Star Trek Picard : Critique 2.04 Watcher

Date : 28 / 03 / 2022 à 14h30
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STAR TREK PICARD

- Date de diffusion : 25/03/2022
- Plateforme de diffusion : Prime Video
- Épisode : 2.04 Watcher
- Réalisateur : Lea Thompson
- Scénaristes : Travis Fickett, Juliana James et Jane Maggs
- Interprètes : Patrick Stewart, Alison Pill, Isa Briones, Evan Evagora, Michelle Hurd, Santiago Cabrera, Jeri Ryan

LA CRITIQUE

L’épreuve de Discovery 04x13 Coming Home fut telle que Frank est parti en soins intensifs sur Risa. Nous lui souhaitons un bon rétablissement et espérons le retrouver bientôt, fidèle au poste…

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu (forcément riche en spoilers), veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

Les showrunners ont beau changer (Michael Chabon hier, Terry Matalas aujourd’hui), la série Picard obéit toujours à la même structure narrative… payée en crédit revolving : du géocaching à travers l’espace et/ou le temps en quête d’un improbable MacGuffin interchangeable… avant qu’un autre prenne le relai. Dans Picard 01x05 Stardust City Rag, la "Picard team" trouvait enfin Bruce Maddox ; dans Picard 02x04 Watcher ce sera – comme son titre l’indique – l’agent spatiotemporel en prise avec la divergence temporelle génératrice de l’hyper-dystopie godwinienne dans laquelle Q avait expédié Picard et ses cinq compagnons (au cours du second épisode de la deuxième saison).

Il aura fallu attendre un épisode complet après l’arrivée mouvementée à La Barre en Haute-Saône (Bourgogne) dans Picard 02x03 Assimilation pour que l’un des membres d’équipage songe comme une fleur à activer les boucliers occulteurs de La Sirena (cadeau de la Confederation). Rien de plus naturel que nul n’ait songé à le faire (pas même la reine borg) avant le crash du vaisseau alors que c’était pourtant bien là que le risque de détection par les humains du 21ème siècle était le plus grand. L’idiocratie discoverienne semble contagieuse...

Jurati et Picard vont alors se balader nuitamment dans le Château Picard, totalement désaffecté et insalubre à cette époque. Sa famille s’était réfugiée en UK durant l’occupation nazie (effectivement La Barre était bien en Zone occupée), mais... contre toute attente elle ne sera pas revenue en France à la Libération, laissant la propriété à l’abandon durant près d’un siècle, soit une situation invraisemblable et sans équivalent dans le monde réel. La tonalité de la narration par Picard suggérerait presque que la souillure nazie aurait rendu la France infréquentable durant des décennies... Un effet de la cancel culture ?
L’amiral est alors assailli par des flashbacks de son enfance passée dans ces mêmes murs dans le futur – "souvenirs d’événements qui n’ont pas encore eu lieu" (comme aurait pu l’écrire Pierre Christin dans Valérian).
Puis par un jeu de coïncidences numérologiques (15 billes sur le boulier, 15ème volume de l’Encyclopedia Britannica, un Pinot noir du millésime 1915), Jean-Luc en déduit qu’Agnes a inconsciemment glané dans l’esprit de la reine borg la date exacte du point de bascule, à savoir le 15 avril 2024… c’est-à-dire seulement trois jours après (la scène se déroulant le 12)... et donc plusieurs mois avant la mort (même prématurée) de Gabriel Bell et la venue de Benjamin Sisko (en août-septembre 2024) dans ST DS9 03x11+03x12 Past Tense. Comme dans les derniers épisodes de la quatrième saison de Discovery, il ne manquait qu’un compte à rebours pour insuffler artificiellement de l’urgence, histoire de ne laisser aucune chance à la profondeur et la contemplation, mais surtout pour que la vacuité scénaristique n’apparaisse pas dans toute sa béance.

