Star Trek - Short Treks : Review 2.03 Ask Not

Date : 21 / 11 / 2019 à 13h00
Sources :

Unification


Pas plus de pitié pour les Short Treks que pour la grande sœur Discovery, les deux premiers épisodes ont bien entendu été jaugés à l’aulne de la détestation de ce que la production actuelle made by Kurtzman évoque à bon nombre d’entre vous. Fun ou pas, visuellement superbe ou plat, avec un propos ou sans, dès la première image, dès le premier son du générique d’un Trek de CBS All Access, une épidémie de gastro se répand sur la toile.

Je profite de cet article pour faire une mise au point. Si je respecte au plus haut point les analyses d’Yves, ses démonstrations brillantes sur les manquements des scénaristes et de la production, sur la continuité branlante par rapport à la grande œuvre dans son ensemble, je ne regarde pas Discovery et Short Treks en ayant comme grille de lecture principale ce qui tend l’avis d’Yves. Si une très grosse erreur me rangera bien entendu de son coté, des divergences mineurs me laisseront de marbre.

Sur The Trouble with Edward, je pressentais bien quelques petits soucis pour nos biens aimés Tribules, ce qui a été confirmé par Yves. Pour autant, cela ne m’a pas empêché d’apprécier l’épisode et plus particulièrement sa vraie thématique : l’attitude condescendante qu’on peut avoir avec des personnes inadaptées aux normes de la société. Si certains d’entre vous ont perçu une volonté de la production de rire d’eux, j’y ai personnellement vu une vision assez juste du comportement dégueulasse qu’une hiérarchie peut leur appliquer. Si l’épisode a un défaut, c’est bien entendu sa durée qui oblige l’histoire à prendre des raccourcis. Mais encore une fois, je ne suis pas loin de plus apprécier ces court-métrages qui au moins abordent des thématiques qui ne sont pas centrés sur Supergirl Burnham.

Ce mois-ci, Ask Not a pour thème une mise en situation d’un membre de l’équipage par Starfleet pour jauger in-vivo ses réactions face à un dilemme. C’est un quasi-marronnier pour Trek, tant la thématique a donné de grands moments pour les différents équipages à l’écran. Et pourtant, pour ce Short Treks, on ne peut pas franchement parler d’une réussite.

Explosion... Boum, Thira Sidhu, une jeune cadette encore groggy, se retrouve à surveiller un Capitaine Pike relevé de ses fonctions pour mutinerie. Celui-ci essayera de la convaincre de le libérer et donc de contrevenir aux ordres par le seul fait qu’il est Pike.

Première raison de l’échec de cet épisode, sa durée qui est bien trop courte pour développer quoi que ce soit. À peine huit minutes, c’est bien trop peu pour montrer le sujet, mais aussi pour nous sentir concerné par ce qui se passe à l’écran.

Seconde raison, l’absence d’empathie qu’on peut avoir pour la cadette. Elle sort de nulle part, on ne sait pas qui elle est. Bref, impossible de se sentir concerné par son dilemme. Imaginons le même épisode avec Number One, la tension due au rapport existant entre les deux personnages aurait été dramatiquement plus opérant ou intéressant. Ce n’est pas que la jeune actrice joue mal, mais globalement, on ne ressent rien ou si peu.

Le mois prochain, ce sera double dose de Short Treks avec cette fois-ci des épisodes en animation.

FM

Merci pour cette mise au point, Frank.
Il me faut également souligner que je respecte moi aussi au plus haut point les critiques de Frank, toujours portées par la sincérité et la passion.
Mais de mon côté, pour éviter les deux poids deux mesures et les géométries variables, ma démarche consiste à appliquer invariablement le même barème à toutes les œuvres que je critique, longues ou courtes.
Ce qui me conduit à inventorier consciencieusement toutes les incohérences et absurdités... À chacun ensuite de décider dans quelle mesure celles-ci sont rédhibitoires ou non pour la vraisemblance et la suspension d’incrédulité.
Et dans tous les cas, cela ne réduit en rien la légitimité à apprécier l’œuvre pour bien d’autres raisons (personnelles ou impersonnelles)...
Les guilty pleasures, il m’arrive d’en avoir aussi. ;-)

