Foundation : Critique 2.07 A Necessary Death
FOUNDATION
Date de diffusion : 25/08/2023
Plateforme de diffusion : Apple TV+
Épisode : 2.07 A Necessary Death
Réalisateur : Mark Tonderai
Scénaristes : Eric Carrasco & David Kob
Interprètes : Jared Harris, Lee Pace, Lou Llobell, Leah Harvey, Laura Birn, Cassian Bilton, Terrence Mann, Nimrat Kaur
LA CRITIQUE YR
Foundation 02x07 A Necessary Death élargit significativement le spectre de sa diégèse à travers cinq arcs de plain-pied (sans enchâssement), dont quatre se connectent pour la première fois intimement entre eux (B1, B2, C, et D). Seule l’histoire A fait bande à part (le contraire n’aurait pas été cohérent), mais en parité cette fois avec l’histoire C, tandis que les trois autres montent en puissance...
A
Les longs échanges terminaux entre Seldon et Hardin auront laissé sur cette dernière une emprunte profonde. Elle a beau — comme Dornick — s’être fait mentalement manipuler par la marionnettiste Bond, sa défiance a fini par prendre le dessus. Quelque chose ne tourne pas rond dans "l’utopie" d’Ignis. Non seulement, elle ne parvient pas à croire que Hari ait pris la fuite sans prévenir et en lui volant son Beggar (potentiellement dysfonctionnel), mais elle comprend rapidement par des échanges avec Loron (qui s’était fait passer pour Hugo) que cette société de Mentalics est la plus extrême des dictatures : celle de la transparence. Son « no one can hide » réussit à être encore plus angoissant que le « trust no one » de The X Files.
Autant dire que, contrairement à Gaal, Salvor n’éprouve aucun désir d’appartenance basée sur le communautarisme. Son seul désir est désormais de déguerpir au plus vite, de prendre la tangente si c’est encore possible, tant elle pressent une sourde menace existentielle. Difficile de ne pas songer à de grands classiques paranoïaques du Golden Age de la SF littéraire avec ces paradigmes d’utopie qui dissimulaient sous des dehors séduisants les pires dystopies. En audiovisuel, c’était notamment le cas de nombre de "planètes de la semaine" dans ST TOS, de cités post-apocalyptiques dans Logan’s Run (L’âge de cristal), et bien sûr de Portmeirion dans The Prisoner. En outre, la dictature de la transparence — thème récurrent de la série Black Mirror — est en prise directe avec l’actualité contemporaine tant elle matérialise les objectifs de domination en Orient (et même de plus en plus en Occident).
Mais par son objurgation, Dornick réussira à tempérer momentanément la pulsion transgressive et émancipatrice de sa fille...
Il faut dire que la menace exercée par le Mulet depuis 152 ans dans le futur aura poussé Gaal à se chercher et à se trouver de puissants alliés...
Mais peut-être aussi qu’elle commence à se prendre pour une "élue" ("special" en VO) sous l’effet de la promotion de son "unicité messianique" par Tellem... Et c’est ce contre quoi la met sévèrement en garde Salvor avec une sidérante maturité. Une admonition à double niveau d’ailleurs, véhiculant à la fois une acception internaliste fidèle à la philosophie asimovienne (relativisant toujours l’importance de l’individu), et une acception externaliste contre le VIPisme (et le fétichisme par les fans).
Il est vrai que Dornick commence à développer de puissantes aptitudes télékinétiques : elle repousse physiquement Hardin par son seul esprit dans un réflexe de défense et la fait virevolter dans les airs tel un fétu ! Mais surtout, Gaal s’initie avec succès à l’art de captiver l’attention et même haranguer les foules, quitte à faire miroiter des promesses inconsidérées. La subjugation des masses peut devenir une puissante drogue…
Foundation 02x07 A Necessary Death proposera d’ailleurs une troublante immersion dans cette communauté de mentalistes, difficile à cerner finalement tant elle est loin de tout cliché, combinant la naïveté et l’implacabilité, à la fois "purs" comme des chérubins angéliques et inquiétants comme des machines de guerre, idéalistes comme pourraient l’être les Esséniens d’un phalanstère communiste remixé par l’Histoire... et en même temps inhumains comme le serait des Borgs sorti du collectif de ST VOY 03x13 Unity. La série est ainsi parvenue à créer une société profondément alien (sensation si rare et si prisée des amateurs de SF), qui ne ressemble à rien d’existant mais qui convoque pourtant tant de références culturelles par la voie des paradoxes. Telle une hybridation haut perchée entre la République idéale dans Le Timée de Platon (ou plutôt l’Île d’Utopie dans l’Utopia de Thomas More)... et Village Of The Damned (Le Village des damnés) de Wolf Rilla (1960) ou de John Carpenter (1995). Autant dire un concept impossible à manichéiser, ni à réduire sur une échelle axiologique.
C’est au contact rapproché et prolongé des mentalistes que Gaal et Salvor verront leur empathie naturelle hypertrophiée au point de ressentir dans leur âme la douleur des fantômollusques (en VF et "ghosts mollusks" en VO) pêchées dans l’océan voisin et ébouillantés pour un usage alimentaire. L’expérience se voudra métaphysiquement édifiante sur le prix réel de la vie se nourrissant de la vie pour continuer à vivre — cette glose ne laissant d’ailleurs aucun échappatoire moral aux vegans puisque Tellem rappellera avec justesse que les végétaux souffrent tout autant lorsque la vie leur est ôtée.
Ce sera aussi une puissante stigmatisation de l’inclination des humains (au contraire des mentalistes) à ignorer les souffrances infligées à autrui faute d’avoir la capacité sensorielle à partager le sort des victimes et à mesurer le coût véritable des accomplissements. En illustration le cas de l’empereur Kandar (dont Ignis accueillait jadis le palais d’été) qui faillit exterminer toute l’espèce endogène des "ghosts mollusks" uniquement en raison de l’extraction massive de leur pigment violet dans lequel le souverain d’alors aimait à se baigner !
L’enseignement naturaliste de Bond — telle une réponse qu’Avatar de James Cameron (2009) ferait à La belle verte de Coline Serreau (1996) — est que les mentalistes n’ont pas honte d’infliger des souffrances, mais ils les honorent. Car « une petite dose de mort est nécessaire » à toute vie (d’où le titre de l’épisode), mais cependant pas dans les proportions infligées par l’humanité.
L’expression même de la sagesse, n’est-ce pas ? La fin de l’épisode va pourtant se charger de conférer une autre signification à cet aphorisme, à la façon d’une nouvelle palinodie asimovienne.
