Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.03 Tomorrow and Tomorrow and Tomorrow

Date : 29 / 06 / 2023 à 15h00
Sources :

Unification


STAR TREK STRANGE NEW WORLDS

- Date de diffusion : 29/06/2023
- Plateforme de diffusion : Paramount+
- Épisode : 2.03 Tomorrow and Tomorrow and Tomorrow
- Réalisateur : Amanda Row
- Scénaristes : David Reed
- Interprètes : Anson Mount, Ethan Peck, Rebecca Romijn, Jesse Bush, Christina Chong, Celia Rose Gooding, Melissa Navia, Babs Olusanmokun, Carol Kane et Paul Wesley

LA CRITIQUE FM

Pour un amateur comme moi de voyages dans le temps, j’avais bien repéré dans la bande annonce cet épisode, et je me régalais par avance de voir Kirk et La’an se confronter à notre époque. Patatras, l’épisode m’est resté sur l’estomac...

La première raison n’a rien à voir avec le fonds. L’épisode est mou du genou, filmé sans inventivité, mal dialogué, ni drôle, ni palpitant. Bref, je me suis largement ennuyé à le regarder.

Seconde raison, j’ai rarement vu un couple d’acteur à l’écran avec aussi peu d’alchimie. Il n’y a rien qui passe entre Paul Wesley et Christina Chong. Autant vous dire que la scène d’émotion de la fin d’épisode arrive comme un cheveux sur la soupe, même si on peut esquisser un sourire en pensant que Kirk puisse avoir une relation amoureuse avec une descendante de Khan.

La troisième raison concerne les tenants et aboutissants du voyage dans le temps. Et là aussi, il y a peu d’inspiration dans ce qui est raconté. C’est du déjà vu en tellement moins bien montré. Pour autant que le voyage dans le temps puisse être crédible, je laisse le soin à Yves de vous expliquer pourquoi c’est n’importe quoi.

Un épisode à oublier

LA CRITIQUE YR

Que serait Star Trek sans ses épisodes temporels ? Il s’agit assurément d’un domaine thématique où la franchise historique (1964-2005) aura excellé au point d’avoir donné ses lettres de noblesse à la high concept SF, en réussissant le tour de force d’être (quasi-)systématiquement cohérente… lorsque la "concurrence" (y compris des œuvres cultes comme Back To The Future ou Looper) se prenait trop souvent les pieds dans le tapis (de la mécanique temporelle et de la logique causale).
La situation a malheureusement radicalement changé sur le front trekkien à partir de 2017 avec Discovery et les séries suivantes de Secret Hideout... qui auront transformé la conjecture scientifique en vaste fumisterie et les problématiques temporelles en pure fantasy.
Le très attendu SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow va-t-il enfin réussir à conjurer cette "malédiction" ?

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu (fatalement riche en spoilers), veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

Résumé

Durant une ronde, La’an Noonien-Singh tombe sur un inconnu agonisant qui lui remet un mystérieux appareil (le MacGuffin) avec consigne impérieuse d’aller sur le pont, puis la timeline est radicalement altérée : l’USS Enterprise n’est désormais plus un vaisseau de la Fédération ni de Starfleet (qui n’existent plus) mais seulement de la Terre, qui plus est en guerre (défavorable) avec les Romuliens. James Tiberius Kirk en est déjà le capitaine comme dans la timeline Kelvin (en lieu et place de Pike) et n’a pas les ressources de répondre favorablement au mayday d’un vaisseau vulcain commandé par Spock, lui-même victime des Romuliens.
Durant une entrevue privée avec alter-Kirk, La’an (qui n’existe pas dans cette réalité) appuiera instinctivement sur le gros bouton vert du MacGuffin, ce qui propulsera aussitôt les deux protagonistes en 2022 à Toronto… la veille de la destruction du plus long pont du monde (?). Objectif conjecturé : restaurer la timeline de La’an au détriment de celle de l’alter-Kirk en identifiant le point de divergence entre les deux. Il s’avérera qu’il s’agissait de la vie ou de la mort de Khan enfant, dont le règne criminel était parait-il indispensable à la genèse de l’UFP.
Les deux héros se retrouveront alors confrontés à une agente romulienne venant du futur, Sera, se faisant d’abord passer pour une complotiste marginale, mais ayant en réalité pour mission d’empêcher la Fédération de voir le jour. Après bien des péripéties picaresques (balades nocturnes en amoureux, nuit romantique à l’hôtel, poursuites automobiles échevelées…), les héros rencontreront Pelia (qui vivait déjà sur Terre puisque Lanthanite, une espèce à la longévité record et infiltrée parmi les Terriens comme parfois les El-Aurians) puis localiseront (à l’aide d’une montre de plongée détectant le tritium) un réacteur secret à fusion froide au sein de l’Institut Noonien-Singh de Toronto. Kirk sera assassiné stérilement par Sera (pour une forfanterie)… puis cette dernière par La’an, l’empêchant ainsi — non de faire sauter le réacteur (comme supposé au départ d’après la timeline dystopique d’alter-Kirk) — mais de descendre froidement Khan (enfant) dans sa chambre.
Le MacGuffin permettra finalement à La’an de revenir à son point de départ, c’est-à-dire à son époque et dans sa réalité (ouf, l’UFP existe à nouveau et Pike est bien dans le fauteuil du capitaine). Néanmoins, elle recevra par la suite une visite discrète dans ses quartiers de l’agente Yamalay du Department of Temporal Investigations venue de futur, qui la remerciera de son assistance, récupérera le matériel non encore inventé, et l’exhortera au silence. Se sentant alors bien seule depuis le décès de l’alter-capitaine Kirk dont elle s’était éprise durant son escapade temporelle, La’an contactera le lieutenant James T Kirk de sa propre timeline sous un faux prétexte (pour pouvoir juste le voir et l’entendre en visio). Puis rendue à sa solitude, elle s’effondrera en larmes (comme ses copines de Discovery).

