype selon les continents étaient une exception terrienne inventée par des réactionnaires)… Sauf que dans le présent cas, le message renvoyé par cette adaptation de Fondation a quelque chose de méprisant, voire de nauséabond. Faut-il que la société la plus rétrograde et obscurantiste de ce futur lointain soit exclusivement black, comme si les showrunners cherchaient subliminalement à en faire une Afrique galactique… avec tous les connotés insultants (hérités de l’ère coloniale) qui pourraient en résulter ?!
La série a beau faire briller la diversité à travers ses héros d’exception, les vieux stéréotypes infamants continuent visiblement à s’appliquer aux masses anonymes. À l’image de la victoire de Barack Obama à la présidence étatsunienne qui n’a finalement guère changé la condition des Afro-Américains dans leur large majorité. Plus de 24 000 ans dans le futur pour en être encore là ?

Toujours est-il que l’histoire D se poursuit. Après le prequel des deux premiers épisodes, vient le sequel...
La capsule de stase dans laquelle Raych Foss avait précipité Gaal… a vogué dans l’espace durant une trentaine d’années… avant d’être recueillie par un gigantesque vaisseau vide, entièrement automatisé et contrôlé par une IA opaque. Mais grâce au cryo-sommeil dans laquelle la voyageuse-malgré-elle fut plongée, elle n’a pas pris une ride, et désormais elle est chronologiquement synchrone avec les personnages de l’épisode précédent, à savoir Salvor Hardin et Cleon XIII. Visiblement, la nacelle de sauvetage était destiné à Raych pour assurer sa fuite après le meurtre bien organisé de Seldon. Mais ayant été surpris en plein assassinat, Foss a abandonné sa place – et son unique porte de sortie – à Dornick sans l’informer de quoi que ce soit. Dès lors, à son arrivée à bord de la nef de solitude, Gaal est livrée à elle-même, perdue, et dans l’incapacité de se faire obéir de l’ordinateur de bord, programmé pour ne répondre qu’à Raych.
Face à elle-même, Gaal en passera par le spectre de tous les états émotionnels possibles. En particulier le désespoir sans nom de découvrir via des enregistrements publics les funérailles de Seldon (moyennant une expulsion dans l’espace de son corps dans un cercueil de sa fabrication), puis le procès et l’exécution (par expulsion dans l’espace sans combinaison) de son amant Foss (se refusant mordicus de révéler les vraies raisons de son crime mais exhortant pourtant paradoxalement la Fondation à ne jamais perdre "foi" en sa mission), et enfin sa propre mise en accusation dans l’assassinat du fondateur de la psychohistoire, entachant ainsi irréversiblement le nom de Gaal Dornick. Le tout augmenté du choc moral de découvrir qu’elle fut arraché au monde et au temps pendant plus d’une génération, impliquant que tous les êtres aimés ne sont probablement plus là et qu’elle a ainsi perdu toute possibilité de se réhabiliter à leurs yeux. Devant l’indifférence d’un univers si froid, et endurant un sort absurde qu’elle n’a ni voulu ni contrôlé, les affres de la détresse pousseront finalement Gaal à se suicider (au moyen d’un couteau trouvé sur le vaisseau). Mais elle sera stoppée in extremis dans son geste létal par la force d’inertie d’un changement de vitesse et de trajectoire du vaisseau. La mise en scène recourra d’ailleurs à un démonstratif ralenti en bullet time – pas forcément ce qu’il y a de plus fin d’ailleurs – pour symboliser le changement d’état mental de l’héroïne, une métamorphose intérieure faisant résonner l’enseignement de feu Arren Sorn (« Toute chose a un cycle. Après la destruction vient la renaissance. La connaissance nous offre un moyen de survivre en attendant la renaissance. ».
C’est au terme d’un interminable bras de fer "humain versus machine", d’une sortie extra-véhiculaire risquée en combinaison, et de son extraordinaire "science infuse" aussi bien en mathématiques, en navigation spatiale et en astrophysique (mais où et quand l’héroïne a-t-elle appris par cœur la localisation de toutes les étoiles de la galaxie et même leur spectre électromagnétique ?)… que Gaal finira par percer les secrets de la mystérieuse destination du vaisseau (i.e. la planète Hélicon dont est originaire Seldon et gravitant autour d’une dark star).
Dans les dernières secondes de l’épisode, Gaal découvrira à bord… coup de théâtre... Hari Seldon blessé et agonisant… mais possiblement sous une forme holographique ! On l’attendait depuis les épisodes 3 et 4 au Sanctuaire (Vault) de Terminus, mais c’est pourtant à un autre bout de la galaxie qu’il est réapparu. Nouveau cliffhanger.