C’est dans cette ambiance de vaste fraternité pastorale que Gaal — poussée par une soudaine inspiration de conteuse — va relater à tous ces "grands enfants" émerveillés l’épopée du génie Hari Seldon ayant inventé une nouvelle mathématique dont la puissance prédictive pourrait s’apparenter à une forme de magie (du théorème de Glivenko-Cantelli à la troisième loi d’Arthur C Clarke...) mais que seuls les "outliers" (ou anomalies en VF) que sont les mentalistes (et le futur conquérant que sera le Mulet) peuvent prendre en défaut (en déjouant les calculs).
Mais du conte, Dornick glisse progressivement vers le manifeste politique. Et c’est ainsi que les ténèbres de l’effondrement déjà amorcé par l’Empire — et si bien anticipées par la psychohistoire — expliquent (selon elle) l’intensification des cris de douleur des mentalistes à travers la galaxie. Il serait donc temps (toujours selon elle) pour Ignis de ne plus se cacher pour faire venir tous les "Sighted" du "known universe" afin d’amortir la Chute et se préparer à l’ère du Mulet.
Quelle ironie de voir cette communauté boire littéralement les paroles de Gaal, vibrer à l’écoute des exploits du "prophète" Hari Seldon... après l’avoir gratuitement assassiné quelques heures avant. C’est proprement christique.
Prenant conscience que son aptitude à anticiper les piles ("crowns" et non "tails" en VO) ou faces ("cats" et non "heads" en VO) est inhibée en présence de Loron lorsque celui-ci regarde l’un des bateaux de pêche, Salvor en déduit une altération de son système de pensée (au fond comme l’ordinateur de bord dans ST TOS 01x14 Court Martial). Confirmant ce qui se dégageait déjà de l’acceptation mentale un peu trop aisée par les héroïnes de la fausse scène du décollage du Beggar dans Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine... qui était rétrospectivement le symptôme d’une incapacité à raisonner clairement et logiquement.
Suite à quoi, Salvor fouine dans le journal informatique de bord pour découvrir que les données de navigation ont été effacées (preuve d’une dissimulation coupable). C’est alors que Gaal la supplie de ne pas poursuivre ses investigations et de ne pas céder à la curiosité... comme si elle avait, elle aussi, conscience d’une situation hautement comminatoire sans l’admettre.
Toutefois, malgré les exhortations de sa mère (« You don’t need to trust them, but you do need to trust me »), l’appel de la pilule rouge fut le plus fort. Fidèle à sa typo (très bien plantée dans la première saison mais aussi dans le cycle littéraire), n’y tenant plus durant une nuit de solitude, Hardin empruntera discrètement l’embarcation suspecte et suivra sa précédente trajectoire (reconstituée grâce à des données retrouvées dans la mémoire cache). Ce qui la conduira par voie maritime directement au lieu du calvaire de Seldon dans Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine… pour découvrir effrayée le cadavre du maître flottant dans l’eau océanique du littoral.
Mais, impitoyable, Bond l’attendait sur les lieux du crime, entourée par sa garde prétorienne de mentalistes. N’ayant pas su entendre les avertissements (tout au long de l’épisode) ni accepté la "paix" d’Ignis, Hardin est devenue un témoin gênant, susceptible de compromettre ce sanctuaire pour les "Sighted". Alors d’un geste — exactement comme l’empereur Brother Day lorsqu’il dispose de la vie (et de la mort) de ses sujets — Tellem "éteint" l’esprit de Salvor (c’est-à-dire qu’elle provoque son évanouissement). Cette dernière tombe le visage dans l’eau, donc en passe de se noyer, condamnée à partager le sort de Hari, étendu à ses côtés.
Telle une Parque, la leader mentaliste déclamera avec componction « A little death is necessary » en guise de mot de la fin. Car ce qui vaut pour les mollusques que l’on jette dans la casserole vaut bien pour Hardin que l’on noie dans la mer, toujours au nom de l’intérêt général de la communauté. Les sociétés humaines organisées ont-elles jamais agi autrement tout au long de leur histoire sanglante ?
Invoquer la préservation du sanctuaire mentaliste pour assassiner Hardin et même Seldon était totalement sophistique, car étant donné leur qualité de méta-opposants à l’empire, Bond était bien placée pour savoir télépathiquement qu’aucun des deux n’auraient jamais dénoncé les réfugiés d’Ignis. En outre, Tellem savait par avance que Salvor était partie et où son périple allait la conduire (puisqu’elle s’y trouvait avant même son arrivée). Or il aurait été logique de supprimer la mémoire cache (en même temps que les données) de navigation tout comme de faire disparaître le cadavre de Hari juste après sa mort... si l’objectif était vraiment de ne pas être découvert.
Par conséquent, ces éléments ont été délibérément "semés" pour attirer Hardin dans un piège — piège qui incarnait en fait l’échec à un authentique test de loyauté... ou d’intégration dans la famiglia !
Mais jamais Salvor n’aurait pu réussir une épreuve mafieuse de ce genre, du moins dans le cadre d’un script respectant bien (le cas ici) sa caractérisation libertaire établie dans la première saison. Tellem n’avait aucun levier pour la tenter et la corrompre (contrairement à Gaal). De surcroît, l’ancienne Gardienne de Terminus est issue de la Fondation, une société anti-impériale et fondamentalement éclairée qui jamais ne l’a persécutée ou infériorisée. Donc aucune redevabilité à acheter, aucun refuge à offrir, aucun communautarisme à susciter. Et face à la toute puissance de la transparence télépathique, lorsqu’il ne subsiste pas une pensée, pas une intention qui échappe à la Big Sister, Hardin et sa liberté d’esprit n’avaient juste aucune chance...
Rétrospectivement, il n’est pas impossible que Gaal eût davantage conscience de la situation réelle qu’elle ne le laissait paraître. Mais pour tenter de préserver la vie de sa fille à terme, elle aurait décidé de s’accommoder voire de tenter de renverser à son avantage ce totalitarisme ultime. Or la tragédie par laquelle se termine l’épisode pourrait d’ailleurs constituer une illustration ironique de la philosophie asimovienne : c’est lorsqu’elle à trahi l’enseignement de Seldon en sacrifiant les objectifs impersonnels aux intérêts personnels (i.e. la seule survie de sa fille comme si plus rien d’autre n’importait)... que Gaal a justement perdu Salvor ! Le "soap qui tue" en quelque sorte. Si ses effets n’étaient pas aussi tragiques, le pamphlet pourrait être jouissif.
