Foundation : Critique 2.04 Where The Stars Are Scattered Thinly
FOUNDATION
Date de diffusion : 04/08/2023
Plateforme de diffusion : Apple TV+
Épisode : 2.04 Where The Stars Are Scattered Thinly
Réalisateur : Mark Tonderai
Scénaristes : Leigh Dana Jackson & David S. Goyer
Interprètes : Jared Harris, Lee Pace, Lou Llobell, Leah Harvey, Laura Birn, Cassian Bilton, Terrence Mann, Nimrat Kaur
LA CRITIQUE YR
Comme Foundation 02x03 King And Commoner, Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly se déploie autour de trois arcs...
A
Gaal, Salvor, et e-Seldon #2 (désormais réincarné) quittant Oona et en quête de la Seconde Fondation (sur Ignis) n’apparaissent pas cette fois-ci.
Mais dans la mesure où Lou Llobell ne pouvait pas ne pas contribuer, son personnage reprend la fonction de narratrice métadiégétique ou intradiégétique (si l’on considère qu’elle s’exprime depuis le lointain futur longtemps après ces événements) des autres arcs, notamment pour relativiser l’importance des interactions personnelles (mises en scène) à l’échelle de l’Histoire et leur complète insignifiance pour la psychohistoire. C’est Isaac Asimov dans le texte, quoique utilisé un peu ici à la façon d’une lantern (consistant à rappeler explicitement une vérité fondamentale de l’œuvre ou de la logique afin de s’autoriser à faire précisément le contraire on screen).
B
À bord du mini jumpship Spirit, le haut clerc Poly Verisof et la Brother Constant rapatrient sur Terminus l’aventurier Hober Mallow. Après avoir été désentravé, celui-ci s’avère étonnamment coopératif, à la fois par curiosité à l’idée de rencontrer celui que les Spires galactiques qualifient de "Prophète", et par intérêt personnel pour l’anticonformiste Constant avec qui il entamera un marivaudage (notamment dans le cadre de la recherche de son véritable prénom qu’elle conserve secret en tant que Sayta-thespin).
Depuis l’incinération spectaculaire et choquante du gardien Jaegger, le directeur Sermak ne fait plus les difficiles, et il laisse l’alcoolique Holy Witness pénétrer dans le Sanctuaire. C’est ainsi que Hober Mallow, Constant, Poly Verisof et Sermak lui-même pénètrent les uns après les autres (mais pas simultanément) dans le sanctum sanctorum.
Tel un écho du Prime Radiant dans lequel e-Seldon #2 fut enfermé dans Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow, l’intérieur du Sanctuaire (que la série révèle pour la première fois) est un vertigineux polychoron ou 4-polytope. Soit un espace quadridimensionnel dont l’intérieur est bien plus vaste que l’extérieur (le TARDIS de Dr Who au hasard...), où le temps s’écoule plus lentement (quelques minutes à l’extérieur valant des jours à l’intérieur), et dans un constant état de flux énergie-matière (les atomes peuvent se recombiner à volonté aussi bien pour reconfigurer l’aménagement de l’espace intérieur que pour produire des substances comestibles).
En hôte rayonnant et apparemment omniscient, e-Seldon #1 accueillera augustement les visiteurs (après les avoir fait mariner un peu dans le dédale fluctuant du Sanctuaire). Visiblement très en forme, parfaitement sain d’esprit (malgré les 138 ans écoulés), et perpétuellement télique, il distribuera autoritairement les rôles — tel un James Phelps dans Mission Impossible ou Jésus-Christ à ses apôtres dans la version de Níkos Kazantzákis — pour faire face à la Seconde Crise à venir.
Les "Magiciens" Verisof et Constant seront chargés de mettre à profit leur expérience du prosélytisme et de la persuasion acquise au sein de L’église de l’esprit galactique pour établir à Trantor des relations diplomatiques entre l’Empire et la Fondation (afin de faire gagner du temps à cette dernière).
Le directeur Sermak sera poliment renvoyé à l’inutilité de sa fonction de dirigeant.
