Mars Express : Analyse d’un cyberpolar à la française

Date : 07 / 07 / 2024 à 13h00

MARS EXPRESS : ANALYSE D’UN CYBERPOLAR À LA FRANÇAISE

Mars Express est un long-métrage d’animation français réalisé par Jérémie Périn et co-écrit avec Laurent Sarfati. Ce film nous plonge dans un futur où l’humanité a réussi à coloniser Mars, créant ainsi une société complexe et très avancée puisque son histoire se déroule en l’an 2200.

Je vais tenter d’explorer avec vous les différentes dimensions de Mars Express en concentrant plus particulièrement notre attention sur son atmosphère, qui est très appréciée, celle du polar cyberpunk ou cyberpolar (comme vous le sentez) et avec une intrigue captivante. Cela m’a permis de voir les divers niveaux de lecture que le film propose. Et il y en a quelques-uns.

Une atmosphère unique

L’atmosphère de Mars Express est l’un des aspects les plus marquants du film. Dès les premières séquences, nous sommes transportés dans un monde futuriste où les canyons de Noctis Labyrinthus (le labyrinthe de la nuit) servent de toile de fond à une colonie terrienne en pleine expansion sur la planète Mars. L’utilisation des codes du cyberpunk est nuancée. Rien à voir avec Ghost in the Shell ou Blade Runner dont les couleurs sombres et les néons lumineux créent un contraste saisissant renforçant l’idée d’une civilisation à la fois avancée et décadente. Dans cette animation, malgré les avancées technologiques, on a l’impression que ce n’est pas si éloigné de notre réalité.

L’architecture de la ville de Noctis est soigneusement conçue pour nous montrer les inégalités sociales qui sont bien présentes. Les quartiers riches, situés à la surface et au centre du canyon, bénéficient de structures modernes et de technologies avancées, tandis que les quartiers pauvres sont relégués aux profondeurs des canyons, dans des habitats troglodytes qui rappellent les bidonvilles terrestres. Cette segmentation accentue encore plus la tension sociale et l’oppression ressentie par les personnages les plus vulnérables.

La bande sonore joue également un rôle crucial dans la construction de l’atmosphère. Les compositions électros et les sons industriels ajoutent une couche de réalisme dystopique qui nous immerge immédiatement dans une expérience sensorielle totale.

Un style polar cyberpunk ou cyberpolar

Mars Express s’inscrit dans le genre du polar cyberpunk, un sous-genre de la science-fiction qui mélange des éléments de film noir avec des thèmes de haute technologie et de société dystopique. Ce style est caractérisé par les deux détectives qui gardent un certain cynisme malgré leur esthétique et personnalité réussies. La ville est tentaculaire, les quartiers chauds aux néons clignotants sont hypnotisants et les différentes intrigues sont assez bien ficelées pour que le crime, la corruption et la technologie se mêlent sans devenir un frein au déroulement de l’action.

Aline Ruby incarne parfaitement l’archétype du détective privé de polar. Ancienne policière (ou militaire) devenue détective privée, Aline est une figure marquée par un passé trouble et une détermination inflexible. Son partenaire, Carlos Rivera, un robot doté d’une intelligence artificielle avancée, ajoute une dimension supplémentaire à cette dynamique, brouillant les lignes entre l’humain et la machine. Parce que Carlos est en fait l’incarnation de l’ancien partenaire humain de Aline, qui a été tué il y a cinq ans. La question va alors se poser de savoir si cette copie cybernétique est bien Carlos ou simplement un fac-similé de ce qu’il a été.

Le film explore aussi les thèmes plus classiques du cyberpunk, tels que l’intelligence artificielle, la surveillance omniprésente, et les inégalités socio-économiques exacerbées par les avancées technologiques. Ces éléments sont habilement intégrés dans une intrigue policière où chaque indice et chaque personnage contribuent à révéler un tableau plus large de la corruption et du désespoir. Et du désespoir il y en a dans Mars Express.

Une intrigue captivante

Ce qui m’a accroché finalement dans ce film d’animation, c’est sa trame, centrée sur une enquête concernant la disparition d’une étudiante en cybernétique, Jun Chow. Celle-ci aurait découvert des informations cruciales sur un complot menaçant la société martienne et plus encore.

