Star Trek Picard : Review 1.07 Nepenthe

Date : 09 / 03 / 2020 à 17h30
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Unification


ATTENTION : Deux critiques comme pour chaque review d’un Star Trek. Une première par Frank et une seconde par Yves avec une analyse très fine des événements de l’épisode.

Je me réjouissais la semaine dernière d’un épisode qui permettait enfin aux différentes intrigues de Star Trek Picard de se réunir pour enfin avancer. Et Patatras, cette semaine, on remet le couvert avec trois niveaux d’histoires qui malheureusement ne sont pas toutes de la même qualité.

On commence par ce qui marche le plus et c’est bien entendu les retrouvailles de Picard avec Riker et Deanna Troi. Si notre capitaine vigneron a bien changé par rapport à notre souvenir pré-Nemesis, le couple le plus célèbre du Trekverse semble, au premier abord, avoir suivi ces vingt dernières années une trajectoire logique. C’est sans compter avec les aléas de la vie qui ont durement touché la famille.

Ce sont donc plusieurs niveaux d’émotions qui attendent les téléspectateurs. Outre la joie palpable des retrouvailles, la partie de l’épisode, se situant sur la planète Nepenthe, nous offre des scènes de tristesse, de nostalgie, mais aussi de colère. Certains pourraient reprocher un niveau de pathos trop élevé, mais c’est sans compter sur le talent des acteurs qui rendent crédibles toutes ces émotions. En tous cas, cela a magnifiquement marché sur moi.

Et, le tout à une raison d’être, puisque c’est un moyen pour Soji pour retrouver un sens à son existence. La jeune androïde, manipulée puis trahie par Narek, ne sais plus ce qui est vrai et, en conséquences, ne sait plus si elle doit accorder sa confiance à Picard, ce vieillard sorti de nulle part. Ce moment de calme sur Nepenthe fonctionne en quelque sorte comme un cataplasme pour l’esprit perturbé de Soji.

On continue par le second lieu d’action de cet épisode, la Sirena. Totalement centrée sur le sentiment de culpabilité d’Agnes Jurati, c’est l’occasion, par un flashback, de voir ce que la Commodore Oh a bien pu lui dire pour la convaincre de trahir Picard. La scène pose questions. D’abord sur la nature de Oh, je la pensais Romulienne déguisée en Vulcaine, mais le mind-meld exécutée par la Commodore sur Jurati remet en cause mes certitudes. Et je ne suis toujours pas convaincu par les raisons de l’assassinat de Maddox. Si réellement le mind-meld a convaincu Jurati qu’il était mal de poursuivre la création de synthétiques, cela n’explique en rien la raison de son acte.

L’autre scène qui m’a interpellé, c’est l’intervention du docteur holographique. Je ne sais pas s’il y a eu une réduction de QI dans les nouvelles générations de EMH, mais que celui-ci ne comprenne pas le coma de la docteure, juste en analysant les éléments présents dans son métabolisme, m’interpelle. Idem dans l’absence immédiate de souvenir du meurtre commis par Jurati. Un peu n’importe quoi...

Mais dans le championnat du monde du ridicule, rien ne vient à la cheville de ce qui se passe à bord du cube Borg. Rien ne va. Déjà, on ne comprend pas comment Hugh a pu être capturé par Narissa sans intervention de Elnor. Tout comme on ne comprend pas comment celui-ci apparaît par magie juste après le départ des Romuliens. L’ensemble est scénarisé avec des moufles comme l’est la réalisation du combat entre notre "elfe" et Narissa. Je pense que le réalisateur aurait dû demander encore moins de lumière pour que l’action soit encore plus illisible. Quand je pense qu’on le présentait comme le best du Qowat Milat... Totalement nul.

Bref, un épisode bi-goût, sucré d’un coté, aigre de l’autre

FM

Plus long que les précédents à hauteur d’une durée de 56’46’’ (hors résumé), Picard 01x07 Nepenthe est probablement l’épisode le plus attendu depuis le début par les trekkers tant il a été teasé, en quelque sorte avant même que la série ne soit lancée. Pensez donc : la perspective de revoir deux autres membres du main cast de ST TNG, Riker et Troi, laissés à leur destin à bord de l’USS Titan à la fin de ST Nemesis (2002) en 2379… quoique entraperçus ensuite (mais dans une temporalité antérieure) dans le final ST ENT 04x22 The Are The Voyages… (2005). De nombreux romans avaient conjecturé leurs aventures spatiales à la fin du 24ème siècle, mais le sort que la série Picard a décidé de leur réserver aura été fort différent, davantage à l’avenant de celui de Jean-Luc, à la façon d’un cimetière de dinosaures.
Des histoires B (à bord de l’Artefact) et C (à bord de la Sirena) parallèles viennent compléter le tableau, mais c’est bien l’histoire A sur l’envoûtante planète Nepenthe (où Riker et Troi ont décidé de couler une retraite apaisée) qui ambitionne de captiver l’attention et la nostalgie des spectateurs.
Ce sont là de bien alléchantes promesses, mais qu’en est-il finalement du résultat ?

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu, veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

Retour au format flashback dans le teaser (du moins dans sa première partie), mais désormais circonscrit à la seule année 2399, avec une extension de la scène entrevue dans Picard 01x03 The End Is The Beginning au voisinage de l’Institut Daystrom d’Okinawa sur Terre trois semaines plus tôt, lorsque l’innocente Jurati reçoit la visite de la Vulcaine Commodore Oh.
- [Jurati] Bonjour.
- [Commodore Oh portant des lunettes noires] Docteur Jurati, commandeur Oh. Directrice de la Sécurité de Starfleet.
- J’aimerais vous parler de vos récentes visites à l’amiral Picard.
- Cer... Certainement. Bien sûr.
- Durant votre première rencontre, vous avez parlé de sa croyance d’avoir interagi avec une forme de vie synthétique. Du travail et de la localisation du Docteur Bruce Maddox. Et du clonage neuronique fractal.
- Vous me faites surveiller ?
- Après cette rencontre, vous avez transféré 300 gigabytes de matériel sur le Docteur Maddox à votre dispositif d’accès personnel
[PADD en VO], données que vous avez fournies à l’amiral, au cours de votre seconde rencontre à sa résidence de La Barre, en France. J’interprète votre silence comme une confirmation.
- De quoi d’autre avez-vous discuté la deuxième fois ?
- Des œuvres d’Asimov.
[Oh reste de marbre] Je lui ai dit que j’étais désolée.
- Ah. Pour quoi ?
- Pas désolée "pour", désolée "de". Désolée de ne pas avoir eu la chance de rencontrer... la forme de vie synthétique.
- Cela aurait été l’aboutissement du rêve de toute une vie. Pardon. J’ai un problème ?
- Pas du tout. Je suis ici car on a besoin de votre aide. L’amiral Picard a informé Starfleet qu’il comptait partir hors-planète à la recherche de Bruce Maddox et d’une forme de vie synthétique. Nous aimerions que vous l’accompagniez.
- Hors-planète ? Je n’ai jamais... Si c’est mon expertise qu’il vous faut, peut-être...
- Il nous faut bien plus que votre expertise, j’en ai peur. Laissez-moi vous montrer ce qui arrivera si la vie synthétique est autorisée à exister.
- Euh, d’accord, mais...

Oh pose ses mains sur le crâne d’Agnes et engage un Mind Meld en lui envoyant directement dans le cerveau un paquet d’informations audiovisuelles apocalyptiques, incluant des destructions de planètes à grande échelle.
- [Oh] De mon esprit à votre esprit. De mes pensées à vos pensées.
Jurati en ressort bouleversée, en larmes, et se met à vomir…
- [Jurati] Que voulez-vous que je fasse ?
- [Oh] D’abord, prenez ça. Ça nous permettra de vous suivre. Ça doit être mâché.

Oh lui tend un tracker en forme de pastille triangulaire bleue luminescente. Jurati l’avale alors sans hésiter et sans discuter.

- [Oh] Ce que je vais vous demander exige un terrible sacrifice…

Proposer la version longue (ou plus exactement complète) d’une scène dont seul le début avait été montré dans le troisième épisode est un procédé hautement manipulatoire (façon conclusion de The Usual Suspects), mais qui peut néanmoins s’avérer efficace dès lors qu’il apporte un contenu déterminant et/ou susceptible de modifier radicalement la perspective ou le regard sur des événements que le spectateur croyait comprendre ou connaître. Et cela suppose une parfaite maîtrise de l’écriture pour ménager une polysémie, un double niveau de compréhension afin que tout l’édifice ne devienne pas absurde ou bancal au revisionnage.
Hélas présentement, la "révélation" de cette scène étendue n’apporte rien d’éclairant ou de nouveau sur les grandes lignes étant donné qu’il était éloquent depuis la fin de Picard 01x05 Stardust City Rag que la Dr Jurati était à l’origine de bonne foi mais qu’elle avait été "retournée" suite à la visite surprise de la Commodore Oh. Et en effet, c’est fatalement à l’appui d’informations tellement effrayantes et déstabilisantes qu’une douce et candide laborantine s’est retrouvée à agir criminellement contre sa nature (en assassinant son concubin à la façon d’une tueuse professionnelle en mission commandée).
Pire, sur les détails, loin de résoudre quoi que ce soit, ladite "révélation" du jour ne fait qu’alourdir un bilan déjà fort chargé, en apportant des incohérences supplémentaires. C’est-à-dire exactement comme toutes les autres tentatives d’explications durant les runs de Picard (et auparavant de ST Discovery).
Car il apparait maintenant qu’il aura "suffi" d’une seule séance de Mind Meld vulcain pour transformer celle qui est présentée comme une des scientifiques les plus intelligentes de son temps en vulgaire sicaire, qui a aucun moment ne doute ni ne remet en question les informations strictement subjectives télépathiquement transmises par une seule personne à peine rencontrée. Et sans hésiter, sans la moindre expérience de terrain, telle un robot mentalement reprogrammé, Agnes se soumet aveuglément au Commodore Oh. Elle accepte d’avaler immédiatement un tracker (qui aurait pu tout aussi bien être un poison), puis de s’embarquer dans une mission à haut risque pour tuer l’homme qu’elle aime et qui n’est rien de moins que le cybernéticien le plus compétent de son temps, c’est-à-dire le mieux à même de disposer des ressources intellectuelles pour faire face à un péril global impliquant des IA, des androïdes, ou des synthétiques.
Certes, le retournement complet d’Agnes Jurati présente les caractéristiques d’un lavage de cerveau comme dans ST VOY 07x04 Repression ou dans ST TNG 04x24 The Mind’s Eye, ou encore, hors du cadre trekkien, e.g. dans The Manchurian Candidate (1962. Faut-il vraiment suspecter ici un viol mental qui serait totalement indigne des Vulcains (cf. ST ENT 01x17 Fusion) ? Toujours est-il que s’il s’agissait d’une atteinte au consentement et au libre arbitre de Jurati, sous la forme soit d’une reprogrammation mentale (en supposant qu’un "simple" et bref Mind Meld vulcain le permette sans phase préalable de coma comme dans ST VOY 07x04 Repression), soit d’un contrôle télépathique à distance (genre ST VOY 05x14 Bliss), soit d’une "possession" (façon ST TNG 05x15 Power Play)... la victime ne conserverait pas la pleine conscience morale de ses actes. Au contraire de ce que montrent à la fois l’épisode précédent et la suite de celui-ci.
Bref, l’épisode et la série ont raté une belle occasion de mettre à profit l’esprit scientifique de l’héroïne pour figurer une opposition paradigmatique. Des informations (audio, vidéo, et sensorielles) offrant une vision apocalyptique de futur (convoquant même la symbolique prophétique et apocalyptique de la fantasy) auraient immédiatement dû conduire une scientifiques digne de ce nom (c’est-à-dire attachée à la démarche rationnelle et sceptique) à questionner à la fois leur provenance (résultent-elles d’un voyage temporel ?), leur causalité (quelle sont les causes premières de ce scénario catastrophe), leur probabilité (les variations dans les résultantes possibles), et surtout leur vraisemblances (info ou intox ? vérité ou deep fake ?). Ces données provenant d’une seule source, et sans un appui matériel vérifiant le critère de réfutabilité de Karl Popper, peuvent parfaitement être fausses, tronquées, ou délibérément trompeuses.
Mais aucune réflexion de ce genre ici, soit une constante dans la série Picard (où même les apparents débats d’idées sont illusoires). En somme, Agnes Jurati aura assassiné son amant aimé et le plus grand cybernéticien connu depuis Noonian Soong sur la foi d’une simple "vision" ! Chapeau l’artiste. Nous sommes vraiment dans Star Trek.
Et cela renforce une fois de plus l’impression que les protagonistes de Picard sont aussi carencés sur le terrain de l’intelligence qu’ils sont inconséquents en matière de psychologie… alors qu’ils sont pourtant supposés être la crème de la crème, voire les exceptions qualitatives de leurs temps.
L’anti-trekkisme manifeste de cette série consiste visiblement aussi à animer des personnages sous-intelligents, voire un peu imbéciles. Mais lorsque ce sont en sus les mêmes que ceux des séries historiques, il y a alors un sérieux problème de continuité interne…
Ironiquement, la question qui caresse maintenant l’esprit, c’est : la "vision" de Jurati implique-t-elle l’IA Control de Discovery ?

Ironiquement, l’usage de la fusion mentale par la Commodore Oh n’avance pas davantage le spectateur sur le dossier de la trahison potentielle de Oh. La seule information apportée par cette pratique est que Oh est vulcaine et non romulienne (encore que certains Romuliens auraient peut-être pu apprendre le Mind Meld via Spock ou d’autres contacts avec les Vulcains). Mais même si Oh est vulcaine, elle peut malgré tout être un agent double au service du Zhat Vash. Et peut aussi être un clone romulien de la vraie Oh selon le "protocole Shinzon" (de ST Nemesis). Et enfin, il peut y avoir des convergences d’intérêts entre la Section 31 et le Zhat Vash.
Bref, on n’est pas plus avancé, ou l’art aliasien de faire durer le plus longtemps possible la nébulosité.

Quand le Commodore Oh annonce à Jurati « Following that meeting, you transferred 300 gigabytes of material relevant to Dr. Maddox to your personal access display device. », elle désigne le PADD, cet assistant digital omniprésent dans les séries ST TNG, ST DS9, ST VOY, mais présent sous des formes plus embryonnaires dans ST ENT et ST TOS, et réputé avoir inspiré l’iPad d’Apple et l’essor des tablettes dans le monde réel.

Retour au présent, à bord de La Sirena pris dans un faisceau tracteur de l’Artefact romulano-borg, et dans un état de stress matériel extrême (mouvements et vibrations de toutes parts).
- [Rios] Remettez-nous en ligne, Raffi !
- [Musiker] Je fais ce que je peux. Le faisceau tracteur a complètement brouillé nos systèmes.
- Fais plus d’efforts, bon sang. Je te rends responsable de ça.
- Moi ? Pourquoi est-ce ma faute ?
- « Chris, chéri, c’est un vieillard. Jusqu’où peut-il aller ? » Et Picard est en route vers une planète à des jours de voyage à vitesse maximum. Qui sait comment. Et moi je suis captif d’un Cube Borg plein de Romuliens !
- Bon sang. Ne peux-tu pas pirater leur contrôleur de trafic ? Raffi !
- Je fais ce que je peux ! Les codes sous-jacents sont en charabia de langage de machine Borg.

- [Jurati] Demandez-leur de nous laisser partir ! Ce n’est pas nous qu’ils veulent. C’est elle. Quel que soit le lieu où Picard l’a emmenée, ils la traqueront, la détruiront. Dites-leur qu’on veut rentrer chez nous.

