The Orville - New Horizons : Critique 3.09 Domino
THE ORVILLE NEW HORIZONS
Date de diffusion : 28/07/2022
Plateforme de diffusion : Hulu
Épisode : 3.09 Domino
Réalisateur : Jon Cassar
Scénaristes : Brannon Braga & Andre Bormanis
Interprètes : Seth MacFarlane, Adrianne Palicki, Penny Johnson Jerald, Scott Grimes, Peter Macon, J. Lee, Mark Jackson, Chad L. Coleman, Jessica Szohr et Anne Winters
LA CRITIQUE FM
Pénultième épisode de The Orville et curieusement, alors qu’on pouvait légitimement attendre la résolution de la guerre avec les Kaylons pour le dernier épisode, c’est cette semaine où tout arrive. À nouveau un épisode très long comme si la série se transformait en collection de longs-métrages et toujours le sentiment que, malgré la durée, les choses se précipitent. Pour autant, c’est à nouveau une démonstration de maestria visuelle et émotionnelle que l’équipe de la série nous offre. Et ce, avec peut-être un chouia plus de cohérence globale tant les nœuds du scénario se démêlent à la perfection sur cet opus.
Sur toute la saison, j’ai été dubitatif sur l’introduction du personnage de l’enseigne Charly Burke. Pas tant dans l’interprétation d’Anne Winters que dans la définition même du personnage qui ne semblait exister que dans son rapport aux Kaylons et à Isaac en particulier. Confirmation avec cet épisode tant sa destinée est importante quant à la résolution du conflit avec l’Union.
Avoir des valeurs et s’y tenir sont les seuls moyens de ne pas se perdre et de triompher à la fin. C’est le credo de l’épisode. On peut en penser beaucoup de choses, particulièrement en ce moment où la réalpolitik et les intérêts personnels dictent la conduite du monde. Mais c’est ce qui relit le plus The Orville aux fondamentaux du vrai Star Trek. C’est idéaliste, sans doute un peu naïf, mais Dieu qu’on a besoin d’entendre et de voir ça de temps en temps. Pour autant, ce que j’apprécie le plus avec The Orville, c’est que les opposants aux valeurs de l’Union ont aussi droit à la parole et qu’ils ont des arguments qui peuvent être légitimement entendables.
Visuellement, il y a plus de batailles et d’action dans cet épisode que dans bien des films à gros budget. Et toujours avec la série, l’impression d’en avoir trop à l’écran. Personnellement, j’aime beaucoup, même si cela peut nuire à la crédibilité de certaines scènes. Certains moments m’ont tellement fait penser à l’attaque de l’Étoile de la mort dans Star Wars que je me suis demandé si Gordon n’allait pas fermer les yeux et s’en remettre à la Force...
Et il y a la trajectoire globale des personnages principaux sur les 3 saisons. De clowns à la limite du pathétique en saison 1 à officiers responsables en saison 3, c’est sûrement un grand écart scénaristique digne de Jean Claude Vandamme, mais cela fonctionne totalement. Ed, Kelly, Bortus, Claire, Isaac et tous les autres sont entrés dans notre inconscient nourri par nos expériences audiovisuelles. Cela serait vraiment dommage que cela s’arrête au prochain épisode.
LA CRITIQUE YR
Pénultième épisode, The Orville 03x09 Domino est aussi le premier de la saison à ne pas seulement épiloguer des arcs issus des deux précédentes mais à conclure le nexus de nouvelles problématiques introduites dans la troisième.
Dans la mesure où New Horizons s’était employé, opus après opus, à déconstruire — au nom d’un angélisme parfois hors-sol — toutes les alliances de l’utopique Planetary Union, sa survie de plus en plus improbable face à la menace Kaylon (ainsi qu’aux potentiels autres périls tels les Krills et les prédateurs génétiques de The Orville 03x02 Shadow Realms) impliquait forcément la sortie du chapeau d’une technologie disruptive ("game changer") assortie d’un renversement géopolitique brutal du schéma d’alliances.
Sans grande surprise, c’est exactement ce qui se produit ici, et encore plus rapidement qu’il était permis de l’anticiper, c’est-à-dire sans attendre le final de la saison. Et comme si la série se savait déjà condamnée ou du moins dans l’antichambre de l’annulation, elle donne vraiment tout ce qu’elle a pour payer d’audace (et en mettre plein la vue), histoire de damer le pion aux les SF télévisuelles concurrentes voire à bien des blockbusters cinématographiques, tout en réaffirmant en arrière-plan les idéaux trekkiens, presque désespérément, à la façon d’une profession de foi virtuelle qui ne s’embarrasserait plus d’un quelconque cadre de vraisemblance, à la façon d’un cri de ralliement face à un monde de plus en plus cynique et toujours davantage gouverné par la realpolitik.
Autant dire que dans la note d’intention comme dans le règne de la sincérité, The Orville 03x09 Domino est au mieux une complète réussite, au minimum un épisode fort touchant, une lettre d’amour à une idéalité perdue en guise de chant du cygne.
Malheureusement, pour qui estime que la seule noblesse des intentions ne suffit pas à faire une démonstration, pour qui s’impose l’exercice certes rabat-joie de considérer et analyser les détails de l’exécution, bien des failles et des imperfections se font jour, à tel point que leur masse — quoique non critique — pourrait compromettre pour bonne part la suspension consentie d’incrédulité.
Récapitulons :
Grâce à ses super-pouvoirs 4D alias "une capacité de visualisation multidimensionnelle" (dont on ne sait toujours pas en quoi cela consiste vraiment), Charly Burke met au point en quelques jours avec son nouveau buddy Isaac l’arme ultime contre les Kaylons… qui — alimentée par le noyau quantique de l’USS Orville — désintègre en quelques secondes une flotte entière durant l’attaque de Xelaya ! Étant donné l’écart évolutionniste de puissances, une R&D aussi éclair relève presque de la magie TGCM. D’ailleurs, cette démo "with all the bells and whistles" est si difficile à gober que le spectateur soupçonne instinctivement une simulation en holodeck. Mais rien de tel, c’est bien la vérité internaliste en dur, et il faut l’accepter sans discuter. Et tout ça bien sûr pour éviter d’assumer à l’écran les choix angéliques contestables des épisodes précédents, pour éviter de prendre la mesure de stratégies dépourvues de tout conséquentialisme. Confirmant hélas le diagnostic de la critique précédente : suivez vot’ (bon) cœur et vos (nobles) idéaux m’sieudames, et l’univers (c’est-à-dire les showrunners) se chargera du reste.