L’ensemble de ce segment de l’histoire D offre une séance de pure contemplation spatiale, où le silence, l’écrasante solitude, et l’insignifiance face à l’insondable cosmos convoquent les plus douloureuses introspections de l’être humain confronté à lui-même, tel un jugement dernier sans aveu ni rédemption… Mais après avoir sombré jusqu’aux tréfonds du gouffre existentiel, Gaal a trouvé en elle la force insoupçonnée d’y prendre appui pour rebondir et en émerger. L’expérience se soldera même par un triomphe du génie et de la persévérance humaines contre une version féminine de HAL-9000.
Ce huis-clos est à sa façon un abrégé de la condition humaine, où derrière l’habillage des interactions sociales, c’est en soi-même que chacun trouvera les ressources de survivre sans se trahir. Au risque toutefois de rapprocher davantage le personnage d’une Mary Sue, le "one Gaal show" est aussi une démonstration du talent d’actrice de Lou Llobell qui aura réussi à être touchante et authentique sans surjeu, et sans excès de pathos. Quelques larmes oui, mais comment lui en tenir rigueur dans un contexte aussi désespéré ?
Durant les quelques heures (en in-universe) qui s’écoulent entre le moment où elle sort du cryo-sommeil et celui où elle tente de se suicider, Gaal aura découvert avec effarement une réalité à laquelle rien ne l’avait préparée jusque-là : son mentor Hari Seldon a été assassiné (c’est tout de même pour lui qu’elle avait quitté Synnax) ; son bien-aimé Raych a été exécuté ; trente ans se sont écoulées (en un éclair pour elle) sans possibilité de retour ; la plupart des personnes qu’elle a connues et aimées sont désormais mortes ou très âgées ; elle a été elle-même "jugée" (en quelque sorte par contumace) comme co-meurtrière par la postérité (de l’Empire galactique et de la Fondation) sans aucun moyen de rétablir son innocence ; et elle se retrouve seule à crever dans un gigantesque vaisseau obscur sur lequel elle n’a pas la moindre emprise, pas même celle de la connaissance ! N’importe qui de normalement constitué – et même de très robuste mentalement – aurait perdu la tête pour bien moins que ça. Lorsqu’on voit pour quelles raisons (comparativement anodines) la majorité des gens pleurent dans leur vie et certains envisagent de se suicider, il n’y a vraiment rien d’excessif dans les réactions de Gaal. Sauf à vouloir en faire une Übermensch totalement déshumanisée ou un avatar de jeu vidéo. Avoir eu en amont le courage de braver le dogmatisme de sa famille et de sa planète par amour des mathématiques et de l’heuristique, puis avoir stoïquement tenu tête au tribunal impérial... ne prédisposait aucunement Dornick à endurer un tel cauchemar "larger than life". Elle n’a pas signé pour ça, et jamais elle n’aurait même pu l’imaginer...
Face aux Mary Sue "concurrentes" de l’industrie hollywoodienne, les quelques larmes de Gaal restent donc pudiques, à fortiori en les rapportant à sa situation. Elles ne sont que l’une des composantes d’un désespoir 100% légitime que le personnage réussit à exprimer viscéralement.
On est quand même très loin d’une Michael Burnham qui chiale dans chaque épisode de Discovery, pour n’importe quelle raison, comme si pleurer était devenu un mode d’expression à part entière ou une maladie chronique, au point de perpétuer l’un des pires préjugés sexistes à l’encontre de la gent féminine (le comble à l’ère du wokisme !). Et tout ça à des fins de pathos hautement manipulatoire...
Mais rien de tel dans l’adaptation TV de Fondation. Heureusement.

Par ailleurs, la référence à une étoile noire (dark star en VO) est intéressante comme objet céleste semi-relativiste dont la vitesse de libération excède c mais cependant dépourvu d’horizon des évènements (au contraire des trous de la même couleur)... interpellant les propres angoisses nihilistes de Gaal depuis son enfance à l’endroit des trous noirs. Et contre toute attendre, les fondements scientifiques de l’extrapolation de la localisation et de la trajectoire (emploi de coniques, effet Doppler relativiste…) par l’héroïne s’avèrent assez crédibles...
Mais l’absence d’économie de détails pourrait néanmoins soûler une partie des spectateurs, voire être perçue comme une forme de remplissage, parsemé de péripéties à rallonge un peu factices, du moins peu immersives.
En sus, plusieurs scènes s’abandonnent à une forme de show off ou d’esbroufe visuel, sans être fondamentalement utiles à l’histoire ou à l’ambiance, confirmant une légère sensation de délayage ou de nombrilisme, comme si l’expérience spatiale était ici moins une finalité qu’une diversion à renfort de beaux atours cosmiques.