Picard est donc téléporté par Jurati aux coordonnées que cette dernière avait soutiré à la souveraine déchue… Mais surprise, l’amiral se matérialise exactement devant le même bar "10" tenu par Guinan que dans Picard 02x01 The Star Gazer… mais quelques 377 ans plus tôt ! Et pour tout "Watcher" (ou Guetteur en VF), Picard y rencontrera… Guinan… mais dans un version toute jeune (interprétée par Ito Aghayere).
Cette forme d’invariance d’implantation dans un même établissement durant presque cinq siècles, "d’abord" (en 2501) hommage et "finalement" (en 2024) préfiguration (le "10" faisait clairement référence au Ten Forward de l’USS Enterprise D de ST TNG), tiendrait de la facilité d’une série en panne d’imagination qui, malgré les années-lumière et les siècles d’écart, conduirait toujours les mêmes personnages à se croiser encore et encore. Mais c’est moins l’audace de L’année dernière à Marienbad d’Alain Resnais (1961 que le travers typiquement kurtzmaniens du "VIP syndrom" dans un micro-multivers...
Bien loin d’une prédestination transcendante par-delà le temps et l’espace, les échanges entre Guinan et Picard ne réussissent même pas à être émouvants – tous juste triviaux – puisque la jeune et sémillante El-Auriane recastée ne reconnait pas ce vieillard cacochyme qui vient frapper à la porte de son bar au moment où elle s’apprête à cesser son activité… conduisant Jean-Luc à une séance de mendicité qui renforce encore davantage le sentiment misérabiliste affligeant sa prestation depuis le début de la seconde saison...

La plupart des trekkers auront le réflexe instinctif de s’indigner de la lourde rupture de continuité qui frappe cette scène de non-retrouvailles, fade et faussement mythique. En effet, le mémorable diptyque ST TNG 05x26+06x01 Time’s Arrow avait scellé en 1893 – soit 131 ans avant 2024 – la première rencontre entre Picard et Guinan. Et comme cette dernière est manifestement en pleine possession de ses moyens (et n’a jamais souffert de prosopagnosie), il est choquant qu’elle ne reconnaisse par cet ami bien particulier qui l’a si fidèlement accompagné durant son exceptionnelle longévité multicentenaire et multiverselle… à croire que la série ST TNG n’a jamais existé.
Mais face au tollé suscité outre-Atlantique, c’est justement l’argument que Terry Matalas est venu invoquer dans une communication postérieure à la diffusion de l’épisode : puisque dans la timeline dystopique créée par Q (et d’où provient Jean-Luc), ST TNG 05x26+06x01 Time’s Arrow n’a pas eu lieu, Picard n’a pas accompli de voyage temporel en 1893, et Guinan ne l’a donc jamais rencontré avant 2024.
La justification du showrunner, au demeurant évidente même sans ses déclarations, tient la route de prime abord… mais ne survit pas à un examen minutieux. Car le gros hic, c’est que ce type de raisonnement engendre un effondrement entropique : si les événements de ST TNG 05x26+06x01 Time’s Arrow n’ont pas eu lieu en 1893, alors cela signifie que Picard 02x04 Watcher ne se déroule de facto pas dans la timeline de ST TNG, et que le point de divergence entre les lignes temporelles n’est pas sis le 15 avril 2024 mais a minima en août 1893 (voire bien avant). Par extension, cela implique que tous les autres voyages temporels vers des points antérieurs de la chronologie n’existent plus, tout comme les altérations/corrections corollaires obéissant souvent au Pogo Paradox ou paradoxe de prédestination (ST TOS 01x28 The City On The Edge Of Forever, ST TOS 01x21 Tomorrow Is Yesterday, ST IV The Voyage Home, ST DS9 04x08 Little Green Men, ST DS9 06x13 Far Beyond The Stars, ST VOY 03x08+03x09 Future’s End, ST ENT 03x11 Carpenter Street… sans compter tous les voyages qui n’ont pas été mis en scène i.e. off screen avec d’éventuels autres équipages), ce qui a fatalement engendré une timeline multiplicativement et rétroactivement alternative. Dès lors, la restauration de continuité ambitionnée par les héros de la série devient un projet sans objet ou incohérent puisqu’ils sont déjà embarqués sur d’autres rails… comme dans Back To The Future Part II (1989) lorsque le vieux Biff Tannen avait regagné avec le plus grand naturel un futur qui n’existait pourtant plus (rien que pour que les héros puissent ensuite corriger la déviance).
Malgré l’expertise de Terry Matalas, l’audit temporel de la série Picard ne dépasse visiblement pas la bidimensionnalité d’un HG Wells, comme si nul ne comprenait que dans une réalité où le voyage vers le passé existe et a déjà été massivement utilisé, une altération temporelle possède fatalement des effets antérieurs à la cause. Il est ici une naïveté (ou un simplisme) qui est aussi indéfendable que la politique de l’autruche pratiquée par l’UFP idiocratique du 32ème siècle prétendant interdire tout voyage temporel dans les troisième et quatrième saisons de ST Discovery...