Après ce galop d’essai opérationnel couronné de succès, il s’en est fallu de peu pour que l’amirauté ordonne d’exterminer systématiquement tous les Kaylons... Le capitaine Ed Mercer n’ayant pas manqué de s’indigner de l’amalgame sous-tendant une mesure aussi extrémiste envers des sentients quand bien même synthétiques (invoquant notamment les cas de Timmis dans The Orville 03x07 From Unknown Graves et bien sûr d’Isaac), la décision est finalement soumise au vote du Conseil de la Planetary Union. Sera ainsi privilégiée l’option de la paix arrachée par une démonstration de force (pour laisser une chance de survie aux Kaylons)... moyennant toutefois l’invocation impérialiste contreproductive du bonapartisme et de sa politique de soumission par la terreur !
En parallèle et tout aussi rapidement, à peine exclus de l’Union, les Moclans (représentés entre autres par le capitaine Rechik) négocient une alliance secrète avec les Krills... que bizarrement sa chancelière suprême Teleya accepte aussi sec en dépit de sa xénophobie systémique qui lui avait valu de trahir la plus élémentaire des diplomaties envers l’Union (et au mépris des engagements de son prédécesseur Korin) dans The Orville 03x04 Gently Falling Rain. Selon ce même épisode, Teleya prétendait n’avoir besoin de personne pour faire face au Taylons grâce à de prétendues nouvelles armes développées par son peuple ; mais maintenant, c’est-à-dire au tour de chaises musicales suivant, elle se comporte comme si elle était désespérément en manque d’alliés ! Plus généralement, l’analogie avec la rivalité très actuelle entre l’Occident atlantiste (se voulant démocratique et moralisant) vs. la SCO ou Organisation de coopération de Shanghai (réputée totalitaire et cynique) saute aux yeux, mais cette transposition "contemporano-centrée" est simplificatrice et à double-tranchant... Le capitaine Ed Mercer poussera même la transposition plus loin en invoquant explicitement le Pacte germano-soviétique (ou Molotov-Ribbentrop Pact en VO) pour qualifier l’entente Krills-Moclans !
Sous la conduite de l’amiral Halsey, l’USS Orville se rend alors sur Kaylon 1 pour imposer un armistice. Mais étant donné la vulnérabilité d’un seul vaisseau de l’Union face à toutes les forces robotiques ultra-performantes déployées autour de leur planète-mère et le délai non nul d’activation de l’unique exemplaire de la super-arme, cette campagne dans "l’antre de la bête" n’est pas d’une immense crédibilité (au minimum le vaisseau négociateur aurait dû être distinct du ou des vaisseau·x coercitif·s).
À la surface d’une planète toujours aussi somptueuse et futuriste que dans The Orville 02x08 Identity, Kaylon Primary (aux "yeux" lumineux rouges) cède pragmatiquement à "l’offre qu’on ne peut refuser" de Halsey, à savoir non pas être asservi "à nouveau" (comme le craignait le leader des robots), mais simplement devoir renoncer au projet d’extermination de tous les sentients biologiques (sous le contrôle proactif de l’Union). Sauf que les Kaylons ne cacheront pas d’emblée leur intention de trouver la faille de la super-arme leur imposant ce deal contre leur gré (toute technologie étant supposée avoir un talon d’Achille), ce qui scellera à la fois une coopération hypocrite (ou de mauvaise foi) et un potentiel comminatoire.
Qu’à cela ne tienne : happy-end ataraxique dès la vingtième minute (d’un épisode qui en compte pas moins de soixante-dix-huit), tout semble se terminer pour le mieux dans le meilleur des mondes possible, avec en bonus une envoûtante ambiance Woodstock lorsque Gordon Malloy et Charly Burke viennent interpréter en duo à la guitare acoustique Flowers Never Bend With The Rainfall de Simon & Garfunkel. Évidemment, les spectateurs se doutent bien que c’est là une (trop belle) bonace avant la tempête, il est juste dommage que les protagonistes ne voient rien venir, tant ils sont shootés d’autosatisfaction sur leurs nuages de félicité. Jamais très bon signe quand les héros ont un train de retard sur le public...
À la vingt-septième minute, patatras ! Deux officiers pénètrent dans le saint des saints au 32ème sous-sol du QG de la flotte (alias Planetary Union Central) où est entreposée la super-arme (toujours surmontée d’un petit œuf lumineux) et s’en emparent illégalement par la ruse et la force, puis quittent prestement la Terre en quantum drive au moyen d’une navette de l’Union. Un vol qui se réalise tellement vite et facilement (à l’aide des équivalents d’un hypospray et d’un phaser trekkiens) dans un environnement bien peu sécurisé (juste deux gardes dans une petite pièce sans aucune caméra ni système automatique de défense !) qu’il est permis de questionner le professionnalisme et la prophylaxie de la PU... qui aurait dû anticiper que l’arme ultime inventée par Isaac et Charly — garante d’un renversement bien artificiel des rapports de force galactiques — serait au cœur de toutes les convoitises (voire machinations), aussi bien externes qu’internes. A fortiori lorsqu’on découvre (ensuite) que ladite arme n’a été fabriquée qu’en un seul exemplaire !
Alors s’agit-il de Kaylons dissimulés derrière des voiles holographiques (comme Isaac lorsqu’il apparaît périodiquement sous les traits de Mark Jackson) ? De Krills modifiés pour ressembler à des humains via des microgreffes transcellulaires (comme Teleya sous l’identité de Janel Tyler dans The Orville 02x01 Ja’loja ? De Moclans déguisés au moyen de quelque autre subterfuge ? Eh bien non... "seulement" d’officiers barbouzes à la solde de l’amiral Perry qui a pris le parti de trahir la décision souveraine du Conseil de l’Union et les ordres de l’amirauté tant il les désapprouvait ! Qui l’eût cru ? Il s’avère que ce personnage (joué par Ted Danson), pourtant toujours si mesuré et sapiential, était en fait le chef de fil d’une opposition radicale bien connue de ses collègues et convaincue de la nécessité d’exterminer préventivement tous les Kaylons avant qu’ils ne trouvent un moyen de contourner la super-arme pour en faire de même.