L’IA elle-même ne témoigne pas de la plus grande des cohérences. Car elle refuse de communiquer à "l’intruse" Gaal une quelconque information de positionnement et de destination, allant jusqu’à filtrer l’affichage de l’espace sur le vaste écran de contrôle de la salle qui tient lieu de passerelle (et au centre de laquelle trône un pupitre de commande circulaire déployé autour d’un afficheur holographique prenant l’apparence d’un tesseract). Mais dans le même temps, la même IA n’empêche aucunement Dornick d’accéder à des informations indirectes (notamment publiques) lui permettant in fine de reconstituer toutes les informations secrètes (à force de calculs et de déductions). Ladite IA ne cherche même pas à empêcher l’héroïne de sortir du vaisseau via le gigantesque hangar d’approche pour observer l’espace sans voile de ses propres yeux (et avec l’assistance de l’affichage tête haute du casque de sa combinaison).
Alors bien sûr, il suffit de considérer que l’ordinateur contrôlant ce vaisseau depuis des décennies est davantage un système de pilotage automatique à interface vocale qui suit passivement une programmation figée, et non une IA forte capable de compréhension, d’apprentissage dynamique et d’adaptations aux conséquences... aussi ironique que cela puisse être dans le "greater Robot/Empire/Foundation universe"...
Malgré tout, il est difficile de se sortir de l’esprit que tout cela pourrait s’apparenter à une mise en scène, comme si Gaal était en réalité soumise à un vaste jeu de devinette ou à un test d’aptitude… parsemé de contraintes et de péripéties artificielles destinées à faire durer une "épreuve initiatique" dont l’issue ne fait de toute façon aucun doute...
Avec pour effet de n’asseoir que davantage la science infuse de Gaal Dornick, que l’épisode ne manque jamais une occasion de marteler, comme si la science était affaire d’électivité, d’innéisme et d’omniscience... et non de vocation, de travail acharné, et de persévérance pour apprendre de ses propres erreurs...

Enfin, tant par le comportement déterministe et ambivalent de Raych Foss jusqu’à son dernier souffle que par l’étrange cercueil spatial DIY de Hari Seldon puis sa réapparition probablement virtuelle (nommons-le e-Seldon #2) sur le grand vaisseau désertique, l’hypothèse d’une mise à mort planifiée (voire factice) à des fins manipulatoires se dessine de plus en plus nettement... ce que l’épisode suivant (Foundation 01x06 Death And The Maiden) viendra certainement confirmer.
Stratégiquement, ce n’est pas dépourvu d’efficacité (si l’on se réfère au modèle christique selon l’hypothèse de la Dernière Tentation). Psychanalytiquement, ce n’est pas sans profondeur (le meurtre du père par le fils à la demande du premier comme pour renouveler le vieux débat entre Jung et Freud autour de Totem et tabou). Mais "asimoviennement", à l’aune de l’œuvre littéraire, c’est un peu bord cadre... quoique pas forcément rédhibitoire, même s’il est possible d’y voir l’influence du cynisme contemporain.

Malgré toutes ces imperfections, il n’en demeure pas moins que cette partie très Hard SF de l’épisode exhale un capiteux parfum de 2001 : A Space Odyssey de Stanley Kubrick (1968) ou de première saison de Space 1999 (Cosmos 1999)… tout en convoquant l’épisode Star Trek Enterprise 02x04 Dead Stop ou encore la série Stargate Universe... même si elle ne saurait s’élever au niveau de ces références inégalées.
Toutefois, dans une réalité relativiste, la perception de solitude cosmique est sans aucun doute ce que cinquième épisode aura le mieux réussi.