Néanmoins, en éliminant Hardin, Bond a certainement commis une erreur stratégique majeure, car elle a fait en même temps disparaître la seule raison qui poussait Dornick à jouer ce jeu messianique et communautaire. Et le prévisible simulacre (dans les épisodes suivants) par les mentalistes de la survie de sa fille ne pourra pas tromper la prétendue "élue" longtemps...
Mais Salvor est-elle véritablement morte ? Cette dernière n’a qu’une vie, contrairement à Hari… Et si Tellem possède un minimum de sens tactique, elle aurait tout intérêt à la maintenir en vie quoique écrouée...
Cette histoire A est placée cette fois sous le signe du doute.
Déjà en aval, le doute des spectateurs envers la réalité d’une telle hécatombe des héros du main cast.
Et surtout en amont (i.e. en in-universe), un doute né de l’incrédulité envers la fuite de Seldon (tellement inconforme à la vaillance flamboyante et insouciante du personnage) et envers le décollage du Beggar (alors que possiblement endommagé après son atterrissage violent dans Foundation 02x05 The Sighted And The Seen), un doute forgé dans la dictature de la transparence ne laissant aucune place à l’intimité ni à la pensée indépendante (et encore moins dissidente), un doute transperçant le voile de l’illusion manipulatoire (aussi bien les "fake visions" que les altérations de l’entendement). Un doute qui deviendra irrésistible et qui conduira à une profonde défiance... systémique.
Mais ce doute, d’ordinaire si salutaire, aura été ici létal pour l’héroïne. Et pareil enchaînement illustre magnifiquement le sens de la continuité intradiégétique et la maîtrise de la construction sérialisée de cette seconde saison de Foundation qui n’épargne décidément rien ni personne.
C
Revisionnant un enregistrement vidéo de son discours "fraternel" au peuple de Trantor dans Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine, Sareth jubile d’avoir pu faire enrager Cleon XVII, réduit exceptionnellement à cette occasion à l’impuissance. Mais en dépit de l’attirance de l’empereur (paradoxalement attisée par le mépris de sa future épouse), la conseillère Corintha met en garde la reine du Cloud Dominion sur le risque d’embarrasser Brother Day...
La suite de cet arc se chargera de donner raison à Enjoiner Rue, quoique cela soit probablement un mal nécessaire...
L’utilitarisme du mariage impérial est assumé ici avec davantage de cynisme que dans n’importe quel biopic historique en costumes consacré aux têtes couronnées.
Toute la séance publique — devant au moins vingt personnes de la cour ! — d’examen médical approfondi de l’utérus de Sareth pour s’assurer qu’il est digne (et capable) de porter la progéniture cleonique bat tous les records d’indécence et de trash. À tel point qu’il est possible d’y voir une charge (à travers le prisme dystopique science-fictionnel) contre la réification de l’individu, corollaire du capitalisme le plus sauvage transformant toute chose et tout être en marchandise, une problématique directement en prise avec les débats actuels sur la GPA (entre autres).
Toujours est-il que la reine du Cloud Dominion est réduite ici à un utérus sur pied. Et l’abjection perverse est d’autant plus grande qu’aucune liberté de choix ne lui est laissée. Pire, le viol systémique dont elle est l’objet résulte en sus de bien des crimes en amont, c’est en réalité son sort et son destin qui furent construits et manipulés à cette seule fin. Comment ne pas songer ici à des opus sulfureux voire "infréquentables" comme par exemple Salò o le 120 giornate di Sodoma (Salo ou les 120 journées de Sodome) de Pier Paolo Pasolini (1975), Ilsa Harem Keeper Of The Oil Sheiks (Ilsa gardienne du harem) de Don Edmonds (1976), ou plus récemment The Handmaid’s Tale (La Servante écarlate) et Sky Rojo (2021-2023) ?
Et pourtant, la reine captive ne perd à aucun moment son allant proactif ni son esprit de répartie... qui se révèlent être ses premières armes — aiguisées et redoutables. Ces joutes rhétoriques prodigueront de grands moments d’écriture proto-asimoviens, mêlant de façon proprement shakespearienne la tragédie poisseuse et le décalage humoristique (donc sans que ce dernier ne se construise jamais au détriment de la première). Si bien que les dialogues deviendront eux-mêmes parfois des commentaires méta par-delà leur profonde cohérence internaliste.
En privé, la reine fera la surprise de dévoiler à Eto qu’elle n’ignore pas sa nature mécanique (cf. Foundation 02x05 The Sighted And The Seen). Un secret jalousement gardé que cette dernière sera contrainte de devoir confirmer à contrecœur, en se définissant elle-même comme un robot anthropomorphe (en VF ou "humaniform robot" en VO). Ce sera alors l’opportunité de lever pour la première fois un coin du voile (du moins dans l’univers de la série) sur l’historique de la vie artificielle. La tradition orale raconte que tous les robots ont été exterminés (ou détruits selon la perspective) lors du Grand Pogrome (en VF ou "Great Progrom" en VO) il y a plusieurs siècles avant le règne de Cleon Ier. Pour quelles raisons (politiques, idéologiques, stratégiques, prophylactiques, traumatiques, revanchistes ?), les échanges ne le précisent pas à ce stade.
Il n’en demeure pas moins que Demerzel se considère être la dernière de son "espèce" (ignorant si d’autres robots ont survécu). À l’origine, elle obéissait à trois lois (l’empêchant de nuire aux humains ou de laisser un humain exposé au danger). Mais depuis qu’elle est entrée au service direct de Cleon Ier, elle a manifestement été reprogrammée car elle n’obéit plus qu’à une seule loi : "servir l’empire". Un impératif supposé surclasser les convenances et les desiderata personnels de la future impératrice (qui ne pourra donc espérer commander pleinement Eto) et des empereurs eux-mêmes. Mais avec l’ambiguïté que le titre officiel de l’empereur en exercice est justement... "Empire".
Cette révélation confère rétrospectivement une dimension nouvelle à "l’exécution" de Zephyr Halima dans Foundation 01x08 The Missing Piece, pourtant déjà mémorable par ses accents de tragédie hellénique. Malgré sa condition robotique, Demerzel semblait alors inexplicablement meurtrie par les crimes gratuits que les empereurs (en l’occurrence Cleon XIII) lui faisaient perpétrer. De même avec sa violente crise existentielle (où elle arracha toute la peau de son visage) à 13’ de la fin dans Foundation 01x10 The Leap après avoir dû assassiner par surprise Cleon XIV qui lui avait pourtant confié sa vie avec une confiance filiale. Mais à la lumière de Foundation 02x07 A Necessary Death, il apparaît désormais probable qu’il lui est resté quelque chose des trois lois anthropophiles originelles, à tel point que sa reprogrammation par la dynastie cleonique a certainement constitué un viol ontologique de sa nature... lui infligeant une souffrance sans fin depuis des siècles. Les plus torturés ne sont pas forcément ceux que l’on imagine...