Mais loin d’un amiral Leyton et sa Red Squad dans ST DS9 04x12 Paradise Lost ou d’un Luther Sloan et la Section 31 dans ST DS9 07x16 Inter Arma Enim Silent Leges (qui ouvraient sur des premisses discursives si fondamentalement trekkiennes), Perry n’aura pas eu la prudence stratégique élémentaire de conserver la super-arme au sein de l’Union (en la confiant par exemple à une agence secrète plus ou moins autonome ou dissidente pour en étendre la puissance et réussir à l’employer sans le concours de Charly et d’Isaac). Non, c’est carrément à la pire ennemie — hystériquement xénophobe au nom de la divinité Avis, ayant fomenté un coup d’état sur Krill et mis en scène l’exécution publique des dirigeants de l’Union (à commencer par le président Alcuzan lui-même) — c’est-à-dire à la chancelière suprême Teleya que l’amiral s’est empressé d’offrir la "doomsday machine" ! Avec pour consigne d’en pratiquer la rétro-ingénierie pour la comprendre, l’utiliser en l’absence de ses créateurs, et faire disparaître tous les Kaylons de l’univers ! Rien que ça ! Dans le registre de la trahison tellement incontinente et over the top que franchement suicidaire, on pourra dire que Perry s’est surpassé ! Il avait tellement soif de génocider les Kaylons qu’il n’a même pas songé au risque qu’il faisait encourir à l’Union en confiant une technologie aussi disruptive à ses plus fanatiques adversaires. Pour un amiral accompli, il aura renvoyé l’enseigne Burke de The Orville 03x01 Electric Sheep au bac-à-sable de la haine et de l’intempérance. Difficile de dire si cette opération relève du point Godwin ou d’un angélisme bêlant, mais tous les records d’irresponsabilité sont en tout cas battus.
Faut-il alors s’étonner qu’à l’instar du vénal capitaine humain du Merchantman dont le vaisseau et son équipage furent détruits par le commander klingon Kruge (après lui avoir livré les informations classifiées sur Genesis dans Star Trek III The Search For Spock), Teleya exprimera sa reconnaissance et son amitié nouvelle (sic) pour Perry... en le descendant, lui et sa navette, immédiatement après avoir pris livraison de la super-arme ! Scénaristiquement, c’est tout de même une solution de facilité, car outre la disparition d’un personnage au potentiel incontestable, on évite ainsi un peu trop aisément la tenue du procès que l’amiral appelait de ses vœux (en annonçant qu’il allait se constituer prisonnier dès son retour sur Terre), et qui aurait permis de creuser rhétoriquement le dilemme relatif aux Kaylons, mais aussi de questionner la politique de l’Union ainsi que le militantisme et les débordements des héros (Ed et Kelly en particulier)... ayant conduit les Moclans tout droit dans les griffes des Krills. Une opportunité de dialectique — et non des moindres — a donc été gachée.
Le motif (bien léger) invoqué par Teleya pour assassiner Perry — éviter que l’Union apprenne trop vite la nouvelle alliance entre les Krills et les Moclans — est largement contredit par l’enquête express menée ensuite par l’USS Orville. Suivant la piste des autorisations professionnelles de l’amiral Perry ayant indûment permis le vol, Ed et son équipe reconstituent la trajectoire de la navette puis découvrent sans difficultés les débris de sa destruction et les traces des armes employés, à la fois krill et... moclans ! L’alliance secrète n’aura donc pas mis longtemps à être éventée… et précisément "grâce" au meurtre commis pour dissimuler cette information ! Un peu ballot. En réalité, si la chancelière avait été cohérente et avait véritablement voulu cacher à l’Union cette nouvelle alliance, soit il lui suffisait de rencontrer Perry sans la présence de vaisseaux moclans (en quoi étaient-ils utiles pour faire face à une simple navette de la PU ?), soit elle devait s’assurer que les Moclans n’emploieraient pas leurs armes contre la navette de l’amiral (alors que de toute façon déjà détruite par les armes krilles). Or elle n’aura fait ni l’un ni l’autre. D’autant plus incompréhensible que Teleya a quand même été durablement dans la peau d’une officière de l’Union (Janel Tyler) pour en connaître parfaitement la méticulosité des procédures. Bref, un nawak stratégique juste destiné à semer des indices grossiers qui permettront ensuite aux héros de déterminer illico la localisation de la super-arme puis en stopper in extremis l’emploi… Comme dans The Orville 03x08 Midnight Blue, l’internalisme devient un peu artificiel à force de laisser autant transparaître les objectifs externalistes…
Ainsi donc, grâce aux commodes inconséquences de la chancelière suprême qui avait le culot de reprocher juste avant à ses très virils nouveaux alliés d’être de piètres tacticiens manquant d’intelligence et de ruse féminine (sic), la connaissance de l’implication des Moclans — ex-armuriers de l’Union — permet à Bortus de deviner la mise à contribution du plus expert de ses compatriotes, le Dr Kalba dans son avant-poste de recherche sur Draconis 427. Une reconnaissance discrète sur place (derrière une lune et des systèmes de brouillage) permet à l’USS Orville de confirmer cette hypothèse… au centuple : une véritable armada orbite autour de cette planète, et celle-ci accueille le plus puissant "quantum core" jamais rencontré, capable d’étendre la portée de la super-arme sur des milliers d’années-lumière (et non plus "seulement" dix millions de kilomètres comme avec le noyau quantique de l’USS Orville) ! Mais vu que l’épisode se déroule en temps réel (modulo l’ellipse des temps de voyage en FTL), il est bien difficile de croire que les Moclans ont réussi à percer aussi vite tous les secrets d’une arme livrée sans mode d’emploi, qu’ils n’ont aucunement conçue et dont ils ne savaient rien avant, et qui est supposée plus avancée encore que ne l’est la technologie kaylon ! De quoi "dumper" dangereusement Perry et l’élite de l’Union, du moins hors des super-pouvoirs 4D de Charly. Un enchaînement bien trop rapide pour être crédible...
Pour rééquilibrer le rapport de force et prévenir le crime de la masse qui se prépare, c’est avec un bien curieux naturel qu’Ed Mercer songe à s’allier avec les Kaylons face à la nouvelle alliance Krills-Moclans. Apparemment sans même prévenir l’amirauté ni être autorisé par l’Union à bouleverser une nouvelle fois radicalement l’ordre géostratégique, l’USS Orville fonce en FTL pour prévenir Kaylon Primary de la situation et inviter les robots à s’allier à l’Union pour ravir la super-arme fatale sur Draconis 427. Alors, certes, la PU a possiblement donné son aval en amont et off screen pour suivre un pareil plan, mais l’épisode aurait tout de même gagné à s’attarder un peu sur les implications à la fois éthiques et stratégiques, c’est-à-dire à donner une visibilité à la discursivité argumentaire... alors qu’il s’en était fallu de peu en amont pour que le Conseil de l’Union suive la voie des Krills et des Moclans. Autant dire que faire soudain confiance aux Kaylons et s’en remettre à eux ne devrait pas aller de soi comme s’il n’existait aucune divergence sur cette question au sein de la PU hors de feu Perry.