Moyennant un 2/5 pour le segment historique sur Synnax et un 3/5 pour le segment spatial dans le vaisseau inconnu, cela donne :

NOTE HISTOIRE D

(B) La chute de Terminus City ou un naufrage scénaristique, marginalement rattrapé par quelques échos asimoviens

L’histoire A, sise sur Terminus, débute à l’endroit précis et à la seconde même où Foundation 01x04 Barbarians At The Gate avait laissé en plan les spectateurs...
Les murailles (energétiques) de Jericho ne s’effondrent finalement pas sous le feu nourri des armes à particules anacréoniennes. Et il est probable qu’elles n’auraient pas été davantage entaillées par le canon du belliqueux Rowan... s’il avait été utilisé contre Terminus City.
Malheureusement, en dépit d’une tension parfaitement restituée à l’écran et de dialogues plutôt bien contextualisés, ce segment verse dans l’absurdité comportementale, tactique et stratégique quasi-intégrale, faisant injure aux réputations aussi bien de Lord Dorwin que de Salvor Hardin...

Tout d’abord, le cuirassé impérial sort de l’hyperespace (jumping in) en orbite de Terminus sans avoir préalablement réparé ou remplacé la balise de communication avec l’Empire... alors qu’il s’agissait pourtant de la mission première que l’empereur Cléon XII avait confié au commandant (la visite de la Fondation n’était que la mission secondaire). Par-delà même les ordres explicites reçus, rétablir une communication permanente (pour tenir informé les autorités et surtout pouvoir appeler des renforts ou transmettre un Mayday) est une question stratégique élémentaire que n’importe quel sous-officier apprend dans une académie militaire.
Puis, il apparaît que pour établir une liaison sécurisée ou cryptée entre le vaisseau impérial et la colonie de Terminus (c’est-à-dire sans que les forces ennemies anacréoniennes ne captent les transmissions), ladite balise de communication est indispensable. Outre d’aggraver la faute stratégique en amont du croiseur impérial, cela reste techniquement invraisemblable car la balise dessert des transmissions hyperspatiales sur les dizaines de millions d’années-lumières, tandis qu’une communication orbitale (comme il en existe tant de nos jours) est locale et de point à point.
Finalement, lorsque Lewis Pirenne puis Salvor Hardin adressent à un bref exposé tactique à Dorwin sur la situation au sol, en lui apprenant notamment la détention de la Grande Chasseresse anacréonienne à l’intérieur de la colonie, la seule et unique consigne que Kray impose aux Terminusiens est de déplacer dare-dare la prisonnière dans la tour qui surplombe la ville afin qu’il puisse voir son visage ! Une coquetterie totalement invraisemblable au regard de la gravité de la situation, dans la mesure où cela ne fait aucune différence pour un vaisseau intergalactique d’observer depuis l’orbite un visage sis au sommet d’une (petite) tour ou directement au niveau du sol, que le traits de Phara n’apportent aucune information utile puisque son identité était parfaitement connue. Et si d’aventure Dorwin tenait tant à admirer le visage de Keaen, il suffisait à Lewis de lui envoyer par le canal entrant sa photo ou son hologramme. Mais cet ordre prioritaire du commandant du cuirassé, tout comme son exécution féale par le directeur de la colonie sont d’autant plus nonsensiques que ni l’un ni l’autre ne pouvaient ignorer que rempart énergétique à laquelle est suspendue la vie de tous les Terminusiens trouve justement sa source dans la tour. Pour qu’un tel enchaînement fasse sens, il faudrait que Dorwin soit un traitre à l’empire travaillant pour le compte des Anacréoniens et que Pirenne soit le dernier des imbéciles, ce que rien dans l’épisode ni dans les précédents ne suggère...