Dans l’Artefact, la Méchante romulienne Narissa interroge sans ménagement Hugh tout en tenant alignée et en joue une dizaine de xBs…
- [Narissa] Où avez-vous caché Picard et la synthétique ?
Comme Hugh refuse de répondre à son interrogatoire et de lui révéler où sont partis Picard et Narissa et au moyen de quelles technologie, Narissa descend à bout portant au phaser/disrupteur un xB. Puis elle reprend son interrogatoire de Hugh avec un arme au contact de son visage.
-  [Narissa] Dites-moi où je peux trouver Picard et votre petite protégée. Vous les avez conduits au sous-secteur 11 et en êtes revenu seul. Les corps de quatre gardes très armés ont été trouvés dans le sous-secteur 11, et ça fera certainement l’objet de ma deuxième question, mais pour le moment, répondez à la première.
- [Hugh] Ils sont partis.
- Pour quelle destination ? Je vous déconseille vivement de dire que vous l’ignorez. Je m’ennuie.
[Mais comme Hugh ne répond toujours pas] Tuez-les tous.
- [Hugh, suppliant] Non...

Et les gardes romuliens descendent aussitôt tous les xBs alignés, à la façon d’un peloton d’exécution.
En parallèle dans un très vaste hangar du Cube soumis à un incessant trafic, Narek s’embarque dans un vaisseau éclaireur romulien.
Puis Narissa poursuit son show de Cruella d’Enfer avec une voix à la fois doucereuse, hautaine, et sadique.
- Je déteste ce maudit Cube. Il est obscène. Comme vous et vos... "xBs." [dit-elle avec un profond dégoût] Mais ce n’est pas pour ça que ces choses sont mortes. Elles sont mortes à cause de vous. [Narissa sort alors un poignard qu’elle place violemment sous la gorge de Hugh] Car vous avez aidé Picard et la synthétique à s’échapper. Car vous avez ruiné les années de travail laborieux de douzaines d’agents à travers des centaines de systèmes stellaires. Car vous avez peut-être causé la perte d’un billion d’âmes à travers la galaxie. Je vous tuerais aussi mais vous êtes de la Fédération, et vous êtes protégé par ce stupide traité. [Narissa projette au sol Hugh tel un déchet mais sans le tuer ni même le blesser]
- [Naressa à Narek par com] Tu es prêt ?
- [Narek dans un vaisseau éclaireur] Je pars maintenant. Leur signal est verrouillé.
Et Narek s’élance dans l’espace à travers les boucliers du Cube.
- Alors je vais congédier notre visiteur.

Le rayon tracteur relâche La Sirena.

Dans le registre du super-héroïsme comicsien, la fin de l’épisode précédent promettait énormément (un bretteur affrontant seul et à l’épée une armée de phasers). Mais le présent épisode délivre bien peu, pour ne pas dire absolument rien !
Parce qu’Elnor n’a protégé ni sauvé personne. Il a disparu sans explication, il a laissé Hugh se faire capturer. Il a donc déserté le terrain au moment le plus crucial, précisément lorsque ses compétences de Qowat Milat masculin aurait pu faire la différence pour épargner à Hugh le supplice de devoir faire le choix impossible entre la protection de son bienfaiteur (Picard) et la vie de ses protégés (les xBs).
Et si cette soudaine inefficacité d’Elnor peut apparaître de prime abord comme un retour vers davantage de réalisme, il n’en est en fait rien, car les capacités quasi-surnaturelles au combat du Qowat Milat furent bien établies dans les épisodes précédents, au point de motiver tous les choix stratégiques (l’embauche d’Elnor par Picard, l’initiative de l’Elfe pour apparaître sur l’Artefact on ne sait comment, sa volonté d’y rester seul pour couvrir la fuite de Picard et protéger Hugh…).
Loin de corriger ses propres invraisemblances, la série Picard devient simplement incohérente envers ses propres incohérences.

Manifestement, la seule finalité de cette scène hardcore est de montrer que Narissa n’est pas que la grande Méchante seulement par les paroles et l’hypersexualisation, mais que c’est aussi la grande Méchante du show par les actes (criminelles).
Malheureusement, aux antipodes d’un quelconque réalisme au sens de la realtpolitik (supposée privilégier l’efficacité et les résultats sans aucune considération morale), l’épisode Picard 01x07 Nepenthe vend malgré lui une parodie cartoonesque digne de la Section 31 de Discovery, avec des "méchants parce que" aux agissements aussi illogiques que contreproductifs. Tout au mieux les mécanismes coercitifs de Star Wars, sacrifiant le pragmatisme amoral au spectaculaire manichéen.
Ainsi, même si Narissa mène une lutte anti-IA dans le cadre du Zhat Vash, son bras séculier dans un cadre officiel comme celui de l’Artefact reste le Tal Shiar.
Or en dépit du pouvoir dont jouit le Tal Shiar, il y aurait une lourde irresponsabilité pour ne pas dire une inconséquence totale à organiser des exécutions sommaires d’innocents sans procès (en d’autres termes des massacres) uniquement pour exercer un chantage sur le plus important notable de l’Artefact (le directeur himself et pièce centrale du Projet de récupération des Borgs)… dont l’activité s’inscrit dans une coopération publique et ouverte avec l’UFP… dont il est lui-même un ressortissant plutôt célèbre ! Et tout ça pour lui arracher de force des informations sur la traque d’un amiral de Starfleet en visite diplomatique (donc bénéficiaire d’une immunité), et d’une autre citoyenne de la Fédération (Soji) dont le seul "crime" est d’avoir voulu échapper à un assassinat organisé par les Romuliens eux-mêmes !
Faut-il que l’UFP ne pèse plus lourd ou soit complètement noyautée (y compris par Narissa elle-même d’ailleurs qui est également supposée être une officière de Starfleet – oui décidément c’est Alias) pour que des Romuliens du Tal Shiar ne s’astreignent à aucune prudence dans une configuration impliquant autant d’intérêts et de ressortissants de la Fédération...
Doit-on rappeler que même en dépit du pesant retcon infligé par la série, la vocation première du Zhat Vash est de défendre avant tout les intérêts de l’Empire romulien... ou désormais de son héritier le Romulan Free State. Or il ne serait pas de l’intérêt des Romuliens – affaiblis comme ils le sont par les ravages de la supernova – de contrarier la Fédération, ni – ce faisant – de compromettre le Borg Reclamation Project qui leur fournit de précieux atouts technologiques.

À bord du vaisseau de Rios :
- [Ordinateur] Systèmes reconnectés. Stabilisateurs du vaisseau réactivés. Moteur normal.
- [Rios se met à rire de satisfaction en s’adressant à Raffi] Vous avez réussi !
- [Musiker] Ce n’était pas moi. Ça doit être une ruse.
- Peut-être. Ils doivent encore m’attraper.

- [Jurati] Et Elnor ? [Les trois équipiers se regardent]

Dans le Cube, Elnor apparaît comme par hasard après le massacre et tandis qu’Hugh est seul, agenouillé et prostré.
- [À l’entente d’un signal de communication, Hugh à Elnor] Vos amis. Ils sont inquiets.
- [Rios] Hermano, il faut y aller.
- [Elnor] Allez-y sans moi. Ça ne se reproduira pas. Mon aide est requise, ici.
- Tout le monde ici pense que tu es fou.

- [Jurati, émue] Et courageux.
- [Rios] Et courageux.
- Adios, petit.

Elnor tend la main à Hugh, et l’aide à se lever… avec derrière une musique épique.
Puis la BO redouble de grandiloquence pour emphatiser le départ et le passage en distorsion de La Sirena… talonné de près par le petit vaisseau piloté par Narek… Générique.

Sans aucune explication, et en dépit de ses propensions avérées au super-héroïsme dans le Panthéon de DC, Elnor surgit de nouveau comme une fleur. Se cachait-il lâchement durant le massacre ou avait-il simplement mieux à faire ?
Mais devant le constat de cet échec opérationnel, et puisque la communication avec Rios suggère qu’il était matériellement tout simple de le téléporter à bord de La Sirena depuis la levée du rayon tracteur, comment se fait-il que cette option de bon sens ne s’impose pas ? Tout comme d’ailleurs la téléportation sur La Sirena de Hugh puisqu’il a réussi à masquer le Trajecteur spatial sikarien employé par Picard et Soji… mais qu’il est désormais totalement "grillé" auprès des Romuliens, sa vie ne tenant plus qu’à un fil.
Au lieu de ça, toujours sans la moindre justification (hormis une prétendue démonstration de courage qui s’est avérée particulièrement vaine jusqu’à maintenant), Elnor demeure sur le Cube… tout comme Hugh... pour y mourir stoïquement en somme.
Autant dire que la série n’y va pas par quatre chemins lorsqu’elle décide d’exposer ses personnages à des tragédies aussi inutiles que vaines. La triste suite est désormais actée et prévisible…

Ah mais que voit-on ?! Dans la scène précédente, le vaisseau éclaireur de Narek n’a pu sortir du Cube qu’en franchissant un champ de force ! Ce qui interdisait normalement toute téléportation non autorisée par les Romuliens. Dès lors, la téléportation d’Elnor à la fin de Picard 01x06 The Impossible Box tout comme ici la proposition de rapatriement sur La Sirena n’auraient pas dû être possibles.

Hugh et Elnor progressent ensemble…
- [Elnor] On retourne à la cellule de la reine ?
- [Hugh] J’avais oublié l’immense pouvoir caché là-bas. Ou j’avais peut-être peur d’être tenté de l’utiliser. Mais maintenant, je promets de défendre et protéger les xBs. Je les ai déçus. J’ai été un idiot. [Hugh dit Elnor droit dans les yeux avec véhémence] On va leur enlever ce Cube pour toujours.
- [Narissa surgit soudainement de la brume qui inondent les coursives du Cube] Ça m’a tout l’air d’une violation de traité. Vous croyiez vraiment qu’on ne vous surveillait pas ? Et ce n’est pas juste une violation de traité. L’éclatement d’une rébellion. Je suis reconnaissante. J’ai le droit de vous tuer, maintenant.
- [Elnor s’avance, dégaine son épée, et prononce sa devise magique en langue romulienne] S’il vous plaît, choisissez la vie.
- [Narissa avec un air pervers-sensuel] J’admets... que je ne m’attendais pas à ça.
Et tandis que Hugh profite de la confusion pour disparaître, Narissa mitraille Elnor aux phaser/disrupter. Relayée par ses sicaires romuliens… tandis qu’Elnor échappe aux tirs en marchand aux murs voire au plafond. Puis celui-ci se saisit d’un Romulien et menace de le tuer pour faire plier Narissa tandis qu’elle le tient en joue.
- [Narissa rengaine sont phaser] Ce n’est pas ainsi que le Zhat Vash combat un Qowat Milat. Si tant est que tu en sois un.
Elnor et Narissa s’affront alors en duel singulier à main nue. Mais celui-ci ne dure pas, car Narissa réussi à lancer un projectile (jet de couteau) qui atteint Hugh à la gorge. Celui-ci s’écroule tandis qu’Elnor se précipite vers lui. Après avoir extrait le projectile, Elnor le revoie violement sur Narissa qui se dématérialise juste avant de ce recevoir. Malheureusement, Hugh est mortellement blessé…
- [Hugh] Pour activer la cellule de la reine, tu as besoin d’un xB. [Souriant de l’ironie du désespoir] Sacrée cause perdue, hein ? [Caressant le visage d’Elnor dans un geste d’adieu] J’ai encore été un crétin optimiste pendant une minute. Merci pour ça.

Et Hugh trépasse dans les bras d’Elnor.

Dans la mesure où Narissa était prête à affronter Elnor sur un terrain rituel (dans le cadre de l’invraisemblable antagonisme traditionnel opposant le Tal Shiar au Qowat Milat), la série a raté ici sa seule occasion "légitime" de mettre en scène un duel à l’épée… que pourtant Picard 01x04 Absolute Candor avait lourdement teasé. En lieu et place, il faudra se contenter d’un combat chorégraphié façon Alias voire Section 31 de Discovery, mais très mal mis en scène…
Pire, la seule finalité de cet affrontement était de donner le change pour débusquer et assassiner Hugh qui avait su disparaître du champ visuel aussitôt que Narissa est entrée en scène.
Cette dernière scène est déployée à la façon de poupées gigognes de la contradiction pour aboutir à un enchaînement non-stop d’absurdités contextuelles doublées d’inconséquences narratives…
Elnor témoigne ici littéralement d’un super-pouvoir pour échapper aux tirs de phasers/disrupteurs. Sa réputation n’est donc pas surfaite, ce qui du coup incrimine lourdement sa passivité durant l’exécution des xBs au début de l’épisode. Soit l’incohérence au carré d’un épisode qui assume seulement à géométrie variable les incohérences de ses partis pris (ici le "super-héroïsme elfique").
En parallèle, comment Hugh, qui ne s’illustre guère par ses performances gymniques sur le terrain, réussit-il à échapper au "peloton d’exécution" de Narissa ? Et pourquoi celle-ci recoure-t-elle à la dangerosité d’un combat à main nue avec un Qowat Milat pour mettre immédiatement la main sur Hugh alors qu’elle dispose de tous les moyens logistiques et techniques romuliens pour le localiser de nouveau par la suite sur le Cube ? Sa mise à mort est-elle vraiment à ce point urgente et minutée ?
En amont, Narissa prétend avoir relâché préalablement Hugh après avoir assassiné devant lui ses protégés xBs dans le seul but d’exacerber sa haine et sa soif de vengeance afin de le pousser à organiser une rébellion, puis en l’épiant constamment (il connait pourtant mieux le Cube que les Romuliens) pouvoir le prendre en "flagrant délit" de "viol de traité" afin de disposer d’un prétexte légal pour le tuer ! Étant donné que le Cube est (de facto contrôlé par les Romuliens, ce légalisme de pure forme est totalement sans objet : Narissa aurait pu tout aussi bien assassiner Hugh dès la découverte de sa complicité dans l’évasion de Picard et de Soji, puis le justifier ensuite auprès de l’UFP comme elle l’aurait voulu. Elle n’est pas à un mensonge ni à une manipulation près, comme la série s’est longuement employé à le montrer. Quels que soient les raisons avancées et/ou bidonnées, c’est en soi le fait de tuer un ressortissant de la Fédération, a fortiori à la tête du Projet de récupération des Borgs dans le cadre d’un programme public, qui aurait de quoi causer un incident diplomatique avec l’UFP voire violer le traité. Visiblement, violer le traiter, c’est bien que ce que Narissa (et elle seule) cherche à obtenir. Mais dès lors que cet objectif est semble-t-il acté, pourquoi toute cette comédie, pourquoi prendre le chemin le plus long et le plus risqué ?
De même, le meurtre de Soji – citoyenne de la Fédération – et la traque de Picard – couvert par une accréditation diplomatique – ne semblent aucunement préoccuper Narissa, ce qui invalide les scrupules légalistes de forme qu’elle prétend s’être imposé dans sa façon d’éliminer "par étapes" Hugh.
Le combat lui-même dans son déroulement est un monument d’inconséquence, démontrant l’incompétence des chorégraphes ou conseillers de la série en sports de combats. Narissa prétend tuer Hugh par un lancé dans sa gorge à bout de bras d’une espèce de shuriken (alors que c’est un mode d’assassinat très inefficace). Or à ce moment-là, Elnor la surplombe avec un sabre, il aurait pu aisément l’achever avec la fulgurance qui l’avait caractérisée lorsqu’il a décapité gTenqem Adrev dans Picard 01x04 Absolute Candor. Mais au mépris de toute logique, poussé par un sentimentalisme à contremploi (et suicidaire), Elnor tourne le dos à son adversaire et se précipite vers Hugh, agonisant (d’autant plus absurde qu’ils se connaissent depuis seulement quelques heures). Ce qui laisse bien évidemment à Narissa la liberté de se téléporter au moment où Elnor contrattaque de rage (au mépris du "ritualisme duelliste" dans lequel elle s’était pourtant engagée). Au prix des pires incohérences, il fallait absolument que survive la grande Méchante du show, cette sous Selene (de la saga Underworld)... pour pouvoir continuer à infliger aux épisodes suivants un spectacle aussi pathétique.
Et finalement, quelle est l’utilité tactique pour Narissa de tuer Hugh alors qu’il est l’un des rares à savoir où (et comment) Soji a fui ? Quelle est en outre la pertinence stratégique d’éliminer celui qui connaît tous les secrets du Cube borg mieux que quiconque ? Et enfin, comme évoqué plus haut, n’est-ce pas contraire aux intérêts des Romuliens de sacrifier un traité et s’aliéner l’UFP ?
Faut-il que l’écriture ait atteint les abysses de la nullité pour à ce point confondre l’implacabilité romulienne (exploitation des ressources par la tactique, la stratégie, la psychologie, la pression, le chantage, la ruse, la peur, la torture, la persévérance...) avec la vengeance autocentrée et le plaisir de tuer comme fin en soi.La série Picard continue donc à répéter mécaniquement le même schéma, épisode après épisode : tuer méthodiquement les vétérans de la franchise historique aussitôt après les avoir ressuscités à l’écran. Mais dans le cas de Hugh, plus gratuitement encore – si cela est possible – que pour Icheb et Maddox. Le ressort affectif et people sur lequel capitalise la série est celui de l’éphémère : les caméos ne dépassent rarement un épisode, et leur effet est souvent définitif. Une façon bien dédaigneuse d’exploiter et de consumer en accéléré (voire en une fois) la nostalgie des trekkers, tout en se privant narrativement de personnages qui disposaient de potentiels science-fictionnels énormes. Du fait de son parcours, le personnage de Hugh pouvait offrir autant voire davantage que Seven à la série. En outre, la rencontre entre Hugh et Seven n’aura pas lieu.
Rarement le sentiment de gâchis créatif et de camouflet envers les trekkers n’aura été aussi grand. Cette manière de tuer systématiquement (à défaut de "seulement" ruiner) les ressortissants du passé n’est-elle pas allégorique du mépris des showrunners envers le Star Trek-qui-fut, bien loin de "l’amour" que certains fanboys s’imaginent y trouver ?