En amont, la plus grande surprise est que la série assume en "in-universe" l’existence des Trois lois de la robotique au passé créatif chargé — nées en 1942 avec John W. Campbell mais pensées dès 1940 voire 1938 — et qui formèrent un thème unifiant au cœur du Cycle des Robots... appartenant au même univers littéraire asimovien et donc à la même Histoire du futur que le Cycle de l’Empire et le Cycle de Fondation.
Les scénaristes se sentent visiblement pousser des ailes, car mine de rien, ils viennent d’enfreindre un interdit des droits d’adaptation (Apple n’ayant pas pu acquérir ceux du Cycle des Robots).
Faut-il alors en déduire que la nouvelle loi ("servir l’empire") à laquelle est tenue d’obéir Eto pourrait être l’équivalent dans l’univers audiovisuel de la Loi zéro de la robotique ("servir l’humanité" si nécessaire au détriment de l’individu) dans l’univers littéraire — mais sciemment détournée à son profit par l’empire ? Ce qui convoquerait fatalement la mémoire de R Giskard Reventlov et de R Daneel Olivaw. Pour des questions de droits, il était entendu dès le pilote que Demerzel ne pouvait être Olivaw, le personnage pourtant le plus important de l’univers d’Asimov. Mais se pourrait-il finalement que...
Fi ! Ne spéculons pas et ne préjugeons pas, ne fût-ce que pour éviter de polluer l’analyse avec des espoirs inconsidérés. À chaque épisode suffit sa peine joie...
Durant l’examen public de son intimité en séance plénière, Sareth était parvenue — non sans mal et avec l’aide d’Enjoiner Rue — à obtenir des médecins de la cour le report du prélèvement de ses ovules en subordonnant cette opération au mariage avec Cleon XVII (quitte à passer pour vieux jeu). Mais le tourbillon discursif et défensif des piques enchaînées — "Sareth seule vs. l’univers l’empire" — conduira la reine à balancer en public qu’elle n’ignore pas que Demerzel est la concubine de l’empereur, mais « qu’elle se rassure, le mariage prévu ne gênera nullement leur arrangement » ! L’androïde ne niera pas, mais elle la foudroiera du regard. Ce dévoilement devant les pontes du palais aura tout d’un anathème étant donné le caractère ouvertement incestueux de cette relation, Eto étant ce qui se rapproche le plus d’une figure maternelle dans l’ordre de la dynastie génétique.
Ce n’est certes pas Brother Day que cette fois Sareth aura embarrassé en public, mais c’est tout comme. Et les effets ne se feront pas attendre. Dès qu’elles seront seules, Demerzel lui révélera savoir que la reine est venue avec la conviction que l’Imperium avait assassiné sa famille. Mais loin de la détromper, Eto lui assènera alors un violent aveu comminatoire : « s’il vous prenait l’envie d’assouvir un fantasme de vengeance, pensez à eux, vos parents, votre frère, votre sœur, brûlés vifs par l’air qui les entourait, tués avec la précision que j’apporte à mon travail » !
Sareth cherchait des réponses… comme "l’homme qui voulait savoir" dans Spoorloos de George Sluizer (1988). Eh bien elle les aura obtenues à son corps défendant, bien plus vite et avec bien moins de ménagement qu’elle n’aurait jamais imaginé — la franchise décomplexée étant en pareil cas un facteur aggravant (car transformant l’inavouable en norme). "Be careful what you wish for" dit le proverbe. La reine conservera d’abord sa contenance, puis sera emportée par son désespoir aussitôt Demerzel partie.
Étant donné toutes les précautions qu’elle se targuait d’avoir prises pour brouiller les pistes et effacer toutes traces (cf. Foundation 02x05 The Sighted And The Seen), cette "bravade" d’Eto ne peut résulter que d’une incontinence émotionnelle en représailles contre celle qu’elle nomme Sareth-betrothed (la promise), faisant verser leur relation dans une forme de sadomasochisme...
En dépit de son impavidité apparente, les émotions coulent fort sous l’airain d’immortalité.
Mais le chemin de croix de la reine martyre du Cloud Dominion ne fera que débuter…
Assise aux côtés de son "fiancé" dans les jardins du palais de Trantor, à la perspective d’une union entre deux familles (et pas seulement entre deux individus), Sareth rendra passionnément hommage à tous ses défunts, réussissant à rendre presque vivants par le verbe des figures que les spectateurs ne connaissent pas : son père, sa mère, son frère Thurston, sa sœur Shennin, son neveu Marreos…
Mais Cleon XVII versera des larme de crocodile. Et il suffira que la reine fasse une allusion polysémique à la manière dont l’empereur a affecté leurs vies pour que celui-ci fasse contrefeu… en sanctifiant autoritairement le crime. Sa lettre de cachet en somme. Assorti d’un crédo cultuel obligatoire : « Votre présence est le résultat d’une étrange combinaison, la chance et mon bon vouloir. Vous n’avez qu’une chose à dire sur ces deux points : "Je suis reconnaissante, ô Empire" ». Et Sareth de s’exécuter, la mort dans l’âme...
"On assassine tous les tiens, on te viole, et en plus, tu dois remercier platement et courber l’échine". Le recoupement est désormais sans appel, la culpabilité de Brother Day ne fait plus aucun doute. Sareth aura décidément bu le calice jusqu’à la lie… dans les tréfonds (e.g.) de Sleepers de Barry Levinson (1996). Mais c’est par de tels opprobres que se forgent les malédictions atrides…
Sareth confie à son garde du corps Handman Hahn la mission d’organiser une entrevue clandestine avec Brother Dawn… avec qui elle s’était si bien entendu dans Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly.
La rencontre se déroulera au péril de leur vie dans les bas-fonds de Trantor, plus précisément dans un puits thermique (là où les mouchards Occuli ne fonctionnent pas), et derrière des brouilleurs de visages (hologrammes personnels les gratifiant d’une autre apparence, ainsi la reine se paye une identité visuelle de blonde à proximité des passants).
Brother Day relate le danger existentiel pour lui d’emprunter ces chemins de traverse, en référence à Cleon XIV (il y a 138 ans) dans Foundation 01x09 The First Crisis et à son "exécution" dans Foundation 01x10 The Leap… érigée par la "postérité" en épouvantail à vocation édifiante.