Analyse

SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow s’apparente donc à une version abrégée (un épisode au lieu de dix) de la seconde saison de Picard. Mêmes enjeux et… mêmes incohérences. La Fédération a disparu, il appartient alors aux héros de repartir dans leur lointain passé (i.e. peu ou prou notre présent) pour déterminer par eux-mêmes la cause du bouleversement (et l’empêcher). Ce sera alors l’occasion de croiser quelque ancêtre (Renée Picard / Khan Noonien-Singh). Le monde kurtzmanien est bien petit… Mais ce faisant, c’est finalement la continuité trekkienne qui sera profondément mise à mal par des initiatives scénaristiques inconséquentes… La restauration de la pseudo-timeline se paiera par sa dissolution internaliste.
Pourtant, ironiquement, rien dans les mécanismes narratifs de SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow n’est innovant ni audacieux. C’est ni plus ni moins un plagiat (à la baisse) du fondateur ST TOS 01x28 The City On The Edge Of Forever (pour la structure), augmenté du pompage décomplexé de presque tous les épisodes temporels majeurs de la franchise :
- ST IV The Voyage Home (pour les attributs iconiques comme la recherche d’énergie nucléaire/fusion froide ou le magasin d’antiquités),
- ST TNG 03x15 Yesterday’s Enterprise (pour la dystopisation de la ligne temporelle par une guerre perdante contre les Klingons/Romuliens et la présence d’un guide méta Guinan/La’an se souvenant de la timeline originelle — quoique déjà recyclé par la seconde saison de Picard),
- ST TNG 05x26+06x01 Time’s Arrow (pour la rencontre de Picard/La’an dans le passé mais en ordre temporel inversé avec Guinan/Pelia — quoique également déjà recyclé par la seconde saison de Picard),
- ST First Contact (pour l’altération chirurgicale du passé terrien par un ennemi récurrent de l’UFP afin d’effacer cette dernière de l’Histoire),
- ST DS9 03x11+03x12 Past Tense (pour le rôle cardinal d’un personnage positif ou négatif Gabriel Bell/Khan Noonien-Singh dans la préservation de la timeline trekkienne),
- ST VOY 03x04+03x05 Future’s End (pour la folie qui s’emparera de l’agent·e temporel·le du futur Braxton/Sera trop longtemps coincé·e dans le passé),
- ST DS9 05x06 Trials And Tribble-ations (pour la visite inquisitrice finale du Department of Temporel Investigations),
- ST VOY 05x24 Relativity (pour l’héroïne Seven Of Nine / La’an à qui les services temporels du futur confient une mission dans le passé),
- ST ENT 01x12 Cold Front (pour le concept même de guerre temporelle et le plan final angoissant sur la cabine de Daniels / la montre de Pelia),
- ST ENT 02x02 Carbon Creek (pour le "visiteur" Mestral / alter-Kirk qui se fait un max de pognon dans la société humaine archaïque grâce à sa supériorité au billard / aux échecs 2D),
- ST ENT 03x11 Carpenter Street (pour l’immersion brutale des héros dans le présent contemporain et les "visites à domicile" de l’agent spatio-temporel Daniels/Yamalay),
- ST ENT 04x01+04x02 Storm Front (pour le choix en urgence des protagonistes comme derniers survivants et donc ultime espoir pour rétablir une timeline effacée)…
- et ST Generations (pour transformer ici la mort relativement vaine de Kirk en running gag).

Autant dire que pour n’avoir pris aucun risque en se contentant de recombiner des emprunts référentiels à Star Trek, SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow aurait dû être un chef d’œuvre. Car en additionnant seulement de l’excellence, il devrait en résulter au minimum de l’excellence, n’est-ce pas ? C’est arithmétique, non ?
Eh bien non, justement, pas dans le FakeTrek... qui s’illustre par un tout très inférieur à la somme des parties. De l’anti-émergentisme, quoi.
Du coup, il est particulièrement instructif... et tristement révélateur d’oser ici une comparaison avec l’épisode homonyme (est-ce vraiment un hasard ?) The Orville 02x13 Tomorrow, And Tomorrow, And Tomorrow et sa suite The Orville 02x14 The Road Not Taken qui forment un diptyque temporel empruntant tout aussi massivement aux épisodes référentiels de Star Trek et mettant également en scène une altération tragique de la timeline. Or force est de constater que ce ré-assemblage offert par The Orville aura été cohérent et créatif, au point d’accoucher d’une geste temporelle brillante et même vertigineuse, frisant le chef d’œuvre.
Soit l’antithèse absolue du naufrage de SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow. Composé en réalité d’abats de cadavres déterrés dans le cimetière du Star Trek qui fut, ce monstre de Frankenstein n’a pas réussi à prendre vie. Les moignons sont trop mal assemblés... et rien dans ce patchwork en 3D ne tient vraiment la route ! Par conséquent, une fois de plus, l’internalisme trekkien est ravagé... et la Fédération déguste.