Dans l’Artefact, Elnor progresse en solitaire, telle une bête traquée. Des alarmes se font entendre de toute part…
Mais dans l’alcôve où il s’est réfugié, Elnor repère l’émetteur (en forme de carte de visite) que Seven avait offert à Picard à la fin de Picard 01x05 Stardust City Rag (mais s’agit-il bien de celui de Picard ?). Et alors, il l’active (« SOS Fenris initié »). Puis il se met en position fœtale d’attente, serrant les mains comme dans une posture de prière.
Voilà qui promet l’arrivée sous peu de la cavalerie de Fenris Rangers (et probablement de Seven elle-même) à l’assaut de l’Artefact romulano-borg.
Mais il n’est pas certain qu’un "super-héros" aussi minable qu’Elnor mérite les sacrifices que ce sauvetage va fatalement induire... Même les super-parodiques de Hero Corp étaient plus valeureux.

Quelle improbable coïncidence de trouver suspendu dans le gigantesque Cube borg l’émetteur que Seven avait offert à Picard (et dont il n’aurait normalement jamais dû se séparer)… Explosée l’improbabilité de la proverbiale aiguille dans une botte de foin !
Elnor s’est avéré être un bien piètre Qowat Milat sur le terrain, il aura visiblement tout raté, en dépit de ses "super-pouvoirs" de sabreur. L’ensemble de cette opération sur le Cube était bancale, et les initiatives (de venir puis de ne pas répartir) étaient de purs artifices... dont le but principal visait à rentabiliser le dispendieux décors cubique dans chaque épisode... tout en sacrant super-vilaine Narissa Rizzo, en infligeant un "trauma par décès" au super-héros Elnor, et en faisant débouler la super-héroïne Seven et ses Fenris Rangers.
Malheureusement, lorsque les objectifs externalistes se confondent à ce point avec les causalités internalistes, il est permis de parler d’écriture inconséquente voire indécente. Et manifestement, ce septième opus est vraiment champion sur ce terrain.

Ainsi s’achève "l’arc cubique" de l’épisode, émaillé de Méchants super-méchants, de mort gratuite et contreproductive, de faux super-héroïsme foireux et inconsistant… au milieu d’éclats de lumière et de fumée cyberpunk...
Que ce sous-Matrix est mauvais !

La Sirena est sortie de distorsion, et à portée visuelle, le vaisseau de Narek. Sur la passerelle, Rios surveille des diagrammes holographiques…
- [Musiker] Bon sang. Je te l’avais dit, Chris.
- [Jurati] Qu’est-ce que ça veut dire ?
- [Rios] Que quelqu’un nous suit. Peut-être depuis qu’on a quitté le Cube. Il est habile. Il reste juste à la limite des scanners de La Sirena ou au-delà.
- [Musiker] Quel genre de "quelqu’un" ?
- Petit. Rapide. Un vaisseau éclaireur.
[Cette description s’accompagne de scène à bord du vaisseau romulien, ou Narek attend sa proie dans son cockpit tel un prédateur…]
- Romulien, probablement. Un de leurs petits vaisseaux-serpents.
- Têtes de serpent. Doubles sous-propulseurs. Méga-puissance de tir.
- Peux-tu le semer ?
- [Rios à tout le monde] Asseyez-vous.
- [Musiker à Jurati] Agnes. Asseyez-vous, chérie.
- [Rios] Tout va bien ? Accrochez-vous.

La Sirena passe à distorsion avant d’en sortir quelques instants après.
- [Musiker] Et maintenant ?
- On attend qu’il nous dépasse. À l’allure à laquelle il allait, il sera à des années-lumière avant de réaliser qu’on n’est plus devant lui. Puis je vais calculer une autre trajectoire vers Nepenthe, au cas où il reviendrait.

- [Jurati] Désolée, j’aimerais être le membre d’équipage plein d’humour qui dit : « Allons-nous cacher dans cette comète » et elle s’avère être un gormagander géant. Mais je peux poser une question idiote ? Vous voulez vraiment aller à Nepenthe ?
- [Musiker] Ce n’est pas une excursion, chérie.
- Non, je sais...
- On va à Nepenthe pour chercher Picard. Et la meuf synthétique.
[Jurati se lève contrariée et fait mine de partir] Wow, je vous revois encore le soir où on a quitté la Terre. Vous étiez là, dans votre joli petit manteau bleu. Si euphorique d’aller dans l’espace rencontrer une vraie créature synthétique, comme vous en aviez toujours rêvé. Mais il semble que plus on se rapproche d’elle, moins vous voulez y aller.
- [Jurati reprend du poil de la bête et joue la carte de la colère] Je veux juste rentrer chez moi. OK ? Je veux que vous fassiez demi-tour et retourniez vers la Terre. Picard se débrouillera seul et quelqu’un d’autre trouvera la foutue synthétique. Pourquoi ça doit être moi ?
- J’ai un client qui me paie, Agnes. Vous êtes juste là pour la balade.
[Chris fait alors un geste à Raffi pour qu’elle prenne "moralement en charge" Agnes]
- [Musiker s’adresse alors à Jurati comme à une enfant capricieuse] Maintenant, vous allez venir en balade avec tantine Raffi. Elle vous procurera tout ce qu’il vous faut.
- [Jurati] C’est du gâteau ?
- Mais oui, c’est du gâteau.

Lorsque La Sirena sort de distorsion, on entraperçoit juste derrière le vaisseau-limier de Narek ! Tout au plus à quelques centaines de mètres, visible à l’œil nu ! Alors lorsque Rios déclare « He’s good, keeping just at or beyond the limits of Sirena’s scanners », cela sonne comme un gag ! Même les cargos civils du 22ème siècle de Jonathan Archer avaient des scanners qui portaient bien au-delà du champ visuel humain…
Puis lorsque Rios fait passer La Sirena en distorsion avant d’en sortir aussitôt pour semer le poursuivant, cela rappelle beaucoup la Picard Maneuver dans ST TNG 01x09 The Battle (quoique dans un but différent).
Mais autant cela faisait alors sens pour échapper furtivement à un tir (cas de la Picard Maneuver), autant c’est absurde ici puisque la traque repose à la base sur la possibilité technique de suivre quelqu’un à distorsion, mais également en sortie de distorsion. Pouvoir mettre suffisamment de distance avec le poursuivant avant de changer de cap serait plutôt crédible (selon la portée du système de tracking). Mais quitter la distorsion aussitôt après y être entré ne réduit en rien la capacité du traqueur à traquer.
L’un dans l’autre, c’est l’ensemble de cette manœuvre de filature qui respire l’amateurisme. De la levée très suspecte du rayon tracteur par l’Artefact (avec La Sirena repartant officiellement sans l’amiral pourtant en mission diplomatique) au "tracking a portée visuelle" en FTL en passant par les tentatives risibles de Rios pour semer son poursuivant, on se croirait dans la parodie animée Tripping The Rift
Alors que le pragmatisme romulien (qui n’est plus qu’un lointain souvenir dans Picard) aurait commandé de ne pas relâcher les rayons tracteurs de La Sirena, puis de capturer et interroger son équipage (qui lui n’était pas couvert par une immunité diplomatique) pour déterminer le point de rendez-vous avec Picard et Soji. À défaut, pour garantir une filature fiable, Narek aurait dû employer un vaisseau romulien pourvu d’un bouclier d’occultation (cloaking device) qui, pour mémoire, demeure la spécialité romulienne (à fortiori du Tal Shiar).
Picard, c’est bienvenu chez les branquignols.

La remarque méta et décalée de Jurati évoquant un gormagander est bien entendu une référence à l’un des pires épisodes de Discovery, à savoir DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad où l’une de ces créatures spatiales aura été capturée. En outre, durant le teaser-flashback de Picard 01x03 The End Is The Beginning, Agnes écoutait un opéra kasseelian, qui fut précédemment entendu dans le même épisode de Discovery.
La série PIC ne manque ainsi jamais une occasion de revendiquer sa communauté d’univers avec DIS, tandis que la continuité avec le ST historique demeure en revanche bien moins certaine...
Mais par-delà cette "baleine spatiale" de Discovery, en réalité, Agnes fait implicitement référence à l’Exogorth de Star Wars : Episode V - The Empire Strikes Back. À croire que l’œuvre de Star Wars existerait dans l’univers Star Trek 2.0...

Face aux problèmes de conscience résultant du Mind Meld imposé par la Commodore Oh, et à son assassinat corollaire de Bruce Maddox, Agnès Jurati se décompose à vue d’œil. Elle cherche déjà à se dérober à la suite de la mission confiée par Oh… en invoquant n’importe quel prétexte pour ne pas la poursuivre. Elle sera bientôt mure pour passer aux aveux...
En attendant, Raffi la traite comme une enfant capricieuse en lui proposant des pâtisseries gourmandes pour la calmer et l’amadouer. Quitte à ce que tatie-gâteau perdre de vue que les synthétiseurs sont en libre-service, et que la brillante cybernéticienne n’a pas besoin d’elle pour ses anxiolytiques infantiles (trois parts de gâteaux de la taille d’un cube borg dirait-elle par la suite...). C’est assez pathétique, ou du moins pathétiquement comique.

Raffi synthétise des gâteaux gourmands pour conforter (ou faire parler) Agnes :
- [Musiker] Tenez, chérie. Vous voulez plus de lait ?
- [Jurati] Oui, s’il vous plaît.
- D’accord. Un chocolat ?
- C’est probablement trop.

- [Musiker avec un air suave à la frontière de l’autodérision] Trop n’existe pas sur la planète Raffi. [Raffi tend à Agnes un verre de lait qui vient d’être synthétisé] Tenez.
- Merci. Merci d’être si bonne avec moi. Vous êtes une bonne personne.
- Merci. Mais je suis plutôt l’épave d’une bonne personne. Dans une urgence, on peut recoller les morceaux d’une bonne personne temporaire mais...
[Agnes s’effondre en larmes]
- Oh, Agnes, on a une urgence, là ? C’est Chris ?
- Non. Non.
- [Musiker avec une immense empathie à la frontière de la parodie] Oh, Agnes, je suis si bête. C’est Bruce Maddox. Le revoir après si longtemps. Et devoir si vite perdre son... [Musiker avec agacement à Rios qui s’approche] Quel est le problème ?
- [Rios] Notre petite ombre est de retour.
- [Musiker] Vous êtes sûr que c’est le même ?
- Émission de neutrino identique.
- Comment est-ce possible ?
- Je l’ignore. Je vais essayer autre chose. Voir si je peux...
[Jurati est violemment saisie de vomissement]
- [Rios] C’est du sang ?
- [Musiker à Rios) ] Rouge velouté. [Musiker à l’EMH… qui curieusement n’apparait pas] Ohé ? On a une urgence hospitalière, ici. [Musiker à Jurati] Ça va aller. Ça va aller. Encore une fois. Ça va aller.

Rios conduit Jurati à l’infirmerie.
- [Jurati] C’est idiot. Je vais bien. J’ai mangé une part de gâteau de la taille d’un Cube Borg. Puis, j’en ai pris une autre. Et j’en ai entamé une troisième.
- [Rios] OK, écoutez. Je vous ai amenée ici car j’ai besoin de vous parler.
- Inutile de me dire quoi que ce soit. Vous et moi...
- J’ai réussi à semer à nouveau notre ombre, mais s’il continue de nous trouver, je crois savoir pourquoi. Et si Raffi était suivie ? Réfléchissez. Vous vous souvenez comme elle était mystérieuse avant d’arriver à Freecloud ? Son numéro de « au revoir pour toujours » ? Et elle est revenue juste après. Sans explication. De quoi s’agissait-il ? Où est-elle allée ? Qui a-t-elle vu ?
- Non.
- Je sais. Je déteste penser que Raffi nous trahirait, nous mettrait en danger. Peut-être que quelqu’un... les Romuliens… ont mis un traceur sur elle sans qu’elle le sache.
- Ce n’est pas Raffi.
- Alors c’est vous ?
[Et Rios se met à rire] Vous êtes coincée sur La Sirena depuis qu’on a quitté la Terre.
- [Musiker hurle depuis la passerelle] Rios ! Merde ! Il est revenu ! [Agnes et Chris se regarde longuement, puis il fonce vers la passerelle]

La conversation avec Rios aurait pu prendre un tour intéressant, en terme de narratologie. Car Agnes était à la lisière des aveux. Mais évidemment, Picard est une série tellement creuse qu’elle n’a d’autre choix que de délayer le plus longtemps possible le peu qu’elle a à relater. La séance de confession de Jurati a donc été reportée d’une quinzaine "grâce" au "gong" si "opportun" de l’appel de Raffi...

