Star Trek Strange New Worlds : Critique 1.01 Strange New Worlds
STAR TREK STRANGE NEW WORLDS
Date de diffusion : 05/05/2022
Plateforme de diffusion : Paramount+
Épisode : 1.01 Strange New Worlds
Réalisateur : Akiva Goldsman
Scénaristes : Akiva Goldsman & Alex Kurtzman & Jenny Lumet
Interprètes : Anson Mount, Ethan Peck, Rebecca Romijn, Jesse Bush,Christina Chong, Celia Rose Gooding, Melissa Navia et Babs Olusanmokun
LA CRITIQUE FM
Après deux saisons d’affilée de Star Trek Discovery, puis de Star Trek Picard qui ont redéfini la notion même de calamité, c’est peu de dire que l’arrivée de Star Trek Strange New Worlds sur Paramount+ était attendue de pied ferme par les amateurs de Star Trek.
D’abord, parce que le trio de tête (Anson Mount, Ethan Peck et Rebecca Romijn) avait déjà eu l’occasion de faire ses preuves en saison 2 de Discovery et que c’était une des seules raisons d’apprécier la saison. Ensuite, parce que les infos glanées ici et là, comme les images et teasers montrés de la série, semblaient être une promesse de délivrer enfin une vraie et authentique série Star Trek. Alors qu’en est-il ?
Il faut d’abord dire que ce n’est qu’un premier épisode. Depuis la renaissance de la franchise entre les mains d’Alex Kurtzman, le monsieur nous a habitué à nous délivrer la plupart du temps un excellent épisode en introduction avant de laisser la saison tranquillement, mais surement, aller dans le fossé. Bref, prudence et méfiance, mon avis ne vaut que pour ce premier opus.
Mais bon dieu, que c’est bon de revoir un Star Trek qui ne soit pas un véhicule à dix épisodes pour une menace intergalactique capable d’annihiler la moitié de la galaxie. Avec ce seul épisode, j’ai retrouvé des sensations que j’avais enterré dans mon esprit depuis le décès prématuré de Star Trek Enterprise. J’en étais déjà persuadé avant, mais cela se confirme avec ce premier épisode. Star Trek n’est pas conçu pour feuilletonner ad nauseam sur un danger intergalactique, Star Trek est fait pour plonger ses protagonistes dans un questionnement pour qu’ils apportent une solution avant la fin de l’épisode. Bref, Strange New Worlds respecte à la base et pour l’instant cet adage. Cela change tout.
Ensuite, Star Trek, c’est également une proposition philosophique de vie, celle de montrer une humanité en paix avec elle-même, capable de vivre avec des êtres fondamentalement différents et de trouver des solutions à toute difficulté. C’est une série qui a dans son ADN cette notion de progrès et de respect qui produit cette société utopique. Discovery a essayé à maintes reprises de trouver cette voie, mais de concepts marketing mal digérés en combats sans nuances pour les droits des minorités, le plantage était presque total.
En choisissant une première intrigue autour de la Prime Directive, Akiva Goldsman, réalisateur, scénariste et co-créateur de cette série, ne prend pas de trop grands risques. Cela permet de commencer en terrain connu, sachant que comme toute loi fondamentale, c’est souvent en y contrevenant que les protagonistes de la franchise arrivent à offrir une solution.
Sur l’attitude des personnages, je remarque qu’il y a enfin un retour à une forme d’autorité et de respect militaire dans les comportements. Et non, la désinvolture de personnages comme Stamets, Tilly, Raffi ou Rios n’ont pas l’air d’avoir leur place à bord de l’Enterprise. Et ce, même si la série offre des profils psychologiques variés aux personnages. Quand Pike donnera un ordre direct, je n’ai pas l’impression que quelqu’un le contestera comme cela s’est passé un trop grand nombre de fois cette année sur le Discovery. Bref, bye bye l’USS Club Med.
On ne reviendra pas sur le charisme d’Anson Mount, il est juste parfait dans le rôle de Pike. J’ai trouvé qu’Ethan Peck avait pris de l’épaisseur pour interpréter Spock. Je ne parle pas uniquement de sa musculature, mais également de son interprétation. Quant à Rebecca Romijn, elle est trop peu présente dans ce premier épisode pour qu’on puisse juger sa prestation.
J’étais très curieux de voir le reste du casting en action et particulièrement Celia Rose Gooding dans le rôle d’Uhura. Je l’ai trouvé particulièrement à l’aise avec une gestuelle totalement en raccord avec celle de Nichelle Nichols. Fascinant dit mon coté Vulcain ! Le reste du casting est profondément sympathique et donne vraiment envie de les connaître plus. J’étais assez septique sur l’intégration à bord du vaisseau d’une Noonien-Singh et trouve ça toujours un peu bizarre. Pour autant, son interprète, Christina Chong, m’a littéralement emballé. Mon petit bémol se situe sur Vulcain avec la nouvelle T’Pring. Pendant ses scènes avec Spock, je n’ai pas arrêté de me dire que je l’aurais bien vu faisant partie de la famille Kardashian.
Visuellement parlant, Paramount+ a mis les moyens dans les décors et les effets spéciaux. Après la pauvreté visuelle de Star Trek Picard, cela fait un bien fou à nos mirettes. Et que dire de la salle des machines, juste entrevue dans cet épisode. C’est grand, c’est beau et ce n’est pas une usine de bières Budweiser !
Ce premier épisode de Strange New Worlds est donc pour moi une belle réussite. C’est la première fois depuis la fin de Star Trek Enterprise que j’ai la sensation d’avoir revu un vrai Star Trek. Et pour que l’impression dure, il va falloir confirmer ça dans les semaines à venir.
LA CRITIQUE YR
Après tant de pieuses et ferventes prières à genoux devant l’icône enluminée et bénie de St Alex Kurtzman, le miracle s’est-il enfin produit ?
Une série prenant pour cadre le plus légendaire des vaisseaux (l’USS Enterprise NCC-1701 étant à lui tout seul un marqueur d’identité trekkienne) ; des épisodes "stand alone" relatant des histoires se suffisant à elles-mêmes (sans servir de prétexte au retour-de-la-mort-qui-tue-galactique pour un nouveau fil rouge saisonnier) ; des décors suffisamment modernes pour être à la page (mais avec suffisamment de kitcheries vintage pour satisfaire les plus nostalgiques) ; un casting de première classe pour interpréter des officiers convaincants (professionnels, obéissants, flegmatiques, et ne chialant pas dans chaque épisode) ; un renouement avec l’exploration et les allégories planétaires (où les éventuelles transpositions du contemporain ne passeront plus par la Fédération elle-même mais par les civilisations rencontrées) ; des dilemmes moraux et des questionnements existentiels (que seule la bonne SF larger than life peut vraiment traiter) ; un visuel dépaysant et exotique pour faire voyager les spectateurs loin de leur quotidien (et emplir leur tête d’étoiles et de rêves) ; un vrai respect de la continuité internaliste et du worldbuilding (évitant d’aligner plusieurs incohérences et WTF à la minute) ; et une collection de madeleines de Proust pour commémorer ST TOS (tout en ramenant à la bergerie les nostalgiques inconsolables)… voilà ce que Paramount+ promettait à travers son matraquage publicitaire intensif.