Voici donc le glorieux tableau de chasse (en bullet points) :
- Certes, La’an débarque dans une nouvelle timeline, et les scénaristes ont donc théoriquement la liberté de faire accroire ce qu’ils veulent. Mais comme l’avait montré ST TNG 07x10 Parallels, il existe malgré tout des lignes de forces invariantes avec simplement des facteurs d’amplification d’une timeline à l’autre. Or ici, l’épisode prétend que sans la Fédération, les forces terriennes seraient en infériorité militaire face aux Romuliens… tout en escamotant le fait que durant la Guerre romulienne pré-2161 (un siècle avant), les Terriens avaient su faire face seuls (sans l’UFP qui n’existait pas encore) aux Romuliens (cf. ST TOS 01x08 Balance Of Terror tandis que la série Enterprise ambitionnait de relater cette guerre dans le menu détail durant ses dernières saisons prévues si elle n’avait pas été annulée).
- De même dans cette nouvelle timeline, les Vulcains sont outrageusement infériorisés tant face aux Romuliens que par rapport aux Terriens. L’alter-Spock prétend même que les Vulcains sont en passe d’être anéantis, alors que telle n’a jamais été l’ambition des Romuliens (excepté le psychopathe incohérent Nero de ST 2009). Faut-il rappeler que l’humanité n’a pas influé sur le développement interne Vulcain avant 2154 (i.e. la quatrième saison de ST ENT), et dans une timeline sans Starfleet (donc sans Archer) et sans Fédération, l’hypothétique influence terrienne sur Vulcain aurait été nulle. Or les Vulcains étaient au 22ème siècle l’une des forces dominantes du quadrant, très supérieures aux Terriens, et ne craignant pas même les Klingons. De plus, les Vulcains étaient alors sous influence romulienne dans un objectif de réunification (inversé), et c’est Archer (et lui seul) qui a interrompu ce processus en provoquant la chute de V’Las dans ST ENT 04x09 Kir’Shara. Autant dire que dans une timeline sans Fédération, les Vulcains aurait dû être plus puissants que jamais car également plus éloignés que jamais des enseignements de Surak… au point même peut-être de se confondre avec les Romuliens.
- SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow dépeint l’USS Enterprise terrienne de l’alter-Kirk (dans la timeline sans Fédération) comme virtuellement identique à l’USS Enterprise de Pike dans SNW (même design, même équipements, même technologies). Mais alors, si tel est bien le cas, à quoi donc a servi la Fédération et sa synergie multi-civilisationnelle ? Il semblait entendu que les avancées technologiques et les vaisseaux produits par le Starfleet de l’UFP (dont le vaisseau amiral USS Enterprise) étaient le fruit de la coopération mutuellement enrichissante avec les Vulcains, les Andorians, les Tellarites, et les membres ultérieurs. Mais dès lors qu’une timeline alternative ayant valeur d’expérience-témoin vient montrer par l’exemple que les Terriens seuls pouvaient en faire exactement autant sur la même période et que l’USS Enterprise de ST TOS aurait été peu ou prou la même sans UFP aucune, alors cela frappe d’inanité les fondements mêmes de l’héroïne trekkienne/roddenberrienne. Cela transforme par contraposée la Fédération en créature hypocrite de l’impérialisme terrien. Soit l’une des pires profanations que le FakeTrek ait perpétré jusqu’à maintenant.
- Comment expliquer qu’une timeline alternative dont la divergence est aussi ancienne (la "fourche" remonte à la première moitié du 21ème siècle) puisse être composée quasi-exactement des mêmes individus (visages, noms, personnalités identiques...), modulo une distribution sociale très légèrement distincte. Autant, cela peut faire sens dans le cas de divergences chronologiquement récentes (cas par exemple dans ST TNG 03x15 Yesterday’s Enterprise), car le renouvellement générationnel n’a pas encore été acté. Autant, sur plusieurs siècles, les effets papillon et les variances causales auraient forcément engendré des individus poly-différents (génétiquement, physiquement, mentalement, nominativement). Cette logique fut toujours respectée par le ST historique, et les très rares exceptions apparentes (ST TOS 01x20 The Alternative Factor, ST TOS 02x10 Mirror, Mirror et ses développements) ne correspondaient en fait pas du tout au même phénomène scientifique. En effet, le Mirror Universe ne constituait aucunement une timeline alternative (née d’une divergence causale historique précise) mais — son antithèse — un univers énantiomorphe (donc perpétuellement gémellaire). C’est bien entendu une distinction que la série Discovery fut incapable de comprendre, engendrant alors un vaste contresens en présentant l’univers miroir comme une timeline distincte parmi d’autres ! En retour, la seconde saison de Picard perpétra de facto le même amalgame avec la timeline dystopique dans laquelle Q précipita Jean-Luc, puis SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow avec la timeline alternative dans laquelle l’agent temporel agonisant précipita La’an… puisque dans ces deux cas, des divergences multiséculaires mais explicitement originées dans les années 2020 présentent toutes les caractéristiques énantiomorphes d’un univers miroir (on l’on croise toujours des VIP communs à toutes les époques). Soit un syndrome de cuistrerie pour ne pas dire d’ignardise scientifique des auteurs, et qui laisse (volontairement ou involontairement) transparaître en filigrane une dérive déterministe voire déiste (où la Main invisible d’un destin totalitaire conduirait toujours à l’existence et à la rencontre des mêmes personnages quelle que soit la chaîne de causalité). Impossible d’être philosophiquement davantage anti-SF.
- Puisqu’il ne sera découvert (par pure sérendipité) qu’en 2266 dans ST TOS 01x06 The Naked Time, le voyage temporel n’existe pas encore officiellement en 2260, il n’est même pas encore considéré comme possible (les événements des deux premières saisons de DIS sont supposés être classifiés, tout comme les expériences temporelles de Spock et de Pike). Mais qu’à cela ne tienne, dès qu’elle est plongée dans une autre timeline sur l’USS Enterprise (résultante pourtant de second ordre du voyage temporel), La’an pige instantanément tout et tente de l’expliquer à alter-Kirk, incrédule. Puis devant la prudence de ce dernier (voulant faire examiner le MacGuffin par ses ingénieurs), La’an active l’engin, avec assurance. Téléportés instantanément sur Terre en 2022, ils encaissent tous deux le coup fort vite, l’impensable étant presque de la routine pour eux. Bref, les protagonistes ressemblent ici davantage à des trekkers qui sont très familiers de tous les épisodes de la franchise (façon Lower Decks) que des personnages d’une société pré-temporelle.
- Toujours est-il que la Fédération n’existe plus et n’existera peut-être jamais. Alter-Kirk n’en mesure certes pas la gravité, mais La’an qui tente de lui vendre son utopie trekkienne est bien consciente de l’enjeu. Pourtant, ces deux "orphelins du temps" sont suffisamment relax pour profiter de la balade touristique. Et on se chamaille sur les mérites comparés de la timeline de chacun, on flâne dans le Toronto by night, et on plume (aux échecs) ces Terriens archaïques un peu bêtas, et on profite d’une suite hôtelière, et on se regarde le nombril sans s’avouer mutuellement son désir de tirer un coup dès le premier soir, et on se roule des pelles goulues le lendemain, et on se la joue Dominic Toretto de Fast And Furious sur le tube endiablé Modern Art de The Black Lips avant de se faire serrer comme un gangsta’ du dimanche... Il faudra même attendre plus de 24h pour que La’an ait enfin l’idée de comparer leurs souvenirs respectifs du 21ème siècle afin de tenter de déterminer l’origine de la divergence. Mieux vaut tard que jamais (avec un bon train de retard sur les spectateurs). Chaque seconde pouvait compter pour "sauver le futur", mais l’essentiel était de prendre son pied et de rester cool. On passe ainsi brutalement de la science infuse en mécanique temporelle… au je-m’en-foutisme opérationnel (par nombrilisme).