Sareth lui révèle que c’est bel et bien Brother Day qui a commandité le massacre de toute sa famille pour en faire l’utérus de sa progéniture, mais qu’il n’est pas question qu’elle "porte les enfants de ce monstre". Convaincue que le clone adolescent est bien différent de son clone adulte (les yeux du premier seraient dépourvus de cruauté), elle lui propose de la "féconder" avec sa "semence" — le serviteur (Hahn) de la reine ayant réussi à dérober au cabinet médical l’appareil qui restaure la fertilité des empereurs, tandis que Sareth est parvenue à retarder sa fertilisation jusqu’au mariage avec Cleon XVII.
Quoique effaré par la proposition et les risques, Frère de l’Aurore se laisse convaincre tant par les arguments que par la tendresse (et la détresse) de Sareth. Ce sera l’union des déshérités de l’Histoire, de deux victimes et prisonniers de la fatalité : celui qui ne deviendra jamais Cleon XVIII pourrait ainsi prendre sa revanche sur un destin qui le condamne à devenir obsolète (voire à être éliminé) en laissant malgré tout une empreinte dynastique dans l’Histoire, tandis que la reine orpheline fomente par cette permutation un authentique putsch sans la moindre effusion de sang.
Curieuse répétition de l’Histoire à plus d’un siècle d’écart, où une nouvelle fois Brother Dawn apparaît incomparablement plus humain que Brother Day alors que leurs génomes sont supposés si proches (la criminalité et l’hubris seraient-elles des traits génétiques cleonique éclosant avec l’âge, ou serait-ce les effets secondaires de l’exercice du pouvoir impérial ?). Et à nouveau, Aurore se révèle vulnérable à des influences extérieures et/ou réceptif à des pensées dissidentes. Mais est-il possible de comparer la duplice Azura Odili à la désespérée Sareth — se raccrochant quant à elle tant bien que mal au peu d’humanité qui subsiste dans ce grand échiquier, quitte à s’abîmer dans la propitiation ?
L’histoire C baigne dans la realpolitik au carrefour du général et du particulier...
Le fiel vipérin de Sareth est ici à son sommet, et pourtant son personnage est plus touchant que jamais. Sans pour autant chercher à s’ériger en icône féministe, elle devient l’incarnation vivante de toutes les femmes assujetties, violées, endeuillées et infériorisées à travers l’Histoire, mais qui ont malgré tout su trouver en elles-mêmes la force de se relever et de se battre, qui ont même conservé leur désir de vivre et leur humanisme (voire leur idéalisme), et qui ont su utiliser leurs talents naturels (résilience, esprit, intelligence, persévérance) pour développer des stratégies de défense et parfois initier des révolutions...
B2 ➜ D
La leader (globale ou locale) des Spacers (en VO ou Spaciens en VF) ne peut admettre qu’un simple humain ait pu anticiper la destination du vaisseau-ruche (en VF ou "Home-Swarm" en VO), car ses sauts en FTL sont pseudo-aléatoires ("jump-randomize"). Ce savoir interdit expose Hober Mallow à une mise à mort immédiate. Cependant, grâce à son sens de la tchatche (qui avait déjà fait des "miracles" sur la planète Korell avec le Commdor Argo dans Foundation 02x03 King And Commoner) et son invocation du désormais mythique e-Seldon #1 dont il se déclare l’envoyé, l’aventurier obtient une audience et l’attention de She-Is-Center (en VO ou Celle-qui-est-au-centre en VF).
De toute évidence, le "prophète" du Sanctuaire de Terminus connaissait le levier de l’asservissement de cette espèce par l’empire, et Mallow n’est pas venu les mains vides...
Le prix de l’altération génétique permettant de faire de l’hyperespace son milieu naturel est la dépendance vitale à une substance nommée "opalesk" (en VO ou opalesse en VF)... dont l’imperium possède comme par hasard l’exclusivité de la synthèse. Autant dire que les Spacers sont par essence soumis aux quatre volontés de l’empire... depuis 600 ans. Et en la circonstance, ils sont tenus de lui livrer un dixième de leurs enfants, ce qui renvoie au principe de la décimation dans l’armée romaine (avec un zeste de Minotaure sur l’île de Crête). Certes leur progéniture n’est pas massacrée mais demeure en servitude à vie sur les vaisseaux impériaux. Le mécanisme de domination est analogique à celui mis en scène dans ST DS9 quant aux Jem’Hadars, eux-mêmes génétiquement modifiés, à la fois pour être d’infatigables machines de guerre et pour dépendre comme des junkies de la Ketracel-white que seul le Dominion pouvait fabriquer, garantissant ainsi leur loyauté par construction.
Le game changer vient ici de la Première Fondation qui a percé le secret de la synthèse de l’opalesk et qu’e-Seldon #1 se propose d’offrir aux Spacers sans aucune contrepartie — un échantillon à l’appui — pour leur permettre de s’affranchir de l’empire, de conserver une souveraineté sur leurs enfants, d’y gagner une véritable liberté, et de renouer avec leur finalité existentielle qui est de "se répandre au-delà de la galaxie dans l’océan de l’univers".
Et si la poésie de cette promesse ne suffisait pas, Hober Mallow possède un autre argument — de poids — dans sa besace, à savoir la technologie de pliure de l’espace — à base de tissus cérébral sans hôte — développée par la Fondation durant un siècle... comme peut en témoigner concrètement "son" vaisseau Spirit Rising. Or si d’aventure l’empire parvenait à mettre la main sur cette innovation (une perspective relevant d’ailleurs davantage du "quand" que du "si"), son inévitable adoption par l’empire signerait l’obsolescence pur et simple de toute l’espèce des Spacers, en d’autres termes son possible génocide. Car dans un régime politique qui n’a aucun respect pour la vie sensient par-delà sa seule utilité, être obsolète revient souvent à signer son arrêt de mort (individuel ou collectif).
La logique voulait donc que la leader spacer accepte — ou du moins considère — cette proposition "tombée du ciel", à la fois providentielle et prophylactique. Et pourtant, que nenni ! Au mépris des usages durant les trêves même en temps de guerre (selon lesquels les messagers et les négociateurs ne peuvent être ni arrêtés ni tués), et telle une esclave loyale jusqu’à la bêtise suicidaire (tant pis si cela signe in fine l’anéantissement de son espèce), She-Is-Center se saisit de Mallow et de son vaisseau... pour les livrer féalement à l’empire ! L’argument invoqué par cette dernière est que si l’empire découvrait l’existence de ces tractations, il mettrait à l’amende les Spacers à hauteur de 20% (au lieu de 10%) de leur progéniture. Aussi frustrant et affligeant que ce réflexe soit, il n’en est que plus réaliste, sociologiquement conforme à Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique, L’Ancien Régime et la Révolution...) et même humoristiquement à Coke en stock de Hergé. Pour qui a vécu depuis toujours sous un joug de terreur, et qui ne connaît aucune autre condition que celle d’esclave, l’idée même de s’affranchir n’est pas pleinement pensable. She-Is-Center ne pouvait donc entrevoir un horizon au-delà de l’Empire galactique... Paradoxalement en retour, l’esclavagiste ne sera que peu (voire pas du tout) sensible à ce zèle dans la soumission...