Pour ne rien arranger, sans toutefois dénier à Ito Aghayere le charisme de son interprétation, ce recast est particulièrement malvenu. Car autant il est légitime de remplacer l’interprète d’un personnage pour le figurer à autre âge (par exemple nettement plus juvénile), autant ce procédé rencontre ses limites du fait de l’existence (quand bien même désormais alternative) de ST TNG 05x26+06x01 Time’s Arrow… puisque c’est justement Whoopi Goldberg elle-même qui y interprétait une Guinan de plus d’un siècle de moins (une durée loin d’être anodine même pour les El-Aurians) ! Ito Aghayere a donc la mission ingrate de "s’insérer" chronologiquement entre une Whoopi Goldberg plus jeune et une Whoopi Goldberg plus âgée, ce qui a surtout pour effet de renforcer la sensation de schizophrénie d’une timeline aussi distincte de l’originale que celle de Kelvin, et cela avant même le 15 avril 2024 de la prétendue bascule fatale...
Mais c’est surtout par son tempérament et son comportement qu’il est bien difficile de reconnaître ici Guinan, si loin de cette sagesse ineffable et de ce discernement singulier. Soit un retcon de plus, impliquant un inexplicable reboot de typo que l’argument du jeune âge serait bien impuissant à expliquer du fait même de "l’encadrement temporel" par le personnage bien distinct incarné par Whoopi.
Pis encore, la pression woke a conduit les scénaristes à faire tenir à l’El-Auriane 2.0 des propos contemporano-centrés voire nauséabonds en totale contradiction avec son extranéité...
- Par exemple lorsqu’elle perd inexplicablement son altérité alien (dont le phénotype n’était porteur d’aucune stigmatisation tant il était sans signifiance aucune à l’échelle de son espèce extraterrestre) pour adopter soudain tous les tropismes typiquement afro-américains et ainsi culpabiliser Jean-Luc pour les "privilèges" de sa couleur de peau (« You know who has the luxury of patience here ? Someone who looks like you and not like me »). Une régression idéologique d’autant plus invraisemblable en internaliste que Guinan évoluait avec aisance dans l’Amérique de 1893, pourtant bien davantage sujette aux préjugés et iniquités de la ségrégation raciale dans l’ombre de la guerre de Sécession. C’est à croire que le wokisme de salon a pris le pas sur le luttes progressistes véritables. Mais il faut dire que les dialogues de Picard 02x04 Watcher témoignent de ce nombrilisme et géocentrisme typiquement hollywoodien (le sentiment d’être le centre du monde) qui conduit à gonfler jusqu’à l’obscénité les problèmes sociaux étatsuniens (au demeurant très relatifs) tout en ignorant complaisamment les tragédies qui sévissent dans "les restes du monde".
- C’est ainsi que cette Guinan retconée aura le culot de balancer à Picard « This century ? It took off a hood and put on a suit. » (traduit en VF par « Ce siècle a montré son vrai visage » pour suggérer une aggravation par rapport au précédent) en pointant les SDF de la Mission de la 21ème rue de L.A.... comme si cette injustice sociale USA-made de ce 21ème siècle naissant surclassait en horreur les centaines de millions de morts des nombreux génocides ayant émaillé le 20ème siècle ! Une indécence mémorielle d’autant plus ubuesque que la pseudo-utopie dont Jean-Luc se réclame a quant à elle poussé la turpitude jusqu’à exterminer des espèces sensients entières...
Somme toute, Guinan 2.0 ne s’exprime plus du tout comme une extraterrestre (et encore moins comme l’extraterrestre hors norme et haut perchée qu’elle fut dans Star Trek), mais comme une quelconque Afro-Américaine pour qui Black Live Matters serait le seul point de mire de l’historicisme. Or que ce conditionnement voire cette "assimilation" USA-morphe d’un personnage alien soit intervenue en l’an 2024 – alors qu’il n’en était aucunement question durant l’inique et cruel 19ème siècle – prouve que l’idéologie et la propagande l’ont emporté sur le réel dans le logiciel de la série...