- L’opposition de La’an à alter-Kirk sur la timeline à sauver (« votre timeline (et non la mienne) est supposée exister d’après qui ? ») aurait pu gratifier SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow d’un authentique dilemme moral, ainsi que scientifique/philosophique (par exemple comment déterminer la timeline originelle quand bien même la Temporal Prime Directive n’existerait pas encore)… soit un vrai fond trekkien (dans le sillage de Guinan et Picard sur ST TNG 03x15 Yesterday’s Enterprise). Malheureusement passé quelques punchlines humoristiques "cool" (e.g. « vous allez me dire que vous venez d’une sorte d’utopie »), toute ambition discursive se dilue dans des considérations personnelles autocentrées — La’an réussissant finalement à convaincre alter-Kirk de la suivre moins pour la promesse lyrique de couchers de soleil (n’existant plus dans "sa" Terre) que de son frère George Samuel Kirk (mort dans sa timeline) ! Il est toujours fascinant de voir à quoi tiennent les choix de vie et de mort des civilisations dans le FakeTrek
- Ironiquement, avant de "changer de camp" (en faisant in fine le choix de la timeline de La’an pour des raisons exclusivement égoïstes), Kirk estimait initialement que tout ce qu’il avait à faire… était de ne rien faire. Mais par cette seule réponse, il entérinait déjà le caractère intrinsèquement altéré (donc non originel) de sa timeline. Que les scénaristes aient conscience ou non de cette faute de logique, le débat était pipé dès l’origine, ce n’était donc qu’un habillement scénaristique.
- Le spectateur comprend désormais mieux pourquoi les improbables Lanthanites (dont l’antériorité est très retconante pour le canon) ont été sortis du chapeau de Secret Hideout dans SNW 02x01 The Broken Circle. On se doutait bien que Pelia serait un comic relief doublée d’une dea ex machina. Mais SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow en aura carrément fait une rustine (ou un personnage-fonction) au service de son intrigue temporelle (comme l’avait été Rukyia pour SNW 01x08 The Elysian Kingdom), outre de s’auto-gratifier d’un paradoxe de prédestination prétendument légitimant (la rencontre avec La’an au 21ème siècle suscitant la vocation ingénieure de Pelia au 23ème), à l’instar du destin de Rios dans Picard 02x10 Farewell.
- Bien sûr, alter-Kirk vient d’une autre timeline, ce qui peut justifier toutes les licences selon le bon vouloir des scénaristes. N’empêche, difficile de ne pas remarquer qu’on retrouve ici les mêmes tropes anachroniques que dans les films Kelvin de JJ Abrams. Ainsi, alors qu’il est né dans l’espace et n’est jamais venu sur Terre, alter-Kirk conduit tout naturellement les véhicules thermiques avec la maestria de baby-Kirk dans ST 2009. Alors que dans ST TOS 02x20 A Piece Of The Action, Kirk était bien un homme du 23ème siècle qui, logiquement, n’avait jamais conduit des engins n’existant plus depuis longtemps. Selon le même procédé, au motif que Kirk avait une fois remporté une partie d’échecs contre le logicien Spock dans ST TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before, voilà comme par hasard l’alter-Kirk qui se voit promu superchampion d’échecs, au point de mépriser et balayer d’un revers de main les échecs 2D traditionnel (malgré leur noblesse ludologique) au nom de la prétendue supériorité de la version 3D mais (pourtant jamais suggérée auparavant dans ST). Difficile de reconnaitre Kirk dans de telles prétentions. Et même s’ils n’ont jamais été réunis dans cette timeline, cela fait perdre symboliquement à Spock sa spécificité voire son utilité en rompant l’équilibre TOS-ien (Kirk incarnait l’esprit du poker et Spock celui des échecs), puisque d’après cet épisode, Kirk pouvait aisément réunir les deux talents (en l’absence de Spock).
- Bien des détails techniques ou contextuels laissent à désirer... Ainsi, au moyen du phosphore imprégnant son cadran, la vieille montre de plongée donnée par Pelia est supposée localiser le générateur à fusion froide via le tritium ; sauf que celui-ci n’est détectable que grâce à son émission de particules bêta... qui ne peuvent même pas traverser une feuille de papier ! De même, quelle était la probabilité dans la vaste ville de Toronto pour que les deux amoureux roucoulent précisément à proximité du générateur à fusion froide qui illuminera nuitamment la montre de plongée (sur le parvis même du bâtiment qui s’avérera être l’Institut Noonien-Singh accueillant le jeune Khan) ?! Ou encore, alter-Kirk songe à l’occultation atmosphérique de la Terre ravagée de sa timeline en contemplant un coucher de soleil derrière un voilier ; sauf qu’il s’agit en réalité forcément d’un lever de soleil étant donné l’orientation sud-est du lac Ontario depuis le port de Toronto...
- Nero, Elnor, Laris, Tallin... ne composaient vraiment pas des Romuliens crédibles tant leurs spécificités psychoculturelles étaient complaisamment ignorées par le FakeTrek. Mais avec Sera, SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow aura asséné une belle leçon de relativisme en faisant exploser tous les compteurs d’inadéquation. Non pas qu’Adelaide Kane soit en soi une mauvaise actrice, loin de là (elle avait notamment interprété une Marie Stuart intéressante dans Reign), mais sa composition ici tient de l’influenceuse Instagram cyclothymique démonstrativement contemporo-contemporaine. Certes, dans le rôle d’une complotiste marginale, elle était plutôt convaincante. Mais sauf à vouloir faire d’elle l’expression des ravages de l’immersion prolongée parmi les humains (auquel cas… bravo !), elle semble aussi prédisposée à interpréter une Romulienne que Louis de Funès un Vulcain. Décidément, les directeurs de casting de Secret Hideout persévèrent dans leur incapacité à sentir, à cerner et à comprendre les typos aliens de ST.
- Alors qu’elle provient d’une époque et d’une timeline où les ressortissants de l’UFP ne sont pas supposés avoir rencontré de Romuliens, la facilité avec laquelle La’an devine que Sera est Romulienne (dès que cette dernière révèle ses intentions mais sans se présenter) fait comparativement injure (une nouvelle fois) à ST TOS 01x08 Balance Of Terror, avec pour seule effet de rabaisser la crédibilité de la série originale. Ce qui se voulait à l’origine impensable (d’où les chocs huntingtoniens que le real ST savait si bien cultiver avec peu de moyens) devient aujourd’hui trivial, à croire que l’externalisme fuit de plus en plus dans l’internalisme, ce qui est symptôme d’effondrement du worldbuilding.
- Si Sera avait pour objectif de tuer d’une manière ou d’une autre Khan, pourquoi s’est-elle empressée de livrer à La’an et à alter-Kirk toutes les informations (la photo du vaisseau romulien dans l’atmosphère, l’existence du réacteur à fusion froide…) dont ils avaient justement besoin pour empêcher cette altération temporelle ? Il lui aurait juste suffi de ne pas intervenir ou du moins de ne pas approcher les deux voyageurs du futur... ni leur sauver la mise lorsqu’ils furent arrêtés par les autorités pour dépassement de vitesse et absence de papiers. Car, par eux-mêmes, ces derniers n’auraient eu ni les moyens ni les connaissances pour restaurer la timeline de La’an (leur seule identification d’une bombe photonique anachronique ayant détruit le pont de Toronto ne les aurait conduit nulle part...). On pourra toujours invoquer chez Sera l’ignorance initiale de l’identité des protagonistes ou son antériorité à la réussite de son plan B (la destruction du réacteur à fusion froide dont la timeline alternative est issue), mais pour une agente temporelle aussi experte (donc versée dans les conséquences précédant les causes), cela respire l’idiocratie (kurtzmanienne)…