Et c’est bel et bien ce que semble semble offrir Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds…
Du moins en première lecture.
Au sortir des #FakeTrek Discovery et Picard — ayant redéfini de nouvelles échelles de nullité — il ne fait aucun doute que n’importe quelle production télévisuelle réussira comparativement à faire mieux ou au minimum "moins pire", a fortiori si celle-ci exhibe la couleur, la saveur, le ramage et le plumage de Star Trek.
Autant dire qu’il est bien légitime d’éprouver une sensation de délivrance, fût-elle de courte durée, après un sombre tunnel de… rien de moins que 17 ans (depuis le final ST ENT 04x22 The Are The Voyages…).
Cependant, l’exaltation hédoniste passée, le réel reprend fatalement ses droits. Et l’objectivation d’une analyse postule le respect d’un barème invariant avec un certain recul (si possible de revisionnage) pour ne pas se laisser enfumer par des effets de surévaluation ou de trompe-l’œil sous l’emprise de la frustration, du désespoir, voire d’un syndrome de Stockholm qui ne dirait pas son nom.
Résumé
Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds se déploie en 2259, soit plusieurs mois (au maximum un an) après Discovery 02x14 Such Sweet Sorrow Part 2 qui s’était achevé par la monstrueuse bataille spatiale (anachronique) contre l’IA Control et le départ (inutile) de l’USS Discovery pour le 32ème siècle (idiocratique)…
Au début de l’aventure, l’USS Enterprise est encore en cale sèche pour réparation (et refit intérieur) dans une station orbitale lunaire de l’UFP, et son équipage titulaire a été en partie dispersé...
Afin de questionner son avenir dans Starfleet, Pike s’est isolé (quoique en couple avec la capitaine Batel) et s’est relâché (barbu comme Jeremiah Johnson) dans sa vaste propriété à Bear Creek, Montana, sous la neige et les éoliennes, et il revisionne pour la énième fois The Day The Earth Stood Still (Le Jour où la Terre s’arrêta...) de Robert Wise (1951) — l’épisode en diffuse d’ailleurs un emblématique extrait (le célèbre discours final de Klaatu à l’humanité).
Spock est sur Vulcain dans la cité de Raal à "marivauder" avec sa "promise" T’Pring (interprétée par Gia Sandhu), et il lui adresse une demande de mariage dans les formes (étatsuniennes)... avant de consommer (façon Sex And The City).
Et Una — dont le nom de famille a été révélé, à savoir Chin-Riley — conduit sur l’USS Archer (du nom du capitaine pionnier du NX-01) une mission de premier contact avec la planète Kiley 279….
Refusant obstinément de répondre aux appels de son communicateur, le capitaine Pike reçoit la visite en navette de l’amiral Robert April (premier commandant historique off screen de l’USS Enterprise NCC-1701). Mission : embarquer sur l’USS Enterprise (désormais fonctionnel) pour partir au secours de sa Number One qui a cessé de donner des nouvelles…
Au prix d’une lourde insistance d’April — tant Pike est hésitant à repartir dans l’espace — ce dernier accepte de reprendre le commandement de son vaisseau. Une rotation de l’équipage sera l’occasion pour le capitaine (et pour les spectateurs) de découvrir au fil de l’épisode les jeunots qui vont constituer le main cast de la série, et qui sont pour la plupart les nouveaux visages recastés de ST TOS :
le Dr M’Benga (interprété par Babs Olusanmokun), médecin officiel du vaisseau (apparu comme subordonné du Dr McCoy dans ST TOS 02x16 A Private Little War et ST TOS 03x14 That Which Survives) ;
l’infirmière Christine Chapel (interprétée par Jess Bush), remplaçant ainsi Majel Barrett Roddenberry (dans le rôle de la plus célèbre soupirante de Spock) dans un style 100% bimbo ;
l’exolinguiste encore cadette Nyota Uhura (interprétée par Celia Rose Gooding) mais ne ressemblant aucunement à Nichelle Nichols (pas même un peu).
À qui s’ajoutent plusieurs nouveaux visages :
la lieutenante Erica Ortegas au pilotage (interprétée par Melissa Navia), assez garçonne et rugueuse ;
le chef Kyle à la téléportation (interprété par André Dae Kim), un vrai adolescent ;
et surtout la XO temporaire et future officière de sécurité La’an Noonien-Singh (interprétée par Christina Chong), descendante de l’infameux Khan et orpheline d’une famille de colons humains torturés et massacrés par les Gorns.
En guise de bonus, la fin de l’épisode réservera même la surprise de la téléportation à bord de l’officier Hammer, un Andorien visiblement Aenar (blanc et non bleu de peau, télépathe precog mais aveugle), quoique au prix d’un retcon cosmétique par rapport à ST ENT 04x14 The Aenar (quoique heureusement pas aussi prononcé que celui des orcs Klingons de Discovery).
Mais surtout, sera affecté sous l’autorité de Spock au département des sciences de la vie de l’USS Enterprise le lieutenant moustachu George Samuel Kirk (interprété par Dan Jeannotte), ami personnel de Pike, frère aîné de James T Kirk, évoqué dans ST TOS 01x09 What Are Little Girls Made Of ? et entrevu après sa mort sur Deneva dans ST TOS 01x29 Operation — Annihilate !).
Arrivé en orbite de Kiley 279, et découvrant que le vaisseau USS Archer est vide, Pike, Spock et La’an s’imposent une thérapie génique pour s’infiltrer au sein de la population indigène à la recherche d’Una et de son équipage. Rapidement, ils comprennent que Kiley 279 n’a pas développé un warp drive autorisant une procédure officielle de premier contact (conforme au General Order 1) mais une warp bomb du fait du grand antagonisme qui oppose les deux blocs rivaux de la planète (une chronologie évolutionniste sans précédent).
Le trio se mêle alors à la population locale, La’an révèle toute son efficience sur le terrain, des badges contenant des empreintes iridiennes sont contrefaits. Mais comme le traitement génique délivré par Chapel sera peu efficace sur Spock, il endurera endure une instabilité d’apparence... qui sera en partie corrigée après le prélèvement protein pairing sur deux Kileys téléportés sauvagement (et sous sédatif) à bord de l’USS Enterprise (moyennant quelques courses poursuites à bord du vaisseau quand l’un d’eux se réveillera prématurément...).
Après avoir essuyé quelques impondérables, le détachement pénètre dans le sous-sol d’un bâtiment sécurisé (scan d’iris obligatoire) où la téléportation est impossible (du fait des technologies de distorsion expérimentées) et où sont retenus prisonniers Una (blessée) ainsi que ses deux co-équipiers (non "déguisés quant à eux).