On verse même dans la complète irresponsabilité lorsque les héros révèlent au Primary que la super-arme volée était en fait le seul exemplaire en possession de l’Union ! Vu leur coopération initiale très contrariée et leur intention de trouver une faille (de leur propre aveu en début d’épisode), si les Kaylons avaient été des IA aussi rationnelles et implacables que Skynet dans la saga Terminator, le sort de l’humanité aurait pu être scellé à la seconde même où ladite arme serait récupérée par eux ou détruite. Du coup, une question corollaire se pose : est-ce que les protagonistes n’ont pas révélé aux Kaylons comment réchapper à la super-arme pour ne pas perdre totalement le bénéfice de ce moyen de pression, ou bien parce que les scénaristes ont fait semblant de ne pas y songer pour permettre le gros spectacle friqué qui allait suivre ? Parce que si l’objectif de l’Union était vraiment de sauver les Kaylons de l’anéantissement, il aurait été logique de leur révéler le mode de fonctionnement de la super-arme (i.e. créer une boucle de rétroaction dans la chaine de communication de la matrice de synchronisation à laquelle sont reliées tous les Kaylons et leurs vaisseau, tombant alors comme des dominos) pour qu’ils puissent s’immuniser comme d’Isaac (n’étant quant à lui plus relié à la matrice comme certains Borgs "dissidents" de ST TNG et ST VOY). Mais ce faisant, la PU serait redevenue vulnérable. Voilà qui aurait représenté le vrai cœur du dilemme... Mais en l’état, c’est comme si The Orville 03x09 Domino n’assumait pas jusqu’au bout ses partis pris...
Ponctué des sarcasmes d’un Kaylon Primary finalement plus attachant qu’inquiétant, un plan d’action commun est mis en place pour attaquer la Death Star de Star Wars... euh... l’avant-poste de recherche de Draconis 427. En gros, la flotte de l’Union guidée par Ed Mercer formera la première vague d’assaut contre les flottes krills et moclans respectivement commandées par Dalak et Korin. Puis, la flotte robotique menée par Kaylon Secondary (au "yeux" lumineux oranges) constituera la seconde vague. À la faveur de l’effet de surprise, sous l’escorte d’une flottille de vaisseaux de chasse Pterodon PT-197 (révélés dans The Orville 03x01 Electric Sheep) et conduits par Gordon Malloy, une navette de l’USS Orville cachée derrière un bouclier occulteur transportera à la surface un commando composé de Kelly Grayson, Talla Keyali, Charly Burke, Isaac, et Kaylon Primary pour s’emparer de la super-arme dans une base investie par le Dr Kalba... et la chancelière Teleya. Toute cette vaste opération "épique" sera un festival boulimique (ou hémoragique) de batailles spatiales, de dogfights, de vols en rase-motte, de space diving, et de corps-à-corps chorégraphiés, botoxé d’effets spéciaux spectaculaires... pastichant peu ou prou SW Episode VI Return Of The Jedi jusqu’à la partition de John Williams (à peine réinstrumentée) ! Cumulant pas moins de vingt-cinq minutes non-stop de run enfiévré, ce sera un tiers du temps utile de l’épisode. Exaltant ou ennuyeux... selon les goûts et/ou les attentes.
Mais comme presque toujours, ces opéras numériques et ces orgies de CGI pour blockbusters gloutons croisent davantage dans les eaux virtuelles des cartoons que dans les espaces pesants de la Hard SF. Il serait donc un peu superfétatoire d’épingler (entre autres) les réflexes de pilotage bien au-delà des capacités humaines (Star Wars quoi), les couleurs chamarrées intempestives sacrifiant le réalisme à l’esthétique, les vrilles d’une BO grandiloquente, tapageuse et clipesque (aux antipodes de sa mesure voire discrétion coutumière)… Toutefois, en se bornant juste au plus grave, il est impossible de ne pas déplorer l’absurdité tactique de faire escorter une navette entièrement invisible par un convoi de chasseurs très visibles, ces derniers venant annuler tout le bénéfice de cette super-furtivité… comme le confirmera un peu malgré lui l’épisode lorsque l’astronef de Kelly sera tellement endommagé par les tirs visant les escorteurs que les cinq passagers en seront réduit à sauter et atterrir en "diving", c’est-à-dire comme Baby-Kirk et Sulu rebootés dans Star Trek 2009. Pas bien malin ! Mais qu’importe pourvu qu’il y ait du (gros) spectacle, n’est-ce pas ? Plus généralement, la flottille de Pterodons PT-197 de Gordon n’aura pas eu la moindre utilité durant toute l’opération : #1 ces chasseurs auront fait de la navette occultée une cible ; #2 ils n’ont jamais réussi à forcer le bouclier protégeant le gigantesque noyau quantique de Draconis 427 ; #3 et en définitive ils ont juste gratifié l’épisode d’un ballet aérien ininterrompu, certes magnifique, mais aussi interminable que vain, avec en sus pas mal de morts dans leurs rangs durant leur affrontement stérile avec des chasseurs krills et moclans (et davantage encore à partir du moment où l’avant-poste activera ses puissants canons de défense). Quand une pseudo-stratégie militaire vire au simple son et lumière, alors le spectacle tourne à vide et tient lieu d’écran de fumée...
Ok, on va dire que Dr Kalba est un génie de compétition. Mais tout de même, c’est un peu fort de café qu’il ait suffi à feu l’amiral Perry de remettre à l’alliance Krills-Moclans la super-arme secrète (que seuls Isaac et Charly savaient utiliser) pour qu’aussi sec — l’épisode se déroulant presque en temps réel — Draconis 427 se retrouve équipé d’un quantum core de la taille d’une cathédrale (moyennant une passerelle d’accès au dessus du vide très starwarsienne), et pour qu’une technologie mystérieuse (que les si supérieurs Kaylons se disaient pourtant incapables de matcher) soit instantanément percée à jour (sans le concours actifs de ses créateurs), upgradée, et déployée à l’échelle galactique ! La rétro-ingénierie prend ici tellement la forme d’une baguette magique que c’est à se demander pourquoi le génial Kalba — encore membre et matière grise de la Planetary Union en tant que Moclan dans l’épisode précédent — n’a pas de lui-même développé cette super-arme ou une autre du même genre contre les Kaylons...