- À supposer que l’argument des scénaristes soit que Sera ait eu besoin de La’an et d’alter-Kirk pour forcer l’entrée digitalisée de l’Institut Noonien-Singh et y flinguer Khan (son plan A), le contexte vient contredire cet alibi. D’une part, se livrer ainsi à deux parfaits inconnus (supposés l’être selon elle au départ) est foncièrement irresponsable (a fortiori pour une agente qui prétend explicitement avoir survécu à la TCW) mais également capillotracté (quelle probabilité que ces deux inconnus croisés près du site de l’attentat du pont cherchent puis réussissent à pénétrer dans ce que Sera considérait comme une forteresse imprenable ?). D’autre part, au regard des moyens physiques dont a témoigné Sera à la fin de l’épisode (tenir à bout de bras La’an tout en flinguant d’une main tous les vigiles devant et derrière elle façon Théobald Dromard dans Le monocle rit jaune) et aussi de l’indigence des services de sécurité, l’agente romulienne n’aurait eu aucune difficulté à franchir par elle-même le portail de l’Institut Noonien-Singh pour y jouer les Terminator (contraindre un de ses employés ou couper une main aurait été l’enfance de l’art pour elle). Bref, impliquer les protagonistes dans son plan A était totalement sans objet pour Sera (sachant en outre que son plan B — bien plus difficile — aura été exécuté en aval sans eux).
- D’après les "ordinateurs temporels du futur" auxquels Sera se réfère et obéit, l’UFP ne peut exister sans Khan auparavant (les ténèbres dont jailliraient les lumières...). Cette assertion, quoique relevant de la licence d’auteur, est assez bord-cadre lorsqu’on sait que les Guerres eugéniques n’ont duré que quatre ans (entre 1992 et 1996) et étaient très lointaines de l’UFP (2161), tandis que ST TOS 01x24 Space Seed avait établi qu’il n’y eut aucun massacre sous le joug de Khan (contredisant au passage ce que le FakeTrek tente de nous vendre depuis en associant sans cesse Khan à des génocides pour emphatiser le trauma de La’an). Longtemps après la "crise eugénique" (et donc bien moins longtemps avant le First Contact puis la fondation de l’UFP), il y eut la WW3 et ses 600 millions de morts, dont le rapport de proportion meurtrier rend le postulat de l’épisode un poil nauséabond. Mais surtout, lier causalement Khan à l’UFP révèle une philosophie grossièrement VIP-centrée et aux antipodes de la psychohistoire d’Isaac Asimov (qui avait pourtant influencé Gene Roddenberry dans sa création originelle). Comme si l’affrontement Kirk vs. Khan dans tous les multivers ne suffisait plus (cf. ST Into Darkness), désormais c’est l’univers trekkien lui-même, c’est-à-dire l’utopie roddenberrienne qui est indissociable de Khan ! C’est l’un AND l’autre, XOR aucun des deux. Il ne manque que des statues à l’effigie du "fondateur causal" et un petit culte de la personnalité dans toute l’UFP… Accessoirement, ce postulat revient à priver les trekkers de toute perspective trekkienne dans le monde réel (faute de Khan)... au contraire justement de ce qu’Akiva Goldsman déclare avoir cherché à faire.
- L’agente temporelle Yamalay provient probablement du 29ème au 31ème siècle (si l’on se base sur ST VOY et ST ENT). Quant à l’agente temporelle Sera, elle est forcément issue de la même période voire ultérieure (puisqu’elle connait avec exactitude les technologies de Yamalay), c’est-à-dire d’une ère où les Romuliens (survivants) ont été réunifiés aux Vulcains (sur Ni’Var), du moins selon les saisons 3 et 4 de Discovery. Du coup, les Romuliens de l’époque originelle de Sera sont membres de l’UFP ou du moins alliés (selon la période considérée). Alors pourquoi vouloir effacer son existence de l’Histoire ? Dans le cas où Sera appartiendrait à une faction romulienne dissidente de Ni’Var, pourquoi n’emploie-t-elle par la puissante "arme" du voyage temporel pour éviter à ses compatriotes d’être exterminés par la supernova Hobus en 2387 ? Car en l’état, le tropisme de Sera ressemble à une lamentable redite de Nero qui, aussitôt revenu au 23ème siècle (par accident) dans ST 2009, s’est empressé de vouloir détruire toutes les planètes de l’UFP… au lieu de faire le maximum pour sauver ses compatriotes d’une catastrophe naturelle/cosmique sans rapport aucun avec la Fédération. Est-ce encore un Kamoulox typiquement kurtzmanien, ou plus exactement le même depuis 2009, qui se répète tel un disque rayé ?
- L’épisode s’attarde sur la sidération de La’an lorsqu’elle se retrouve en présence de Khan enfant… à qui elle a sauvé la vie. Un paradoxe déstabilisant : elle passa son existence à maudire son aïeul prétendument génocidaire, et là voilà désormais désarmée par son innocence enfantine alors qu’il est totalement à sa merci. Mais c’est finalement moins par adhésion aux assertions de Sera quant à l’indissociabilité entre Khan et l’UFP, moins par volonté d’achever bellement sa mission temporelle, et moins par désir de s’autopréserver (sans Khan, Laan n’existe plus) que… par attendrissement émotionnel qu’elle se souciera du jeune Khan ! Remercions au passage les agents de sécurité de l’Institut Noonien-Singh (quasi-absents malgré le massacre perpétré par Sera) d’avoir gentiment laissé le champ libre à La’an dans son rituel "d’imprégnation" (celle-ci "se téléportera" vers le futur sous les yeux de Khan). Tous les chemins mènent peut-être à Rome, mais ce burst de pathos a pour fonction de faire oublier que même Hitler a un jour été un petit garçon innocent…
- L’entrée dans le sanctum sanctorum du Noonien-Singh Institute (qui abrite le premier réacteur à fusion froide et les jeunes Augments qui prendront bientôt le pouvoir) est protégée par un lecteur digital (scan de la main) filtrant automatiquement le personnel autorisé. C’est alors que La’an a la "brillante" idée d’y poser sa main, et miracle, le Sésame s’ouvre !!! C’est digne de figurer au Panthéon des WTF. Elle a beau être une descendante très lointaine de Khan et porter le patronyme des fondateurs de cet institut eugéniste, La’an vient de 250 ans dans le futur. Et que ce système de détection relève de la dactyloscopie (empreintes digitales) ou de l’ADN, les empreintes d’un individu sont uniques, quels que soient les liens de famille. Quant à élargir l’accès à des marqueurs héréditaires, cela représenterait une brèche de sécurité majeure (et donc invraisemblable). Pourtant, c’est sur cette facilité que repose toute la résolution de SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow : entrer ainsi dans l’Institut Noonien-Singh constitue à la fois l’objectif d’infiltration poursuivi par Sera, la restauration de timeline par La’an, la vie (ou la mort) de Khan, et la possibilité de retour au 23ème siècle initial. L’épisode tenterait-il par hasard de suggérer ainsi un délire complotiste digne d’Alias où La’an ne serait que la clone du 23ème siècle d’un modèle Augment du 20ème ou 21ème siècle, parallélisant alors les retcons de la saison 2 de Picard où Kore était un clone du généticien Adam Soong, et tous les Soong des siècles suivants (Arik, Noonian, Altan Inigo...) potentiellement eux-mêmes des clones d’Adam (car invariablement joués par Brent Spiner). Dans la mesure où Picard 02x10 Farewell avait révélé qu’Adam Soong travaillait sur le dossier de Khan (en 2024 !), y aurait-il alors un lien entre Soong Dynamics et Noonien-Singh Institute ? Alors qu’il provient d’une timeline où Khan et les Guerres eugéniques n’ont pas existé, le lapsus d’alter-Kirk lorsqu’il appelle La’an par le patronyme hybride "Noonien-Soong" serait-il davantage qu’un énième Easter egg de fan service ? Des conjectures qui exciteront peut-être les fans carburant à la spéculation, mais dont l’écheveau narratif est profondément anti-trekkien