Procédant à l’évacuation dans un ascenseur pour se rapprocher de la surface jusqu’au point où la téléportation devient possible, Una révèle à Pike que les autochtones de Kiley 279 n’ont pas véritablement développé par eux-mêmes la bombe à distorsion, mais que leur recherche scientifique a été influencée par leur grande proximité spatiale (env. une année-lumière) de Zero Point, i.e. la zone où s’étaient tenus les gigantesques combats (assortis de l’ouverture d’un wormhole vers le futur) dans Discovery 02x14 Such Sweet Sorrow Part 2.
Mais à la perspective que Starfleet soit indirectement responsable (par observation astronomique et rétroingénierie) de la brutale avancée scientifique d’une civilisation et de ses résultantes autodestructrices, Pike fait alors le choix de se révéler aux autorités de Kiley 279 (pour tenter de limiter les dégâts d’un viol en amont de la Prime Directive). Le capitaine et Spock sont aussitôt reçus par la leader du bloc ayant développé la warp bomb. Et après une série d’excuses, de polémiques, de proverbes échangés (« you remember when elephants fight, it’s the grass that suffers » d’après le peuple Kikuyu du Kenya), et finalement une démonstration de force (puisque la dirigeante semblait comprendre seulement celui qui avait "le plus gros bâton") via l’apparition de l’USS Enterprise au-dessus de la principale ville... les deux factions ennemis rétablissent le dialogue.
Puis après avoir fièrement exhibé son gros... cuirassé, Pike s’invite d’autorité (par voie de téléportation) en pleine chambre du conseil (ou parlement) de Kiley 279 pour exposer en direct devant tous les médias télévisuels de la planète – vidéos historiques projetées sur grand écran à l’appui – les tragédies terriennes du 21ème siècle (et en particulier les holocaustes nucléaires de la WW3) avant que n’émergent des ententes plus constructives puis ne soit fondée l’utopique Fédération. Finalement, Pike laisse (ou impose) à la civilisation de Kiley 279 une alternative : s’autodétruire ou rejoindre la Fédération. S’ensuit une séquence graphique où le choc copernicien de la rencontre avec l’USS Enterprise se répercute dans toutes les strates sociales de Kiley 279, de l’école à l’université, de la rue aux bureaux d’études… le tout accompagné d’une BO extraite des Star Trek bermanien.
Ce que c’est bô.
De retour dans le système solaire, et plus particulièrement sur la Starbase 1 déjà rencontrée dans Discovery 01x14 The War Without, The War Within mais cette fois en orbite de Saturne (ou d’une de ses lunes) — une gigantesque station spatiale incluant plusieurs biodômes remontant à la Troisième Guerre mondiale —, Pike et ses subordonnés sont reçus par l’amiral April qui leur annonce les avoir couvert et exonéré pour le viol de la directive de non-interférence, étant donné que cette "stratégie de réparation" résultait des conséquences d’un événement qui n’avait officiellement pas eu lieu (le combat contre Control et le voyage vers le futur de l’USS Discovery). À cette occasion, devant un Pike incrédule, le Général Order 1 recevra son nouveau nom de baptême, à savoir la Prime Directive.
Après quelques échanges privés avec La’an durant lesquels son passé familial tragique sera une nouvelle fois évoqué, Pike la titularisera comme responsable de la sécurité de l’USS Enterprise... eu égard à ses performances sans faille (et notamment ses initiatives audacieuses durant l’opération d’infiltration et d’évasion sur Kiley 279).
Enfin, fort de son nouvel équipage, Pike énonce le motto du générique d’ouverture de ST TOS (rendu célèbre par Kirk mais prononcé avant lui par Zefram Cochrane), puis élance l’USS Enterprise vers le "deep space" au rythme de sa formule fétiche : "Hit it".
Analyse
Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds semble donc reproduire, presque à la virgule près, le schéma de l’épisode trekkien le plus classique autour de la thématique trekkienne la plus emblématique : un premier contact qui ne se passe pas comme prévu et qui nécessite d’adapter ou de contourner la prime directive. Telle une symphonie familière, mais constituée d’une miscellanée ou d’un medley d’épisodes aussi mémorables que ST ENT 01x09 Civilization, ST ENT 02x08 The Communicator, ST TOS 02x14 Bread And Circuses, ST TOS 02x16 A Private Little War, ST TOS 02x20 A Piece Of The Action, ST TNG 03x04 Who Watches The Watchers, ST TNG 04x15 First Contact, ST VOY 01x04 Time And Again, et ST VOY 06x13 Blink Of An Eye.
Par un curieux hasard du calendrier, l’exposé en image de la genèse nucléaire de la WW3 terrienne, évoquant aussi bien la fin de Terminator 3 Rise Of The Machines que le début de BSG 2003, est directement en prise avec l’actualité du monde réel, l’actualité la plus imminente (mais dans notre réalité, nul extraterrestre bienveillant pour nous aider...).
Ironiquement, le pilote de Strange New Worlds aura réussi à bien davantage évoquer le vertige de la Troisième Guerre mondiale (dont le futur trekkien résulte) que ne l’aura (pas) fait la seconde saison de Picard (alors que son objet et son timeframe s’y prêtait pourtant bien davantage).
Symboliquement, on pourrait même dire que le destin aura offert à Pike le privilège de jouer en live presque le même rôle envers les Kileys que celui de Klaatu envers les Terriens dans son film fétiche The Day The Earth Stood Still…
Une fois n’est pas coutume, l’épisode offre une pointe d’humour et d’autodérision à la Jack O’Neill (dans Stargate SG-1) lorsque Pike balance après avoir été téléporté sur Kiley 279 : « Mais pourquoi faut-il que ce soit toujours une ruelle ? » (en référence à tant de précédents semblables dans Star Trek).
Malheureusement, passé ces considérations générales qui pourront peut-être suffire aux réjouissances dans le cadre d’une appréciation superficielle de l’épisode, il n’est pas nécessaire de beaucoup gratter la (belle) surface pour découvrir une masse critique d’incohérences et de superficialités typiques de la "marque K"...
À l’instar des monologues poétiques à fort connoté de fantasy que Michael Burnham assénait pompeusement en début et fin de saison de Discovery, SNW dévoile une semblable tendance... par exemple quand Una s’abandonne au lyrisme pour introduire la thématique de l’épisode : « Quelles que soient les probabilités mathématiques ou le nombre de fois que nous disons "nous ne sommes pas seuls dans l’univers", notre première visite des étoiles est toujours la province des contes pour enfants et science-fiction. Le premier contact avec des extraterrestres toujours vit carrément dans l’impossible. Le premier contact n’est qu’un rêve... jusqu’au jour où ce n’est plus le cas. ». Mais au royaume de Secret Hideout, ce procédé pseudo-littéraire est souvent un cache-misère pour mieux masquer l’indigence narrative et les inconséquences structurelles. Et sur ce terrain, Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds n’est vraiment pas en reste… Parce que le ressort même de ce premier contact, depuis sa genèse jusqu’à son issue — soit le rhème et le propos même de l’épisode — est en réalité une accumulation de WTF frisant le non-sens global...