Quant à Hober Mallow (dont le nom fut inscrit en gros caractères au frontispice du Sanctuaire), sa mission sera plus délicate car il sera chargé d’entrer en contact avec un groupe peu réceptif à la dialectique techno-messianique développée stratégiquement par la Fondation depuis un siècle. Mais cet entretien en particulier restera secret (aussi bien pour les autres personnages que pour les spectateurs).
Les retrouvailles avec e-Seldon #1 (toujours formidablement incarné par Jared Harris) seront mémorables. Maîtrisant totalement son environnement (l’incroyable technologie du Sanctuaire, la surveillance électronique étroite de tout ce qu’il advient au voisinage et même au-delà...), il fusionne de façon inédite :
Une dimension incontestablement bienveillante : protéger l’avenir de la Première Fondation, servir le futur de l’humanité, guider ceux qui le suivent...
Une facette inquiétante voire meurtrière : il se justifie d’avoir assassiné publiquement Jaegger car celui-ci aurait été trop vaniteux et désireux de s’accaparer monopolistiquement la parole de Seldon, mais aussi dans le but d’édifier les foules et asseoir sa figure "divine" arbitraire !
Une distanciation méta-philosophique : assumant avec un indéfinissable second degré (limite humour) la nécessité politique de manipuler les autres pour "the greater good" au moyen de tous les outils sociologiques disponibles selon le niveau d’évolution d’une civilisation, y compris la religion et la foi (qui n’est qu’une étape structurante initiale).
Autant dire que les humains font l’effet d’être des pions voire des jouets entre ses mains, ce qui le rapprocherait paradoxalement des empereurs Cleon (dont il se veut pourtant l’antidote), à ceci près qu’e-Seldon #1 est incomparablement plus sympathique, moins criminel, et ses objectifs sont probablement plus nobles à ce stade (comme le sont généralement les révolutionnaires par rapport aux dominants, avant que ces premiers deviennent à leur tour ces seconds).
Cette séquence est un immense moment d’écriture et d’interprétation en parvenant à mêler les sentiments et les arguments les plus antinomiques de façon totalement indissociable au service d’enjeux transcendants. Et pourtant, par la voix de Seldon, le script est venu l’air de rien apporter une justification rationnelle au sacrifice humain ! Le premier avatar virtuel du créateur de la psychohistoire serait-il un Gestalt de l’Übermensch de Friedrich Nietzsche ?
Il serait euphémistique de dire qu’e-Seldon #1 est désormais une entité fort différente de e-Seldon #2. Quoi de plus logique au demeurant puisque les deux sont séparés par 173 ans de vécus très distincts (une durée supérieure à l’espérance de vie humaine) malgré la psychohistoire qu’ils ont en partage.
Les mystères qu’e-Seldon #1 cultive à loisir (presque à la façon d’un culte à mystères) ne le dispensent pourtant pas d’explications ad hoc (il répond d’ailleurs à toutes les questions que les "fidèles" lui posent). Ainsi, "l’électivité" spécifique de Hober ne résulte (heureusement) pas d’un abus précog ou déterministe de la psychohistoire (strictement mathématique) mais d’un choix exclusivement tactique basé sur les données factuelles recueillies par le Sanctuaire dans les Outer Reach durant des années (les informations provenaient semble-t-il d’un "fantôme de passage" qui pourrait bien être celui... d’Isaac Asimov).
Si bien que "l’entretien d’embauche" se révélera étonnamment fructueux sur les deux rives à la fois, au point que l’indomptable électron libre Mallow sera comme subjugué et ne se fera pas prier pour se mettre au service du "Prophète"... Telle une "conversion", mais pour le coup largement rationnelle puisque l’employeur n’a rien dissimulé de ses jeux socio-manipulatoires avec une troublante franchise (et maturité finalement)...