En parallèle, dès le début de l’épisode, Salvor Hardin comprend (au contraire de Hugo) que lorsque Rowan active un bouclier occulteur pour rendre invisible le canon, ce n’est pas dans le but de tromper les Terminusiens (puisqu’ils en connaissent l’emplacement), mais quelqu’un d’autre... qui précisément apparaît à ce moment-là dans le ciel, à savoir le vaisseau impérial inespéré. Il appartenait alors à la Warden, aussitôt qu’une communication fut établie avec Kray Dorwin, de l’informer en toute priorité de la présence dissimulée de ce canon, afin qu’il soit placé sous surveillance permanente voire préventivement détruit par le cuirassé. Ne pas l’avoir prévenu de cette menace sournoise n’est pas une simple négligence, c’est une faute criminelle à la frontière de la complicité, et cela trahit totalement la typo pragmatique et intelligente du personnage de Salvor Hardin, aussi bien la version originelle du cycle littéraire que celle vendue par la série jusqu’à maintenant.
Par la suite, lorsque les Anacréoniens brouillent les communications entre Lewis (au QG de la colonie) et Salvor (proche de l’enceinte d’énergie), ne laissant pas à cette dernière le temps d’expliquer pourquoi il ne fallait surtout pas conduire la prisonnière dans la tour, comment se fait-il que la Gardienne se précipite dans la prison... où n’était plus détenue Phara ?! L’héroïne est supposée avoir pleinement compris le péril (Phara est dangereuse et le bouclier qui stoppe ses troupes dépend de la tour), et elle sait que Lewis s’apprête à l’y mener avec la clairvoyance d’un agneau conduit à l’abattoir. Étant donné le degré d’anticipation dont elle toujours témoigné jusqu’à présent, comment se fait-il alors que Salvor ne se précipite pas directement à la tour, l’objectif prioritaire étant bien de sécuriser cette dernière, indépendamment de l’endroit où se trouve Phara ? La Gardienne aurait ainsi pu significativement augmenter ses chances d’empêcher la Chasseresse d’extraire de son nez un disrupteur de champ (field disruptor en VO) pour désactiver (telle une bombe EMP) le générateur de l’enceinte énergétique, permettant aussi sec aux troupes anacréoniennes de Rowan de prendre d’assaut la ville et massacrer méthodiquement les colons.

En définitive, ce qui devait arriver arriva, avec une prévisibilité qui n’est pas ici le signe d’une cohérence anti-twist : achevant sa descente en basse atmosphère, n’ayant pas été prévenu de la présence d’un canon occulté (merci Salvor !), le croiseur impérial n’a pas le temps de contrer le tir de missile provenant du canon masqué, et se fait descendre comme un pigeon d’argile...
À ce niveau d’impéritie coordonnée de toute part, faut-il encore s’étonner que ce cuirassé militaire surpuissant n’ait pas activé dans un semblable environnement atmosphérique des boucliers au moins aussi puissants que ceux dont était équipée l’inoffensive colonie civile ?!
Alors bien entendu, la série n’ayant pour le moment pas dévoilé grand-chose de la distribution des équipements, faut-il en déduire que les vaisseaux de guerre impériaux ne seraient pas équipés des systèmes de protection élémentaires qui étaient à la disposition des colonies civiles 35 ans auparavant ? Ce serait bien peu crédible eu égard à la communauté de civilisation (l’Empire galactique), aux dégâts considérables que peuvent infliger les plus infimes débris spatiaux à haute vitesse durant les trajets spatiaux aux longs cours, et à la puissance phénoménale dont dispose forcément un vaisseau pour pouvoir voyager en Jump drive (FTL).
Par surcroît, comment expliquer que les Anacréoniens, en dépit de leur évident archaïsme, paraissent bien mieux informés du fonctionnement de la Fondation et de l’Empire que ses propres ressortissants, pourtant supposés représenter une élite, qu’elle soit militaire ou scientifique ? Il fallait voir tous les détails et toutes les subtilités de la vie sur Terminus dont avait connaissance Phara avant même de débarquer dans Fondation 01x03 The Mathematician’s Ghost. En revanche, Dorwin débarque comme un écervelé, avec des caprices indignes de son rang et de sa fonction (demander le déplacement de Phara dans la tour), sans avoir assuré ni ses arrières (balise toujours HS), ni ses avants (piètre analyse tactique de la situation réelle sur Terminus).
Quant à "l’élite" de la Fondation, il ne s’y est pas trouvé une seule personne pour faire le rapprochement entre l’obsession de Phara à vouloir aller dans la tour et la source du bouclier protégeant la colonie des assiégeants ?! Sauf Salvor, mais trop tard.
Pour mieux valoriser sa Mary Sue, la série Foundation voudrait-elle faire passer l’Empire galactique pour une idiocratie... à la façon de la Fedération du 32ème siècle dans la troisième saison de l’épouvantable série Discovery ?! Il est naturel que les fleurons technologiques d’un imperium (régnant sur la Voie Lactée entière) sont commandés par de parfaits crétins et équipés de matériel obsolète (dénué aussi bien de boucliers que de scans de surface et de communications point à point). Ben voyons... Soit le syndrome des micro-univers imaginaires gravitant autour du culte de quelques VIP.