- L’épisode a certes sur-dramatisé l’entrée en scène de "l’apporteur d’affaire" initial : désespéré, mourant, confiant in extremis à La’an le MacGuffin lui permettant de survivre à l’effacement de la timeline, lui transmettant de façon sibylline la charge de "dernier espoir de la ligne temporelle trekkienne"…). Pour autant, difficile de légitimer dans la diégèse un tel parti pris, si ce n’est pour faire artificiellement briller un·e VIP du main cast. Parce que des agents spatio-temporels expérimentés qui opèrent depuis le belvédère d’un lointain futur (offrant des perspectives, des vues d’ensemble, une connaissance sans commune mesure des sciences temporelles et des menaces en cours, des outils opérationnels, et des compétences pratiques…) auraient été incomparablement plus indiqués pour se charger d’une pareille mission dans le lointain passé. Il est impensable que des officines aussi aguerries que le Department of Temporel Investigations (non le service bureaucratique assez impuissant de ST DS9 05x06 Trials And Tribble-ations mais bien l’organisation redoutable du 29ème siècle dans ST VOY 05x24 Relativity), le Starfleet spatio-temporel de Ducane ou encore le service de Daniels ne disposent pas d’options de replis/relais intra-professionnels (entre agents compétents) en situation d’effacement brutal de la timeline (situation qui devait être fréquente durant la TCW). C’est même le b.a.ba et la raison d’être de ces "patrouilles du temps" (chez Poul Anderson comme dans Star Trek). Comment alors sérieusement justifier — même dans une situation tragique — que l’on s’adresse à une ressortissante d’une période ne connaissant pas officiellement le voyage temporel et n’ayant aucune notion expérimentale de la mécanique temporelle, sans lui communiquer ni information intelligible ni mission explicite (en gros elle ne sait pas ce qu’on attend d’elle et doit tout comprendre par elle-même sans référence aucune), et on l’envoie sur un terrain totalement inconnu d’elle sans la moindre technologie susceptible de faire la différence (face à des adversaires quant à eux très bien équipés). Et tout ça pour sauver un nombre quasi-infini de vies pour l’éternité d’une ligne temporelle "éclairée" ?! À un tel niveau d’irresponsabilité, le langage devient impuissant. Il est donc certain qu’on a vu mieux question crédibilité. Il n’y eut jamais rien de comparable ni d’over the top au sein du ST historique : dans ST TOS 01x28 The City On The Edge Of Forever, les héros bénéficiaient des conseils du Guardian of Forever, ils s’étaient préparés et équipés techniquement (de tricordeur notamment) ; dans ST TNG 05x26+06x01 Time’s Arrow et dans ST DS9 03x11+03x12 Past Tense, les protagonistes disposaient de moyens, de bases de données, et de renforts potentiels ; dans ST TOS 01x21 Tomorrow Is Yesterday, ST TOS 02x26 Assignment : Earth, ST IV TVH, ST First Contact, ST DS9 05x06 Trials And Tribble-ations, ST VOY 03x04+03x05 Future’s End et ST ENT 04x01+04x02 Storm Front, les héros ont débarqué dans le passé avec leurs vaisseaux respectifs au complet ; dans ST VOY 05x24 Relativity, Seven fut choisie car elle avait des aptitudes borg, puis elle fut formée avant d’être envoyée en mission ; dans ST ENT 01x26+02x01 Shockwave, malgré l’effondrement de timeline, Archer était accompagné du meilleur des guides (l’agent temporel Daniels himself) ; enfin, dans ST ENT 03x11 Carpenter Street, Archer avait déjà une expérience temporelle, et il a été dûment briefé et équipé. De surcroît, comme pour enfoncer le clou dans l’absurde à la fin de SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow, l’agente temporelle Yamalay tentera de légitimer cette stratégie branquignolesque en sortant à La’an : « Vous avez protégé la timeline d’une façon que personne n’aurait pu. » !!! Ah bon ?!! Si La’an ne manquait évidemment pas de mérite (puisqu’elle ne savait rien de rien au départ), que l’épisode ne nous fasse pas croire qu’un agent temporel formé, expérimenté, équipé, et briefé n’aurait pas pu réussir cette mission de façon incomparablement plus rapide et fiable que La’an. Le seul atout que cette dernière possédait en propre, c’est d’être inexplicablement reconnue par le scanner digital à l’entrée du Noonien-Singh Institute. Mais cette invraisemblable facilité scénaristique n’est pas un titre de gloire (nemo auditur propriam turpitudinem allegans). Et là encore, ce ne sont pas des agents du 29ème siècle (par exemple) qui auraient pu être stoppés par un système de sécurité du 2022… Donc on en revient à la lancinante question : pourquoi l’avoir choisi elle, La’an, dans la multitude d’une timeline entière... en confiant à une complète béotienne le sort de l’univers entier ? N’est-ce pas le syndrome paroxystique d’un VIPisme aussi fétichiste que gratuit ?
- Cela étant dit, il est particulièrement cruel (moralement) et dangereux (prophylactiquement) de la part de Yamalay de n’avoir fourni à La’an ni explication ni support psychologique, en la laissant ainsi seule avec sa douleur et l’interdiction de se confier à quiconque. L’agente temporelle aurait pu au minimum l’aider à rationnaliser en lui apportant un éclairage contextuel (couvert de toute façon par la même omerta ensuite). Par ailleurs, Yamalay aurait certainement eu les moyens, dans la déclinaison soft, de sortir La’an de son époque (comme le faisait parfois Daniels envers Archer) pour lui offrir une forme de "thérapie" ; et dans la déclinaison hard, d’effacer les souvenirs de l’escapade temporelle de La’an (si possible en lui laissant le choix) pour lui épargner une torture intime incommunicable et un risque d’altération (même inconsciente) de la timeline. Mais rien de tel ici, car les scénaristes voulaient absolument un épilogue gorgé de pathos humide. Comme le confirme d’ailleurs — s’il était encore possible d’en douter — la crise de larmes finale de l’habituellement si stoïque La’an. Un cri de désespoir lacrymal filmé en gros plan pour survendre une "histoire d’amour déchirante" (pourtant largement absente de l’épisode tant elle fut artificiellement amenée puis escamoté) mais que n’appelait pourtant pas l’échange visio plein de promesses et d’espoir avec le lieutenant James T Kirk (affecté à l’USS Farragut). C’est même à se demander si SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow n’avait pas en réalité pour finalité diégétique de faire enfin chialer la plus sobre des personnages féminins de SNW, histoire de la faire passer à la même casserole que toutes les Mary-Sue de DIS. "Des larmes pour toutes" en somme, après "des traumas pour tous".
- Dans un accès "d’hystérie temporelle" (évoquant Paxton échoué sur Terre en 1996), Sera déclarera que cela fait trente ans (rien que ça !) qu’elle tente d’éliminer Khan mais sans y parvenir ! Comme s’il s’agissait de Skynet dans la saga Terminator dont l’avènement pouvait seulement être retardé (mais jamais empêché), ou même... le déterminisme télique d’une divinité animiste du Temps pourvue de volonté propre (on retrouve ainsi intacte la dérive fantasy de DIS 02x12 Through The Valley Of Shadows, DIS 02x14 Such Sweet Sorrow Part 2 et DIS 03x09+03x10 Terra Firma). Mais quelles que soient les élucubrations "métaphysiques" d’un univers Khan-centré, rien ne pourrait scientifiquement expliquer qu’on le retrouve gamin (et innocent) au voisinage de 2022 alors que celui-ci est supposé avoir pris le pouvoir adulte en 1992 (réalité gravée dans le marbre de ST TOS) ! Il est exclu que SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow se déroule vers 1982 (lorsque Khan était gamin), quand bien même dans une timeline distincte de la nôtre, car ST IV TVH et surtout ST VOY 03x04+03x05 Future’s End avaient déjà donné à voir des époques ultérieures où il n’y avait ni écrans plats, ni smartphones, ni Internet démocratisé, ni réseaux sociaux. Il est également inexplicable que les manœuvres temporelles de Sera (même de type Edge Of Tomorrow) aient pu extraire du temps (ou empêcher de vieillir) Khan et ses créateurs scientifiques pour les faire réapparaitre intacts quatre décennies après (en 2022). Il faut donc conclure que Sera n’avait pas les moyens d’entrer par elle-même dans l’Institut Noonien-Singh, mais en revanche, elle a pu reporter à elle toute seule durant quarante ans toutes les expériences eugéniques de l’humanité ! Chapeau !
- Que Sera ait passé trente longues années à modifier la timeline en ne cessant de repousser l’échéance des Guerres eugénique (dont apparemment l’existence de l’UFP dépend directement), voilà qui aurait tout de même dû se remarquer et faire retentir quelques alarmes bruyantes au sein du Department of Temporel Investigations ! Et pourtant, il faut croire que non, vu la brutalité de la catastrophe en début d’épisode... et la tragique extrémité d’en être réduit à confier le sort de l’univers trekkien (en gros) à la première venue. L’idiocratie kurtzmanienne se porte donc toujours bien, merci. Et manifestement, son intensité croît même avec les siècles... pour culminer avec une belle "tête de vainqueur" au 32ème siècle de DIS (saisons 3 et 4)…