Du coup, c’est à se demander quel modèle la série Picard défend vraiment derrière son "prêt-à-penser" démagogique et conformiste ? Mais il est en tout cas certain que la nouvelle Guinan vendue par Picard 02x04 Watcher est aussi éloignée de la Guinan historique que l’est la Fédération kurtzmanienne de la Fédération roddenberro-bermanienne.
Tandis que transparait toujours cette volonté rampante d’avoir le beurre et l’argent du beurre : les scénaristes convoitaient de toute évidence un personnage radicalement nouveau pour accueillir Picard au 21ème siècle, mais ils ne pouvaient renoncer au fan-service le plus racoleur... Et c’est ainsi que le fétichisme devient un perpétuel vecteur de trahison. L’antithèse même du worldbuilding...
En sus, les scénaristes n’ont aucun scrupule à jouer sur les deux tableaux, i.e. à tricher diégétiquement. Car Picard a beau lui révéler qu’il vient du futur et qu’il connait son identité El-Auriane, puis lui promettre un avenir meilleur (du moins si la timeline est corrigée) pour tenter de la remotiver à tenir son bar quelques jours de plus et ainsi honorer sa "fonction" présumée de Watcher, la Guinan 2.0 – désillusionnée par l’humanité – reste sourde aux suppliques désespérées du vieil homme.
Mais aussitôt que Jean-Luc lui révèle son nom et sa provenance, alors aussi sec, l’El-Auriane le prend au sérieux et le conduit sans discuter à la vraie Watcher (qu’elle n’est finalement pas elle-même mais qu’elle connait personnellement et avec qui elle s’entend mal) ! La séquence a d’ailleurs quelque chose de surréaliste : « - My name is Jean-Luc Picard. 400 years from now, you will be my oldest and dearest friend. / - Picard, huh ? Yes. Shit. Get in. You’re looking for a Supervisor, otherwise known as a Watcher. They’re peppered through the galaxy, assigned to protect the destiny of certain individuals. Assigned by whom ? And what do you mean by destiny ? You know, it’s all kinds of vague. They’re not big explainers. They see themselves as kind of guardian angels. No humility problem there. Anyway, I-I can get you a face-to-face. Sort of. »
Du coup, faudrait savoir : Guinan connait-elle Picard ou pas ? Si ce dernier n’appartient qu’au futur (de plus un futur qui n’existe plus) et non au passé, comment l’El-Auriane pourrait-elle le connaître sans être precog ? Et quid de reconnaître son nom mais pas son visage ? Par ailleurs, Guinan est-elle décliniste et incrédule sur la possibilité d’un avenir utopique ou bien sait-elle que la Fédération adviendra ? Auquel cas tout son échange initial avec Jean-Luc fut hypocrite, mais alors pourquoi soudain décider de l’aider ? Par ailleurs, comme ST TNG 05x26+06x01 Time’s Arrow (la conséquence) ne s’est pas répercutée sur le 19ème siècle, alors l’existence potentielle future de la Federation (la cause) ne devrait pas impacter anticipativement le présent à travers les réactions de Guinan du fait de la prévalence de la timeline de la Confederation dystopique (en l’absence de correction/altération active). Et puis, pourquoi l’El-Auriane fait-elle de l’humanité contemporaine le référent électif de toute chose, à croire que sa propre civilisation – pourtant incomparablement plus avancée – est insignifiante et dépourvue de rôle historique ?
Autant de contradictions et/ou d’impératifs d’omniscience inexplicables par le seul Af-kelt (ou "time sickness") dont l’El-Auriane avait fait montre dans ST TNG 03x15 Yesterday’s Enterprise et que Picard convoque explicitement ici... alors qu’il ne pouvait normalement pas s’en souvenir étant donné le reboot par laquel s’achevait cet épisode déterminant de la nouvelle génération.
Manifestement, nous ne retrouvons pas ici le Terry Matalas qui avait utilement assisté l’inégalable Brannon Braga en de fastes temps trekkiens, mais le Terry Matalas des outrances capillotractées de 12 Monkeys, une série dont la mécanique temporelle – à force de surenchères lostiennes – se prenait trop souvent les pieds dans le tapis…
Ce qui est finalement raccord avec le "système Kurtzman" qui ne sait jamais trop dans quelle "timeline" il in/évolue, son ambiguïté et sa fluidité (de genre) conférant un perpétuel joker à un worldbuilding effondré (et éclaté).