Venons-en maintenant au minisode du mois, Short Treks 02x03 Ask Not, qui débute in media res... peu ou prou comme le film Star Trek 2009.
La Starbase 28 est en proie à une attaque. Après quelques explosions, deux agents de sécurité red shirts confient alors à la garde de la cadette Thira Sidhu un officier masqué et menotté, aux arrêts et accusé de mutinerie. Le casque retiré (une technologie auto-téléscopique à l’image des cyber-scaphandres de DIS mais jamais rencontrée dans le ST historique même à l’ère de TNG), il s’avérera que c’est le capitaine Pike !
Ce dernier relate alors les faits : l’USS Enterprise a reçu un signal de détresse de l’USS Bouman, en danger. Une amirale à bord envoya un appel crypté à l’attention de l’USS Enterprise qu’elle savait dans le même secteur, annonçant qu’un groupe de Tholians s’étaient emparés du Bouman. Mais c’était un piège, les Tholians convoitant l’Enterprise. L’amirale ordonna alors à Pike de rester à l’écart. Mais il ne pouvait pas se résoudre à abandonner l’équipage du Bouman. Aussitôt que l’amirale fut évacuée, elle donna l’ordre d’annuler l’opération de sauvetage, et releva Pike de ses fonctions. Celui-ci a alors tenté de résister, mais il a finalement été placé aux arrêts.
La cadette Thira Sidhu et son mari avaient tous deux postulés pour être affectés sur l’USS Enterprise. Mais leurs candidatures furent rejetés. Lui a été affecté à l’USS Bouman, et elle sur sur la base spatiale 28. Deux ans auparavant, le couple fut l’unique survivant d’une attaque des Tholians sur Berellium. Le trauma est donc grand et Sidhu a toutes les raisons de vouloir protéger son mari face à cette nouvelle agression.
Pike tentera alors de jouer de l’inquiétude personnelle de la cadette pour l’inciter à le relacher. Mais Sidhu sait de son côté qu’elle s’expose à la cour martiale si elle cède à la demande de Pike...
S’ensuivra un véritable bras de fer psychologique en huis clos entre Pike et Sidhu, chacun avançant ses armes argumentaires forgés tantôt dans les règlements de Starfleet, tantôt dans la stratégie, tantôt dans l’intimidation autoritaire, tantôt dans le chantage moral, tantôt dans la menace physique… pour convaincre l’autre.

Evidemment, dès les premières minutes du minisode, cette configuration ne laisse planer aucun doute. Un respectable Pike d’un côté (toujours présenté comme un modèle dans DIS même en situation de désobéissance), une cadette de l’autre (cible par définition de toutes les mises à l’épreuve), avec de surcroît chez elle une double vulnérabilité psychologique (puisque déjà éprouvée par le Tholians dans son passé et dont le mari appartient à un équipage abandonné par Starfleet), et en situation de devoir faire la démonstration des connaissances acquises à Starfleet Academy.
Qu’autant d’éléments complémentaires soient réunis serait difficilement imputable au seul hasard, si bien que tout concourt à laisser d’emblée deviner aux spectateurs un test en grandeur nature, construit sur mesure pour évaluer le degré de loyauté de Sidhu à Starfleet, si nécessaire au détriment de sa famille la plus chère. Il y a quelques précédents dans la franchise, et un épisode comme TNG 01x19 Coming Of Age a bien montré (quoique un siècle après) que Starfleet n’hésite pas à pousser très loin les simulations de test en prises intimes avec le background des cadets.
Néanmoins ici, la part considérable de verbiage in extenso s’accommoderait bien mal d’une situation de danger réel.
Et à moins d’entériner que les spectateurs ont plusieurs encablures d’avance sur les personnages, Sidhu herself aurait dû soupçonner le simulacre…