Le récit est rythmé par des rebondissements et des révélations qui nous maintiennent en haleine. Chaque scène est soigneusement construite pour ajouter une nouvelle couche à l’intrigue, tout en développant les personnages et leurs motivations. L’équilibre entre l’action et la réflexion est parfaitement maîtrisé, offrant une expérience narrative riche et immersive.

Dans ce contexte, on peut voir la relation entre Aline et Carlos comme étant au cœur de de l’histoire. Ce n’est pas tant le complot qui nous intéresse, mais leur dynamique qui évolue au fil du film, passant d’une sorte de méfiance mutuelle à une véritable collaboration. Carlos, bien que robot, développe de plus en plus des traits de personnalité qui le rendent presque humain, questionnant ainsi la nature de l’intelligence et de la conscience elle-même. C’est d’ailleurs à la fin du film que nous aurons l’occasion d’avoir un début de réponse à cette question.

Les différents niveaux de lecture

Mars Express offre donc plusieurs niveaux de lecture et différentes couches de sensibilité, ce qui nous permet d’apprécier le film sous divers angles.

La dimension politique et sociale :
À un premier niveau, le film est une critique acerbe des ambitions spatiales contemporaines et des inégalités qu’elles engendrent. La colonisation de Mars est présentée non pas comme un nouvel eldorado, mais comme une extension des injustices terrestres. Les riches continuent de s’enrichir, tandis que les pauvres sont toujours marginalisés. Cette critique rappelle les préoccupations actuelles concernant les projets spatiaux de milliardaires comme Elon Musk et Jeff Bezos.

La réflexion sur l’humanité et la technologie :
Le film explore également la question de l’évolution de la nature humaine à travers la figure de Carlos Rivera. En tant que robot doté d’une intelligence artificielle, Carlos défie les catégories traditionnelles de l’humain et du non-humain. Sa quête d’identité et son évolution tout au long du film posent des questions profondes sur ce que signifient être vivant et conscient.

Le thème de l’identité et du genre :
Carlos navigue entre son identité masculine passée et son nouveau genre cybernétique. Il y a une scène où un autre robot essaie de draguer Carlos qui lui rétorque : « je voudrais le faire avec une fille ». L’autre robot change alors de voix, ce qui surprend Carlos et lui fait sûrement prendre conscience que lui aussi, il est d’un genre nouveau.

Cette fluidité du genre dans un futur où les frontières biologiques sont de plus en plus floues est finalement portée ici par les archétypes cybernétiques. Cette dimension ajoute aux personnages une granularité dans le développement de leur personnalité qui résonne avec nos notions contemporaines de genres et d’identités.

Une histoire de polar noir :
Enfin, à un niveau plus superficiel, Mars Express peut être apprécié comme un thriller captivant, rempli de mystères, de trahisons, et de retournements de situation. Les amateurs de polar noir trouveront dans ce film tous les éléments classiques du genre, transposés dans un futur cyberpunk. Attention tout de même ! Quand je dis polar noir, je ne veux pas dire glauque et sanglant. On est sur un bon vieux scénario policier où le drame est fondé sur l’attention à un fait, une intrigue et sur une recherche méthodique de preuves. C’est une enquête de détective privé avec des crimes, des délits, des idées noires, un coupable et tout le reste. C’est un vrai plaisir.

Conclusion

Mars Express est vraiment réussi et se permet même de combiner à son atmosphère, un style cyberpolar saisissant, une intrigue captivante, et des niveaux de lecture que chacun pourra apprécier selon ses préférences. Jérémie Périn et Laurent Sarfati ont créé un film qui non seulement est divertissant, à travers l’histoire de Aline Ruby et Carlos Rivera, mais nous invite aussi à explorer les limites de la technologie et de notre civilisation, en offrant un miroir sombre et critique de nos propres ambitions et inégalités.

Ce film est un ajout précieux au genre du cyberpunk et une preuve éclatante de la vitalité de l’animation française dans le paysage de la science-fiction.

Pour en découvrir plus sur Mars Express, vous pouvez continuer cette exploration avec moi en écoutant mon podcast Sauce Fiction et partager mon enthousiasme sur cet époustouflant film d’animation français.

À bientôt les fans de fiction !

SAUCE FICTION : LE PODCAST


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