La surprise in-universe tient au fait que la Watcher (à laquelle Guinan conduit Picard) se révèle être en réalité une Supervisor, c’est-à-dire une membre de la mystérieuse organisation alien à laquelle appartenait Gary Seven dans ST TOS 02x26 Assignment : Earth, le pilote du premier spin-off avorté (1968) de la série originale et dont les aventures se sont poursuivies à partir de 2008 dans l’univers étendu en comics sous la plume de l’excellent John Byrne...
Une exhumation archiviste pour le moins inattendue, mais "syndrome VIP" oblige, il fallait absolument que ladite Supervisor soit interprétée par Orla Brady... pour en faire une sosie – mais apparemment humaine (i.e. sans oreilles pointues) – de la fidèle Romulienne Laris (que Jean-Luc croira reconnaître)... née pourtant bien des siècles dans le futur ! Ben voyons... Clone ? Aïeule ? Descendante ? La série Picard va-t-elle nous la faire Sela / Tasha Yar à l’envers ?!
Il n’y aurait rien d’étonnant que cette seconde saison de Picard soit en réalité une étude de marché gratos en prévision de la résurrection du spin-off Assignment : Earth (ce que la série Earth Final Conflict avait déjà tenté de faire en 1997). Le coucou Secret Hideout investit décidément tous les recoins du nid...