Quoi qu’il en soit, surmontant toutes les "ruses" de Pike et se conformant religieusement aux procédures de Starfleet, Sidhu surmonte haut la main l’épreuve… qui se révélait être la dernière pour son affectation tant désirée à bord de l’USS Enterprise (durant un semestre semble-t-il). Le rejet préalable de sa demande d’affectation faisait également partie du test (nous sommes décidément sur les Terres truquées).
S’ensuit alors une téléportation à bord du vaisseau en grand pompe, pour une présentation officielle au senior staff composé d’Una et de Spock.
L’épisode s’achève par un plan sur la monumentale salle l’ingénierie de l’USS Enterprise rebootée où Thira Sidhu prend son poste, assorti d’un petit pep talk de Pike : « In battle, any crewmember might be faced with a life-or-death choice. But if you can hold on to yourself like you did today, you’ll be just fine ». C’est beau et si vrai.

Même si l’évident alibi est de tester la capacité de la cadette à privilégier l’intérêt général (la sécurité de Starfleet et le respect des ordres) à l’intérêt personnel (la vie de son mari) – suggérant maladroitement un parallèle avec le test enduré par Troi dans TNG 07x16 Thine Own Self –, Starfleet prétend finalement juger ici une cadette sur sa capacité à choisir un camp plutôt qu’un autre dans une situation de conflit d’autorité sans avoir eu connaissance de toutes les données objectives du problème.
Seulement, en quoi les deux gardes de sécurité sont-ils plus fiables en pareille situation que le capitaine Pike ? Puisqu’il est question d’un contexte paranoïaque d’invasion et de mutinerie, il ne peut exister de martingale ; et pour celui qui n’a pas été directement témoin des événements (Sidhu étant restée isolée à son poste), la parole des uns ne vaut pas en soi davantage que la parole des autres. A fortiori si les donneurs d’ordres sont de grades très inférieurs au prisonnier. Toute l’Histoire de la franchise est emplie de situations non standards et non généralisables où la victoire et/ou la survie avaient dépendu de l’aptitude des équipiers à faire des choix de loyauté transcendant la seule lettre théorique et abstraite des règlements, et il n’y avait pas forcément toujours de solution idéale (cf. par exemple TNG 07x12 The Pegasus).
Alors que le caractère militaire (du moins au sens contemporain) de Starfleet a souvent été questionné par l’analyse, voilà que l’on sélectionnerait les cadets sur une obéissance mécaniste à des règlements et des protocoles ! Auquel cas, des machines feraient bien mieux l’affaire...

Même à supposer que l’on "criminalise" toute priorisation personnelle chez les officiers, considérer que Sidhu a réussi le test pour avoir pris le parti de red shirts au détriment d’un capitaine respecté de Starfleet, et pire encore, estimer qu’elle vérifie pour cette seule raison toutes les qualifications requises pour être affectée à l’USS Enterprise, cela a de quoi laisser un peu perplexe.
La connaissance et le respect des règlements sont bien entendu un préalable dans la formation des cadets, mais leur capacité in situ à les dépasser aura toujours été la caractéristique d’une organisation aussi élitiste que Starfleet (du moins dans le Star Trek pré-2009, comme l’illustrent entre autres les cas de Saavik dans ST II : The Wrath of Khan et même finalement de Valeris dans ST VI : The Undiscovered Country). Du coup, la nécessité de les interpréter (a fortiori dans une situation aussi conflictuelle qu’une mutinerie) ne saurait conduire à une binarité résolutive. Il devrait logiquement s’agir davantage d’un test de personnalité (où chaque option serait révélatrice d’un trait ou d’un inclination), et non de la résolution d’une équation mathématique à un inconnue (où une seule réponse serait considérée comme juste).
Les scripteurs du test laissaient-ils seulement la possibilité à Sidhu d’adhérer à l’argumentation non moins fondée de Pike, et donc faire le choix de lui obéir, sans que cela soit automatiquement interprété comme la résultante d’une volonté "égoïste" de sauver la vie de son mari ?