Cela commence avec la façon dont l’épisode — d’abord par la voix d’Una et finalement par les confirmations des Kileys eux-mêmes — impute le bond technologique du développement de la distorsion (en l’occurrence à des fins guerrières et non spatiales) à la seule observation des événements de Discovery 02x14 Such Sweet Sorrow Part 2... au téléscope ! Dans l’Histoire des sciences comme en épistémologie, c’est une aporie complète. Le concept de rétroingénierie qu’invoque explicitement le scénario implique obligatoirement de disposer matériellement de l’objet d’étude pour le confronter à des expérimentations reproductibles afin d’en déduire les principes actifs ou moteurs. L’observation à la lunette astronomique d’un combat spatial ne permet aucunement de favoriser le développement des technologies impliquées. Tout au plus, cela pourrait constituer un catalyseur psychologique/culturel de recherche sur le temps long (comme dans ST VOY 06x13 Blink Of An Eye hors déphasage temporel), mais cela ne reviendrait en aucun cas à fournir une quelconque technologie exploitable à une civilisation moins avancée.
Même en admettant cette "influence à distance" plus qu’improbable, il subsiste un considérable problème de timing, puisque Discovery 02x14 Such Sweet Sorrow Part 2 se déroulait en 2258 et Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds en 2259, tandis que le théâtre d’affrontement était à environ une année-lumière de Kiley 279 (dixit l’épisode). Or puisque la distorsion revient à découvrir la possibilité même du FTL, cela signifie que les ressortissants de cette planète ne pouvaient recevoir les informations qu’un an après (à la vitesse de la lumière et autres transmissions EM dans le vide), soit à peu près au moment où l’USS Archer et l’USS Enterprise lui en rendu visite ! Il faudrait alors croire que les Kileys auraient développé la science la plus disruptive de leur Histoire en seulement quelques jours à quelques mois. Mais si tel est le cas, cela signifie qu’ils en étaient technologiquement tellement proches par eux-mêmes qu’il n’est plus possible responsabiliser de Starfleet et les événements de Zero Point. Toujours est-il que rarement le prétexte de l’intrigue d’un épisode n’aura été un alibi aussi bidon !
Ensuite, c’est uniquement parce que la civilisation des Kileys est composée de deux blocs antagonistes que Pike émet des doutes quant à leur paternité dans la découverte de la distorsion ! Mais bon sang, quel rapport ? Star Trek a eu l’intelligence de montrer que les avancées technologiques n’étaient aucunement indexées sur la maturité politique et morale (sans quoi bien des civilisations comme les Klingons et Romuliens ne disposeraient pas de technologies comparables à celles de l’UFP). Le développement du FTL n’est pas non plus subordonné à une quelconque unité planétaire (comme l’a par exemple illustré ST TNG 07x08 Attached), et l’expérience a au contraire montré que la rivalité est le plus grand émulateur de progrès (objet de l’excellente série For All Mankind).
Les civilisations ne suivent aucunement un chemin unique et invariant en matière d’évolution scientifique (cf. ST ENT 01x09 Civilization). Il existe malgré tout des préalables fondamentaux à certaines découvertes. Or lorsque Spock affirme – carte spatiale à l’appui – que toutes les civilisations connues ont toujours développé la distorsion d’abord pour voyager et non pour construire des armes, mais que le contraire reste possible, il fait une analogie foncièrement erronée en prétendant que la bombe nucléaire aurait pu être inventée avant la physique des particules !
L’USS Archer NCC-627 est un vaisseau de taille classique, mais disposant d’une seule nacelle de distorsion, un concept sorti tout droit de ST 2009 avec l’USS Kelvin. Il n’est pourtant composé que de trois membres d’équipage, la lieutenant-commander Una Chin-Riley, et deux astrophysiciens (lieutenante Key et l’enseigne Hadad) ! Triplement aberrant : #1 un vaisseau aussi grand pour seulement trois officiers (pas même de sous-officiers) ; #2 huit ans avant que ST TOS 01x25 This Side Of Paradise n’établisse qu’un vaisseau de Starfleet ne pouvait se piloter sans équipage ; #3 si peu de personnel (et pas même un exolinguiste) pour assurer la plus délicate des missions, celle de Premier contact.
Spock prétend que les procédures de premier contacts supposent de ne pas activer les "deflector shields" (pourtant les boucliers les moins puissants puisque seulement destinés à protéger des collisions avec des objets spatiaux). Rien dans le Star Trek historique ne suggérait un tel protocole, mais celui-ci est bien curieux, surtout lorsque les contacts sont totalement asymétriques (par exemple une rencontre avec une espèce sans expérience et imprévisible venant de réussir un premier vol à distorsion).
Lorsque l’USS Enterprise est frappé par trois torpilles à plasma envoyées par Kiley 267 aussitôt qu’il entre en orbite (et auquel n’échappe le vaisseau que parce que La’an aura insisté pour que les boucliers déflecteurs soient préventivement activés contre l’avis de Spock), Pike a l’incongruité de qualifier ce type d’armement comme grossièrement dépassé, du niveau de la Terre du 21ème siècle, et parait-il indigne d’une espèce ayant développé la distorsion ! Or dater ainsi l’évolution par ce type d’armement, outre d’être méprisant et assez procuste, c’est surtout totalement contradictoire envers la chronologie historique de la franchise. Non seulement les "plasma torpedoes" n’existent pas encore de nos jours, mais elles représentaient même le summum de la technologie en 2266 — soit sept ans après — dans ST TOS 01x08 Balance Of Terror (puisqu’elles mettaient en échec les défenses des avant-postes terriens face aux attaques romuliennes). Plus d’un siècle après, au 24ème siècle, cette technologie était toujours le "state of the art" militaire durant la Guerre du Dominion dans ST DS9.
Mais au fait, si Kiley 267 identifie aussi sec l’USS Enterprise au point de lui balancer direct plusieurs missiles (l’USS Archer avait été lui aussi détecté dans le teaser de l’épisode), la prime directive stricte ne s’applique plus vraiment puisque la phase de premier contact a déjà été franchie. Les Kileys connaissent suffisamment les vaisseaux de Starfleet pour établir par eux-mêmes un contact... mais par le langage des armes ! Cette attaque aurait logiquement dû conduire Pike à entrer en communication avec la planète depuis l’orbite sans prendre de gants ni de pincettes. Les procédures qui s’ensuivent comme si de rien ne seraient donc que comédie et faux-semblants (ce que Pike aurait dû entériner au lieu de rester au premier degré).
Lors de son passage en revue de la carte spatiale du secteur affichant les nombreux mondes avec qui la procédure de premier contact a été engagée, Spock affirme que le General Order 1 ne s’applique plus. Peut-être dans sa forme la plus stricte (aucun contact), mais pas dans sa forme générale. Car de nombreux épisodes de Star Trek avaient établi que la directive de non-ingérence s’appliquait à tous les mondes, y compris ceux de la Fédération. Sans quoi, l’UFP serait le faux nez du pire impérialisme...