Après leur disparition dans un portail de téléportation vaporeux (façon ST TOS 02x26 Assignment : Earth), l’épisode s’achève par un épilogue où la lointaine aïeule de Jean-Luc, la jeune astronaute Renée Picard (interprétée par Penelope Mitchell), lit sur un banc un roman de Dixon Hill (comme par hasard...), avant de s’embarquer pour la fameuse Europa Mission. Elle sera donc "ce premier" Picard à quitter la Terre dont il était question dans ST Generations, et elle porte curieusement le même prénom (au féminin) que feu le neveu René de Jean-Luc.
Or Q la surveille de près... Mais en tentant de la contrôler à distance, il découvre soudain qu’il a perdu ses pouvoirs !
Quel cliffhanger de ouf ! Enfin bon, l’essentiel est que cette dramédie se passe en famille...

Parallèlement, afin de retrouver Rios dépourvu de combadge et embarqué par "la Migra" en l’absence de papiers d’identité, Raffi & Seven se lancent le diable au corps dans un trip Thelma & Louise (1991) mais davantage à la manière de Tony que de Ridley Scott. L’esprit abramsien de Kelvin irrigue plus que jamais l’épisode car Seven maîtrise instantanément les véhicules thermiques contemporains – et en mode pilote de Formule 1 s’il vous plait – exactement comme Kirk gamin dans ST 2009... au mépris du réalisme de ST TOS 02x20 A Piece Of The Action (qui assumait quant à lui l’écart civilisationnel et l’obsolescence de la conduite automobile à l’ère trekkienne).
Objectif : se payer du buddy movie en mode desesperadas, être les plus voyantes et bad ass possibles, piquer les bagnoles des condés, jouer aux matadors avec les pandores, se retrouver avec tous les flics du pays au cul, faire un maximum de casse, et donc pourrir au maximum la timeline juste pour le fun... tout en ne manquant jamais une occasion d’anathématiser ces abjectes forces de l’ordre pratiquant pour le seul vice et en toute impunité la "chasse aux immigrés".
Il faut dire que sur ce terrain-là, Picard 02x04 Watcher n’y va pas de main morte : les affreux agents de l’ICE sont exclusivement de virils mâles caucasiens qui traquent avec leurs grosses pétoires de pauvres et innocents immigrés latinos – tous plus gentils et mignons les uns que les autres ! L’épisode tente même d’établir un parallèle indigne et manipulatoire avec Nuit et Brouillard en suggérant leur disparition pure et simple aux mains des autorités US... qui pratiqueraient en somme une politique d’extermination ! Soit un narratif à la fois calomnieux, complotiste, et grossièrement bas du front avec de possibles effets contreproductifs, car des propagandes aussi manichéennes et décontextualisées sont précisément celles qui alimentent en réaction les votes populistes exutoires. Décidément, les scénaristes ne semblent jamais avoir vu avec quelle finesse, pertinence et distanciation le Star Trek historique objectivait le décryptage du monde contemporain (cf. ST TOS 01x28 The City On The Edge Of Forever, ST TOS 02x16 A Private Little War, ST DS9 03x11+03x12 Past Tense, ST DS9 06x13 Far Beyond The Stars, ST ENT 03x11 Carpenter Street, ST ENT 04x01+04x02 Storm Front...).

Au passage, à chaque minute de temps d’écran, Raffaela Musiker démontre un peu plus qu’elle ne constitue en aucune façon du "Starfleet material" : caractérielle, incontinente, inconséquente, irresponsables, incontrôlable, incapable de se contenir ni de suivre le moindre ordre, motivée uniquement par son égo et ses humeurs... Dès lors, il est proprement incompréhensible qu’elle ait atteint le grade de commander et ait été réintégrée dans Starfleet en début de seconde saison avec en cadeau le commandement de l’USS Excelsior. Dans le règne des favoritismes VIP-centrés, Michael Burnham est comparativement une crème d’officière...
Accessoirement, il faut voir aussi avec quelle suffisance Raffi toise la technologie du 21ème siècle pour être encore en réseau (lui permettant cependant de localiser Rios dans les bases de données gouvernementales depuis un véhicule de police). Une posture méprisante qui jure vraiment lorsqu’on songe à la cause même de toute cette improbable aventure picaresque, à savoir la reine Borg 2.0 qui s’était emparée en 2501 dans Picard 02x01 The Star Gazer de toute la flotte de Starfleet car icelle était précisément... en réseau ! C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité, mais il est probable que les scénaristes n’y aient même pas songé... Ils ont beau se piquer d’écrire des saisons hautement serialisées, leur sens de la continuité ne dépasse guère le champ d’un seul épisode (et encore) !

Au terme d’un rodéo urbain dans le sillage de la T-X dans Terminator 3 : Rise Of The Machines (2003) de Jonathan Mostow, les Starsky & Hutch (ou Tango & Cash) "genderswapées" seront téléportées par Jurati de façon spectaculaire au nez et à la barbe d’une patrouille de police (et "fu**" le "ripple effect") à destination du trajet qu’emprunte le bus emportant Rios prisonnier. Son interception musclée par les deux vigilantes du futur conditionnel sera pour l’épisode suivant...
By the way, une téléportation toujours aussi impossible sans satellite dédié, puisque émanant de La Sirena crashé en Bourgogne et dont la ligne de mire France-Californie est une corde qui traverse en profondeur le manteau terrestre..
De son côté, Agnes aura réussi à restaurer l’énergie de La Sirena grâce à l’aide de la souveraine borg... en contrepartie de la promesse (non tenue pour le moment) de se livrer à elle. Eh oui, Jurati a une touche, mais elle est bien éduquée (ne jamais céder le premier soir). Depuis Picard 02x03 Assimilation quand la Borg tentait de négocier l’appropriation de La Sirena en révélant à Jean-Luc à quel point elle avait soif de "connexion" – « a chorus of thoughts to drown the gnawing silence (un chœur de pensées pour noyer le silence rongeur) », – il faut bien dire que la reine se sent désespérement seule sans son collectif d’esclaves. Autant dire une parfaite occasion pour confesser son attraction sapiosexuelle (et masochiste) pour la cybernéticienne (qui a si bien réussi à la soumettre). Ben oui, dans le BDSM, les dominants rêvent toujours d’être dominés au pieu.
Miam. Un vrai roman de gare... avec à peu près la même maturité psychologique et politique. Est-ce vraiment devenu le seul horizon du #FakeTrek ?
Avec à la clef un énième retcon... touchant cette fois au paradigme borg... qui cesse d’être le collectivisme ultime dont la reine était l’émanation (dans Star Trek) pour devenir désormais le fascisme ultime dont la reine serait le führer (dans le KurtzTrek). En fait, davantage qu’un retcon... un pur révisionnisme !