La joute d’experts juristes – Sadhu et Pike se renvoyant au visage des règlements de Starfleet durant un quart du minisode pour soutenir leur position respective – est totalement réversible, à l’instar d’un débat rhétorique. Surtout que Pike avait pas mal d’attendus légaux pour lui (notamment la légitimé décisionnelle revenant au commandant du vaisseau le plus puissant, la reserve activation clause conférant un droit de désobéissance, le droit en cas d’urgence d’un officier en place à restaurer à son poste un officier démis…), tandis que les attendus de Sadhu étaient parfois assez faibles (e.g. proscrire la vengeance et invoquer la nécessité de négocier avant de recourir à la force… alors que l’amirale était déjà bien au-delà de ce point par sa curieuse décision d’abandonner un équipage complet à l’ennemi).
Ironiquement, c’est donc le minisode lui-même qui a (involontairement) fourni la réfutation de la propre "thèse" qu’il prétendait exposer. Car les règlements que le Starfleet discoverien prétend sacraliser fournissaient en fait matière à obéir aussi bien aux red shirts… qu’à Pike.
Somme toute, le test au cœur de l’épisode ne révèle pas grand-chose, et il est sur le fond presque aussi illusoire que la simulation factice de cette attaque & mutinerie.

Plus l’USS Enterprise discoverien dévoile ses entrailles au fil des minisodes, moins ce vaisseau a quoi que ce soit de commun avec celui de TOS ! Sa salle des machines et sa chambre intermixte en CGI (avec un intérieur façon TARDIS toujours bien plus vaste que l’extérieur) auraient de quoi donner des complexes à celles de l’USS Enterprise de la Kelvin timeline
Manifestement, à chaque opus, même les plus modestes de Short Treks, la mégalomanie visuelle va toujours un peu plus loin. L’unité de timeline avec le ST historique est depuis longtemps une cause perdue, et la schizophrénie des showrunners de DIS est désormais totalement décomplexée.
En dépit de son évidente économie de moyens (brièveté, quasi-unité de lieu, faible nombre de personnages, forte verbalisation…), la mise en scène et le rythme d’ask Not témoignent d’une prétention presque tarentinesque, avec tout le caractère "m’as-tu-vu", "smart ass", et "top fashion trop cool" de la nouvelle mouture trekkienne. Ce qui ne laisse guère d’espace aux doutes, aux hésitations, et aux contradictions par lesquelles l’héroïne est supposée passer en pareille situation. À tel point que la réalité émotionnelle de la scène se réduit à une peau de chagrin, alors que le principe hitchcockien (ou théâtral) du huis clos – même bref – aurait dû produire l’effet exactement opposé... même avec de nouveaux personnages inconnus des spectateurs.
Ladite prétention d’Ask Not est donc plus que jamais infondée, et pourtant elle déborde par tous les pores de l’épisode jusque dans son titre… faisant pesamment référence à John F. Kennedy ! Sérieusement ? Sauf à vouloir vraiment faire accoucher la montagne de la proverbiale souris…

Malgré tout, Short Treks 02x03 Ask Not possède l’avantage sur ses prédécesseurs (y compris des deux premières saisons de DIS) de ne pas enchaîner un WTF à chaque minute. Sa proposition est certes globalement discutable, mais il y a justement pour une fois matière à discussion, et cela reste toujours mieux qu’un non-sens intégral. D’une perspective décontextualisée (i.e. selon leur propre logique), les dialogues tiennent même plutôt bien la route...
En outre, la grande simplicité et l’extrême prévisibilité demeurent moins invraisemblables que les habituels "twists pour le twist" capillotractés de Discovery.
Néanmoins, face à l’indifférence suscitée par l’absence à la fois d’enjeu (un test plutôt artificiel) et d’attachement affectif (faible vérité émotionnelle), Short Treks 02x03 Ask Not est somme toute un épisode dispensable, au minimum facultatif.
Autant dire que c’est un progrès… en quelque sorte. Ce qui ne manque pas d’ironie lorsqu’on sait que du haut de ses 7’45" utiles, il s’agit du Star Trek kurtzmanien le plus court jamais produit.

YR

ÉPISODE

- Episode : 2.03
- Titre  : Ask Not
- Date de première diffusion : 14 novembre 2019 (CBS All Access)
- Réalisateur  : Sanji Senaka
- Scénariste : Kalinda Vazquez

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