Christine Chapel est présentée comme participante à un programme d’échange du Stanford Morehouse Epigenic Project dans le cadre d’une initiative de Starfleet pour une meilleure observation des espèces aliens sans contamination culturelle. Pourquoi pas, mais il n’en demeure pas moins invraisemblable que ce soit une "simple" infirmière qui s’emploie à appliquer aux protagonistes des thérapies géniques expérimentales pour modifier leur apparence physique. Un exercice aussi périlleux aurait dû revenir au minimum à des biologistes et/ou médecins spécialistes. Mais il fallait visiblement que toutes les responsabilités reviennent à des personnages de ST TOS déjà connus du public, quitte à décrédibiliser leur fonction, et quand bien même ils n’étaient pas supposés être affectés à l’USS Enterprise plusieurs années avant la prise de commandement par Kirk. Charger ainsi le CV de Chapel pour en faire une bimbo hystérique surqualifiée, cela affaiblit lourdement le worldbuilding, car le personnage de ST TOS n’en devient rétrospectivement que plus fade (et non le contraire), et il cesse progressivement d’être le même (d’où une rupture de continuité).
En outre, comment se fait-il que le détachement conduit par Pike sur la planète recoure dès 2259 (qui plus est sans la moindre réserve ni hésitation) à une solution aussi invasive et radicale qu’une thérapie génique — c’est à dire un tripatouillage génétique — pour une infiltration de seulement quelques heures, lorsqu’un siècle après (à l’ère de ST TNG et ST DS9), les officiers de Starfleet privilégiaient les déguisements, les prothèses, et éventuellement la chirurgie plastique ?
En amont, comment se fait-il que Starfleet possède la cartographie complète de l’ADN des Kileys permettant de mener cette métamorphose génétique ? Pour cela, il aurait fallu aller faire des prélèvements au sein de la population ou les kidnapper préventivement (comme dans les histoires ufologiques d’abductees par des aliens malveillants).
Par ailleurs, pourquoi s’obstiner à inclure Spock dans l’away team alors qu’il est visiblement le seul à bord de l’USS Enterprise à être résistant au traitement génétique ? N’est-ce pas un considérable facteur de risque pour une mission d’infiltration ? Mais de toute évidence, cette impéritie professionnelle aura offert à l’épisode des péripéties anxiogènes. Par exemple lorsque le Vulcain recouvrera brutalement, dans la douleur (via un hurlement homérique), et devant quatre témoins indigènes son apparence réelle durant la mission au sol, signe de l’inconséquence VIP only.
N’y a-t-il pas une incompatibilité éthique et légale fondamentale entre ces thérapies géniques (pour un oui ou pour un non) et le corpus réglementaire qui, depuis les Guerres eugéniques (1992-1996), interdit formellement toute manipulation génétique sur les humains dans la timeline et la chronologie de Star Trek, et ce au minimum jusqu’au 24ème siècle inclus (cf. ST DS9 05x16 Doctor Bashir, I Presume) ?
À l’inverse, comment se fait-il qu’Una et les deux officiers astrophysiciens de l’USS Archer n’aient pas du tout cherché à modifier leur apparence avant de se téléporter à la surface de Kiley 279 ? Le comble est que la brillante Number 1 révèle n’y avoir même pas songé d’elle-même avant de découvrir l’apparence indigène de Pike venant la secourir !!! Et a-t-elle débarquée armée par-dessus le marché ? Et après elle s’étonne et se lamente d’avoir été capturée ?! Non mais allo quoi ?! Rien que pour ça, Chin-Riley mériterait de passer en cour martiale ! Entre l’équipe de Christopher qui s’inflige un traitement de malade qui n’était même en vigueur par défaut un siècle après dans ST TNG (et encore moins une décennie après dans ST TOS)... et l’équipe d’Una qui n’est même pas fichue de s’appliquer les déguisements artisanaux de Jonathan Archer un siècle avant, on est une nouvelle fois (comme dans Discovery et Picard) en pleine idiocratie !
Mais au fait, qu’est-ce que c’est que c’est imbroglio ? Una révèle à Pike qu’elle savait préalablement que Starfleet était responsable du progrès technologique fulgurant des Kileys. Du coup, les conditions n’étaient pas réunies pour un premier contact dans le cadre du General Order One. Alors qu’est-elle venu faire sur Kiley 279… puisque sa réaction face au "plan correctif" improvisé de Pike prouve qu’elle n’envisageait aucunement de se révéler aux autorités de cette planète ? Mais dans ce cas, si son but était juste de mener une mission de reconnaissance sans intervenir, pourquoi a-t-elle débarqué sans déguisement, un acte qui constitue en lui-même un viol (de plus) de la Prime Directive ? Les comportements tiennent ici du nawak intégral...
Lorsque Pike prend l’initiative d’entrer en contact avec le gouvernement pour sauver la planète Kiley 279 de l’autodestruction malgré elle, il se fait capturer, et est aussitôt conduit à la leader suprême. En vertu de quoi ? Juste parce qu’il le demande ?
Un "privilège" qui n’aurait visiblement pas été accordé au ressortissant lambda de ce monde… et qui n’a pas non plus été concédé à Una… pourtant enfermée (sans entrave) dans l’endroit le plus stratégique de cette planète (comme par hasard le bâtiment où les expériences de distorsion étaient menées). L’objectif narratif bien artificiel était évidemment d’empêcher la téléportation depuis l’espace pour se payer un peu de castagne au sol…
Après s’être auto-convoqué et imposé en séance plénière, Pike dissertera devant tous les Kileys des misères de son existence... en "mode HS" complet (bienvenue sur TED). Mais déclarer devant un public a priori rationnel qu’il a vu son propre avenir pour vendre sa prophétie apocalyptique est une tactique douteuse. Déjà que les peuples de Kiley 279 doivent brutalement encaisser l’existence de vies extraterrestres, il y aurait de quoi les perdre en suggérant en parallèle (quand bien même en creux) l’existence de voyages temporels (ou de précognition).
Pike adressera donc publiquement aux peuples de Kiley 279 un prêchi-prêcha moralisant et totalement USA-morphe, Certes, même si 2022 n’est pas 1966, difficile de faire grief à l’épisode de cet aspect-là en soi dans la mesure où ST TOS n’était pas non plus avare de leçons de morale parfois inspirées par la Manifest Destiny étatsunienne (ces fameux speechs de James T Kirk qui édifiaient les indigènes, l’exemple le plus emblématique étant ST TOS 02x25 The Omega Glory). Mais là où ça coince dans SNW 01x01 Strange New Worlds, c’est que Kiley 279 est une civilisation épistémologiquement aussi avancée (si ce n’est davantage) que la nôtre, avec tous les corollaires d’incrédulité et de scepticisme. Du coup, la facilité avec laquelle Christopher convainc la leader de l’un des deux blocs de Kiley 279 — devant témoins qui plus est — avant même de faire apparaître son vaisseau dans les cieux, puis la liberté qui lui est accordée pour s’exprimer devant tous les médias planétaires... sont d’une naïveté confondante, digne des Bisounours. Renforçant contextuellement le paternalisme (voire le colonialisme) brandi par Pike derrière son humilité personnelle, distillant une curieuse combinaison de malaise orwellien et de ridicule involontaire.