Et comme si ce tableau de chasse ne débordait pas déjà, la fin de l’épisode nous imposera un interminable combat chorégraphié qui n’a rien à faire dans une adaptation, même libre, d’Asimov. Avec ce catfight, on se croirait soudain égaré dans une série du MCU ou dans Alias. Soumises au "parcours obligé" du genre, Salvor et Phara s’affrontent d’abord mano à mano, au corps à corps, puis au couteau, avant de terminer à la barre de fer contre la chaine, presque à la façon de gladiatrices. La Chasseresse prend alors l’avantage en étranglant la Gardienne au sol. Mais comme d’habitude dans ses cas-là, juste avant de perdre connaissance, l’héroïne récupère un objet tranchant à portée de main, et l’enfonce dans l’épaule de l’assaillante. Un renversement de situation permettant à Salvor de se saisir d’une arme et de mettre en joue Phara, gémissante, au sol. Suivi d’un re-renversement lorsque un Anacréonien débarque avec plusieurs hommes avec sa mère Mari en otage. Bref, rien que du déjà-vu, dans le style le plus calibré et putassier. Une baston ouvertement (cette fois) au service de la péripétie et du délayage.

Un tel enchaînement d’aberrations frise le nawak intégral, perspective qui paraissait impensable pour une série aussi soignée que celle-ci, quand bien même très infidèle au matériau source et lourdement marquée par la doxa contemporaine. Et il ne s’agit pas là – comme dans les quatre épisodes précédents – de modestes incohérences potentielles en marge de l’histoire principale ; non, ici, c’est bel et bien l’histoire principale elle-même – du moins la B – qui ne tient pas debout. Elle s’écroule littéralement, emportée par une cascade d’incohérences formelles à l’instar d’une chute de dominos ! C’est d’ailleurs tellement énorme que cela jure par rapport aux épisodes précédents, et l’on pourrait presque suspecter un acte volontaire chez les scénaristes, à la façon d’un gag, d’une auto-parodie, d’une palinodie, ou d’une irréalité.

Alors certes, tout cela n’empêchera probablement pas d’être impressionné par la chute du cuirassé impérial à la surface de Terminus, tel un espoir qui sombre... et aussi tel un harmonique de l’effondrement du Star Bridge de Trantor il y a 35 ans (dans le pilote).
Cela n’empêchera pas non plus d’être interpellé par la possible ambiguïté du bluff d’indifférence (voire de rancœur) de Salvor à l’endroit de sa mère Mari, retenu en otage par Phara, "officiellement" pour déstabiliser cette dernière.
Cela n’empêchera pas enfin d’apprécier les dialogues crépusculaires entre Phara et Salvor (à sa merci) au sommet de la tour, surplombant tel Thanatos la colonie en proie aux flammes et aux massacres des innocents colons. Probablement est-ce là l’acmé de l’histoire A où la Grande Chasseresse révèle que si son but annexe était bien de détruire un vaisseau impérial, son but premier était de se faire payer la Fondation dont elle estime que les "prophéties" de Hari Seldon furent à l’origine des décisions de Cleon XII et de l’extermination de son monde (Anacréon).

Et par-delà la dialectique clichée de la vengeance, voilà des considérations philosophiquement intéressantes, et pour le coup asimoviennes, réussissant à apporter au segment terminusien suffisamment de fond pour le sauver du 0 pointé. Car le recours par Phara à une terminologie mystique et irrationnelle révèle en réalité que c’est naturellement sous l’angle de la divination mystique dont les profanes (c’est-à-dire ceux qui ne maîtrisent pas les mathématiques très pointues de la psychohistoire) percevront fatalement cette discipline... à la façon d’une nouvelle illustration de la troisième loi d’Arthur C Clarke, à savoir « toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ».
De plus, le "débat" qui oppose Salvor à Phara, et plus généralement la Fondation aux Anacréoniens n’est pas "la science versus la foi" (une rhétorique au demeurant passionnante aussi et ayant fait les beaux jours des séries The X-Files et Star Trek Deep Space Nine). Non, il s’agit plutôt ici de l’évaluation des possibles impacts rétroactifs sur le présent d’une réelle connaissance du futur (quel que soit le moyen employé pour y parvenir). Et effectivement, à force de vouloir absolument empêcher un événement tragique inéluctable, ou du moins l’atténuer pour lui survivre, n’en devient-on pas incidemment la cause, à la façon d’une boucle de rétroaction ou d’une prophétie autoréalisatrice ? C’était l’un des sujets, parmi tant d’autres, que la saga littéraire d’Asimov passait en revue (sans même avoir besoin de recourir au voyage temporel vers le passé). Ce fut également un motif au cœur de la saga Terminator, du moins avant que David S Goyer ne lui apporte une contribution parfaitement inutile dans le très dispensable sixième film.
Et bien sûr, ce cinquième épisode prolonge la maturité des deux précédents en montrant que les victimes d’un génocide innommable (les Anacréoniens) deviennent par la cruauté des lois naturelles des bourreaux à leur tour, prolongeant indéfiniment la chaîne du "mal" à défaut de celle de la prédation. Tout comme en retour les "sauveurs" (Dorwin et son équipage) continuent à perpétuer 35 ans après l’amalgame abject pratiqué par Cleon XII, tel l’entretien consciencieux d’un âtre de haine transgénérationnelle. Il faut voir en quels termes le commandant impérial vient motiver ses troupes (« On se pose à la surface dans cinq minutes. Je vous que vous vous rappeliez ceci : les Anacréoniens ont saboté l’Ascenseur orbital. 100 millions de victimes à cause de ces barbares. Je sais que c’est personnel pour nombre d’entre vous. »). Autant de partis pris qui brisent dans l’œuf toute tentation de manichéisme dans les rapports de force et de causalité. Et ça, c’est bien Asimov dans l’esprit.