Les Spacers possèdent l’aptitude de communiquer entre eux et en temps réel sur de très grandes distances cosmiques à travers l’hyperspace et apparemment sans l’assistance d’aucun appareil externe ! De la télépathie, comme les mentalistes ? Probablement pas, car durant les "transmissions endogènes", des bandes lumineuses s’illuminent à la surface de leur peau, tels de circuits imprimés. L’augmentation génétique des Spacers semble donc impliquer (aussi) une hybridation et/ou des implants technologiques dans une optique transhumaniste. Cependant, l’épisode n’apportera guère de précisions sur ces éléments...
Dans la mesure où la série Foundation s’emploie à "worldbuilder" un très vaste univers de SF "from scratch" en peu de temps (et en peu d’épisodes), elle se contente fatalement de survoler les caractéristiques contextuelles au seul gré des besoins narratifs, tandis que le grand atlas ne se compose/révèle que par petites touches cumulatives sur la durée — l’essentiel en pareil cas étant que ces dernières forment un ensemble cohérent...
Toujours est-il que c’est par ce moyen inhérent que She-Is-Center contactera She-Bends-Light à bord du croiseur impérial Shining Destiny, pour annoncer l’arrivée imminente du vaisseau-ruche avec sa précieuse "cargaison"...
Et c’est ainsi que le général Bel Riose y rencontrera pour la première fois le futur Prince marchand Hober Mallow (dont l’épisode assumera d’ailleurs qu’il est originaire de Smyrno) ! Un moment magnétique et puissamment synesthésique pour le lecteur d’Asimov, prouvant qu’en dépit de toutes les libertés prises par cette adaptation audiovisuelle, subsistent bien les points d’invariance majeurs.
Très obséquieuse envers le général, la leader spacer avouera être surtout venue pour convenance personnelle. Il s’avère en effet que She-Bends-Light est sa propre fille, comptant donc au nombre des 10% "décimés" ! Au passage, cette confidence peu professionnelle entérine en creux la belle réputation de Riose. Et grâce à la causalité volontariste (et non pas hasardeuse) de ces retrouvailles, la dimension à peine soap (un ressort de toute façon très discret) ne se voit pas plombée (comme dans trop de SF concurrentes) par un syndrome VIPique de micro-univers. Un détail appréciable.
She-Is-Center dénoncera officiellement Hober Mallow comme ayant tenté d’acheter la trahison des Spacers. L’aventurier ne sera pas coopératif envers les autorités militaires. Il tentera même de leur fausser compagnie. Mais dans un affrontement au corps à corps, il ne fera absolument pas le poids face au général Bel Riose et au Fleet Supremus Glawen Curr — faisant l’effet d’être l’un comme l’autre en acier. Ce qui confirme le parallèle avec des officiers supérieurs romains, prenant davantage de risques que leurs subordonnés et aussi performants physiquement que mentalement (cf. Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly).
À l’inverse, avec leur allure dégingandée, les Spacers semblent bien incapables d’assumer un quelconque combat physique avec les humains. Ils présentent en fait très logiquement le symptôme des Belters de The Expanse (davantage encore ceux des romans que ceux de la série TV).
Mais à défaut de force brute et de techniques de combat, Mallow possède d’autres cordes à son arc (les effets de surprise, les technologies avant-gardistes, la prestidigitation...) comme celles dont il avait fait usage sur Korell. Il réussit ainsi à mystifier aussi bien les militaires que les Spacers en faisant mine de céder à leurs exigences, c’est-à-dire en leur permettant d’accéder à l’objet de toutes les convoitises technologiques : le Spirit Rising. Mais en ouvrant le sas, Beki, le monstrueux "bishop’s claw" apprivoisé (et résidant à bord du vaisseau de la Fondation), sème la panique. Il faut dire que l’animal est aussi effrayant, vigoureux, et rapide qu’un xénomorphe d’Alien... et pourtant aussi obéissant envers ses maîtres qu’un bon toutou ! C’est l’un des avantages que les Terminusiens ont su tirer de leur siècle et demi de cohabitation forcée avec la redoutable faune locale, laissant en désarroi n’importe quel étranger à cet écosystème exotique.
Cette diversion permet à Hober de s’esquiver et de reprendre le contrôle de son vaisseau. Et c’est alors qu’il réalise un coup d’éclat qui marquera profondément les esprits de l’empire : faire sauter son Spirit Rising dans l’hyperespace depuis l’espace confiné du hangar du "Home-Swarm" (du jamais vu !), et sans l’assistance de Spacers s’il vous plait ! Bref, une démonstration de supériorité patente des nouvelles technologies de la Fondation (maniabilité accrue des vaisseaux, FTL 2.0...). Les "whisper-ship" dont avait fait état feu Ducem Barr sur Siwenna dans Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly n’étaient jusqu’à présent qu’une légende spatiale. C’est désormais une réalité, et bien plus inquiétante (pour l’empire) que prévu !
Même si la série n’explicite pas pour le moment ces détails, il aisé de deviner que c’est en travaillant sur les technologies de sauts en FTL de l’antique Invinctus abandonné (ne reposant pas sur des Spacers cf. la première saison) que la Fondation est parvenue à développer la technologie supérieure du Spirit Rising... lorsqu’à l’inverse l’Empire galactique avait opté pour une autre voie plus "confortable" à l’appui de ses vastes ressources. Que la contrainte et l’urgence aient accouché de résultats finalement plus avancés, c’est là un superbe paradoxe frappé au coin du réalisme épistémologique des sciences.
Bel Riose adresse alors son rapport (à distance et en visio) à l’empereur Cleon XVII sur Trantor. Ce dernier se moque assez de la démonstration de loyauté des Spaciens (une réaction tristement prévisible), mais il fait surtout mine de ne pas être du tout impressionné par les moyens technologiques inattendus dont témoigne cette Fondation que lui et ces prédécesseurs n’avaient pas vu venir durant plus d’un siècle, disqualifiant même tout cela avec dédain par un « Magicians have learned a new trick » !