Outre les tubes californiens branchouilles qui rythment la BO extradiégétique de chaque épisode de la seconde saison de Picard, la série ne se départit pas non plus de sa détestable habitude de saturer le champ d’expression de name dropping et de clins d’œil putassiers à l’attention des trekkies. Hélas à chaque fois, dans le meilleur de cas, cela compresse l’univers (moyennant un algorithme de compression avec pertes et effet de rétrécissement au lavage) ; dans le pire des cas, cela induit des incohérences et des WTF supplémentaires (comme s’il n’y en avait pas déjà assez...). Deux illustrations :
- Gourmandise dédiée aux nostalgiques et caméo dont Terry Matalas semble très fier : un punk fait ronfler sa sono portative dans un bus public, Seven lui demande alors poliment mais fermement d’éteindre cette nuisance sonore... et contre tout attente, celui-ci s’exécute docilement ! La référence à la scène culte de ST IV The Voyage Home est évidente. Mais les showrunners ont poussé la fan-liturgie jusqu’à faire jouer ce rôle au même acteur (au prénom prédestiné), Kirk R. Thatcher, pas moins de 36 ans après ! Or s’il est bien entendu possible que cet énergumène ait par lui-même un minimum évolué in-universe durant ce considérable laps de temps (il est quand même toujours punk à soixante balais), l’idée première qui vient à l’esprit des spectateurs est qu’il a su tirer quelques leçons de sa rencontre pour le moins tétanisante avec Spock (et son célèbre "vulcan neck pinch"). Surtout que celui-ci fait un geste connivent en direction de sa nuque en entendant la remarque autoritaire de Seven... Ce qui signifierait alors que ST IV The Voyage Home a bien existé dans cette timeline... contredisant alors directement l’hypothèse de l’inexistence de l’UFP et de ST TNG 05x26+06x01 Time’s Arrow supposé expliquer que Guinan ne reconnaisse pas Picard (tout en le reconnaissant quand même un peu lorsque ça arrange les scénaristes). Quant à imaginer à la place un Dark-Spock et un Dark-Kirk de la Confederation qui seraient venus eux aussi chercher des baleines en 1986, non seulement cela reviendrait à accentuer encore davantage la confusion impropre entre une timeline distincte et un univers énantiomorphe, mais surtout la xénophobie et le racisme systémiques de la Confederation ne devraient logiquement laisser aucune place à la venue d’un Vulcain même en version Dark.
- Après avoir fait ses adieux langoureux (et violoneux) à Teresa Ramirez la belle doctoresse latino au grand cœur (relâchée quant à elle car citoyenne américaine), et avant d’être embarqué dans le bus-dont-on-ne-revient-pas, lassé de ne pouvoir fournir de justificatif à La Migra, Cristóbal se lâche et balance avec truculence son identité et sa provenance au grand complet à un agent de l’ICE ! C’est bien sûr une pesante référence à ST TOS 01x21 Tomorrow Is Yesterday. Mais ce faisant, c’est en même temps un risque considérable de polluer la timeline. La grosse différence avec Rios est que Kirk s’était donné les moyens d’effacer son ingérence temporelle. Il est frappant de voir comme la série originale, remontant pourtant aux années 60, était soucieuse de mettre en scène des personnages qui se préoccupaient vraiment de préserver la continuité (alors qu’ils venaient pourtant juste de découvrir la possibilité du voyage temporel) ! De même, longtemps avant la fondation de l’UFP et la proclamation de la Prime Directive, Archer et son équipage étaient prêts à mourir pour ne pas contaminer le développement des autres civilisations (cf. e.g. ST ENT 02x08 The Communicator). Mais dans la série Picard, alors que la "réparation" de la timeline est pourtant un enjeu civilisationnel et universel plus que majeur (outre d’être le fil rouge de la seconde saison), par leurs comportements et leurs actes, les protagonistes se contrefoutent totalement de l’effet papillon. Leur virée dans le présent n’en est que plus absurde et nonsensique, telle une séance récréative en holodeck.