Malgré tout, même si l’histoire A n’est pas complètement dépourvue de fond (asimovien qui plus est), et même si le sort cataclysmique qui s’abat sur Terminus ne peut laisser aucun spectateur indifférent, l’expérience est quasi-entièrement ruinée par le fait que cette tragédie résulte de choix scénaristiques grossièrement forcés, au complet mépris de la logique, de la psychologie des personnages, et des lois de causalité.
Somme toute, les showrunners tenaient absolument à imposer cette situation apocalyptique, au forceps si nécessaire, mais sans se donner les moyens de l’amener de façon crédible. Et tant pis pour la suspension d’incrédulité.
On assiste ainsi au navrant spectacle d’une vaste humanité servant de toile de fond aux menées de quelques personnages icônisés, mais dont la pertinence des décisions et le sens des priorités n’importe guère pourvu que leur mise en effet nourrisse commercialement la grandiloquence, la dramaturgie, "l’épisme", ou le twist.
En d’autres termes, si Hardin, Dorwin, Pirenne, etc. agissent (de façon soudainement inconsidérée et irresponsable) comme ils le font dans l’épisode, ce n’est aucunement pour des raisons internes à l’histoire ou à leur univers de fiction, mais c’est uniquement pour satisfaire les objectifs narratifs externes des scénaristes. Or lorsque l’externalisme supplante ainsi l’internalisme, c’est un constat d’écriture totalement bâclée ou indignement paresseuse.

NOTE HISTOIRE A

Conclusion

Paradoxalement, l’esprit et la philosophie d’Isaac Asimov n’ont guère été trahis dans Foundation 01x05 Upon Awakening. Ils ont été même mis à l’honneur – du moins en intention – par l’ambition des nombreuses thématiques directes et indirectes (hard SF contemplative dans le cas de Gaal, insignifiance des individus face à la logique de l’Histoire, meurtre du père provoqué par ce dernier, rancœurs familiales subconscientes, victimes devenant bourreaux et perpétuant la chaine éternelle de la violence et du "mal", enfermement dans les logiques amalgamantes et communautaires, impérialisme confronté aux actions révolutionnaires ou terroristes, questionnement de la relation à la causalité d’une "prophétie" même rationnelle…).
Et bien entendu, comme dans les troisième et quatrième épisodes, le visuel est de nouveau à se pâmer (la splendeur à la fois zen et alien de Synnax, la gigantesque nef de solitude cosmique de Gaal, la destruction et la crash spectaculaire du croiseur impérial, l’enfer s’abattant sur Terminus City…).

Malheureusement, ce sont la rigueur et la consistance profondes d’Isaac Asimov qui trinquent dans ce cinquième opus...
Certes, le volet historique et spatial (le voyage de Gaal) a quelque chose de fascinant et bénéficie d’une interprétation solide, mais une lecture attentive révèle pas mal de faiblesses, quoique dépassant pour certaines le seul cadre de cet épisode...
En revanche, le volet stratégique et agonistique (la chute de Terminus City) est par contre totalement bancal dans sa construction tant il multiplie les incohérence dirimantes, les illogismes comportementaux, les facilités à la frontière du cliché, et les péripéties à valeur de délayages... dans le seul but d’imposer une catastrophe aussi spectaculaire qu’évitable.
Principal point commun entre les deux volets : avoir chacun sa Mary Sue potentielle. Dans une dynamique de surenchère face à la concurrence, Foundation serait-elle condamnée à devenir "la série aux deux Mary Sue" (Gaal et Salvor) ?