Avec les coordonnées secrètes de la destination directement programmées par e-Seldon #1 dans le jumpship Spirit, Hober partira seul vers l’inconnu. Mais les longs adieux avec la Brother Constant (qui ne cachera rien de ses sentiments et de son attraction physique) sont comme un écho de la douloureuse séparation 138 ans avant dans Foundation 01x10 The Leap au même endroit dans de semblables conditions entre Salvor et Hugo (effectivement on n’a jamais revu ce dernier). Une séquence assez mélo/pathos mais qui glissera pourtant sans accroc (c’est-à-dire sans faire l’effet d’être totalement HS) grâce à son léger décalage et son humour doux-amer (on se moque de soi-même pour éviter d’en devenir grandiloquent).
Constant y gagnera une touche de vulnérabilité derrière son désabusement apparent. Tandis qu’Hober Mallow révélera une consistance inattendue à la façon d’un réservoir de potentiel à qui il manquait une finalité. Quoique encore assez différent de son inspirateur littéraire (associé à la Troisième et non à la Seconde Crise), il s’en rapproche pourtant significativement à travers sa jeunesse smyrnienne aventureuse (avant de devenir un prince marchand).
Le Sanctuaire (c’est-à-dire e-Seldon #1) dispose également d’un autre Prime Radiant qui se révèle être un parfait ordinateur quantique intriqué avec celui en possession de Gaal ! Ce twist n’a rien d’anodin, car outre de permettre à l’avenir des connexions directes entre les deux Fondations, cela pourrait expliquer la capacité du Prime Radiant de Gaal et e-Seldon #2 à anticiper dans Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow le moment de la Seconde Crise malgré son isolement complet durant 138 ans (dans le cryopod puis sur Synnax désertée). Les deux Prime Radiants ne formant qu’une seule unité non locale (au sens quantique), ils disposent donc de la même actualisation des informations (via le Sanctuaire). Mine de rien, cet élément solutionne efficacement ce qui apparaissait comme une incohérence dans les trois épisodes précédents, où du moins un glissement vers la fantasy qui aurait éloigné cette adaptation de la SF d’Isaac Asimov.
C
Dans le palais impérial de Trantor — la planète-capitale désormais auréolée d’anneaux de pouvoir — l’ambiance est aux intrigues de cour.
Dans Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness, la reine Sareth avait dévoilé un aplomb et une lucidité qui avait laissé pantois Brother Day. Mais c’était la parfaite exécution du rôle que lui a appris sa main droite, Enjoiner Rue.
Désormais, ses véritables intentions se précisent : mettre à profit le projet de mariage (qui ferait d’elle la future impératrice) et son entrée au palais pour dénouer la cause des mystérieuses morts de tous les membres de sa famille qui la précédaient dans l’ordre de succession. Parce qu’aucun d’eux n’aurait jamais accepté une union avec un empereur affaibli, un luxe que ne peut plus se permettre Sareth, la dernière de sa lignée. Ce qui fait de Cleon XVII le principal suspect de ces possibles assassinats en série. Qui se souvient du formidable Kind Hearts And Coronets (Noblesse oblige) de Robert Hamer (1949) ?
La reine est donc décidée à découvrir la vérité par n’importe quel moyen…
Elle se rapproche d’abord de "l’innocent" Brother Dawn que le mariage privera du trône en tant que Cleon XVIII, et parvient à établir avec lui une relation complice (probablement en partie sincère) à la faveur d’une proximité d’âge qui en ferait (à ses yeux) un bien meilleur parti que Brother Day. Mais sous l’assaut des questions pressantes et des doutes de la reine, Brother Dawn aura néanmoins bien du mal à dénier formellement les capacités meurtrières de Cleon XVII, et partant, des siennes potentielles (comme si ces dérives venaient avec la fonction... qu’il n’occupera a priori jamais).
Puis, elle réussit à débaucher (et embaucher) moyennant finance un garde prétorien, Markley, et révélant à cette occasion que le Cloud Dominion a depuis longtemps développé des techniques pour résister aux audits mémoriels impériaux et même pour restaurer les effacements sélectifs de mémoire par l’empereur (dans le but de ne jamais laisser sortir du palais des "témoins gênants") !