Restée seule dans l’infirmerie, Jurati est saisie d’une crise de désespoir, entre tiraillements et larmes…
Et soudain, elle prend une décision : s’irradier elle-même pour détruire le tracker implanté en elle. Somme toute, après avoir assassiné son amant pour le compte de la Commodore Oh, puis avoir tenté de se dérober à la suite de sa mission (i.e. atteindre Soji), elle change de camp !
Et dans ce qui ressemble furieusement à une imprimante 3D contemporaine, elle synthétise une espèce d’hypospray injectant de l’hydride d’uranium synthétisé. L’ordinateur de bord ne manquant alors pas de préciser : « Attention, selon les espèces, il peut y avoir des effets neurotoxiques. »
Et après pas mal d’hésitation et d’auto-persuasion (« Tu peux le faire »), Agnes s’injecte le radioactif au niveau de l’artère occipitale. Elle est alors saisie de violentes convulsions puis d’une syncope. Elle s’écroule au sol, en proie à une hypersialorrhée. C’est alors que l’EMH sort de sa réserve (« Quelle est la nature de votre... ? Oh, bon sang. ») et accourt à son chevet.
À deux encablures spatiales, dans son vaisseau éclaireur romulien, Narek perd alors le signal de tracking… et explose de colère.

Sur la passerelle de La Sirena :
- [Rios, regardant Musiker de façon suspicieuse] Raffi, j’ai une autre idée sur le moyen de trouver ce gars. Mais ça ne va pas te plaire.
- [Musiker] Pourquoi ? Il faudra me propulser hors d’un sas ?
- J’espère que non.

- [EMH à travers les com] Capitaine Rios, pouvez-vous venir à l’infirmerie ?
- [Rios] C’est Agnes ? Elle a encore des problèmes d’estomac ?
- Je suis plus préoccupé par le fait qu’elle est dans le coma.
[Rios se précipite alors à l’infirmerie]

Dans le cadre de son "enquête interne", le vieux "routard spatial" Chris Rios pourrait lui aussi passer pour... assez imbécile. Car il prétend soupçonner Raffi de jouer double jeu (alors qu’il la connait depuis 15 ans), mais il ne soupçonne pas Agnes qu’il connait depuis quelques heures, au mieux quelque jours ! Pire, il fait d’Agnes sa confidente !
Alors chercherait-il à jouer au poker menteur, à plaider le faux pour connaître le vrai... ou bien raisonne-t-il seulement avec son pénis ? Fameux cliché si tel est le cas.

Il est frappant de constater que d’un épisode sur l’autre, sans raison, les psychologies ont été totalement inversé à bord de La Sirena :
- Raffi Musiker bascule de l’épave l’éthylique à l’officière psychologue et efficace,
- Agnes Jurati passe de la mante religieuse illuminée (prête à tout pour accomplir ses assassinats prétendument salvateurs) à l’hystérique repentante et désespérée (prête à se sacrifier pour les autres mais sans rien assumer).
- Chris Rios bascule de la complicité amicale avec Raffi à la suspicion paranoïaque et irrationnelle.
Bref, du pur soap. Mais le plus mauvais de tous, celui qui ne s’embarrasse d’aucune psychologie pour davantage ménager les retournements de situation inattendus et inexpliqués.

Vue spatiale sur la planète Nepenthe, aussi bleue que la Terre mais aux continents bien plus verdoyants… Au sol, les paysages champêtres Earth-like sont idylliques.
Picard et Soji se matérialisent au moyen du Trajecteur Spatial des Sikariens. Et ils sont aussitôt mis en joue par l’arc d’une fillette déguisée, Kestra (interprétée par Lulu Wilson)
- [Picard à Kestra] Tu devrais braquer ça sur ma tête, mon cœur est en duritanium massif.
- [Soji] Vous disiez que c’était un lieu sûr.
- [Picard] Est-on est en sécurité ici, Kestra ?
Kestra baisse sa garde, et détend son arc
- [Picard] Tes parents sont par là ?
- [Kestra à Soji] C’est ton grand-père ?
- [Soji] Non.
- Ton père ?
- Je ne le connais pas du tout. Il m’a dit qu’il était un ami de l’homme qu’il a appelé mon père.
- Tu ne le crois pas ?
- Je ne crois personne.
[Kestra sort une boussole] Qu’est-ce que c’est ?
- Ça s’appelle une boussole. Ça trouve le nord. Mon ami le capitaine Crandall me l’a donnée au lac de l’Infini. Il est encore plus vieux que Picard. Alors... tu me crois ?
- Tu m’as menti jusqu’à présent ?
- En quelque sorte, c’est juste un costume. C’est en quelque sorte... un jeu inventé par mon frère. Je ne suis pas vraiment une Viveen, une Sauvageonne des bois.
- Tu m’as bien dupée.
- Mais mes flèches sont réelles, malgré tout.
- Je ne tirerais jamais sur toi car je suis pacifiste, mais je pourrais.
- Je ne l’oublierai pas.
- Et cette boussole est cassée.

- [Kestra à Picard] Qui était son père ?
- [Picard] Je suis sûr que tu as entendu parler du commandeur Data.
- [Kestra à Soji] Wow. Tu es une Androïde ? [Soji est interloquée, et même choquée]
- [Picard à Soji] Soji, non. Tout va bien. [Soji a alors un violent mouvement de rejet envers Picard] Non. Doucement. Je sais que ça doit être dur. Tout ce en quoi vous croyiez. Vos souvenirs, votre identité.
- [Soji] Mes rêves, mon corps, mes parents, ma sœur, tout était faux.
- Non, non. Pas Dahj. Non, Dahj était réelle. Je suis vraiment désolé. Votre sœur est morte. Elle a été assassinée par ces gens qui ont failli vous tuer.

- [Soji laisse couler une arme, mais feint l’endurcissement par sa réponse] Peu importe. Rien de tout ça n’est réel. Continuez donc avec ce jeu mental. [Soji s’éloigne et Kestra regarde Picard avec un air de reproche]

Un peu plus tard, à portée visuelle d’une très belle maison en rondins et à larges baies vitrées, dans le style étatsunien des Rocheuses ou du sud de l’Alaska :
- [Kestra courant vers la maison] Maman ! Papa !
- [Soji à Picard] Alors, qui sont ces gens ?
- [Picard] On était... Ce sont de vieux amis. Venez.
- [Kestra] Maman !

Deanna Troi aperçoit alors Picard, et la joie illumine son visage. Elle tend les bras à Jean-Luc et s’ensuit alors une accolade affectueuse.
- [À peine ressaisie, Troi] Vous avez des ennuis. Graves à quel point ?
- [Picard à Troi] Suffisamment graves. [Troi lui caresse le visage, avec empathie, puis le sert contre elle] Je vais bien. Je vais bien. Vraiment. Et je suis très, très heureux de revoir ton visage.
- [Troi à Soji… inquiète et restant à distance] Bienvenue.
- [Picard à Soji] C’est le Commandeur Deanna Troi. [Picard à Troi] Docteur Soji Asha.
- [Soji] Juste Soji.
- [Picard] Longue histoire.

Affairé dans la cuisine à laver la vaisselle, et écoutant du jazz, Riker entend Kestra crier.
- [Kestra] Papa.
- [Riker] Quoi ?
- Viens dehors !
- Arrête de crier !
- C’est Jean-Luc Picard.

- [Riker à un assistant vocal] Pause musique. [Puis s’adressant à Kestra à travers la fenêtre] Répète ça.
- [Picard entre dans la cuisine] Bonjour, Will.
- [Riker, après quelques secondes de stupeur accueille son ex-capitaine à bras ouvert] Oh ! Oh, c’est pas vrai. [Après une très longue accolade, Riker se ressaisit] Oh, vous avez besoin d’un endroit pour vous cacher ? [Devant l’air d’approbation de Picard, Riker s’adresse à l’assistant vocal] Boucliers en place. Scans du périmètre au maximum. [Puis à Picard] On a eu des ennuis avec les Kzinti, dernièrement.
- Mieux vaut faire aussi des scans anti-camouflage.
- Des Romuliens ?
[Riker à l’assistant] Initier les scans anti-camouflage. [Riker à Picard] Quand vous vous êtes envolé vers Romulus pour le sauvetage de la supernova, vous vous souvenez de ce que j’ai dit ?
- « Vous voulez crouler sous des problèmes de Romuliens toute votre vie ? »
- Je vous ai aussi rappelé la quatrième Loi thermodynamique de Newton.
- « Aucune bonne action ne reste impunie. »
- Exactement.

- [Troi] J’ai dit à Kestra de montrer à votre amie comment trouver la douche.
- [Picard] Merci.
- [Riker] C’est une amie ?
- [Troi] Soji. Elle semble totalement humaine. Son visage, sa voix, son langage corporel, tout exprime de l’émotion. La pauvre créature semble traumatisée.
- [Riker] Mais ?
- [Troi] Je ne perçois rien. Je ne peux pas la détecter.
- [Picard] Je crois que je suis dépassé par les événements. En quittant la Terre, j’avais un plan. Un vaisseau. Même un équipage en quelque sorte. Et maintenant, j’ai tout perdu. Mon plan s’est avéré être une moitié de plan au mieux, et la vie de la fille est toujours en danger.
- [Riker] On dirait qu’il vous faut un nouveau plan.
- [Picard] Oui.
- [Troi] Un plan qui commence par une sieste. Vous êtes épuisé. Allez vous reposer dans la chambre de Thad pendant que Will prépare le dîner.
- [Riker] Une pizza au feu de bois. Tomates et basilic de notre jardin. Regardez, une Sauvageonne des bois.
- [Kestra dit quelque chose dans un langage inconnu et non traduit, tout en tendant le produit de sa chasse à son père, à savoir un lapicorne, ou "bunnicorn" en VO]
- [Riker] Beau travail.
- [Troi] Tu as coupé les sacs de venin ?
- [Kestra] Non, je les ai laissés pour qu’on crache tous de la bile noire et qu’on meure.
- [Riker] Pizza aux tomates et au basilic et à la saucisse de lapicorne non-venimeuse.
- [Picard] Quel régal. Merci.
- [Riker] Restez aussi longtemps que nécessaire. Quel que soit le problème. On peut gérer ça.
- [Troi] Bien sûr. Absolument.

Et l’un des motifs trekkiens se fait entendre pour célébrer la belle solidarité de ST TNG retrouvée.
Tandis que Soji prend une douche (en plein air et à l’ancienne) :
- [Kestra] Tu joues du violon ?
- [Soji assise sur une table à côté et lui tendant une serviette] Non.
- Tu aimes Sherlock Holmes ?
- Je suppose.
- Peux-tu courir super vite et sauter super haut et tordre de l’acier avec tes mains ?
- Il se trouve que oui, je le peux.
- Bizarre.
- Je ne te le fais pas dire.

Kestra est visiblement heureuse de s’être trouvé une copine de son âge.
Soji et Kestra partagent la même chambre en bois, et un lit superposé. Kestra, perchée sur le lit du haut, Soji allongée sur le lit du bas.
- [Kestra] OK, alors, tu as du sang. Tu as des crachats ?
- [Soji] Oui.
- De la morve ?
- Oui, j’ai de la morve.
- Data n’en avait pas.
- Tu en sais long sur Data.
- Mes parents ont servi avec lui à Starfleet jusqu’à sa mort. Il y a très longtemps, sur un vaisseau nommé l’Enterprise. Picard en était le capitaine. Il était le capitaine le plus génial de toute l’histoire de Starfleet selon mon père. C’est bizarre de faire une androïde avec de la morve et de la salive... Mais je suppose que Data te voulait ainsi.
- Je ne vois pas comment ce Data pourrait être mon père. Si on m’a faite, c’était probablement il y a trois ans. Pourquoi Data voudrait faire une Androïde avec de la morve et de la salive ?
- Il essayait toujours d’être plus humain. Il pouvait faire des choses incroyables, mais ce qu’il voulait vraiment, c’était rêver, raconter des blagues, apprendre la danse de salon. Tu es comme ça ?

- [Soji, très mélancolique] En fait, avant que tu dises le mot "androïde", je m’accrochais encore à l’idée que j’étais humaine.
- [Kestra descend à son chevet] Est-ce que tu te sens bien ? Non, non. Ne pleure pas. Je te trouve incroyable.
- Parce que j’ai de la morve ?
- Et parce que tu as trois ans, alors je peux être ton chef.
[Soji sourit]

Tandis que Deanna montre la chambre de feu Thad :
- [Picard] Deanna, la langue que Kestra parlait...
- [Deanna] Le viveen. Parlé par les Sauvageonnes des bois.
- Tu sais, la première fois que j’ai rencontré Thad... il parlait une sorte de langue inventée. Il n’avait sûrement pas plus de cinq ans.

- [Deanna tend à Jean-Luc une photo de Picard qui tient dans ses bras Thad bébé] C’était la seconde fois, en fait.
- Oh, Seigneur. Ça fait très longtemps.
- La semaine dernière, ç’aurait été son 18ème anniversaire.
[Echange de regards] On va bien. Vraiment. Kestra souffre encore de son absence. Mais chaque jour, ça va un peu mieux.
- Mais voir ça arriver, ce doit être une souffrance différente pour toi.

- [Deanna affectée] C’est merveilleux de vous voir, Jean-Luc. Je vous suis reconnaissante d’être venu.
- Je ne suis pas juste venu ici dans l’espoir de trouver un refuge.
- J’espérais aussi...
- Je sais.
- On ne va pas rester. Je ne veux pas vous mettre tous en danger. Dès que j’aurai mis au point la prochaine étape stratégique, Soji et moi, on partira.
- Ne soyez pas bête. Vous avez entendu Will. Restez aussi longtemps que vous voudrez. C’est juste que s’il arrivait quelque chose à Kestra...
- Bien sûr. Deanna, je comprends.
- Je ne suis plus aussi courageuse que je l’ai été jadis, Jean-Luc.
- Alors, tu deviens plus sage.

Plus tard, Riker cuit sa pizza dans un fournil à l’extérieur de la maison. Picard vient lui parler…
- [Riker] Vous vous êtes reposé ?
- [Picard] Oh, j’ai essayé. Je m’inquiète pour mon pilote, j’ai peur... qu’il ne s’en soit pas sorti.
- Dans quoi vous vous êtes fourré, Jean-Luc ? Vous pouvez me le dire ?
- Non.
- Je ne voulais pas t’impliquer là-dedans, Will. Venir ici était une mesure désespérée. Je le regrette déjà.
- Je comprends. Je vais m’en tenir à mes pizzas. Ce serait fantastique s’il suffisait d’ignorer le danger pour l’éloigner des gens qu’on aime.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire.
- Sentez ça. Du basilic antarien. Ça pousse à toute allure, ici. Comme le reste. La terre a des pouvoirs régénérateurs. C’est pour ça qu’on est venus ici.
[Riker à Kestra] Sauvageonne des bois !
- [Kestra] Je l’emmène voir le jardin. [Kestra est suivie de Soji et elles conversent ensemble en langue Viveen]
- [Kestra à Riker] Elle a lu le dictionnaire Viveen de Thad. Entièrement, en deux minutes.
- [Riker] En deux minutes ? Il fait 300 pages. [Soji incline la tête à la façon de Data en découvrant Riker]
- [Riker, surpris en découvrant Soji] On n’a pas fait connaissance, Soji. Je suis le père de Kestra, Will.
- [Soji] Bonjour, Will.
- Bonjour.