Ce n’est heureusement pas du Alex Kurtzman – Foundation n’étant pas assez cynique dans l’arnaque ni assez vide dans la nullité pour cela.
Mais c’est assurément du David S Goyer… dans ses mauvais jours, avec son lot de péripéties, de prestidigitation et d’esbroufe.
Et ici, c’est particulièrement frustrant, car la matière de l’épisode avait de quoi en faire un chef d’œuvre… si seulement l’écriture avait été plus rigoureuse et soignée, si les intentions externalistes n’avaient pas à ce point pris le pas sur la vraisemblance internaliste.
L’histoire D consacrée à Gaal mérite probablement un 2,5/5. Et l’histoire A consacrée à Salvor s’abîme dans un 0,5/5. Ce qui conduit à une moyenne arithmétique de 1,5/5.
Dès lors, ironiquement, la note épisode se retrouve pour la première fois en dessous de la note adaptation valorisée à 2,5/5 ! Une configuration paradoxale qui évoquerait presque les constructions transdimensionnelles de Maurits Cornelis Escher ou les objets/figures géométriques impossibles de Roger Penrose.

Bref, un bilan quadruplement schizophrène pour un épisode décevant, exaspérant, prévisible et incohérent à la fois, composé de deux parties profondément inégales et aux articulations disjointes, donc éclaté sur le terrain qualitatif... MAIS pourtant touchant à sa curieuse façon, enchaînant des moments envoûtants de pure SF et quelques fragments de dialogues inspirés, bénéficiant toujours en toile de fond d’un worldbuilding qui – même s’il a été mis en pause cette fois – s’inscrit dans la durée. Plutôt asimovien sur le fond philosophique (en filigrane), mais anti-asimovien dans sa diégèse et sa vraisemblance.
En somme, un cas d’école où le tout est inférieur à la somme des parties. C’est-à-dire largement raté dans son ensemble, affligeant par la masse – quoique non encore critique – de ses incohérences, mais intéressant voire brillant malgré tout dans ses multiples alcôves.
Pour un opus supposé charnière et pivot par sa centralité, Foundation 01x05 Upon Awakening tient surtout du maillon faible, ce qui n’est guère rassurant… Aurait-il été écrit à quatre mains, voire à 2n mains, comme peut-être la série elle-même ? Il faut dire que la grande disparité entre les épisodes suggèrerait presque un turnover des auteurs/showrunners... À moins que ces derniers ne soient eux-mêmes un peu... schizophrènes... face à un défi impossible, des contradictions d’allégeances, et/ou le désir de satisfaire tout le monde à la fois (au risque de ne satisfaire personne) !?
Gageons cependant que ce relatif ratage ne soit qu’un one shot, d’autant moins préjudiciable que le désir de voir la suite n’a pas été durablement entamé. Pas encore en tout cas...

NOTE ÉPISODE

NOTE ADAPTATION

YR

ÉPISODE

- Episodes : 1.05
- Titre : Upon Awakening
- Date de première diffusion : 15 octobre 2021 (Apple TV+)
- Réalisateur : Alex Graves
- Scénariste : Leigh Dana Jackson

BANDE ANNONCE



Les séries TV sont Copyright © leurs ayants droits Tous droits réservés. Les séries TV, leurs personnages et photos de production sont la propriété de leurs ayants droits.



 Charte des commentaires 


Silo : Critique 2.02 L’ordre Apple TV+
Silo : Critique 2.01 La mécano
Disclaimer : La critique de la série Apple TV+
Wolfs : La critique du film Apple TV+
Bandits, Bandits : La critique de la série Apple TV+
Brèves : Les informations du 28 novembre
Sandman – Dead Boy Detectives : La critique
Netflix - Bandes annonces : 28 novembre 2024
Avengers - Endgame : Ce que Avengers 4 doit à Logan
Grotesquerie : Critique 1.05 et 1.06
John Wick : Et si... Bruce Willis avait été le tueur à gage le (...)
What If...? : Un nouveau personnage pour faire le lien avec (...)
Suits - L.A. : Un retour de taille dans l’univers (...)
Brèves : Les informations du 27 novembre
Mémoires de Gris : La critique