Par la même occasion, Sareth aimerait savoir comment Brother Day a-t-il réussi à survivre à l’attentat perpétré par les redoutables Blind Angels dans Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow...
Mais pour compliquer l’équation, il s’avère que sa main droite Enjoiner Rue est elle aussi suspecte de ces assassinats étant donné qu’elle a un intérêt personnel (d’influence) dans ce mariage entre sa reine Sareth et l’empereur Cleon XVII !
De plus, elle est une ancienne courtisane de la Gossamer Court que Cleon XVI (lorsqu’il était Brother Day) s’est choisi comme concubine. Elle y gagna gloire et fortune, quoique sa mémoire fut effacée après "services" rendus. Mais des retrouvailles amicales devant les fresques murales "vivantes" avec Brother Dusk (désapprouvant le mariage comme Brother Dawn) pourrait lui valoir de récupérer un enregistrement de ses souvenirs effacés…
Bref, un imbroglio frappé au coin du réalisme, car si caractéristique des manigances de palais dans l’histoire des monarchies et des empires, allant des formes les plus violentes (Ottomans, Byzance...) aux formes les plus tortueuses (Versailles par exemple à travers les Mémoires de Saint-Simon). Une configuration renvoyant à la base davantage au passé qu’au présent, mais dont la touche puissamment SF accouche d’une intéressante uncanny valley...
Paradoxalement, le double-jeu de Sareth contribue à la rendre bien plus humaine et vulnérable qu’à sa première apparition...
Quant à Enjoiner Rue (déjà entraperçue dans les deux premiers épisodes de la saison et interprétée par l’actrice sud-coréenne Sandra Yi Sencindiver), elle pourrait éventuellement évoquer Rose Tico dans SW Episode VIII The Last Jedi, mais ce parallèle n’est pas forcément légitime à ce stade du récit...
La contextualisation du croisement d’intrigues est très limpidement et habilement posée par l’épisode (alors que le spectateur débarque pourtant comme un chien dans un jeu de quilles), et les potentialités narratives sont encore maximales. D’autant plus qu’il s’agit ici d’une extension narrative extra-asimovienne — mais pas forcément ininspirée pour autant — au même titre que la dynastie génétique elle-même.
D
Le puissant croiseur Shining Destiny sort de l’hyperespace en orbite de Siwenna. Cette civilisation est considérée comme de type zéro, donc largement agraire, sans technologie avancée ni satellite artificiel, ne disposant d’aucun moyen pour repérer le vaisseau impérial. Abandonnée par l’Empire depuis un siècle, cette planète a considérablement régressé, même si elle a survécu en autosuffisance. Des classiques audiovisuels post-apocalyptiques (Mad Max, Children Of Men, Jeremiah...) peuvent être convoqués pour décrire la sociologie des lieux, ce qui en fait donc un terrain de recrutement idéal pour la Fondation à travers la The Church Of The Galactic Spirit... dont au moins un "missionnaire" fut déjà été assassiné (entravé et foudroyé) en cette terre "barbare", tandis que les "Magiciens" Verisof et Constant en ont réchappé de justesse dans Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness.
Contre toute attente, c’est via une forme futuriste "d’orbital skydiving" (nommé "winging") en wingsuits (et sous couvert de tempête) que le général Bel Riose atterrira en personne sur Siwenna. Voilà qui scelle la trempe de ce commandant qui prend spontanément tous les risques à la place de ses hommes, selon le modèle trekkien (notamment dans ST TOS) si souvent décrié, mais qui témoigne d’une vision très humaniste du commandement (la prise de risque étant alors la politesse du grade).
Par discrétion, le général sera seulement accompagné dans son expédition au sol par Glawen Curr, le Fleet Supremus... qui est aussi son mari. Mais cette configuration (plus anti-népotique que népotique) ne constituera aucunement un conflit d’intérêt, ni une perte d’efficacité sur le terrain. Bien au contraire, ce couple fonctionnera en tandem d’une redoutable efficacité et complémentarité. Un format tellement éloigné des normes contemporaines qu’il distillera une sensation très alien (dans le style cultivé par l’excellente et regrettée série Raised By Wolves) mais aussi... très antique. Comme un hommage indirect aux inspirations gréco-romaines d’Isaac Asimov pour certaines facettes de son cycle (The Stars Like Dust, The Currents Of Space, Pebble In The Sky...).