- [Picard] Le commandeur Riker et moi, on a servi ensemble sur le USS Enterprise.
- [Soji] Et vous étiez le capitaine le plus génial de son histoire, m’a-t-on dit.
- [Riker] « Le capitaine le plus génial de son histoire », qui a dit cette sottise ?
- [Kestra] Toi.
- [Riker à Kestra] Moi ? Je devais avoir bu, ce jour-là. Peux-tu dire à ta mère qu’il nous faut plus de tomates ? [Riker à Soji] Enchanté de vous rencontrer. [Kestra s’éloigne, suivie de Soji]
- [Picard à Riker] En parlant de boire, je peux ?
- Je vous en prie.
- Merci.
- Je vais juste spéculer et dire tout haut ce que je pense tout bas. Vous n’avez pas besoin de me dire quoi que ce soit. Ça vous va ? Vous avez peur qu’il y ait des camouflages. Ça indique des Romuliens. Et le niveau d’anxiété et de peur pour notre sécurité m’indique que c’est le Tal Shiar. Ensuite, ce n’est pas vous qui êtes en fuite. C’est elle. Mais pourquoi ? Qu’est-ce que cette pauvre Soji a fait pour provoquer leur colère ? Se pourrait-il que c’est parce que c’est de toute évidence une androïde ? Et pas n’importe quelle androïde. Je reconnaîtrais cette façon d’incliner la tête n’importe où. Cette gosse a Data dans son ADN. C’est pour ça que vous êtes là. Je m’en sors bien ?

- [Picard, impressionné et souriant] Pas mal... pour un pizzaiolo.
- Je comprends pourquoi vous vouliez que ça reste un secret. Un cas classique d’arrogance à la Picard. Vous décidez qui court les risques et qui n’en court pas. Et qui est dans le secret et qui ne l’est pas. Et bien sûr, on en revient toujours à vous.
- Will...
- C’est sans problème. Sur le pont de votre vaisseau, capitaine. Mais maintenant, vous avez affaire à une adolescente… plus ou moins. Ça peut être une leçon de grande humilité... Franchement... vous n’êtes pas prêt pour ça.
- Peut-être pas.
- C’est bien. À petits pas.
- À petits pas.

Soji contemple un plan de tomate du somptueux jardin potager
- [Troi] Vous avez déjà vu une vraie tomate ?
- [Soji] Je n’ai jamais rien mangé qui ne soit pas sorti d’un synthétiseur.
- Goûtez-en une.
- Comme ça ?
- Mordez dedans.
[Soji mord dans la tomate à pleines dents, non sans mal] C’est bon ?
- Ça a un goût si... réel.
[Grand sourire de Troi] Ce qui est réel est tellement mieux.
- [Troi à Kestra] Kestra, apporte ces tomates à ton père. Et mets la table pour le dîner. [Troi et Kestra échangent alors quelques paroles non amènes dans une autre langue, mais pas du Viveen, puis Kestra]
- [Soji] Ce n’était pas du Viveen.
- [Troi] Du Harpanthi. Le dialecte des Sorciers télépathes des Glaces du Sud. Je n’ai jamais vraiment pu apprendre le Viveen.
- Combien de langues Thad avait inventées ?
- Onze. Douze si on compte le Pahlplah, la langue des papillons. Mais il n’y a pas de mots, juste des battements d’ailes.
- J’adore ça.
- Thad a grandi sur des vaisseaux. Dès son plus jeune âge, il était fasciné de penser que les gens avaient des foyers planétaires. Betazed. La Terre. Il voulait un foyer planétaire à lui, alors il en a inventé un. Ardani. Ça veut dire "foyer".
- Ardani.
- Quand Thad est tombé malade, on est venus ici, à Nepenthe. Il adorait cet endroit. C’est devenu son foyer planétaire.
- Qu’est-ce qu’il a eu ?
- Une neurosclérose mandaxique, un virus basé dans le silicone. C’est très rare, et en théorie complètement guérissable. Il faut juste faire la culture des cellules infectées dans une matrice positronique active. Mais quand Thad a contracté la NM, il n’y en avait pas, et personne n’avait le droit d’en développer de nouvelles.
- À cause de l’interdiction des synthétiques.
- Alors vous voyez, Soji, le réel n’est pas toujours meilleur.
- Kestra vous l’a dit.
- Elle m’a dit que tout ça est nouveau pour vous. Que vous êtes toute neuve.
- C’est juste une présomption. Je ne sais rien du tout. Sauf que pour une raison ou une autre, ça intéresse beaucoup les Romuliens de savoir d’où je viens. Où j’ai été faite. Enfin, un Romulien, Narek. Il m’a fait croire qu’il tenait à moi. J’ai même cru qu’il m’aimait. Je lui faisais confiance, mais ce n’était qu’un jeu mental. Il essayait de me piéger pour que je me souvienne des infos qu’il cherchait. Puis, il a essayé de me tuer.
- Ça doit être très dur pour vous de faire confiance à qui que ce soit, maintenant.
- Vous croyez ? La manière dont vous êtes maintenant, sensible et attentionnée... ça m’incite à vous faire moins confiance. Je ne fais confiance ni à vous ni à Kestra. Certainement pas à Picard. Tout ça, si ça se passe véritablement, comment puis-je savoir que ce n’est pas un autre jeu ? Que ce n’est pas tout faux ? Comme mon enfance. Comme mes parents. Vous m’emmenez dans ce bel endroit, m’entourez de gens chaleureux et amicaux et de bonne nourriture et...

- [Picard s’invite dans la conversation dans la jardin potager] On vous torture ? On vous détruit ? Oui, vous avez raison. C’est un complot élaboré. Je ne nous ferais pas confiance, à votre place. [Soji se lève furieuse, et pousse violemment Picard qui n’évite la chute que grâce à Riker]
- [Riker indigné, à Soji] Eh… [Riker à Picard] Il fallait juste dire : « le dîner est servi ». Tout va bien ?
- [Picard] Elle aurait pu me briser en deux. Je devrais être content qu’elle se soit retenue. À petits pas.
- Exact.

- [Troi] Ce n’est pas une chose que la conseillère du vaisseau dirait, mais c’est mérité.
- [Riker] Doucement, Imzadi.
- [Troi] Avez-vous la moindre idée de ce que cette jeune femme a traversé ? Ce qu’elle traverse en ce moment ? Ce que les Romuliens lui ont fait ? Pour vous, penser que tout ceci pourrait être un subterfuge ou une simulation est grotesque. Mais pour elle, ce serait fidèle à ce qu’elle a vécu. Vous savez que vous êtes réel. Mais elle n’a aucune raison de le croire. Elle n’a aucune raison de croire qu’elle est réelle elle-même. Son aptitude à faire confiance était une faille dans sa programmation. Elle a été manipulée, torturée. Sa conscience a été violée.
- [Kestra depuis le fournil] Papa. [Riker s’élance vers le four à pizza]
- [Picard resté seul avec Troi] Ce que je dois être...
- [Troi] Vous devez être Jean-Luc Picard. Compatissant, patient, curieux.
- Et autre chose. Utile.
- Laissez-nous vous aider, Jean-Luc. Prétendez que notre table du dîner est le bureau de l’Enterprise. On trouvera une solution. Ensemble.

- [Riker depuis le fournil et tenant triomphalement dans ses mains une tomate brulée] Annulez l’alerte rouge. Une tomate brûlée.
- [Picard, prenant Deanna par l’épaule] Le dîner est servi.

Autour de la table, Riker sert la pizza à ses hotes :
- [Riker à Kestra] Ma Sauvageonne des bois. Une saucisse de lapicorne en rab’.
- Merci.

- [Riker à Soji] Soji, bienvenue dans notre foyer.
- Merci.
- Deux pour les invités.

- [Riker à Troi] Imzadi ?
- Une, s’il te plaît.

- [Kestra à Soji] Tu aimes la pizza ?
- J’aime la pizza. Oui.
- Bien.

- [Isolé dans un coin de la pièce, Picard a tenté de contacter La Sirena au moyen de son combadge, en vain] Toujours pas de contact avec Rios. S’il ne vient pas, je vais avoir besoin d’un autre vaisseau.
- [Riker] Vous en trouverez peut-être un au port spatial du lac de l’Infini, si vous êtes prêt à attendre.
- [Troi] Il y a un transport de passager hebdomadaire mais les opérateurs indépendants sont rares.
- [Kestra] Il y a le capitaine Crandall. Il est allé partout, de Q’onoS à Tyken’s Rift.
- [Troi] C’est ce qu’il prétend.
- [Kestra] Il a un vaisseau, l’Inside Straight. Mais il est un peu cassé.
- [Riker à sa fille] Comme Rupert Crandall. [Riker à Picard] Même s’il ne l’était pas, où avez-vous l’intention d’orienter son vaisseau ?
- [Soji] Chez moi. Narek, l’agent du Tal Shiar sur l’Artefact m’a montré une pratique de méditation traditionnelle, le Zhal Makh. Il m’a fait croire qu’il m’aidait, mais il s’en servait pour me soutirer des informations que j’ignorais posséder.
- [Kestra] Et il a obtenu les informations ?
- J’étais si stupide. Oui, il les a eues.

- [Picard] Et de quoi s’agissait-il ? [Soji regarde Picard avec méfiance] Quand j’ai rencontré votre sœur, elle venait d’être activée par la première attaque des Romuliens contre sa vie. Jusqu’alors, comme vous, elle pensait qu’elle était humaine. Après l’attaque, elle a découvert qu’elle possédait d’extraordinaires capacités de défense, comme vous. Soji, écoutez le timbre de ma voix. Sentez les fluctuations de mes battements de cœur. Observez la dilatation de mes pupilles. [Avec conviction] Soji, vous pouvez me faire confiance.
- [Kestra à Soji] Tu le crois ?
- [Soji] Je sais qu’il pense qu’il ne ment pas. Mais ça ne veut pas dire que je le crois.
- [Riker] Je connais cet homme depuis 35 ans.
- [Picard arrêtant Riker d’un geste] Will. [À Soji] Je veux... On veut... vous aider à rentrer vers ce foyer.
- [Soji] Pourquoi ?
- [Picard] Car vous avez été créée à partir d’un reste d’un ami, commandeur Data.
- [Troi] Notre très cher ami.
- [Riker] Et un sacré officier.
- [Picard] Il a donné sa vie pour sauver la mienne. Mais ce n’est pas la raison principale. Avant que votre sœur vienne me voir, j’étais hanté par mon passé et je faisais du sur-place. Je gaspillais ma vie. Mais maintenant, je suis vivant et j’ai une mission, ce qui veut dire qu’il n’y a aucune chance que vous ou quelqu’un d’autre m’arrête. [Larges sourires de Troi et Riker]
- [Soji] Quand j’ai fait le Zhal Makh, Narek m’a fait aller au plus profond de moi dans un souvenir d’enfance. Je croyais que ça l’était, en tout cas. Il m’a fait regarder à une fenêtre ce que je croyais être la maison de mon enfance et il m’a demandé ce que je voyais. Et je lui ai dit que je voyais deux lunes rouges et un ciel rempli d’éclairs.
- [Troi] Il savait que vous étiez synthétique et que vos souvenirs d’enfance étaient implantés.
- [Soji] Il cherchait le souvenir implanté d’un véritable endroit. Et quand je lui ai parlé des éclairs et des lunes, il m’a dit : « Tu as trouvé ton foyer. » Et c’est là qu’il a essayé de me tuer.
- [Picard à Riker] Qu’en penses-tu ?
- [Riker] Maddox. Il a quitté la Terre après l’interdiction. Personne n’a pu le trouver pendant 14 ans. Il est peut-être allé dans cette planète aux deux lunes.
- [Troi] Et il a repris son travail de création de formes de vies synthétiques.
- [Kestra] Soji, tu as un foyer planétaire.
- [Soji à Kestra] J’ai un foyer planétaire. Mon Ardani. [Soji à Picard] Picard, je veux y aller.
- [Picard] Oui, on va y aller. Mais d’abord, on doit identifier et localiser la planète. [De son côté, Kestra pianote discrètement sur son smartphone sous la table]
- [Riker] Je ne veux pas jouer les rabats-joie, mais il vous faudra plus que ça. Les Romuliens ont de l’avance sur nous et ils savent probablement où ils vont.
- [Troi] Et vu ce qu’ils vous ont fait, à vous et à votre sœur, votre foyer planétaire est en grave danger.
- [Riker] Vous feriez bien de contacter Starfleet, Jean-Luc.
- [Picard] Probablement. Mais avant, je dois découvrir où diable ça se trouve.
- [Kestra] C’est dans le secteur Vayt. Le système Ghulion. La planète n’a pas de nom, juste un numéro. J’ai demandé au capitaine Crandall.

Et Kestra exhibe la réponse sur son smartphone translucide, tandis qu’une musique triomphante se fait entendre.
Durant une balade bucolique le (ou un) jour suivant :
- [Picard] Ils sont juste venus à portée des comms, tard, hier soir.
- [Riker] Dites à votre pilote d’envoyer ses codes de transpondeur, et je veillerai à ce que le Contrôle Orbital ne lui cause pas d’ennuis.
- Merci, Will.
- Vous vous inquiétiez pour eux.
- Beaucoup.
- Alors il est comment, votre nouvel équipage ?
- Ils sont certainement particuliers. Il n’y a eu que des drames depuis qu’on a quitté l’orbite terrestre. Et on me dit que ça a continué après mon départ. Ils semblent traîner plus de casseroles que vous tous réunis. Mais je suis mal placé pour dire ça. Ce qui me rappelle...
[Picard appelle Rios via son combadge] Rios. Estimation d’heure d’arrivée ?
- [Rios] La même que les deux dernières fois que vous l’avez demandé. Terminé.
- [Picard à Riker] Il est un peu grincheux, parfois.
- Eh bien... ce n’est pas le mot que j’aurais choisi.
- Tu envisages parfois de repartir ?
- Je suis encore dans la réserve active, mais il faudrait qu’il y ait une très bonne raison.

- [Riker et Piker s’asseyent sur le banc d’un abri de pêche en bois – scène popularisée par l’une des premières bandes-annonces de la série] Jean-Luc... vous avez déjà sauvé assez de planètes dans votre vie. Et personne ne vous blâmerait si vous restiez chez vous et laissiez d’autres gens veiller quelque temps sur la galaxie. Surtout si on considère votre... votre état. Personne sauf moi, je veux dire. Je n’ai jamais pensé que vous auriez dû prendre votre retraite en premier lieu.
- Et vous aviez raison.

- [Picard, à propos du paysage lacustre] Magnifique. Merci, Will.
- Pour quoi ?
- Oh. Pour tant de choses. Mais aujourd’hui, pour ne pas tenter de me dissuader.

- [Riker enlaçant l’épaule de Picard] Je suis plus malin que ça. Ça, mon ami... ça a toujours été voué à l’échec.

Les deux rient de connivence, et Picard couvre la main de son ancien Number One.
Dans leur chambre commune :
- [Soji sortant du sommeil] Salut.
- [Kestra, triste] Alors... tu vas me manquer.
- Toi aussi, tu vas me manquer.
- Je... Je ne comprends pas vraiment. Mais je sais que tu as vécu quelque chose de terrible. J’ai aussi vécu quelque chose de terrible. Et ce sont mes parents qui m’ont aidée à traverser ça. Tu n’as pas de parents. Mais tu as le capitaine Picard.
- Je n’ai pas Picard.
- Mais tu pourrais si tu voulais, c’est ce que je veux dire. Et... Il pourrait t’avoir. Vous pourriez vous avoir l’un l’autre.
- J’y réfléchirai.
[Et le regard de Kestra s’illumine]

Adieux de Fontainebleau : Picard serre tendrement dans ses bras et embrasse Riker et Troi.
- [Kestra arrive en courant] Attendez. Attendez. [Elle place sa boussole dans la main de Soji] Tu peux juste faire comme si elle marchait.
Sourire et reconnaissance de Soji. Accolade affectueuse et interminable entre les deux "enfants".
- [Picard à Rios via son combadge] Deux à téléporter.
Kestra rejoint ses parents. Picard et Soji se dématérialisent. Et le plus célèbre hymne conclusif des films ST TNG se fait entendre...