Quand bien même il s’agirait d’une société hautement démocratique et attachée à l’état de droit, il n’est pas réaliste qu’un tel crédit soit d’emblée octroyé à un inconnu venu des étoiles, tenant des discours et assénant des vidéos spectaculaires dont ne rien ne prouve a priori qu’ils soient honnêtes et authentiques, exposant les autorités en place à perdre toute leur emprise sur les populations, à fortiori dans une période de grande tension internationale enflamment la paranoïa. Visiblement, les auteurs n’ont pas intégré dans leur logiciel que les grands décalages évolutionnistes constituent des obstacles non seulement à la communication, mais aussi et surtout à l’entendement et à la réceptivité. Il faut se souvenir avec quelle maturité sans concession Star Trek avait traité de semblables problématiques, respectivement dans ST ENT 02x08 The Communicator, ST TOS 02x16 A Private Little War, et ST TNG 04x15 First Contact, à des stades pourtant très divers de développement. L’objectif était alors de montrer que rien n’était simple lors des premiers contacts, et souvent les bonnes intentions et/ou les remèdes se révélaient pire que le mal. Ironiquement, il serait même possible d’invoquer The Day The Earth Stood Still, film pourtant réputé naïf aux yeux de la postérité, mais devenant le paragon de la maturité lorsque comparé à Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds et sa déclinaison proprement Walt Disney du premier contact.
Même s’il est toujours possible de l’imputer à une approximation rhétorique (pour les besoins de sa plaidoirie à l’attention des indigènes de Kiley 279), Pike situe explicitement les Guerres eugéniques au 21ème siècle ! Est-ce une gaffe (ou une ignardise) des scénaristes, ou bien une confirmation factuelle (dès le pilote) que SNW n’appartient pas à la timeline de ST TOS ?
Finalement, tout se terminera pour le mieux dans le meilleur des mondes, pas seulement grâce à une main invisible scénaristique bien cheatée et ultra-simpliste, mais aussi et surtout par l’intercession d’un profond subtext orwellien comme les affectionne tant (consciemment ou non) Alex Kurtzman. Ainsi, Pike imposera aux Kileys une offre-qu’ils-ne-pouvaient-refuser : crever ou rejoindre la famiglia, c’est à dire la Fédération ! Quand bien même animé par de bonnes intentions (dont l’enfer est pavé), n’est-ce pas l’expression du pire impérialisme voire totalitarisme possible ? Transformant en creux la Fédération en une religion absolutiste ("la conversion ou la mort"), ne laissant aucune place à une troisième voie (par exemple survivre et même vivre heureux sans rejoindre la Fédération). Et réduisant en retour les Kileys à des moutons dociles. Très nauséabond lorsqu’on y songe... Star Trek revu et corrigé par Alex Kurtzman, c’est Team America : World Police de Trey Parker (2004), mais la satire et la dérision en moins.
À la façon d’un refrain tout au long de l’épisode, Pike ne cessera d’être hanté — avec force angoisse et névrose — par les visions de son destin tragique de ST TOS 01x15+01x16 The Menagerie depuis sa "révélation" temporelle au monastère klingon de Boreth dans Discovery 02x12 Through The Valley Of Shadows, reconduisant ici et prolongeant les mêmes sophismes que dans la "série mère".
Car aussi traumatisante que soit cette expérience en matière de ressenti et de vécu par anticipation, le fatalisme de Christopher demeure peu vraisemblable, tel un animal qui va de bon gré à l’abattoir. Exposé à des flash forwards détaillés et horodatés (de son propre aveu), il dispose donc de tous les éléments pour éviter cette tragédie… tant pour les autres que pour lui-même.
Pike devrait au contraire se réjouir d’avoir un privilège unique, un droit de regard sur son destin, et de bénéficier ainsi d’une seconde chance dont beaucoup rêveraient.
Il est en outre de son premier devoir d’officier de limiter les risques en évitant aux cadets de Starfleet de s’embarquer sur le vaisseau spatial de classe J dont la rupture d’un déflecteur ("baffle plate" en VO) allait induire une fuite de radiations delta.
Mieux encore, il lui appartient de prévenir cette rupture en faisant réviser le vaisseau en question pour éviter cette tragédie en amont. Et par la même occasion, s’épargner un destin fatal… qui priverait en outre Starfleet d’un précieux officier supérieur.
Et si d’aventure, Pike était sujet à des pulsions masochistes et sacrificielles, il serait formellement irresponsable de tenter de reproduire les événements selon ses visions (défiguration et paralysie comprises)… car sa connaissance du futur risquerait fort de les altérer involontairement, exposant dès lors la vie d’innocents cadets…
Mais Pike se garde bien de suivre ce raisonnement rationnel face à un aperçu dérangeant du futur (comme le fit par exemple Miles O’Brien dans ST DS9 03x17 Visionary). Non, Christopher préfère souffrir sans fin, se lamenter de façon violoneuse, épancher sa mélancolie et son infinie détresse auprès de Spock, et même confesser publiquement aux extraterrestres de Kiley 267 (qui s’en fichent pas mal) que son futur personnel serait scellé dans l’ambre et indélébile… appelant une résignation devant une nécessité cosmique, entre le fatum antique et la prophétie autoréalisatrice. Mais WTF ?
Et l’épisode à le culot de poser ce fatum comme évident et admis de tous, ce qui permet en retour à Spock de dispenser ses doctes leçons sur l’acceptation de sa mort et l’opportunité d’en tirer quelque de positif, de rejoindre son être profond et de devenir celui qui vous êtes en essence, etc, etc.
C’est lourd, c’est grandiloquent, c’est plein de pathos, et ce n’est présent dans cet épisode (et les suivants) que pour conférer artificiellement une profondeur ontologique à Pike, tout en tentant artificiellement de reproduite la personnalité tiraillée de son original dans ST TOS 00x01 The Cage.
Nul officier de Starfleet n’accepte jamais un "destin" au motif qu’il serait "écrit". Écrit par qui d’ailleurs ? Dieu ? Les scénaristes ? Chacun construit son destin, et le Trekverse est ouvert de possibilités (comme le disait Spock dans ST TOS). Star Trek est un univers de SF prométhéen, et non pas religieux de fantasy. Cette pieuse soumission à une prédestination (imaginaire) est donc une authentique trahison philosophique.