Hélas, dans une société chaotique et violente, il n’est pas possible de progresser ni même simplement d’exister sans être immédiatement agressé, racketté, ou pire... même en venant en paix. Les deux visiteurs spatiaux ont donc fait assez rapidement une (très) mauvaise rencontre. Alors après avoir épuisé les options de la diplomatie et de la négociation, c’est-à-dire après avoir laissé une chance aux malandrins, Riose les massacrera tous avec une efficacité redoutable malgré leur nette supériorité numérique, et ce afin d’éviter que ne s’ébruite la présence d’envoyés de l’Empire sur Siwenna ! Mais un rescapé parviendra à s’échapper... Dès lors, le temps sera compté...
L’homme de l’art s’est ainsi rappelé dans toute son implacabilité, au point que son mari, Glawen, en fut choqué, ne reconnaissant pas le Bel (si respectueux de la vie) qu’il connut jadis. L’effet délétère de l’incarcération à Lepsis a visiblement laissé des traces profondes. Et pourtant, les objectifs de cette mission d’infiltration en terre hostile, la cruauté imprévisible des indigènes, et les échanges éthiques entre les protagonistes ne fera paradoxalement que renforcer l’étonnante tenue morale de Riose dans une société qui en est totalement dépourvue. Une puissante démonstration de relativisme.
Le but de cette équipée était de rencontrer un "informant" de l’empire mêlé à la population autochtone, à savoir le "patrician" Ducem Barr. Ne payant pas de mine à l’extérieur (probablement pour être raccord avec l’environnement miséreux de Siwenna), l’intérieur de son domicile se révèle fastueux, richement pourvu en technologie (écran holographique aérien, multiples systèmes vidéo de surveillance...) et disposant même d’une bibliothèque de livres physiques (depuis longtemps introuvables dans l’Empire et qui émerveillent Glawen)...
Des informations sur les mystérieux "Magiciens" de la Fondation, Ducem en possède. Y compris un enregistrement du dernier "spectacle son & lumière" de Poly Verisof et Constant pour épater les indigènes et les "convertir" (cf. Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness), et un autre du saut en hyperespace de leur vaisseau. La rumeur prétend même qu’ils possèdent des "whisper-ships" qui peuvent sauter en FTL sans Spacers (génétiquement modifiés) et atteindre Trantor...
Mais ces informations tactiques de premier ordre auront un prix élevé. Les autochtones, hystérisés par le massacre de leurs semblables et visiblement conscients de la présence d’envoyés de l’Empire tant honnis, tambourinent déjà à la porte du "patrician". Se sachant dès lors condamné, et plutôt que de tomber entre leurs mains perverses, Ducem supplie le général de le tuer. D’abord choqué et indigné par cette demande de "mercy kill" d’un si loyal informateur, Riose finira — livide — par (s’)exécuter au regard de la situation sans issue. Puis depuis le toit, le général et son mari parviendront in extremis à fuir cette planète hostile grâce à leur "extraction packet", à savoir d’astucieux anneaux de propulsion très compacts permettant à des individus équipés de combinaisons spatiales "télescopiques" (qui se déploient automatiquement) d’être propulsés verticalement afin d’atteindre la vitesse de mise en orbite (ou de libération). Un technologie aussi futuriste que hard SF.
Ce suicide par procuration possèdera une dignité toute romaine (ou nippone), conférant à toute cette équipée une force tragique. À sa façon, cette immersion dans l’enfer de Siwenna aura été aussi mémorable que la semaine dernière dans celui d’Oona (cf. Foundation 02x03 King And Commoner.