Toujours curieux que le chef d’état d’un vaste empire interstellaire supervise lui-même les opérations de terrain les plus risquées, qui plus est sans protection aucune (ni gardes du corps ni garde prétorienne). Or en la circonstance, la chancelière suprême krill, Teleya, dirige en personne — et seule — le déploiement de la super-arme reconstituée par Kalba au moyen du méga-quantum core dans les labos de Draconis 427 ! Même en répétant à tue-tête "autre civilisation, autre temps, autre mœurs", il est quand même difficile de ne pas deviner ici des intentions externalistes assez convenues, à savoir provoquer un affrontement rituel et cathartique entre les héros et la Némésis attitrée d’Ed Mercer (et accessoirement mère de sa fille Anaya), pour conduire à sa mort ou à sa capture. Et effectivement, ça n’a par raté : pendant que les deux Kaylons et Burke progressent dans le vaste dédale du complexe sous-terrain pour atteindre la salle du noyau quantique géant, Kelly Grayson affronte Teleya dans un catfight mano à mano très chorégraphié, soit la confrontation entre les deux ex du capitaine en titre, pour une symbolique faussement machiste car renversant doublement (à la fois chronologiquement et genderswap) le schéma du rut animal. La Krill prendra le dessus avant que Talla "Hulk" Keyali ne mette toutes les plaideuses d’accord... puis ramène enchaînée la chancelière suprême à bord de l’USS Orville.
Malgré la neutralisation rapide du personnel moclan par le "commando" ayant investi la salle de contrôle de l’avant-poste, il était à parier qu’il ne soit pas possible d’éteindre par un simple switch "l’arme du jugement dernier" (pour les Kaylons) dès lors qu’elle avait été lancée. Malgré le possible alibi (quoique non évoqué explicitement dans l’épisode) de l’incommensurabilité des sources énergétiques impliquées avec d’hypothétiques seuils et/ou masses critiques, il reste tout de même étonnant que des machines infernales aussi sophistiquées et aux effets aussi destructeurs ne puissent jamais être désactivées plusieurs minutes avant de remplir leur sinistre office, pas même par ceux qui les ont activées, en l’occurrence ici Kalba (obtempérant aux injonctions des protagonistes). Il n’existe rien de tel dans le monde réel, les principes mêmes de la weaponization d’une technologie ou d’une force naturelle étant d’en garder le contrôle jusqu’au dernier instant. Du coup, l’épisode continue à suivre consciencieusement la feuille de route de tous les clichées du genre, ici le compte à rebours inarrêtable copyrighté James Bond.
Bien entendu, pas question pour autant que l’épisode ose assumer une issue collectivement tragique. Tout est donc fait pour que le nécessaire happy end se bâtisse sur le sacrifice d’un·e seul·e, comme pour satisfaire momentanément l’appétit insatiable d’une divinité païenne. Ce sera donc assez prévisiblement Charly qui sera offerte au Moloch, son super-pouvoir 4D — une évidente surenchère sur tous les "petits génies" informatiques qui inondent des productions audiovisuelles depuis les Lone Gunmen de The X Files — étant apparemment le seul capable de provoquer une surcharge du quantum drive dans les trois minutes imparties, afin de le détruire en même temps que la super-arme et une partie de la planète de Draconis 427. Bizarre quand même que le personnel moclan, et en particulier l’incroyable Kalba ne puisse lancer une procédure standard programmable pour parvenir à ce même résultat, ce qui aurait permis d’épargner aux spectateurs l’autodafé opératique de Burke.
Quoique plein de gratitude pour la noble initiative sacrificielle de Charly, et passé les (timides) oppositions d’usage, nos vaillants héros (Kelly, Isaac, Talla...) se débinent courageusement sans demander leur reste (avec Kaylon Primary, Kalba, et Teleya prisonnière) dans une navette krill. La super-arme sera finalement bien détruite avant de "déflagrer", mais l’explosion spectaculaire du noyau quantique géant éventrera la planète et emportera une partie des flottes krilles et moclanes (en orbite basse), mais apparemment pas les flottes de l’Union et kaylones (car en orbite plus haute). Burke aura donc réussi à sauver les Kaylons ! Mais en rembobinant un peu, la confiance que les protagonistes accordent spontanément à Charly pour aller jusqu’au bout coule bien trop de source, déjà qu’un tel don de soi n’est pas à la portée du commun (des mortels), mais en plus Burke n’avait cessé de manifester sa rancune voire son "racisme" envers le peuple meurtrier de sa chère et tendre Amanda, la tentation de la venger aurait donc dû atteindre son paroxysme lorsqu’elle s’est retrouvée seule face à la mort (sachant en outre que son nouveau "buddy" Isaac serait épargné par la super-arme puisque déconnecté de la matrice de synchronisation). Alors certes, tout est fait pour entériner (au forceps) l’absence d’alternative (entre une extermination certaine et une extermination possible, il n’y a guère d’hésitation...). En outre, il est vrai que malgré ses ressentiments parfois extrêmes, Charly est toujours restée une officière d’élite et de devoir, obéissant donc loyalement à tous les ordres, quand bien même à contrecœur.
Déjà interpellé par la "charité" d’Isaac qui se contentait de tenir en respect les Moclans récalcitrants au moyen de ses mitraillettes crâniennes plutôt que de les abattre froidement comme l’avait fait juste avant Kaylon Primary, le leader robotique sera proprement édifié par l’abnégation de Burke... à la mort consentie — et même désirée — de laquelle la civilisation kaylone doit sa survie ! Il en résultera un bouleversement paradigmatique et une révolution copernicienne dans le cerveau synthétique de Primary, et par transitivité de tous les Kaylons (car reliés à lui par la matrice de synchronisation crypto-borg). Alléluia, ils entrevoient donc enfin la Lumière : tous les sentients biologiques ne sont pas identiques, et les ressortissants de l’Union ne peuvent aucunement être amalgamés à leurs créateurs esclavagistes. Une entente et une amitié entre robotiques et biologiques est donc désormais possible, et la première expérience de coopération globale s’est avérée fructueuse. Aussitôt, les dirigeants de l’Union (le président Alcuzan, la sénatrice Speria Balask, l’amirale Ozawa, l’amiral Halsey) invitent les Kaylons à rejoindre temporairement le Conseil, puis si tout se passe bien, à intégrer pleinement la Planetary Union en pleine égalité avec tous les autres membres, mais moyennant l’obligation contractuelle de défendre l’Union. D’abord perplexes devant l’inefficacité rationnelle du système démocratique, les Kaylons seront finalement convaincus par l’argument de l’amiral Halsey qui actualisera à l’échelle galactique les célèbres paroles de Winston Churchill (« La démocratie est un mauvais système, mais c’est le moins mauvais de tous les systèmes ») car supposé empêcher la domination des forts sur les faibles, du moins durablement.