Alors bien sûr, ces retrouvailles champêtres feront beaucoup pleurer dans les chaumières trekkiennes. Oui, c’est vraiment Will Riker interprété par Jonathan Frakes et c’est vraiment Deanna Troi par Marina Sirtis. Les années sont passées par là, les barbes sont devenues blanches, les peaux un peu flasques et pendantes, mais c’est bien eux, aucun doute n’est permis. Et oui, ils se retrouvent enfin avec Jean-Luc Picard, ensemble le temps d’un épisode, après des décennies de séparation et le poids des ans. Il y a des embrassades, des accolades, des bisous, des émotions… plein "d’amour" quoi. C’est beau, c’est touchant, c’est mélancolique, c’est mignon, c’est plein de joie, de tristesse aussi. Telle une réunion de vieux de la vieille, d’anciens combattants.

Et comme dans les épisodes précédents, les références internalistes pleuvent, tels des gages d’authenticités brandis ostentatoirement pour que les trekkers ouvrent leur porte affective et accordent leur imprimatur sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, c’est même festival :
- Même si le trajecteur spatial sikarien ne vérifie aucune des conditions (posées par ST VOY 01x10 Prime Factors pour fonctionner, il marche du tonnerre, en téléportant depuis des dizaines, des centaines, voire des milliers d’années-lumière Picard et Soji directement dans le jardin de la maison de Riker !
- À peine arrivés sur Nepenthe, Jean-Luc et Soji sont accueillis par Kestra, l’adorable fille déguisée de Will et Deanna… comme il y a 32 ans, en 2367, lorsque Jean-Luc avait été accueilli par feu son neveu René, l’adorable fils déguisé de feu son frère Robert et feue Marie lors de sa retraite familiale dans ST TNG 04x02 Family (un épisode qui concluait le diptyque traumatique ST TNG 03x26+04x01 The Best Of Both Words).
- Picard dit à Kestra que son cœur est en duritanium solide. En effet, une pompe artificielle lui a été implantée après qui fut poignardé par un Nausicaan en 2327 (cf. ST TNG 02x17 Samaritan Snare et ST TNG 06x15 Tapestry).
- Le prénom Kestra a été donné par Deanna en mémoire de feue sa sœur ainée Kestra, morte noyée en 2336 peu après sa naissance (une page douloureuse du passé de Lwaxana exploré dans ST TNG 07x07 Dark Page).

- Feu Thad, diminutif de Thaddeus, ce génial grand frère de Kestra, mort bien trop tôt et qui avait inventé douze langues fictives (!!!), est quant à lui probablement nommé d’après l’ancêtre lointain de Riker, le Colonel Thaddius qui avait servi dans l’armée de l’Union durant la Guerre de sécession (cf. ST VOY 02x18 Death Wish).
- L’exercice de création de langues fictives est une pratique qui est née de la volonté de consolider l’in-universe trekkien, avec Marc Okrand, linguiste ayant créé la langue klingonne pour ST III The Search For Spock (1984)... avant que David J. Peterson ne prenne la relève pour la langue dothrakie dans Game Of Thrones.
- La planète Nepenthe tire son nom (toujours anthropocentriste) de la mythologie grecque et fait généralement référence à un élixir d’oubli. Il est donc possible d’y voir une référence à l’épisode ST TOS 03x21 Requiem For Methuselah où comme Narek, Kirk tombait amoureux d’une androïde, Rayna... qui comme Soji ignorait sa condition de Synthétique, et qui comme elle était une "poupée" assemblée par son créateur humain (Flint et non Maddox). Mais tandis que Spock s’était employé à faire oublier à Kirk par Mind Meld son amour pour feue Rayna, ici Picard tente de guérir Soji de son amour trahi pour Narek en la conduisant sur une planète à valeur de sanctuaire ou de retraite.
- La thébaïde des Troi-Riker a pris l’aspect d’un chalet tout équipé en bois dans un environnement évoquant pas mal l’Alaska où William est né et a vécu son enfance.
- La cuisine rustique dans laquelle Picard retrouve Riker s’apparente beaucoup à celle où Picard avait rencontré Kirk dans le Nexus de ST Generations.
- En s’obstinant à rester et élever sa fille Kestra dans la maison où son fils Thad est décédé, Will reproduit inconsciemment – telle une malédiction familiale – le vœu de feue sa mère Betty lorsqu’elle obligea son père Kyle à demeurer avec lui en Alaska durant toute sa jeunesse, ce qui se "paya" à l’âge adulte par une rupture entre les deux hommes (cf. ST TNG 02x14 The Icarus Factor).
- Avec le trépas de Thad, il serait possible de considérer que Deanna a perdu son deuxième fils... après le "suicide" de Ian dans ST TNG 02x01 The Child (épisode lui-même adapté du script d même nom pour la série ST Phase II prévue pour 1975-1976 mais finalement avortée).
- Lorsque Riker dévisage Soji, celle-ci incline mécaniquement la tête comme le faisait Data, ce qui permet à l’ancien Number One de deviner qu’elle est une androïde (c’est curieusement la seule et unique fois où elle aura adopté ce "tic" à la fragrance d’Easter egg).
- Riker se porte garant de Picard auprès de Soji en déclarant qu’il le connaît depuis 35 ans, ce qui est exact (à l’année près) puisque les deux hommes se sont rencontrés en 2364 dans le pilote ST TNG 01x01+01x02 Encounter At Farpoint.
- Will fait référence à des trouble provoqués par les Kzinti, en référence aux félinoïdes de ST TAS 01x14 The Slaver Weapon (issus originellement du Known Space Universe de Larry Niven) et que Manny Coto ambitionnait de mettre en scène dans la cinquième saison (hélas avortée) de la série prequelle ST Enterprise.
- En préparant avec maestria sa pizza, Riker refait les mêmes gestes de cuisinier expert que lorsqu’il jouait le rôle du chef dans le holoprogramme historique de l’Enterprise D dans le final ST ENT 04x22 These Are The Voyages, la précédente apparition de Jonathan Frakes dans la franchise.
- Riker emploie par deux fois le qualificatif affectueux "imzadi" (qui signifie "mon amour" en langue betazoide) pour s’adresser à Deanna. Il avait été employé dans dix opus tout au long de ST TNG, entre ST TNG 01x01+01x02 Encounter At Farpoint (au moment de leurs retrouvailles) et ST Nemesis (après leur mariage).
- Kestra déclare que la grand bourlingueur spatial le Capitaine Crandall se targue d’être allé à la Tyken’s Rift comme celle rencontrée dans ST TNG 04x17 Night Terrors, mais qui suggère en passant une confusion entre le nom propre d’un lieu et un type d’anomalie (pourtant seulement connue de quelques spécialistes).
- La mémoire de feu Data est perpétuée par tous ses anciens collègues... et même de père en fille. Kestra tente ainsi de "profiler" Soji en évoquant – telle une experte (ou une fan) – tous les atouts et les talents du célèbre androïde mis en scène dans des épisodes de ST TNG : son amour de Sherlock Holmes (dans ST TNG 01x07 Lonely Among Us, ST TNG 02x03 Elementary, Dear Data, et ST TNG 06x12 Ship In A Bottle) ; sa recherche humoristique (dans ST TNG 02x04 The Outrageous Okona et ST Generations) ; son apprentissage de la danse (dans ST TNG 04x11 Data’s Day) ; sa maîtrise du violon (dans ST TNG 03x23 Sarek, ST TNG 04x25 In Theory réalisé par Patrick Stewart, ST TNG 07x10 Inheritance avec la "mère" de Data, Dr Juliana Tainer, une androïde-sans-le-savoir) ; son programme générateur de rêves (dans ST TNG 06x16 Birthright, Part I et ST TNG 07x06 Phantasms).
- Kestra souligne néanmoins pesamment tout ce qui différencie Kestra de son "géniteur" Data, à savoir des caractéristiques organiques (sang, salive...) qui finalement rapprochent considérablement les jumelles Asha des humains, potentiellement autant que les douze modèles Cylons de BSG 2003. Du coup l’hypothèse déjà très peu scientifique du clonage par cyber-mitose d’une seule cellule positronique devient encore moins probable, car il s’agit là d’un changement de nature. Si Dahj et Soji sont organiques, peut-on encore parler de filiation avec l’authentique androïde Data ?
- À la fin de l’épisode, Kestra réussit à éveiller Soji à la possibilité d’un enrichissement relationnel mutuel avec Picard en se réappropriant l’analyse par Data de la relation fusionnelle entre Gomtuu et Tam Elbrun dans ST TNG 03x20 Tin Man.
Une vraie parade. Puisqu’on vous dit que c’est de l’authentique, du pur, sans contrefaçon. Y a les acteurs vénérés, les personnages cultes, les références internalistes ad nauseam, les œillades gourmandes... et l’émotivité exacerbée.

Signalons un bien curieux four à pizza, qui accueille un feu à l’intérieur, tandis qu’aucune fumée ne sort par la cheminée. La flamme est-elle juste une simulation holographique décorative ?
Par ailleurs, les tomates du jardin potager de Troi ne poussent pas sur des plants de solanacées. Altération génétique ou variété extraterrestre ?
Eh bien, l’épisode collectionne les tournures langagières contemporaines les plus vulgaires, de l’utilisation péjorative de "honey" pour s’adresser à celles et ceux que l’on prend de haut, au qualificatif misogyne de "chick" (gonzesse).

En somme, un vrai paradis artificiel pour trekkers en manque… depuis quinze (voire dix-huit) ans. Après avoir organisé des recasts systématiques de toutes les figures les plus iconiques du Trekverse (dans Kelvin et Discovery), il était temps de faire revenir les Real McCoy.
Nostalgie garantie.

Nostalgie assurément.
Mais authenticité, pas vraiment.
Car pour tout amour, c’est celui des peoples… sur lesquels les showrunners capitalisent tous leurs investissements. Organiser des retrouvailles de VIP fan favorite on screen façon téléréalité, c’est devenu en gros l’activité la plus lucrative de la série. Organisation de banquets et de soirées avec les vétérans de ST TNG sur demande.
Pour toute émotion, c’est du pathos… sirupeux, poisseux, gluant, démonstratif. Tandis que Star Trek avait toujours été jusqu’en 2005 tout en pudeur et tout en retenue : il y avait alors des émotions, mais elles étaient authentiques et viscérales tant elle émanaient de ce que les situations suscitaient dans le cœur des spectateurs, et non de ce que les acteurs cherchaient à exhiber mélodramatiquement.
Pour toute intrigue, c’est du soap, basée sur un maillage d’interactions personnelles, ultime horizon de la volition et des objectifs de chaque personnage. Ainsi pour Riker et Deanna, c’est leur fille. Pour Picard, c’est Soji. Pour Soji, c’est la planète où elle a été fabriquée... et où elle retrouvera probablement une communauté entière d’androïdes semblables à elle.
Pour tout deuil, loin des psychanalytiques sept étapes, c’est l’utilitarisme obscène des tragédies intimes dans le seul et unique but d’initier la "pucelle" Soji. La séduire, la charmer, lui faire baisser sa garde, la mettre en confiance, la socialiser, et la formater pour l’attacher à Picard… en l’absence des mêmes visions programmées (à "tropisme picardien") que feue sa sœur Dahj (en se gardant bien de s’attarder sur cette différence entre les deux "jumelles/clones" car prétendant justifier à elle seule ce "passage thérapeutique" par Nepenthe).
Pour toute intégration internaliste, c’est une succession d’incohérences et d’illogismes. Si feu Thaddeus Troi-Riker était atteint de neurosclérose mandaxique que seule pouvait guérir une culture de cellules infectées dans une matrice positronique (au passage une contrainte médicale un peu prétexte pour fabriquer du deuil supplémentaire à l’occasion de la proscription de la vie artificielle), comment se fait-il que leur conscience (et leur désespoir) de parents n’aient pas conduit la capitaine William Riker et son épouse Deanna Troi à déployer tous les moyens possibles – aussi bien légaux qu’illégaux – pour sauver leur fils. Par exemple en allant chercher la technologie positronique hors de l’UFP (la Fédération n’ayant pas l’exclusivité sur cette technologie comme l’ont montré ST DS9 03x13 Life Support et ST Insurrection). Ou encore en usant de leurs positions et de leurs relations au sein de Starfleet pour utiliser la matrice positronique du prototype B-4 conservé pieusement au Daystrom Institute d’Okinawa, voire en sollicitant le Dr Julian Bashir qui possède une expérience de cette technologie ? À défaut, pourquoi les Troi-Riker ne se sont-ils pas installés avec leur fils Thad sur la planète Ba’Ku (de ST Insurrection) à la capacité de régénération bien supérieure à Nepenthe puisque c’est littéralement une fontaine de jouvence ?

Dans une perspective proustienne, la vie est le plus souvent une succession de désillusions et il est rare que les espérances personnelles et les plans de carrière se réalisent sans accrocs – des traumas personnels se chargeant de détourner les parcours individuels vers des directions inattendues. Mais pour cela, faut-il encore que les traits de personnalité et les inhérences psychologiques conservent un minimum d’homogénéité, et que l’écriture fournisse suffisamment de justifications contextuelles pour que les évolutions ou involutions individuelles fassent sens, et n’apparaissent ni forcées ni traitresses.
Alors bien entendu, les vingt longues années qui séparent le début de leur nouvelle vie maritale pleine de promesses sur l’USS Titan en 2379 (à la fin de ST Nemesis)... de leur ermitage familial pétri d’amertume sur Nepenthe en 2399 forment une authentique ellipse narrative dans laquelle pourraient s’engouffrer une multitude de justifications intradiégétiques. La prudence et le principe de précaution devrait donc conduire les trekkers, même les plus indignés, à réserver leur jugement. Car même si Picard 01x07 Nepenthe se garde bien de colmater tous les trous scénaristiques ayant transformé en deux décennies les si trekkiens Riker et Troi de ST TNG en personnages si banalement contemporains (en somme davantage les acteurs qu’ils sont aujourd’hui que les personnages qu’ils étaient jadis), la série est loin d’être achevée, et bien des éclairages sont encore possibles…
Du coup, un épisode comme celui-ci pourrait d’avérer un piège pour ses détracteurs...
Certes. Seulement voilà, depuis 2017, les séries Star Trek possèdent une structure exclusivement sérialisée, plus aucun épisode produit ne se suffit à lui-même. Chaque opus n’est que le maillon d’un incessant flux narratif qui frappe de carence le présent pour capitaliser uniquement sur la promesse d’un futur assouvissant. En somme, chaque épisode n’est que le (long) teaser du suivant. Et par un jeu pervers de récurrence, c’est sur l’éventuelle conclusion (à la fin de la saison ou de la série) que pèsera toute la charge de légitimer la validité de ce qui précède, le perpétuel jeu attente-récompense, et les couleuvres avalées... au risque de provoquer un effondrement rétroactif en cascade de toute l’expérience de visionnage.
Cet état de dépendance envers la surenchère du mouvement s’apparente à l’économie du crédit... substituant progressivement toute réalité tangible à la virtualité d’une promesse en devenir. Sauf que le crédit renvoie étymologiquement à la croyance et à l’acte de foi... dans les auteurs et showrunners.
Dans les séries historiques comme ST DS9 et ST ENT, tout n’était pas non plus forcément expliqué à l’échelle de chaque épisode, sauf que les showrunners (Rick Berman, Michael Piller, Brannon Braga, Ira Steven Behr, Ronald D Moore, Manny Coto...) n’avaient cessé de démontrer leur compétence, leur scrupule de cohérence in universe, et leur respect des trekkers… si bien que ces derniers pouvaient vraiment leur faire confiance. Et à fort juste titre, car cette confiance jamais ne fut trompée.
Mais il n’en est plus du tout de même depuis 2009 avec Alex Kurtzman (à qui l’on doit la co-écriture des films Kelvin et le showrunning de Discovery) et désormais Michael Chabon (dont la communication se caractérise par un enfumage sophistique digne des meilleurs politicards). Chaque épisode de Discovery totalisait des avalanches d’invraisemblances, mais à en croire CBS (et ses nombreux relais médiatiques), il fallait dévotement attendre les épisodes suivants et surtout la big picture de fin de saison pour que tout s’explique et se résolve. Mais finalement, les fins de saisons arrivaient, et loin de solutionner les nawaks et les bullshits qui précédaient, elles en apportaient des cargaisons de nouveaux ! Autant dire qu’il s’était agi de promesses de politiciens ayant engagé seulement celles et ceux qui les avaient écoutées. En d’autres termes : de belles arnaques. Or chat échaudé craint l’eau froide. « Fool me once, shame on you ; fool me twice shame on me. »
Et à moins d’être amnésique ou imperfectible, il est légitimement permis aujourd’hui de ne plus faire confiance aux showrunners de Picard – qui sont en grande partie ceux de Discovery – pour livrer dans les épisodes suivants ce qu’ils n’auront pas voulu (ou n’ont pas été capables) de livrer dès l’épisode courant.
Non, le format feuilletonnant et/ou sérialisant ne doit en aucun cas devenir un blanc-seing pour que les auteurs se dispensent de développer des narrations solides et cohérentes, un passeport d’immunité pour que les showrunners s’épargnent la contrainte de fournir des justifications et des causalités crédibles. Avec pour effet d’imposer aux spectateurs une suspension voire une interdiction morale de tout jugement en live (et à chaud) en vertu d’un pseudo Habeas corpus déontologique... ou en raison d’une forme de diversion mentale (le temps "d’oublier" les détails gênants qui précèdent), voire d’une addiction pour un teasing sans fin.