Somme toute, soit SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow voulait se payer une rencontre avec Khan enfant mais sans les contraintes de devoir reconstituer à l’écran les années 80 ou 90 (d’autant plus que cela aurait été trop rétro pour l’image trendy de Secret Hideout). Auquel cas, les auteurs-producteurs ont inauguré pour l’occasion un nouveau type de "paradoxe temporel", à savoir l’incohérence chronologique volontaire, grossière et décomplexée (mais alors dans le genre écrasante !)... en essayant de jouer (bien maladroitement) sur une ambivalence (seulement apparente pourtant) de datation des Guerres eugéniques entre, d’une part une année 1996 peu affectée par elles dans ST VOY 03x04+03x05 Future’s End et l’approximation chronologique du rear admiral Bennett dans ST DS9 05x16 Doctor Bashir I Presume, et d’autre part le calendrier explicite et précis établi par ST TOS 01x24 Space Seed, ST II TWOK et ST ENT 04x06 The Augments.
Soit l’écurie Alex Kurtzman a entamé — l’air de rien — une correction prudente de cap… en assumant pour la première fois officiellement que SNW et par conséquent les autres séries FakeTrek n’appartiennent pas à la timeline historique de ST ENT-TOS-TNG-DS9-VOY. Parce que la "justification" surréaliste apportée par Sera (elle aurait activement repoussé la venue de Khan durant pas moins de trente longues années faute de parvenir à l’empêcher !) révèle une intentionnalité manifeste chez les auteurs qui ne doit probablement rien à la gaffe ou à la négligence. Or il est éloquent et même irréfragable qu’un putsch de Khan en 1992 versus un putsch de Khan vers 2032 ou au-delà (avec une probable répercussion sur la Troisième guerre mondiale dont résulte le First Contact), ce n’est pas — mais alors pas du tout — la même timeline ! Il en résulte donc bien deux lignes temporelles distinctes, un état de fait désormais acté et sans appel. L’admettre publiquement serait certes un aveu d’échec implicite de la part d’Alex Kurtzman, mais en même temps un geste d’honnêteté appréciable (mieux vaut tard que jamais). Vu la masse critique d’incompatibilités, il était en effet peut-être temps d’ajuster la com et le narratif officiel...
Hélas c’eût été trop beau, car il est bien connu que les "cadors" de Secret Hideout osent tout (selon la jurisprudence Michel Audiard). C’est ainsi qu’Akiva Goldsman a eu l’outrecuidance de persister... et ce faisant, il s’est emberlificoté dans le plus improbable des "argumentaires", à savoir que sous couvert de TCW (elle a bon dos celle-là !), SNW aurait simplement "corrigé" (!?) la chronologie de Star Trek afin qu’elle demeure "pertinente" (?!) pour les spectateurs d’aujourd’hui... mais sans que cela implique une quelconque modification de timeline (non non) !!! Ben voyons... Une guerre d’extermination provoquée par un ersatz d’Hitler n’a pas eu lieu à la même époque ni de la même façon qu’à l’origine (impliquant donc des victimes radicalement distinctes et des conséquences foncièrement alternatives), mais ça ne changerait officiellement rien (!!!) sous prétexte que les showrunners n’endossent pas les implications réelles de leurs propres scenarii, nient sans complexe toutes les évidences, et essayent même d’imposer un diktat (via leurs déclarations dans les médias) ?! Bah, quarante années plus tôt ou plus tard, quelle importance, n’est-ce pas, tant qu’il n’y a pas (d’ancêtres) de VIPs parmi les milliers/millions de victimes (interchangeables)... Ou comment immoler l’internalisme sur l’autel de l’externalisme, se payer la tronche des trekkers, et surtout tenter de vendre à la fois une chose et son contraire aux gogos (mais n’est-ce pas justement le fonds de commerce de la marque K depuis 2017 ?). Tout en contredisant grossièrement la prétendue "profession de foi" de Goldsman, puisque c’est justement en promulguant (dans le script) la nauséabonde loi causale « point d’utopique Fédération sans la tyrannie de Khan » que SNW rend notre réalité définitivement incompatible avec Star Trek ! Ballot non ? Mais certainement lumineux dans la tête des jackass...