Symétrisant en quelque sorte le rapport dominant/dominé de The Orville 03x04 Gently Falling Rain, Ed viendra visiter Teleya, désormais emprisonnée derrière le champ de force d’une cellule de l’USS Orville. Sans vraiment chercher à la narguer (par exemple pour lui rendre avec retard la monnaie de sa pièce), il essayera d’obtenir des informations sur Anaya. La chancelière suprême tentera bien de "prendre en otage" l’affection paternelle de Mercer pour être libérée, lui promettant qu’il ne reverrai jamais sa fille dans le cas contraire. Toujours est-il que l’objectif de rapatrier Teleya sur Terre afin de la juger pour crimes de guerre est juridiquement nébuleux voire abusif : elle est tout de même la chancelière suprême krille et elle a été kidnappée sur un territoire moclan (désormais non-membre de la PU), elle n’est aucunement soumise aux lois de la PU, ce n’est pas elle qui a volé la super-arme, elle n’a pas cherché à en faire un usage contre des membres de l’Union (les Kaylons n’en faisaient pas partie à ce moment là et les adhésions comme les lois ne sont pas rétroactives), et finalement c’est la flotte de l’Union qui a attaqué les Krills (et non le contraire) en orbite de Draconis 427 (une planète Moclane). Certes, il serait éventuellement possible de poursuivre Teleya pour l’assassinat de l’amiral Perry (quoique considéré comme un renégat par ses actes à ce moment-là) et/ou pour l’odieuse tentative d’assassinat des dirigeants de l’Union au mépris des protections diplomatiques dans The Orville 03x04 Gently Falling Rain. Sauf que The Orville 03x09 Domino semble fortement suggérer que c’est seulement pour la tentative de génocide des Kaylons que la chancelière suprême sera jugée, auquel cas cela impliquerait une prétention impérialiste de la part de l’Union à vouloir imposer rétroactivement ses lois et ses valeurs morales aux autres civilisations au prix d’une complète extraterritorialité galactique assorties "d’extraordinary renditions" ! Ce serait aussi un manque d’humilié de la part de l’Union étant donné qu’elle fut à deux doigts de décider légalement d’en faire exactement autant en début d’épisode. Enfin, c’est une faute géopolitique d’humilier ainsi la leader d’un empire ennemi puissant, quand bien même les Kaylons seraient désormais de facto les soldats robotiques de l’Union. Modulo les procédures juridiques, cet agissement envers Keleya est presque du même tonneau que le sien envers le président Alcuzan dans le quatrième épisode de la saison. Mine de rien assez nauséabond... tout en se voulant juste et moral.
L’épisode s’achève par une longue commémoration funèbre à la mémoire de feue Charly Burke à bord de l’USS Orville — vaste salle comble à guichets fermés — qui sera à cette occasion décorée de l’Union Medal of Valor à titre posthume pour son sacrifice au service de la paix. Ed Mercer ouvrira la cérémonie, et Isaac prendra ensuite la parole. Une séance élégante, digne et sans excès de pathos, mais qui reproduit presque toutes les idiosyncrasies des funérailles étatsuniennes (symboles chrétiens en moins). Que l’héroïsme désintéressé de Charly soit publiquement glorifié, qu’Ed montre qu’elle a initié un processus de réaction en chaîne ayant sauvé l’Union de façon trekkienne, qu’Isaac célèbre la transfiguration de sa relation personnelle avec elle... toutes ces attentions sont évidemment fort légitimes en in-universe. Mais pour que le spectateur se sente un tant soit peu concerné et affecté, faut-il encore que le postulat de départ soit admis et partagé. Or vu que Burke était initialement peu appréciée d’une partie du public et que The Orville ne s’est pas donné le temps de mieux l’étoffer ni la racheter sur la durée, cette "liturgie" funèbre — survenue trois fois plus rapidement que celle de Tasha Yar dans ST TNG 01x23 Skin Of Evil ! — touchera très diversement les spectateurs, et elle pourrait apparaître insipide et inodore, voire prétexte et contreproductive aux yeux de certains. Mais le pire peut-être est que dans le même temps, les innombrables morts causées par cette attaque de Draconis 427 (tant de vaisseaux de l’Union et de chasseurs Pterodon PT-197 détruits...) sont totalement ignorés — invisibilisés par la superstar Charly ? — ce qui distille in fine une désagréable sensation de VIPisme... fleurant mauvais un certain #FakeTrek de sinistre mémoire.
Rien de personnel bien entendu, mais un signe des temps probablement...
Ainsi donc, Charly a traversé d’un pas résolu son jardin de Gethsémani. Il faudrait alors se demander pourquoi, en amont.
Serait-ce vraiment sa métanoïa et sa soudaine amitié pour Isaac dans The Orville 03x07 From Unknown Graves qui a métamorphosé la plus haineuse des victimes des Kaylons en leur championne la plus dévouée... lorsque dans le même temps c’est elle-même qui a développé un moyen inédit de les génocider et qu’elle ne demandait que ça avant que le Conseil de la PU y renonce ?!
Ou serait-ce le paradoxe de l’ultra-réactionnaire par les paroles qui se révèle être le·la plus progressiste par les actes (comme un certain Deke Slayton dans For All Mankind) ?
Ou encore serait-ce une foi déiste en un au-delà anxiolytique (loin des inclinations athées de Brannon Braga) impliquant une impatience à retrouver intacts tous les défunts aimés... comme le suggéreraient les ultimes paroles de Charly avant l’explosion (« J’arrive, Amanda »).