D’une semblable manière, la nostalgie fait partie des sentiments humains les plus nobles. C’est un vecteur de continuité, de mémoire, de fidélité, de reconnaissance. C’est aussi le cœur battant de certaines cultures, comme celles des slaves et des juifs. Et lorsque celle-ci est sincère, elle peut fait naître d’authentiques chef d’œuvres tels ST TNG 06x04 Relics, ST VOY 03x02 Flashback, ST DS9 05x06 Trials And Tribble-ations, et ST ENT 04x18+04x19 In A Mirror, Darkly (pour ne citer que ceux-là).
En revanche, lorsque la nostalgie arrive comme un prétexte ou un cheveu sur la soupe, qu’elle est mal intégrée dans la diégèse, que l’internalisme et l’externalisme s’y confondent, qu’elle manque de sincérité et de respect, qu’elle sert une campagne promotionnelle ou une démagogie politicienne... alors elle peut devenir elle aussi un très désagréable outil de sujétion, de manipulation, et de diversion. Or c’est malheureusement l’effet fort ambivalent, très uncanny valley, que produit la rencontre des vétérans sur la planète Nepenthe.

Ainsi, si l’on considère avec pragmatisme les informations que délivre par bribes l’épisode Picard 01x07 Nepenthe en lui-même, la peinture dystopique de l’UFP ne fait que s’accentuer davantage. Accompagnant la proscription des Synthétiques, les matrices positroniques auront été interdites en dépit de leur propriétés thérapeutiques (pour les êtres biologiques). Et c’est avant tout cette décision politique criminelle qui aura causé la mort de Thaddeus Troi-Riker.
Alors pourquoi Riker – pourtant plus jeune que Picard et portée par une motivation paternelle (c’est-à-dire une motivation personnelle, soit la seule que reconnaisse le ST Kurtzmanien depuis 2009) – n’est-il pas "entré en résistance" contre l’abjection qu’est devenue l’UFP ? La Fédération est-elle moribonde au point de n’être désormais plus composée que de "moutons" résignés voire complices, incapables de se lever et de se battre lorsqu’elle bascule du jour au lendemain dans l’imposture génocidaire ? Est-ce vraiment là le Riker qui n’avait pas hésité à désobéir au nom de ses idéaux dans ST TNG 07x12 The Pegasus et dans ST Insurrection... mais qui n’a pas trouvé la motivation d’en faire de même pour la chair de sa chair ?

Mais faut-il finalement s’étonner de la complaisante passivité de Riker lorsque l’une des premières choses qu’il sort à Picard en le revoyant après toutes ces années, c’est : « That time you were flying off to Romulus, to plan the great supernova rescue, do you remember what I said ? "So you want to be ass-deep in Romulans - for the rest of your life ?" » !
En somme, dans une forme certes plus respectueuse (et sans f-word), Riker ne lui dit rien d’autre – mais rapporté à son échelle personnelle – que ce que lui avait balancé sans ménagement l’Amirale Kirsten Clancy dans Picard 01x02 Maps And Legends. Ainsi donc, le sauvetage des Romuliens était un nid à emm... dont il n’aurait pas été possible de se dépêtrer (selon les vaticinations passées de Riker). Or ce qui est valable à l’échelle d’un individu (comme un amiral) l’est a fortiori à l’échelle d’une institution plurielle (comme Starfleet). Alors certes, la remarque de Will se situait probablement en partie sous l’angle de la préoccupation amicale centrée sur le bien-être de Jean-Luc, mais en même temps, il n’était pas possible d’ignorer son rôle déterminant dans cette évacuation (plaider, convaincre, organiser, coordonner, diriger). Si l’on en croit la série, sans Jean-Luc Picard, il n’y aurait tout simplement pas eu de projet d’évacuation en premier lieu ! Dès lors, même sous couvert d’amitié, accorder une primauté au confort personnel au détriment de la survie de milliards de Romuliens, cela révèle bien le peu d’importance accordée à l’humanisme par le personnel de Starfleet, Riker compris. Confirmant que la dystopie de la série Picard n’est pas uniquement le résultat d’un noyautage exogène (et pseudo-déresponsabilisant) de l’UFP, mais bien d’une involution endogène en amont (que la série s’est bien gardée de simplement commencer à expliquer… en dépit de ses nombreux flashbacks). Ou "pire" encore, cela confirmerait la profonde incompréhension par les showrunners de l’utopie trekkienne, qui serait instinctivement confondue par eux avec une caricature impropre des USA trumpiens.
Car si dès l’origine (c’est-à-dire avant même l’attaque de Mars en 2385), il était entériné avec le plus grand naturel parmi tous les personnages de ST TNG qu’il valait mieux ne pas trop tenter de sauver la vie de la population civile romulienne pour s’éviter bien des contraintes et des enquiquinements, au point même d’ériger cette posture en "enseignement sentencieux" dispensé certes amicalement mais néanmoins doctement à Jean-Luc (comme s’il était en contraste un naïf idéaliste, incontinent et arrogant), alors cela signifie que Picard ne relate en aucun cas l’Histoire de la société de ST TNG qui aurait mal tourné suite à un pseudo-9/11, ni de ses personnages qui seraient devenus vieux, malades et cons ! Mais cela signifie que Picard relate en réalité l’Histoire d’une société et de personnages qui dès l’origine n’avaient strictement rien de commun avec ceux de ST TNG. QED.

Et comme si cela ne suffisait pas, Riker ajoute « I believe I also reminded you of Newton’s fourth law of thermodynamics : "No good deed goes unpunished" » ce qui constitue l’une des formules les plus cyniques engendrées par le fatalisme décliniste (et individualiste) contemporain (et passé), et qui aurait fait profondément injure s’il avait été prononcé par un quelconque officier du Starfleet historique. En somme oui, avant même l’attaque de Mars, Will Riker de Picard n’est pas le personnage de ST TNG. Pas plus que Jean-Luc Picard. Ni leur société.
By the way, Isaac Newton n’a pas édicté trois lois de la thermodynamique, mais trois lois du mouvement. Il existe en revanche trois principes de la thermodynamique, que l’on doit successivement à Rudolf Clausius, Sadi Carnot, et Walther Nernst. Il est tout de même navrant que des officiers de pointe de Starfleet, qui sont pourtant supposés maîtriser au quotidien des notions scientifiques autrement plus complexes que celles d’aujourd’hui, fassent des confusions aussi élémentaires (remontant en outre à leur service actif et sans même que l’un ne reprenne l’autre).

Cerise sur le gâteau, Riker cuira sa belle pizza avec la viande de bunnicorn issue de l’activité cynégétique de Kestra ! Et nul n’y trouvera rien à redire, pas même Picard. Soit un possible nouveau doigt d’honneur à un autre fondamental de l’utopie trekkienne, à savoir le refus éthique de tuer les animaux pour en consommer la viande (les synthétiseurs permettant d’avoir le plaisir de rester carnivore sans devoir tuer). William Riker avait lui-même proclamé avec force conviction en 2364 dans ST TNG 01x07 Lonely Among Us : « We no longer enslave animals for food purpose » ! Et quelques 213 ans plus tôt, avant même la fondation de l’UFP, l’épisode ST ENT 01x18 Rogue Planet avait établi que l’humanité terrienne avait définitivement abandonné et proscrit toute pratique cynégétique. Alors certes, il y avait bien le cas du restaurant créole tenu à la Nouvelle-Orléans par Joseph Sisko dans ST DS9 qui servait peut-être des fruits de mer (palourdes en particulier) ne provenant pas forcément des synthétiseurs mais d’une forme de pêche. Seulement même à supposer que c’était bien le cas (pas établi), il existe peut-être au sein de l’UFP une différence éthique entre chasse et pêche, cette dernière étant possiblement autorisée et réservée à certaines espèces d’invertébrés (de type mollusques). Une réalité philosophique antispéciste qui n’aurait rien d’incompatible avec le propos de Riker dans Lonely Among Us ayant surtout signifié que l’UFP avait proscrit les "camps d’extermination" que sont les abattoirs et n’élevait plus d’animaux en captivité pour s’en nourrir (ce que Riker désignait par "l’asservissement des animaux"). Ce qui n’excluait donc pas forcément la pèche voire la chasse non industrielle dans un contexte d’équilibre écologique. Alors le bunnicorn de Kestra s’inscrit-il dans la même démarche que l’éventuelle pêche de Joseph Sisko ? Cela n’est en tout cas pas justifié par un retour idéologique à la nature (façon ST DS9 02x15 Paradise) ou à la vie sauvage des trappeurs de la vieille Amérique (façon Jeremiah Johnson) puisque la somptueuse demeure des Troi-Riker dispose de toutes les technologies derniers cris de l’UFP (boucliers, détecteurs, synthétiseurs...) sur une planète intégrée aux "routes spatiales".
Alors sur Nepenthe : chasse ponctuelle compatible avec le non-asservissement des animaux, déchéance complète des valeurs et des idéaux de l’humanité en quelques années, ou personnages issus d’une autre timeline ?
Pour la laideur du symbole, l’animal dévoré avec le plus grand naturel sera un bunnicorn, c’est-à-dire un lapin cornu, alias jackalope ou lepus cornutus des vieilles légendes américaines, ce qui véhicule une portée aussi transgressive que de manger une licorne ou un cheval ailé (par exemple).