Dans un univers de SF, le seul devoir envers une tragédie future est celui du voyageur (ou du gardien) dudit futur, préposé à la sanctuarisation de la timeline. Mais tel n’est aucunement le cas de Pike dans la mesure où il est un homme des années 2259-2267 et il n’a aucune obligation envers un futur qui n’existe pas encore, avec lequel il n’a aucun lien (ni causal ni affectif), et qu’il ne connaît pas... hormis bien sûr la part qui lui a été révélée et sur laquelle il peut agir positivement à son niveau (en empêchant à l’avance cet accident pour qu’aucune vie innocente ne soit exposée, y compris la sienne) ;
L’ultime hypothèse serait alors que Christopher soit d’abord un trekker, donc très attaché à la préservation du diptyque ST TOS 01x15+01x16 The Menagerie. Une coquetterie externaliste qui prendrait le pas sur la cohérence internaliste (comme toujours dans le "système K"). La mutilation et la paralysie intégrale sans échappatoire, et cela sans autre raison que "le script l’exige" ? Ben voyons... Mais eh, c’est un peu tard, car Strange New Worlds ne conduit de toute façon pas à ST TOS…
La’an Noonien-Singh est sans aucun doute le personnage entièrement nouveau du main cast à avoir été le plus valorisé par l’épisode pilote. Sa force de caractère et sa cuirasse (peu sociale) se sont forgées dans la tragédie indescriptible de sa jeunesse.
Génétiquement non Augment (a priori) en dépit de sa lointaine ascendance, fille de Sa’an et Ronu Noonien-Singh, elle vivait depuis son enfance à bord du vaisseau colonial SS Puget Sound. Mais tous les membres d’équipage — y compris sa famille — furent capturés par les Gorns et déposés sur une de leur "planetary nurseries"... où ils furent dévorés vivants… avant que leur corps ne serve de sacs de reproduction ! Et avec un supplément de perversion ludique, les Gorns sélectionnaient celui du groupe de victimes qui réussissait éventuellement à survivre — en l’occurrence La’an car elle su anticiper son sort — et l’envoyaient mourir dans une barge spatiale. Mais par chance, elle fut secourue par l’USS King Jr… où Una était enseigne. Celle-ci la recueillit, l’aida, et en retour, par reconnaissance, La’an intégra très consciencieusement Starfleet.
L’écurie Kurtzman est visiblement en panne d’imagination pour s’autocannibaliser ainsi elle-même, de Discovery à son spin-off Strange New Worlds. En effet, cette histoire aux relents colonialistes ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de Saru dans Short Treks 01x03 the Brightest Star : promis à servir de bétail pour les abattoirs des Ba’uls sur Kaminar avant le Vahar’ai des Kelpians, Saru aura été arraché à son funeste destin par la jeune lieutenante Philippa Georgiou (Prime et non Mirror) ; elle le recueillit sur l’USS Archimedes, et en retour, par reconnaissance, Saru s’engagea corps et âme dans Starfleet ! Bref, un disque rayé.
Si en soi, l’abjection que les Gorns (dans leurs "planetary nurseries") semblent réserver ici aux autres humanoïdes est saisissante et aurait pu alimenter d’authentiques cauchemars de SF gore dans la lignée de la saga Alien ou d’Event Horizon de Paul WS Anderson (1997), sa contextualisation est doublement problématique. D’une part, transformer les Gorns en Magogs de la série Andromeda constitue un authentique retcon voire un révisionnisme à la mode de Picard (dont la seconde saison en infligeait une demi-douzaine par épisode). Rien dans la franchise historique ne suggérait une pareille abomination (et pourtant la Gorn Hegemony fut évoquée bien des fois après 2267). Quel rapport avec le "crocodile" sensient placide rencontré dans ST TOS 01x19 Arena ? De quoi ridiculiser rétrospectivement l’omniscient "donneur de leçons" Metron qui renvoyait dos à dos Gorns et Terriens. Et comment expliquer alors le Gorn qui siégeait dans le très pacifique et utopique Elysian Ruling Council de ST TAS 01x12 The Time Trap ?
D’autre part, la destruction de l’avant-poste de Cestus III en 2267 constituait vraiment le moment où la Fédération découvraient l’existence, le nom, et l’aspect des Gorns (il n’y avait eu aucune rumeur ni recherche auparavant contrairement aux Ferengis avant ST TNG 01x07 The Last Outpost et aux Borgs avant ST TNG 02x16 Q Who). Prétendre qu’un équipage entier de colons fut victime des Gorns et qu’un témoin humain a pu rapporter officiellement à Starfleet la perversion et la menace que cette espèce représentait plus de huit ans — probablement même une quinzaine d’années — auparavant… voilà qui viole en profondeur la continuité de ST TOS ! Dès lors, soit Strange New Worlds n’appartient pas à la même timeline que ST TOS (et les autres séries ST historiques), soit cette troisième série live lancée par Secret Hideout a pour objectif de totalement discréditer Kirk, l’USS Enterprise et l’UFP de la série originale.
Somme toute, on retrouve ici en tout point ces incompatibilités de rupture majeures que cultivaient sans vergogne les deux premières saisons de Discovery et dont Strange New Worlds est la suite directe. Ainsi, outre les Klingons xénomorphes totalement incompatibles avec ceux de ST TOS et avec le "Klingons Augment Virus" de ST ENT, la Fédération fut à deux doigts d’être mise à genoux par les boucliers occulteurs Klingons… mais, dix ans après, dans ST TOS 01x08 Balance Of Terror, ni Kirk ni Spock n’ont jamais vu ni entendu parler de boucliers occulteurs ! De même, le monastère klingon de Boreth est connu de tous comme un accès temporel selon Discovery 02x12 Through The Valley Of Shadows et désormais aussi Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds (sans parler des expériences de Gabriel Burnham)… mais ce n’est que dix/huit ans après, dans ST TOS 01x06 The Naked Time, que Starfleet découvre, sidéré, la possibilité même du voyage dans le temps !
Accessoirement, lorsque Noonien-Singh dévoile le sort des membres de sa famille prisonniers des Gorn, Pike devine que la dernière chose qu’ils ont ressenti face à la mort fut… la surprise… tant aucun d’eux ne s’attendait à connaître ce sort (au contraire de La’an et c’est justement ce qui la sauva conformément à ce que son père lui avait appris i.e. « not believing you’re gonna die is what gets you killed ») ! Mais ce n’est probablement pas un hasard si c’était en ces mêmes termes que Spock avait décrit l’état d’esprit de ses compatriotes vulcains lors de l’anéantissement de l’USS Intrepid par l’amibe spatiale dans ST TOS 02x19 The Immunity Syndrome. Soit l’un des pires travers des mauvais prequels : piller les répliques et/ou les ressorts des œuvres sises ultérieurement (mais produites antérieurement), quitte à les vider de leur primauté et de leur paternité créatives et chronologiques.
La combinaison chez La’an Noonien-Singh d’un physique très féminin, d’une équanimité émotionnelle, d’un passif traumatique, et d’une implacabilité bad ass suggère une volonté des showrunners d’imiter — voire de plagier — Camina Drummer (interprétée par Cara Gee) de la série The Expanse, un personnage très charismatique qui avait énormément marqué les esprits...