Certes, Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly propose un cadre planétaire moins spectaculaire que dans les trois opus précédents, notamment du fait de l’environnement assez rocailleux (donc commun et interchangeable) de la surface de Siwenna sur laquelle ont cheminé Bel Riose et Glawen Curr. Mais cela ne fait que renforcer la peinture post-apocalyptique d’un monde sinistré par le retrait de l’Empire — cruel par sa présence et peut-être encore plus cruel par son absence.
La charge de dépaysement sera davantage portée ici par la plongée au sein du Sanctuaire de Terminus, un écosystème si peu euclidien que déstabilisant. Manifestement, chaque épisode est astreint à un équilibre budgétaire, mais que la narration réussit à optimiser, sans jamais sacrifier la direction artistique. Un "fair trade" dans le business model des séries télévisées...
À l’instar de Foundation 02x03 King And Commoner, Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly est à nouveau un quasi-sans-faute.
En cultivant la hauteur de vue des problématiques par-delà la morale usuelle (e-Seldon #1 est fascinant et dérangeant sur ce plan), en suscitant une égale empathie pour toutes les obédiences en présence évitant ainsi la facilité du manichéisme hollywoodien (le général Bel Riose a beau être au service de l’Empire, il est aussi estimable et captivant que les activistes du Plan Seldon), en favorisant toujours l’in media res qui accentue la prégnance de l’univers par-delà ses personnages (les spectateurs sont plongés brutalement dans des conséquences dont ils ignorent les causes à l’exemple de la reine Sareth du Cloud Dominion ayant perdu toute sa famille et soupçonnant Cleon XVII du pire), et en préservant chez les protagonistes (Seldon notamment) une certaine grandeur hiératique asimovienne (malgré quelques tics trendy chez les acteurs)... ce quatrième épisode prodigue une authentique et ambitieuse expérience de SF, loin du contemporain et du mainstream.
Ce qui le prive cependant de la note maximale (en tant qu’épisode hors adaptation), c’est le caractère un zeste intempestif de la narration de Gaal qui tente "d’excuser" d’une perspective asimovienne les quelques ressorts soapy pour mieux les imposer, alors que la fluidité de leur traitement ne nécessitait guère cette surcouche — qui en devient du coup presque contreproductive (telle une morale tautologique façon Jean de La Fontaine).
En outre, le ton parfois désinvolte ou débonnaire des dialogues pourrait laisser entrevoir une pincée de coolitude à la mode, mais cette "pollution" reste malgré tout très contenue au regard de la qualité générale d’écriture.
Enfin, malgré l’immense intérêt et l’ambivalence stupéfiante du personnage, e-Seldon #1 renoue quelque peu avec le caractère deux ex machina qu’e-Seldon #2 avait progressivement perdu. Visiblement, il faut bien que la série en possède au moins un, mais c’est probablement un parti pris dont il faudra s’accommoder au nom de la dramatisation audiovisuelle du Plan Seldon...
Certes, la fidélité d’esprit (à défaut de la lettre) envers Isaac Asimov demeure toujours éminemment questionnable...
Et pourtant, il est incontestable que les topoï du maître irriguent cet épisode au moins autant (si ce n’est davantage) que les précédents.
Par surcroît, l’existence d’un second Prime Radiant intriqué vient crédibiliser au sens de la SF asimovienne les arcs A des épisodes précédents. Et il n’est pas impossible que cette adaptation non-linéaire et non-littérale réserve d’autres surprises du même acabit par la suite afin de réduire rétrospectivement le facteur fantasy apparent. Après tout, la Troisième Loi d’Arthur C Clarke peut expliquer pas mal de choses... Mais faut-il encore que les connaisseurs d’Asimov soient patients et — dans leur empressement à disqualifier l’adaptation d’une œuvre inadaptable — ne préjugent pas trop vite en présumant prématurément un "sacrilège".
Le lien avec le cycle littéraire a quelque chose de foncièrement quantique : il est et il n’est pas à la fois, selon le regard de l’observateur. Ce qui peut être aussi envoûtant que les relations d’amour-haine.
BANDE ANNONCE
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