Les dialogues des scènes sises Nepenthe sont plutôt bien écrits en soi, et transcendés par cette villégiature contemplative hors du monde (ou presque) et par cette connivence entre vétérans... comme si les Beatles venaient à se reformer le temps d’un rêve (de trekker).
Mais le bât blesse gravement en terme, non de cause matérielle ni de cause efficiente, mais de cause formelle et de cause finale (selon le langage d’Aristote), c’est-à-dire de signifiance et de finalité. L’affect, l’amitié, la force du vécu commun ont beau être célébrés en fanfare par les échanges, iceux disent en réalité tout autre chose. Ils disent l’inanité de l’enjeu porteur, ils disent l’inconséquence des leçons morales, ils disent la profanation des personnages, ils disent la dystopie consentie.
- Ainsi, en assénant à Picard : « Classic Picard arrogance. You get to make the decisions about who gets to take the chances and who doesn’t, and who’s in the loop, and who’s out of the loop. And, naturally, it always ends up with you. », Riker entérine ce que la série ne cesse de professer depuis son lancement, par la voie de tous les personnages que Jean-Luc rencontre sur son chemin. Ainsi désormais, même les plus anciens collègues et amis du héros-en-titre disent de sa personnalité la même chose que l’Amirale Kirsten Clancy, avec davantage de ménagement certes, mais en universalisant le verdict (au regard de leur proximité) et en l’antériorisant jusqu’à l’ère de ST TNG (soit avant le timeframe de Picard). Décrivant ainsi un personnage qui n’est, une nouvelle fois, dès l’origine pas celui du Star Trek-qui-fut !
- Ironiquement, la montagne accouche de la souris, lorsque face à des choix de vie et de mort, face à une chasse à l’homme galactique, Riker dispense le plus insignifiants des conseils en prise avec l’adolescence des jeunes filles en fleur (« That’s fine, on the bridge of your starship, Captain. But now you’re dealing with a teenager, more or less. That can be an extremely humbling experience. ») ! Nan mais sérieux ?!
- Troi dira ensuite à Picard : « You need to be Jean-Luc Picard. Compassionate, patient, curious.. ». Mais pourquoi faudrait-il lui rappeler ce qu’il est ? Est-ce une nouvelle façon d’enfoncer le clou tératologique pour suggérer en creux que Jean-Luc ne serait plus qu’un velléitaire égoïste ? Ou bien serait-ce une lantern (cf. Stargate SG-1 10x06 200) destinée à épingler avec une auto-dérision "méta" ce que la série Picard n’a cessé abusivement de faire (y compris dans ce même septième épisode) ? Pour autant, la reconnaissance d’un travers d’écriture par les auteurs via une pseudo-connivence complice avec les spectateurs ne réduit en rien ledit travers. Cela ajoute en revanche une surcouche décomplexée.
- Quand Kestra répète spontanément ce que son père semble lui avoir toujours dit de Jean-Luc (« And you were the greatest captain ever, I heard. »), et que celui-ci se dédit grossièrement en sa présence (« The greatest captain ever ? Where’d you get that nonsense ? (...) I must have been drinking at the time. »), l’apparent décalage humoristique (qui pourrait d’ailleurs constituer un clin d’œil aux propres passifs alcooliques de Jonathan Frakes) dissimule en fait un malaise à la remorque du bashing anti-Picard pratiqué par la série envers son personnage-titre. Comme s’il était humiliant de concéder au vieil homme bourrelé de regrets et de remords un compliment pourtant mérité, mais désormais dumpé dans les tréfonds du delirium tremens. Serait-ce une métaphore du sort désormais réservé aux séries historiques ? Faut-il comprendre que les qualités légendaires de Jean-Luc appartenaient à une autre vie, voire à un souvenir idéalisé de fans sans aucun fondement tangible ?
- En décrivant les événements ainsi : « When I left Earth, I had a plan, I had a ship. I even had a crew, of sorts. Now I’ve lost them all. My plan turns out to be, well, half a plan at best, and the girl’s life is still in danger. », Picard enjolive considérablement la réalité. Parce que la triste réalité, c’est qu’il s’est embarqué à bord de La Sirena, à la façon d’un besoin pressant (histoire de rester poli), sans le moindre plan en tête. Et toute la suite de son opération picaresque fut à l’avenant... Un authentique défaut de caractérisation en prise avec son ancienne profession de d’officier supérieur et commandant. D’aucuns n’ont pas hésité à invoquer, à tort, une déformation militaire pour tenter d’expliquer que le Picard de la série éponyme dispose sans scrupule des gens, mais il s’agit là d’une hypothèse erronée appréhendant mal l’esprit de Starfleet (qui représente au contraire une parfaite réciprocité entre commandement et obéissance). En revanche, s’il existe bel et bien une déformation résultant du commandement militaire, c’est le sens de la stratégie et de la tactique impliquant de planifier en permanence, de réajuster les plans initiaux en temps réel en fonction de l’avancement et de la situation (impliquant des solutions de rechange, de repli, des plans B et C, et des forks), et consulter perpétuellement ses subordonnés (une intelligence étant toujours plus créative adaptative).
- Comme par hasard, la seule et unique fois (depuis son apparition dans la série) où Soji a fait le "tic" de Data, ce sera en présence de Riker pour commodément faciliter ses déductions. Cela tient du gimmick arrivant comme un cheveu sur la soupe et pour le moins incohérent étant donné que l’émulation de l’humanité par Soji est incomparablement supérieure à celle de Data, au point d’avoir été plus humaine que la plupart des humains (à bord de l’Artefact).
- Toujours est-il que, par la seule observation, Riker fait son Sherlock Holmes, en devinant tout en vingt secondes ! « So I’m just gonna speculate. And say out loud what I’ve been saying in my brain. You don’t have to tell me anything. How’s that sound ? You’re worried about cloaks. That says Romulans. And the level of anxiety and fear for our safety, tells me Tal Shiar. Next, you’re not the one that’s on the run, it’s her. But why ? What has poor Soji done to incur their wrath ? Could it have anything to do with the fact... that she’s clearly an android ? And not just any android. I’d recognize that head tilt anywhere. Kid’s got Data in her DNA. And that’s why you’re here. How am I doing ? ». Sur le coup, c’est d’autant plus impressionnant que cela tranche en regard de la faible intelligence des protagonistes de la série jusqu’à maintenant.
Le problème, c’est que s’il suffit d’aussi peu d’indices pour reconstituer toute l’histoire qui s’étire depuis sept épisodes, non seulement cela signifie que celle-ci est suffisamment pauvre pour tenir sur un ticket de métro, mais son niveau d’évidence ridiculise tout le complotisme aliasien dont elle se pare.
En outre, le très secret Tal Shiar semble être désormais de notoriété publique puisqu’on l’incrimine aussi facilement que la CIA aujourd’hui. Pire, son association naturelle à une traque des androïdes suggère même que le super-méga-giga-secret Zhat Vash et sa croisade anti-IA serait également connue de Riker ! En somme, ce serait comme la Section 31 de Discovery qui s’affiche au grand jour, et dont le personnel se la joue tel des rock stars.
Par ailleurs, la façon dont Picard permet (voire encourage) le "jeu de déduction" de Riker, pour finalement en adouber les conclusions, cela témoigne d’une tartufferie assez infantile de sa part... sachant que Jean-Luc semblait avoir débarqué sur Nepenthe avec l’intention de ne pas exposer la vie de ses amis en leur révélant quoi que ce soit. Mais il ne lui a pas fallu plus de quelques heures pour être mis à nu, comme s’il était agi de son intention secrète inassumée dès le départ ou d’un acte manqué (« je ne vous raconte rien, mais je fais en sorte que puissiez tout comprendre par vous-mêmes »). Que ce soit à propos de sa quête de nouveau "plan" ou de l’exposition de Soji, Picard ne pouvait pas ignorer qu’il en avait dès le départ bien trop dit pour que ses amis depuis 35 ans consentent benoîtement à rester dans l’ignorance.
- Admirons maintenant le sage conseil que tonton Will prodigue à papy Jean-Luc : « Well, I don’t want to spoil the mood, but you may need more than that. The Romulans have a head start, and they probably know where they’re going. And given what they did to you, and to your sister, your homeworld is in terrible danger. You may want to contact Starfleet, Jean-Luc. » Et Picard acquiesce ! Heureusement que Riker était là pour ramener Picard à la raison… Euh… faut-il vraiment rappeler que c’est précisément ce que ce dernier avait commencé à faire dans Picard 01x02 Maps And Legends, mais en dépit de sa crédibilité d’amiral et d’un attentat perpétré en plein jour à quelques centaines de mètres des archives de Starfleet à San Francisco, la CNC lui a littéralement ri au nez : elle ne l’a pas cru, et a préféré l’envoyer sur les roses en le traitant "d’arrogant" (un peu comme Riker quoi, mais en moins amical). Appeler Starfleet, vraiment ? Mais bah, il est vrai que la géométrie variable est une spécificité kurtzmanienne au gré des besoins. Ce qui a foiré hier fonctionnera donc probablement demain sans explication.
- Riker demande au sujet de l’équipage de La Sirena : « You were worried about them ? », et Picard répond avec gravité par l’affirmative ! En paroles, il déclare en effet s’inquiéter pour son équipage (comme tout capitaine digne de ce nom). Mais ses agissements dans les épisodes précédents ont de quoi laisser dubitatif. Entre sa manipulation émotionnelle de Raffi pour l’embarquer, l’absence de plan mettant en danger tout le monde, et l’abandon de La Sirena aux Romuliens de l’Artefact...
- Et dans le registre des rapports très tendancieux à propos de son équipage : « Well, I would have to say they are decidedly motley. There’s been nothing but drama since we left Earth orbit. And I’m told, it’s been continuing », voilà que Jean-Luc impute de façon hautaine à son équipage tous les drames dont il est en très grande partie à l’origine ! Il est vraiment gonflé ! Décidemment, toujours de l’anti-Picard...
- Avec la réplique : « Well, I am still on active reserve. But it would have to be a very good reason », Riker donne du grain à moudre aux trekkers... car l’ex-Number One pourrait bien réintégrer Starfleet ! À défaut de contenu et de sujet de réflexion... conjecturer, spéculer, broder sont bien les seules inspirations (ludiques) que suscite la série – une véritable auberge espagnole.
- Finalement, durant ce touchant partage méditatif au bord du lac, lorsque Riker dit affectueusement à Picard : « You’ve done more than your fair share of planet-saving in your day. And nobody would blame you if you just stayed home and let other people look after the galaxy for a while. Especially given your... your condition. I mean, nobody but me, that is. I never thought you had any business retiring in the first place. », il est totalement déphasé par rapport à la situation réelle et ses causalités, ce qui jure quelque peu après ses brillantes déductions sherlockiennes...
Will ne sait-il pas que Jean-Luc n’a pas démissionné par choix, mais suite à l’échec cuisant d’un levier de négociation ? Ne sait-il pas non plus que du fait de son rôle central dans l’initiation du sauvetage des Romuliens, s’isoler dans le sanctuaire de son château est précisément ce qui lui a valu pas mal d’inimitiés et de rancunes ? Enfin, au regard du nombre incommensurable de morts qui auraient pu être évités depuis 14 ans, il est un peu tard pour supposer que Picard cherche à sauver la galaxie. La préservation de la vie de Soji lui suffit bien désormais (c’est même une obsession tant elle devenue un alibi de rédemption).
- À l’inverse, comment Riker a-t-il su pour la maladie dégénérative de Picard, alors que c’était un secret pieusement gardé par le Dr Benayoun, et que Picard n’avait aucun intérêt à le révéler à quiconque pour ne pas perdre le peu d’autorité et de crédibilité qui lui reste ?
Il est probable que les scénaristes estiment qu’il est entendu que la Betazoid Deanna Troi a fatalement détecté mentalement la maladie de Jean-Luc et en a informé son mari... oubliant un peu pour l’occasion que Deanna est "seulement" empathe (en tant que métisse Betazoid-humaine) et non télépathe (que sont généralement les purs Betazoids). Bien sûr, il est toujours possible d’imputer ce qui ne s’explique pas (ou qui s’explique mal) au réservoir infini des scènes hors champ… mais laissons donc ce joker à ceux qui ont vocation à assurer le SAV des showrunners.

Quand l’opération de "domestication" de Soji, il faut apprécier la logique toute cybernétique de son refus obstiné de faire confiance à Picard (qui l’a pourtant arrachée aux griffes létales des Romuliens), mais en revanche de la relative confiance qu’elle accorde spontanément aux amis de Picard (rencontrés pourtant par l’entremise de ce dernier). Mention spéciale lorsque Soji justifie de croire Kestra qu’elle vient de rencontrer via Picard parce qu’elle ne mentirait pas selon les seules assertions de cette dernière... Mais elle ne croit en revanche pas Jean-Luc qui affirme la même chose mais en avoir apporté la preuve concrète (en la sauvant).
Si véritablement Soji est en proie à un pyrrhonisme systématique (que cautionne Deanna de sa perspective de psy et d’empathe) suite à la manipulation traumatique infligée par Narek, alors la logique implacable de son cerveau positronique devrait la conduire de douter au moins autant des amis de Picard... que de Picard lui-même. Car en étant logique, ils pourraient tous participer d’un "second niveau" de simulacre virtuel comme dans ST TNG 04x08 Future Imperfect... ou dans Welt am Draht (1973 de Rainer Werner Fassbinder d’après Daniel F. Galouye.

Que de "feu(e)s" dans ce morne bilan.
Soit les stigmates d’une épitaphe trekkienne... par la voie d’une série qui, en dépit d’acteurs démonstrativement identiques et de gages affectifs à gogo, n’est ni la suite ni le sequel de ST TNG, et n’appartient manifestement pas au même univers (ou à la même timeline).
Et pour rester dans le thème, s’il y a bien un refrain dans cet épisode (et par extension dans la série), ce sont les "traumas par décès" (très stéréotypés) imposés à tous les personnages :
- Hugh pour Elnor,
- Maddox pour Jurati,
- Thad pour Riker, Troi, et Kestra,
- Dahj, sa vie passée, sa famille virtuelle (et Narek) pour Soji,
- Gabriel (en quelque sorte) pour Musiker,
- son capitaine de Starfleet pour Rios,
- Data et Dahj pour Jean-Luc...
Et cela pour tenter de conférer de la profondeur "torturée"... mais selon la grammaire assez clichée du soap... et non selon la sociologie réaliste de Battlestar Galactica 2003.

Conclusion

En fin de compte, et c’est peut-être le plus triste, sous couvert d’assistance à la caractérisation de Soji Asha, Will Riker et Deanna Troi ne servent fondamentalement à rien dans la diégèse... qui demeure toujours aussi "nomade". En somme, ils sont juste venu faire un "coucou", pour le plus long caméo de l’histoire télévisuelle.
Ils ne font pas progresser l’histoire et l’intrigue. Ils restent exclusivement des vecteurs putassiers d’appel à "l’amoureuse" attention des trekkies. Ils sont les moteurs d’un plaisir d’organe, d’un onanisme trekkien. Ils sont en fait leur propre fin... comme en pornographie.
À tel point que ce ne sont pas des retrouvailles entre Picard, Riker, et Troi… mais en réalité entre Steward, Frakes, et Sirtis.
L’authenticité, s’il en est une ici, est celle de l’entre-soi de vedettes sur le retour, en aucun cas des personnages de ST TNG, tous plus méconnaissables les uns que les autres, dans une société tout aussi méconnaissable.
Cependant, il peut être tout à fait légitime d’apprécier les documentaires filmant des dîners entre acteurs cultes (de l’imaginaire trekkien), qui ont en outre le privilège rare d’être aussi des amis à la vie (et c’est palpable dans leurs échanges). En ce sens, l’histoire A de Picard 01x07 Nepenthe aurait certainement sa place dans les bonus d’une nouvelle édition Blu-ray de ST TNG.

On retiendra malgré toute la jolie relation ébauchée entre Kestra et Soji. Une rencontre entre deux enfants (l’une de 15 ans et l’autre de 3), et qui en dépit de la relative trivialité des dialogues (à quelques exceptions près), est transcendée par l’excellente interprétation de Lulu Wilson et d’Isa Briones.
Ironiquement, c’est à la gamine de 15 ans que Picard devra l’identification de la "planète d’origine" de Soji, à croire qu’il n’existe qu’un seul astre pourvu de deux lunes rouges dans la galaxie... Et non, ce n’est finalement pas Omicron Theta (de ST TNG 01x13 Datalore), mais une planète numérotée dans le système Ghulion du secteur Vayt. Dès lors, après cette micro-information délivrée comme à chaque fois au compte-gouttes, le jeu de piste peut reprendre. Ce sera là le seul "bénéfice" tangible de ce shore leave sur Nepenthe pour le maintien du flux serialistique d’une série en constant mouvement et incapable de se poser véritablement... comme paradoxalement l’illustre hélas trop bien Picard 01x07 Nepenthe.

En ce qui concerne "les restes" de l’épisode sur le Cube et sur La Sirena, comme peut en témoigner l’inventaire à la Prévert en début de critique, c’est un record de WTF et de bullshits comme seule Discovery en avait le secret jusqu’à présent...
De surcroît, par ses ruptures tonales et son manque flagrant d’unité, la construction semble éclatée comme si des scénaristes distincts avaient écrit les histoires A, B, et C. Soit un hiatus intra-épisode qui vient s’ajouter à un autre, intra-saison, nettement plus voyant, où de toute évidence la saison n’a pas davantage bénéficié d’une planification d’écriture globale que Jean-Luc n’a développé de plan lorsqu’il s’est embarqué sur La Sirena.
Du coup, ce n’est même pas l’estimable work in progress, c’est la lamentable navigation à vue qui gouverne ce show... ce qui est tout de même le comble dans une série supposément feuilletonnante (ou serialisée)... et dont les épisodes ne sont jamais capables d’expliquer ou justifier eux-mêmes ce qu’ils mettent en scène. Or comme les opus suivants n’en sont (et n’en seront) hélas pas davantage capables (d’expérience kurtzmanienne), les saisons sont appelées à accoucher du pire des deux mondes... où il appartient finalement aux fanboys les plus dévoués de fournir – pour pas un rond – un perpétuel SAV à la très médiocre production des showrunners.
La consistance interne de la diégèse frôle ainsi le zéro absolu, car les intrigues, les événements, et les enchaînements sont désormais quasi-exclusivement motivés par des objectifs externalistes... que les showrunners ne dissimulent quasiment plus derrière un vernis d’alibis internalistes plus bancals les uns que les autres.
Situation typique où la sémiotique cosmétique et le name dropping des cuistres (depuis 2009) a remplacé le worldbuilding de (vrais) créatifs (jusqu’en 2005).

Après un tel épisode, Picard fait plus que jamais l’effet d’être – sur le terrain trekkien – au mieux une illusion, au pire un parasite.
La série ne construit rien de solide ni même rien en propre.
Elle se borne à réutiliser sans complexe et sans retenue ce que de grands showrunners et de grand auteurs avaient créé et développé un beau jour de 1987, il y a 33 ans. Quitte à tout dénaturer pour prendre place non en 2399 mais en 2020.
Elle se contente de réassembler, de recomposer, de réarranger, finalement d’exploiter et détourner la seule chose qui subsiste désormais, à savoir une somme de souvenirs attendris dans l’ambre et d’émotions fétichisées dans la naphtaline. Mais pour accoucher progressivement de la chimère de Frankenstein...

Bien entendu, les fans sont pleinement fondés à se satisfaire des retrouvailles d’acteurs, tels de vieux amis virtuels, pour y nourrir une puissante madeleine de Proust et entrer de bon cœur dans ce "monde contemporain".
Néanmoins, ceux qui demeurent attachés à une véritable cohérence in universe et à une intégrité philosophique, non seulement restent à quai, mais leur identité de trekkers est exposée à une violence encore inédite.

NOTE ÉPISODE

NOTE STAR TREK

YR

ÉPISODE

- Episode : 1.07
- Titre : Nepenthe
- Date de première diffusion : 5 mars 2020 (CBS All Access) - 6 mars 2020 (Prime Video)
- Réalisateur : Douglas Aarniokoski
- Scénariste : Samantha Humphrey et Michael Chabon

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