Conclusion

La finalité évidente de SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow est de renouer avec "le droit de chacun à ses traumas" de la première saison de SNW, en permettant ici à La’an d’assumer enfin son ancêtre Khan dont elle découvre que sans lui l’UFP utopique (enfin si peu désormais) ne pourrait exister ! Et même lui donner l’occasion cathartique de sanctifier l’existence de son infameux aïeul en lui sauvant elle-même la vie (l’univers est si attentionné pour les VIP). En récompense, lui offrir une romance à quat’sous avec l’alter-Kirk re-re-casté (et décidément, l’insipide Paul Wesley est bien moins convaincant dans ce rôle culte que ne l’était Chris Pine... ce qui n’est pas peu dire). Et en bonus, léguer à la froide La’an une détresse larmoyante que n’aurait pas boudé Michael Burnham (oui, oui, on a bien compris que dans le FakeTrek, elles y passeront toutes).
Parallèlement, pour avoir accouché du même USS Enterprise sans Fédération, la timeline alternative frappe ladite UFP d’un discrédit paradigmatique (entre le village Potempkine et un enfumage impérialiste humain). Décidément, à un niveau inconscient ou non, le sport favori de SNW est de produire du divertissement en enfonçant toujours davantage Star Trek (que ce soit l’internalisme de son univers historique, la philosophie trekkienne, et surtout l’utopique héroïne de Gene).
Le reste — c’est-à-dire rien de moins que tout le volet SF — ne relève que du bricolage artificiel et prétexte comme si l’on avait sollicité ChatGPT pour fabriquer un épisode temporel en combinant tous ceux de la franchise historique. Mais finalement moins rigoureusement que ne l’aurait probablement émulé cette IA conversationnelle à la mode, puisqu’en dépit des nombreux marqueurs trekkiens (susceptibles de faire illusion), le nawak temporel régurgité ici reste en tout point au niveau abyssal de Discovery... et de la saison 2 de Picard (dont SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow est en quelque sorte la version courte).
Ce pauvre rip-off de la Temporal Cold War — qui fut pourtant réputée incomplète — rappelle aussi en force (si cela était encore nécessaire) que n’est pas Brannon Braga qui veut.
Et même The Orville 02x13 Tomorrow, And Tomorrow, And Tomorrow inflige un sérieux complexe à son homonyme et homosème de SNW.

Alors certes, la saturation de coolitude, de postures, de pathos, de VIPisme, de TGCM (en lieu et place de science), de fantasy (en lieu et place de SF), et de nostalgia porn dans SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow pourrait suffire à d’aucuns, à condition toutefois de ne pas avoir la curiosité impolie de gratter sous la surface vernie. Ce spécimen est donc parfaitement emblématique de la série SNW elle-même : une pure contrefaçon, totalement bancale sur le fond, mais très léchée sur la forme, toujours fun et sympatoche, ressuscitant à la perfection les vibes calibrées des blockbusters Kelvin.

Malgré tout, il y a (en quelque sorte) une très belle surprise : à savoir le déplacement nonsensique (du moins en mécanique temporelle et non en fantasy) de la date de naissance de Khan et des Guerres eugéniques de quatre décennies environ dans le futur (désormais non plus en 1992 mais au moins dix ans après 2022). Cette altération majeure — mais présentée comme résidente dans la chronologie et ne nécessitant donc aucune correction — officialise l’appartenance du FakeTrek (2017+) à une timeline radicalement distincte de celle de Star Trek (1964-2005), d’autant plus que l’origine de la divergence (ou "fork") serait très antérieure à la série prequelle ST ENT (puisque remontant à 1992 voire avant) !
Tous les spectateurs attentifs le savaient déjà intimement bien entendu, mais si cela devient ENFIN officiel, près de la moitié des WTF industriels de Secret Hideout pourraient s’expliquer. Certes pas l’autre moitié, mais n’en demandons pas trop...
Les bonnes nouvelles (potentielles) se font rares Sous le soleil de Kurtzman. Ne boudons pas celle-ci... même si le communiqué officiel est une nouvelle arnaque.

NOTE ÉPISODE

NOTE STAR TREK

BANDE ANNONCE





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