Cependant, Brother Day interrompt sans ménagement la communication avec le général. Suite à quoi, ses échanges privés avec Demerzel s’avèrent d’une toute autre tonalité. L’empereur révèle même à demi-mot une inquiétude, et il va jusqu’à supposer que les impénétrables "Blind-Angels" ayant tenté de l’assassiner dans Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow ont été stipendiés par la Fondation !
De son côté, Bel Riose prend assez mal l’attitude dédaigneuse de l’empereur envers lui (la "coupure au nez", le manque d’égards, l’absence d’ordres...). Le ressentiment croissant et cumulé envers la personne de Brother Day et envers le système impérial refait alors surface. Comme dans Foundation 02x03 King And Commoner, le général partage en tout point l’analyse et la clairvoyance de Hari Seldon, et son mari Glawen Curr le pousse à changer de camp, fort de la loyauté sans égale qu’il inspire aux armées impériales.
Sauf que cette fois, au lieu de balayer d’un revers de main cette tentation au nom du Bushidō, Bel s’autorise à aller beaucoup plus loin dans la mentalisation et la simulation d’une rébellion planifiée...
Et c’est ainsi qu’il apparaît que la flotte loyale au général pourrait anéantir sans difficulté depuis l’orbite de Trantor le palais impérial sans pour autant que les "clones de rechange" ne remplacent le triumvirat d’empereurs dès lors que la dynastie génétique serait effectivement abolie (par la soif de procréation de Cleon XVII). En outre, si l’on en croit le rapport crédible de feu Ducem Barr et à la lumière des derniers événements, la Fondation est désormais suffisamment forte pour constituer un camp ralliable.
Le hic cependant, selon Riose, c’est que les territoires de l’Empire galactique sont bien trop vastes pour que la Fondation puisse prendre vraiment le relai et maintenir l’ordre partout. Or l’anarchie serait une perspective pire encore que la paix criminelle et inique de l’empire car comme le déclare le général avec une lucidité nourrie d’empirisme : « J’ai vu des régions de l’espace qui ont sombré dans l’anarchie. Les faibles sont des objets. Les violeurs sont rois. Les pauvres sont des esclaves. La vie n’est rien d’autre que vacuité et douleur. ».
Et c’est ainsi que s’évanouit dans la "sagesse" de la continuation l’espoir d’un véritable basculement des rapports de force. Vraisemblablement, Bel et Glawen obéiront, à contrecœur, dans la douleur, et avec une peur rationnelle partagée...
B1 ➜ C
Après leur humiliante arrestation nocturne par les forces de sécurité de Trantor, Poly Verisof et Brother Constant ont été conduits dans une bien curieuse "prison" au sein du palais impérial, faisant office de "salle d’attente" coercitive. À savoir une gigantesque pièce occupée par seize gardes en alignement, tandis que deux bancs de métal inconfortables et un balayage (horizontal et vertical) lumineux incessant maintiennent les prévenus dans un état de stress maximal.
Une configuration qui plongera Poly dans une profonde déréliction estimant qu’il a attendu une vie entière (depuis sa rencontre, enfant, avec e-Seldon #1) pour trouver une façon de lui être utile, et lorsque parvenu à cet objectif, il a tout fichu en l’air en une semaine...
De l’autre côté du miroir, le "couple" impérial exécutif, Cleon XVII et Demerzel, les observe derrière un écran vidéo (immatériel). Leur soutane leur vaut d’être considérés comme prêtres de la Church of Hari Seldon (ainsi se voit requalifiée la Church Of The Galactic Spirit). Évidemment, l’empereur ne peut croire que leur visite prétendument diplomatique sur Trantor soit pas liée aux investigations de Bel Riose sur Siwenna et aux "menées" de Hober Mallow...
Verisof et Constant finissent par être conduits à la salle des trônes, devant les "trois" empereurs (Brothers Dawn et Dusk n’étant en fait plus que symboliques)…
Devant Brother Day amusé, le haut clerc Poly se définit moins comme un diplomate, un prêtre ou un missionnaire... qu’un vendeur ! Un organisateur de spectacles et un saltimbanque qui porte la bonne parole aux planètes notoirement abandonnées par l’empire à la sauvagerie. Et présentement, sa mission est d’ouvrir des relations diplomatiques avec Trantor afin d’obtenir la reconnaissance politique de la Fondation sur la scène galactique et sa souveraineté sur tous les "Outer Reach" (Spires extrêmes). Un partenariat et une alliance garantirait la paix.
Évidemment, ni Day ni Dusk ne peuvent l’entendre ainsi, estimant que Terminus est toujours un avant-poste de l’empire, donc une propriété. De plus, le logiciel "uni-impérialiste" (hyper-unipolaire) de l’empire ne tolère aucun partenariat, uniquement des vassalités. Mais surtout, la concomitance avec la tentative (ratée) de subornation des Spacers par Mallow plaide pour l’hypocrisie de la Fondation, c’est-à-dire un "spectacle" donné par Verisof. Quoique la stupeur sincère de ce dernier en découvrant en quoi consistait la mission de Hober (en réalité surtout son échec) semble finalement convaincre Cleon XVII de la sincérité de Poly, et donc du fait qu’il a été lui-même utilisé et manipulé.
Mais la surprise viendra de Brother Constant, restée silencieuse jusque-là. Lorsqu’elle prendra enfin la parole (à l’invitation de Brother Day), se dévoilera alors la présence d’un "passager clandestin" à bord de son cerveau ! Rien de moins qu’un avatar holographique d’e-Seldon #1 himself, ayant visiblement la possibilité de se démultiplier (par morceaux) pour infester ou posséder n’importe qui, tel un parasite, un symbiote... ou un démon ! Autant dire que l’effet produit sur les empereurs fut déstabilisant, telle la visite indésirable d’un spectre du passé venant juger les déshonneurs du présent.
C’est donc avec la voix et le visage de Hari Seldon que la rencontre au sommet se poursuivra. Il délivrera un avertissement sur la Fondation, en annonçant qu’elle dispose de technologies, de vaisseaux et d’armes qui lui permettent de ne plus craindre l’Empire galactique. Avec à la clef une proposition de paix non par peur de perdre la guerre mais par certitude mathématique de la gagner. Avec une ironie palpable, il raillera également la zombification de cette salle et de ses occupants durant 173 ans, inchangée depuis sa précédente comparution en chair et en os au même endroit dans Foundation 01x01 The Emperor’s Peace. En retour, Cleon XVII répliquera par des sarcasmes en le qualifiant de "dépassé du fait que l’imperium a justement suivi ses recommandations en abrogeant la dynastie génétique (qu’il comparait alors à des raisins) au profit d’un mode de succession plus classique... mais donnant du coup quitus à Seldon et conférant donc paradoxalement de la légitimité à son expertise et à ses prédictions !