Ou alors serait-ce plus littéralement une forme de bushido, de sanctification par l’obéissance stricte et la loyauté sans partage, où malgré les apparences — l’acte final de Charly semblant résulter ici davantage d’une adhésion personnelle et même d’une conviction viscérale que de la seule obéissance conditionnée à des ordres militaires — il faudrait simplement prendre son ultime réplique à Grayson à la lettre, sans surinterpréter (« J’ai reçu mes ordres. Je dois désactiver cette arme par tous les moyens. À moins que vous révoquiez cet ordre, reculez et laissez-moi faire mon boulot ») ?
Ce qui ferait alors de Burke un pur parangon d’officier de l’Union, capable de subordonner ses intérêts et ses convictions personnelles à l’intérêt général, que celui-ci consiste à exterminer les Kaylons ou à l’inverse à les sauver, selon l’heure et le jour.
Toutes ces belles options demeurent évidemment sur la table, mais il en subsiste une autre, scénaristiquement moins valorisante — comme tout objectif externaliste qui ne réussirait pas à être suffisamment masqué par les justifications internalistes. À savoir un personnage-fonction qui, malgré bien des envolées ponctuelles, n’est jamais réellement sorti de ce statut fonctionnel et qui accomplit donc ici une dernière fois sa fonction diégétique.
Introduite artificiellement dans The Orville 03x01 Electric Sheep, Charly Burke devait incarner le préjudice et le préjugé anti-Kaylon résultant du traumatisme infligé par The Orville 02x08+02x09 Identity... dans le seul but de le dépasser en quelques épisodes par empathie envers les Kaylons — une métamorphose sanctifiée par ses excuses et son amitié pour Isaac. Mais sa fonction incluait aussi un super-pouvoir 4D de deus ex machina, capable de ressusciter Isaac, d’inventer en un claquement de doigt l’arme ultime contre les Kaylons, mais aussi de les sauver quand nul autre ne le pouvait. En somme une super-héroïne.
Et consécration fonctionnelle suprême, c’est son sacrifice en tant qu’ex-"Kaylon-phobe" pour le salut collectif des Kaylons qui convertira le leader des Kaylons, Kaylon Primary, à l’amour des formes de vie biologiques et aux valeurs de l’Union, tout en rachetant les crimes de leurs créateurs qui les avaient odieusement asservis (cf. The Orville 03x07 From Unknown Graves).
En somme, c’est un peu l’histoire hagiographique de la conversion de St Paul de Tarse sur le chemin de Damas, convertissant ensuite à son tour Timothée d’Éphèse, etc. Soit l’effet domino dont parlera Ed Mercer dans son éloge funèbre final et qui donnera à l’épisode son nom de baptême.
Mais ce qui sauve cependant Charly du "syndrome Mary Sue Burnham" de Discovery, c’est de n’avoir jamais été parfaite ni infaillible, et surtout pas au départ. Or c’est également à des "détails" essentiels de ce genre que l’on peut mesurer tout l’écart qui subsiste entre The Orville de Seth MacFarlane dans ses facettes/moments les moins inspirées et... le #FakeTrek d’Alex Kurtzman.
Alors oui, Charly Burke est un personnage cométaire crée dans un seul but : être un vecteur foncièrement trekkien. C’est-à-dire évoluer lui-même avant d’impulser une évolution en cascade de toute la société vers l’idéal utopique, puis finalement offrir sa vie pour édifier et transformer les pires ennemis en amis. Et il fallait peut-être cette mort démonstrative pour déplacer un point d’équilibre inter-civilisationnel et dessiner un futur meilleur, exactement comme la mort apparemment vaine (mais en réalité déterminante) de la capitaine Rachel Garrett et de son équipage de l’USS Enterprise C en 2344 à Narendra III pour que la paix entre l’UFP et l’Empire Klingon devienne un jour possible (cf. ST TNG 03x15 Yesterday’s Enterprise).
La fond et la finalité sont donc vraiment superbes, mais les moyens et l’exécution bancals...
En fait, Charly Burke possède un précurseur conceptuel... introduit ex abrupto dans la seconde saison de l’excellente série Jeremiah de J Michael Straczynski, à savoir Mister Smith (interprété par Sean Astin). Dans la mesure où celui-ci était en relation personnelle avec Dieu, il guidait les héros (Jeremiah, Kurdy, et Markus) pour accomplir de façon optimisée en une (courte) saison ce qui devait initialement en prendre quatre (longues). Était-ce une "triche pour la bonne cause" dans la mesure où la série avait été annulée prématurément... ou bien une trahison philosophique par l’introduction d’un facteur déiste objectif (comme dans la quatrième saison du BSG 2003 de Ronald D Moore) ?
Toujours est-il que d’une semblable façon, Charly Burke est un pur accélérateur diégétique. Certes, dans les huit épisodes précédents de The Orville, sa facticité s’était limitée à elle-même, ce qui n’affectait guère les épisodes dans leur entièreté. Mais The Orville 03x09 Domino aura été lui-même emporté par cet accélérateur de particules, soumettant donc à rude épreuve la foi, c’est-à-dire la suspension d’incrédulité... qui finalement dépendra de la capacité de chaque spectateur à survivre aux g. Mais aussi à être convaincu (ou non) par la prestation d’Anne Winters (question subjective de sociabilité naturelle).
Voilà donc en quoi consiste vraiment The Orville 03x09 Domino lorsqu’on prend la peine de le décortiquer et le décrypter...
De la générosité à revendre, des dilemmes et des débats ontologiques, de multiples finesses et fulgurances, une vraie compréhension de Star Trek (le contraire eut été impensable venant de l’auteur le plus fécond et le plus créatif du real Star Trek), un processus civilisationnel hautement trekkien (altruisme prenant le pas sur l’égocentrisme, personnages dépassant leur personne, évolutions individuelles et collectives vers l’empathie et la convergence)... Et cerise sur le gâteau : le sentiment profond que l’espèce (les Kaylons) du personnage le plus réussi (Isaac) reçoit enfin officiellement la place qui a toujours été "génétiquement" la sienne (ou du moins qu’il méritait d’avoir) depuis le début de la série, c’est-à-dire un membre à part entière de l’utopie trekkienne/orvilienne (bien davantage que les rétrogrades et anachroniques Krills et Moclans). Tel un puissant hommage à Isaac Asimov et au Golden Age de la SF.
Cette conclusion de la geste kaylonne est au fond aussi naturelle, aussi nécessaire, aussi indispensable que la découverte lors de la nativité trekkienne — Star Trek First Contact — que le premier contact officiel de l’humanité ne pouvait se faire qu’avec les Vulcains. Nul trekker ne le savait explicitement avant ce film, et pourtant c’était une évidence inscrite en creux dans l’inconscient collectif. Il en est de même pour les Kaylons.