Évidemment, l’implication de Q pourrait toujours servir de joker aux showrunners pour "couvrir" n’importe quelle incohérence envers les lois naturelles/physiques et la continuité. Mais si Q devient un "alibi TGCM" donc anti-SF (ce que pourtant jamais il ne fut dans le real Star Trek), autant considérer tout de suite que la seconde saison de Picard est une gigantesque virtualité... comme gagnerait à l’être d’ailleurs le KurtzTrek dans son ensemble.

Conclusion

Avec la découverte du premier MacGuffin de la seconde saison, le serial et le jeu de piste se poursuivent donc de plus belle... mais dans un bac-à-sable lilliputien où les potentialités exploratoires et stimulantes s’échouent sur les écueils dérisoires du fan-service (miniaturisation contextuelle résultant d’un balisage d’emprunts, de références, ou d’Easter eggs) et du soap (VIP-only, sosies, liens familiaux, entre-soi égocentrés, interconnexions circulaires en tous lieux et en tous temps...).
La (para)logique temporelle laisse de plus en plus à désirer... Mais le plus lourd et le plus contreproductif est encore la prétention de Picard 02x04 Watcher à délivrer de pseudo-messages politiques pompeux et bienpensants qui se révèlent aussi tendancieux que simplistes... tant l’empressement des showrunners (et de Patrick Stewart) est grand à influencer les scrutins électoraux du présent.
Donc, surtout, retenez la leçon : votez "bien", votez Démocrate si vous tenez à ce que "l’utopie trekkienne" voie le jour. Du moins sa version révisionniste by Alex Kurtzman où l’universalisme s’est fait dévorer par le wokisme... et qui est synonyme d’USA sans SDF ni police migratoire, mais avec bien davantage de techno et de cynisme, et surtout un "droit" de vie et de mort sur toutes les civilisations de la galaxie "autorisant" quelques génocides au besoin, tandis que des puces vaccinales intrusives marqueraient à la culotte tous les citoyens de l’UFP 2.0 cyber-orwellienne au nom des dictatures conjointes de l’hygiénisme et de la transparence.
Rien d’étonnant alors que l’UFP ait autant donné envie et fait rêver des générations d’idéalistes de 1964 à 2005... pour être progressivement devenue depuis l’avènement du NuTrek en 2009 la championne des repoussoirs.

Alors certes, subsiste une certaine curiosité (malsaine ?) à découvrir la suite du serial... mais sans pour autant réussir à y "croire" une seule seconde tant la sensation d’artificialité l’emporte (aussi bien en internaliste qu’en externaliste).
En gros, la seconde saison de Picard, c’est un peu n’importe quoi question SF... lorsque ce n’est pas franchement le niveau zéro. Mais OSEF n’est-ce pas... puisque le véritable objectif est de promouvoir sans complexe un agenda politique "doxa-approved", donc cliché, tautologique, lourdingue, culpabilisant, repentant, contradictoire, au ras des pâquerettes.
Mais en dépit des serial-retcons ad nauseam, les madeleines de Proust y sont si nombreuses que ça peut rendre d’aucuns indulgents voire transis...
Hélas, lorsque l’idéal trekkien universaliste est à ce point trivialisé, détourné, dénaturé, contrefait, frelaté, reformaté, empaillé, conditionné, instrumenté, finalement compacté et enfermé dans une boîte de conserve, une pochette surprise, un tract, ou un "fortune cookie"... c’est probablement pire encore que le renoncement assumé à tout idéal trekkien.

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