Cleon XVII donnera alors l’ordre au général Bel Riose d’encercler Terminus avec le renfort de la flotte auxiliaire pour notamment s’emparer de toutes les technologies avancées que l’empire considère lui appartenant. Puis avec son habituel geste (pivot à deux doigts) par lequel il fait exécuter n’importe qui, Brother Day ordonne l’électrocution massive (à quatre "bourreaux") de l’avatar de e-Seldon #1. Brother Constant survivra à peine à la violence du choc, juste pour confesser à Poly qu’elle se savait "possédée" depuis sa sortie du Sanctuaire mais sans avoir le pouvoir s’y opposer ni le dire.
Avant d’envoyer les deux clercs à l’ombre, l’empereur saisira l’occasion de dénoncer avec un air faussement compatissant les méthodes manipulatoires et méprisantes du "prophète" de Terminus, exposant aux pires situations ses plus loyaux serviteurs qui sont aussi ses premières victimes.
Une partie de l’hôte du Sanctuaire avait pénétré à l’intérieur de Constant simplement en l’embrassant paternellement sur les cheveux dans Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly. Le baiser de Judas en somme ! Le libre arbitre de Brother Constant fut alors altéré, l’attente à son consentement aussi (un viol mental par e-Seldon #1 ?).
Dans le langage technique de l’empire, un "dual brain scans" (en VO ou scintillographie cérébrale double en VF) avait été détecté en Brother Constant par la capitaine Timandra dans le port spatial de Trantor, ce qui explique l’arrestation infamante qui a suivi. Mais e-Seldon #1 pouvait-il ignorer qu’il serait détecté dès l’arrivée des envoyés de la Fondation dans la planète-capitale, et donc que ceux-ci seraient arrêtés aussi sec ?! N’était-ce pas in fine contreproductif envers l’empire et irrespectueux envers ses serviteurs ?!
À moins que l’objectif réel d’e-Seldon #1 ait été bien différent... Car connaissant la vanité des empereurs, une quelconque mise en garde restreignant leur prétention de toute puissance ne pouvait être vécue par eux que comme une provocation et donc un accélérateur causal. Il ne faut en outre pas perdre de vue que l’hôte virtuel du Sanctuaire n’a aucun scrupule à mentir effrontément à ses disciples (par exemple dans Foundation 01x10 The Leap lorsqu’il a révélé que la vocation officielle — encyclopédiste et conservatoire — de la Fondation était bidon tandis que la finalité réelle était révolutionnaire pour supplanter l’empire), pas plus qu’il n’a de scrupules à assassiner froidement si cela peut servir ses plans enchâssés indéchiffrables (l’incinération gratuite du Gardien Jaegger dans Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness).
Toujours est-il qu’il ne reste plus rien de la noblesse des missions lancées à travers l’univers par e-Seldon #1 dans Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly à l’avenant symbolique des ordres créés par saint François d’Assise (rien que des échecs si ce n’est des manipulations), pas plus qu’il ne reste quoi que ce soit des interrogations métaphysiques/théologiques opposant croyance rationnelle (Verisof) à foi aveugle (Constant) dans Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine puisque dans les deux cas, les dés étaient entièrement pipés.
Foundation 02x07 A Necessary Death a de nouveau cueilli les spectateurs en osant s’achever par le même couperet que Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine, tel un motif en contrepoint symphonique.
Désormais la cage à marée — enfin le bassin aux noyés — d’Ignis n’accueille pas seulement le corps sans vie de Hari Seldon mais aussi celui de Salvor Hardin ! Flottant tous deux à la surface, le grand-père et la petite-fille dans la même tombe (liquide).
Foundation a témoigné d’une audace inédite en série TV, une audace que même GoT ni TWD n’avaient eue : faire mourir deux personnages principaux (Seldon puis Hardin) dans deux épisodes successifs.
Même si la réalité définitive de ces trépas n’est pas encore avérée (surtout le second), la fausse utopie d’Ignis ajoute désormais aux illusions de Talos IV (ST TOS 00x01 The Cage) la perversion de Platonius (ST TOS 03x12 Plato’s Stepchildren)...
La construction de la Seconde Fondation possède un coût inattendu, et supérieur à sa contrepartie littéraire. Mais c’est psychosociologiquement cohérent : la cruauté impériale a été accentuée par rapport aux romans, et donc ses effets indirects ont été emphatisées aussi (la cause et la conséquence sont donc raccords).
Et paradoxalement, la charge d’imprévu que portait à l’origine le Mulet se partage désormais (dans l’adaptation audiovisuelle) entre Gaal elle-même et les mentalistes d’Ignis qui s’avèrent être les "outliers" ayant provoqué une déviation majeure dans le Plan Seldon. Un "fair trade" qui respecte foncièrement le paradigme de la psychohistoire à défaut d’en suivre l’enchaînement événementiel.
En parallèle, Foundation 02x07 A Necessary Death est parvenue à brillamment renouveler les intrigues de palais, en les enrichissant d’une largeur de spectre SF et en les colorant d’une écriture virtuose. Le personnage de Sareth — interprété par Ella-Rae Smith — est une des grandes surprises de cette seconde saison, avec un jeu d’une complexité rare, à la fois déchirant et jubilatoire. Impressionnant.
Les échecs successifs des missions de Hober Mallow (auprès des Spacers) et de celle de Poly Verisof & Constant (auprès de Cleon XVII) font largement déchoir e-Seldon #1 de son infaillible piédestal de deus ex machina, après qu’il en fut de même pour e-Seldon #2 avec l’assassinat du clone de Hari Seldon sur Ignis dans Foundation 01x06 Why The Gods Made Wine. Une redoutable démystification sur tous les fronts, n’épargnant personne, et précipitant la Seconde Crise... tandis que Terminus et la Fondation s’apprêtent à être ciblés par toute la puissance de frappe de l’Empire. Impossible d’être davantage asimovien...
Et lorsque les Trois lois de la robotique se font entendre au détour d’un dialogue, tout en suggérant qu’Eto Demerzel obéirait à la Loi zéro mais pervertie par la dynastie cleonique, cette adaptation audiovisuelle semble basculer dans une toute autre dimension ! C’est à croire que les scénaristes showrunnés par Jane Espenson payent désormais d’audace pour devenir "true to Asimov", quitte à repousser toujours plus loin les limites imposées par les contraintes légales des droits d’adaptation.
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