Rien que pour ça, The Orville 03x09 Domino mérite de chaleureux kudos.
Hélas, cent fois hélas, tout va trop vite dans l’épisode. Si vite que ce qui aurait dû être réel, pesant, poignant, viscéral... devient virtuel, désincarné, naïf, inconséquent. Comme si les héros savaient à l’avance où leur choix incertains (voire irresponsables) allaient les mener, ce qui leur aura permis de faire l’économie des conséquences, des impacts, des doutes, des hésitations, des questionnements, des dialectiques, des efforts, des trials & errors, des principes de précautions, des stratégies sérieuses... À croire que tout ça n’était qu’un jeu (de course au MacGuffin), avec une issue garantie par contrat et des moyens magiques. À se demander même si ce pénultième épisode n’est pas une prestidigitation de classe olympique pour que le spectateur détourne le regard du tapis sous lequel a été évacué la poussière résiduelle des épisodes précédents, c’est-à-dire de toutes ces conséquences qui ne fallait ni voir ni penser.
Il en résulte tant de maladresses, de gaffes, de raccourcis, de clichés, de facilités, de ficelles, de contresens, et de scènes d’action à rallonge voire HS... que la frustration et l’incrédulité sont à leur comble. Certes, jamais au point de désavouer, de détester, de renier, ni de maudire, car le fond épistémologique est solide et aucune masse critique n’a été atteinte — ce n’est définitivement pas du #FakeTrek (ouf) !
Mais citer Leonard Bernstein en début d’épisode (« Pour réussir de grands accomplissements, deux choses sont nécessaires : un plan et pas assez de temps. ») n’est pas un alibi d’autorité suffisant pour faire accroire aux invraisemblances TGCM du timing. Et même si le format feuilletonnant ou sérialisé n’est pas forcément le plus enrichissante pour Star Trek, les bouleversements quasi-cosmologiques dévoilés par The Orville 03x09 Domino auraient gagné cette vérité qui leur fait tant défaut s’ils avaient été déployés à travers une saison entière, ou du moins sur un arc de plusieurs épisodes (durant une période internaliste nettement plus longue) comme avaient su si bien le faire ST DS9 et ST ENT...
Et puis, quel dommage que la forme imprimée par Jon Cassar sacrifie autant à l’empire de la mode au lieu de servir en priorité la sémantique et la crédibilité des structures.
D’autant plus que les prétentions blockbusteriennes de la mise en scène conduiront les spectateurs, consciemment ou pas, à comparer avec les meilleures références cinématographiques à gros budget. Or cinématographique, The Orville 03x09 Domino ne l’est quand même pas véritablement... faute d’avoir les moyens de sa politique pour s’arracher pleinement aux limites télévisuelles. Dès lors, des rapprochements "trans-formats" impropres pourraient faire ressortir une platitude ou une fadeur — notamment dans la réalisation du développement dramaturgique — qui n’aurait pas été perçue ainsi (négativement) au sein d’un référentiel strictement télévisuel et moins tape-à-l’œil.
Un désir de blockbuster (qui n’est pas en soi le plus estimable des tropismes) mais verrouillé par certains stigmates de séries TV, c’est un peu le pire des deux mondes côté forme. Serait-ce la grenouille de la fable qui avait voulu se faire aussi grosse que le bœuf ?
En définitive, The Orville 03x09 Domino est un chef d’œuvre... mais seulement en théorie ou dans une boîte de Petri !
À l’aune du monde réel en revanche, il est intention, virtualité, chimère, naïveté, rêverie, songe... et surtout spectacle. Un spectacle avant d’être une construction. Soit l’ombre ou l’écho de ce que ce pénultième épisode aurait pu et dû être dans une autre timeline où les causalités auraient conservé une inertie, et où le temps s’écoulerait à la même vitesse que dans la nôtre
Imaginons une uchronie heureuse où Rick Berman n’ait pas été remercié en 2006 et où la nouvelle direction de Paramount/CBS lui ait imposé les codes et un budget de super-production pour relancer de façon putassière Star Trek (en lieu et place d’un JJ Abrams et d’un Alex Kurtzman). Eh bien, cela aurait pu donner un produit hybride de ce genre...
Dans une large mesure, The Orville 03x09 Domino est un film Kelvin (de type ST 2009)... mais qui aurait été signé par les auteurs historiques les plus brillants de la franchise bermanienne (e.g. Brannon Braga quoi). C’est-à-dire du spectacle à gogo et un étalage de fric ("space diving" inclus), une multitude de simplismes et de facilités bancales comme aiment à les accumuler les blockbusters (starwarsisé ou disneyisé ce qui est d’ailleurs aujourd’hui synonyme)... MAIS néanmoins — ce qui change tout — sans reboot/remake qui tuerait le worldbuilding, avec un cœur philosophique à la bonne place, et offrant de vrais dilemmes moraux pour un fond authentiquement trekkien... quoique sans aucune contrainte de réalisme.
Alors oui, c’est infiniment mieux que le #FakeTrek de Secret Hideout, mais cela reste significativement moins bien que Star Trek ! Quelque part à mi-chemin entre les deux, on rencontre ce somptueux sous-Trek dont le défaut premier est de manquer cruellement de rigueur (hors autodérision assumée). Mais par les temps de disette SF actuels et après treize ans de tournantes kurtzmaniennes, cela peut suffire à séduire et même à... subjuguer.
Et voilà probablement pourquoi The Orville 03x09 Domino est l’épisode le mieux noté de la série — et même de tout Star Trek depuis 1966 (1964) ! — dans les "charts" US, IMDb en tête. Un triomphe populaire sans précédent !
Dont acte. Attention cependant à ne pas surévaluer — par faim ou frustration — un opus capiteux et alliciant au premier visionnage, mais qui ne survivra pas forcément à l’épreuve des revisionnages (fatalement davantage critiques), du logos et de la postérité.
Sans doute retrouve-t-on ici le talentueux Brannon Braga du serial 24 (24 heures chrono) (saisons 7 et 8). Mais l’ambition praxéologique folle de The Orville 03x09 Domino — compressant la diégèse d’une saison entière en un seul épisode — réclamait plutôt le génial Brannon Braga des indépassables ST TNG, ST VOY et ST ENT...
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