Au nombre de ses coups d’éclats à la surface de Kiley 279 (faisant presque passer Pike et Spock pour des "papys" en comparaison), La’an prendra l’initiative de faire diversion auprès de deux passants (en feignant le malaise et un appel à l’aide) pour laisser Spock pratiquer par surprise son célèbre "Vulcain neck pinch" (une tactique risquée malgré tout, car cette prise vulcaine aurait pu ne pas fonctionner sur les Kileys). Puis elle fournira à Pike clef en main une stratégie audacieuse : téléporter et sédater les deux autochtones afin de répliquer leurs vêtements et leurs badges de sécurité pour les faire correspondre aux scans d’iris du détachement. Les contrefaçons de badges seront réalisés quasi-instantanément.
Il est cependant permis de se demander comment peut fonctionner cette "contrefaçon" lors des passages de contrôle à l’entrée du bâtiment. Car il est impossible que la thérapie génique permette d’ajuster/customiser l’iris des héros pour les faire "matcher" à ceux des kidnappés (qui plus est à distance). À l’inverse, il est tout aussi impossible que le scan d’iris ne soit pas destiné à vérifier l’identité spécifique des individus mais simplement leur qualité de Kileys (vu que cette planète n’a jamais été officiellement en contact avec des extraterrestres). En outre, les protagonistes ne tentent pas de pirater les réseaux informatiques planétaires (pour y téléverser leurs propres scans d’iris), quel est alors le sens de fabriquer de nouveaux badges si leurs iris ne s’accordent pas à ceux des bases de données de Kiley 279 ? Seule explication possible : les badges de sécurité fonctionnent comme le Face ID de l’iPhone, c’est-à-dire que par mesure de confidentialité, les informations iridiennes sont uniquement stockées dans le badge (en local) puis ensuite comparé au scan de son porteur. Pourquoi pas, mais c’est particulièrement USA/contemporano-morphe, et il est étonnant que ce modus operandi bien particulier ait été d’emblée connu de La’an (alors que l’équipage venait de débarquer sur cette planète sans rien savoir d’elle).
À la faveur de leur présence (inanimée) dans l’infirmerie du vaisseau, Chapel aura l’idée de prélever de l’ADN à celui des deux indigènes dont le "protein pairing" est compatible avec celui de Spock, afin de booster le traitement génique de ce dernier étant donné qu’il souffre d’une instabilité de forme croissante (le codage génétique se dégrade plus vite chez lui). Mais pour avoir sous-estimé le dosage des sédatifs, le Kiley concerné se réveillera et, affolé, prendra aussitôt la fuite dans le vaisseau. Mais loin d’émouvoir M’Benga et Chapel, celle-ci qualifiera cette situation de "Delta Scorpii Seven" à la manière des connivences excluantes entre Burnham et Booker dans les saisons trois et quatre de Discovery !
Qu’il s’agisse d’un souvenir perso ou d’un protocole, cela reviendra simplement pour Christine de s’élancer avec joie derrière le fugitif qualifié pour la circonstance de "lapin" (!), en avalant et en dévalant successivement les coursives, les ponts, les ascenseurs… L’épisode sombre ici dans le vaudeville et même le cartoon, flirtant avec les rollercoasters des films Kelvin, au mépris du plus élémentaire professionnalisme, perdant toute vraisemblance pour le seul "fun" d’une brève séquence de comédie infantile. Il aurait pourtant suffi de téléporter le Kiley (d’autant plus que l’épisode ne se privera pas d’utiliser le "site-to-site transport" ensuite) ou d’activer un champ de force pour le stopper (comme cela fut si souvent pratiqué dans les séries ST historiques). Chaque instant d’éveil du Kiley sur l’USS Enterprise représente un trauma d’autant plus grand... or visiblement, non seulement cela ne dérange pas ces officiers de Starfleet, mais ça les réjouit ! Kidnapper et terroriser les fragiles et les innocents pour le seul plaisir de rigoler un bon coup aux dépens d’humanoïdes moins avancés, cela aurait été inimaginable dans le Starfleet d’avant 2009, et c’est aussi à de pareils détails — apparemment insignifiants — que l’on mesure le glissement philosophique et le changement de nature paradigmatique d’un Star Trek devenu #FakeTrek…
Au mépris s’ajoute… la bêtise. Car entrainé dans la file d’attente du poste de contrôle, Spock a désormais un besoin urgent du booster. Mais qu’à cela ne tienne, plutôt que d’être efficace et d’effectuer en urgence le prélèvement sur le malheureux Kiley pour synthétiser le remède, Chapel joue au chat et à la souris avec lui sur le vaisseau.
Finalement, dans un turbolift, la cadette Uhura rencontra par hasard, comme une fleur, le Kiley en fuite. Et sans même être au courant de quoi que ce soit, elle lui parlera — comme si de rien n’était — de sa planète et du sport qui s’y pratique, réussissant ainsi avec le plus grand naturel à le calmer et détourner son attention... ce qui permettra enfin à l’infirmière de le surprendre, le sédater et faire le prélèvement génétique requis. C’est comme si Nyota et Christine avaient mené l’air de rien une action coordonnée, mais il n’en était pourtant rien car elles ne s’étaient encore jamais rencontré ni parlé). Là encore, la vraisemblance est proche du zéro absolu, comme dans les trips "fun" de Kelvin… Car comment Nyota en savait-elle autant sur le sport national de Kiley 279 (le jeu Tagball dirigé par le Backtack) et sur ses meilleurs joueurs (Cone Rockets, Boom Shield…) dont les prénoms et les patronymes sont curieusement étatsuniens ?!
Il faudra tout le "génie" du gamin Kyle — le nouveau Pavel Chekov rebooté des films Kelvin ? — préposé à la téléportation pour en changer les principes de fonctionnement (en seulement une paire minutes) afin de matérialiser un sérum physiologique directement dans les yeux de Spock au sol, endiguant sa réversion génétique et lui faisant réussir in extremis le troisième scan d’iris (après deux essais ratés et une menace d’arrestation).
La téléportation est une fois de plus chez Kurtzman une variable d’ajustement. Ainsi, la proximité de la distorsion est supposée empêcher tout téléportation dans l’immeuble où est détenue Una… sauf quand ça arrange les scénaristes bien sûr. Les "bonnes vieilles habitudes" discoveriennes et picardiennes ne sont jamais loin... avec des règles à géométrie variable à l’intérieur d’un même épisode.
By the way, depuis quand la proximité des technologies de warp empêchent la téléportation ? Depuis plus d’un siècle, Starfleet pratique des téléportations massives dans et hors des vaisseaux (alors que sur Kiley 279, il s’agit d’une forme embryonnaire de distorsion).
Quelques autres failles (ou pas) en vrac, sans toutefois tomber dans le nitpicking (sans quoi cette critique ne totaliserait pas 80 000 caractères mais le triple) :
La scène d’ouverture dans le Montana sous la neige est visuellement réussie, mais profondément anachronique à peu près sur tous les plans. La villa est spacieuse et élégante, avec un petit côté ranch, mais tellement contemporaine, jusqu’à dans son équipement intérieur : TV plate au mur, mobilier d’aujourd’hui, rituel des pan cakes, balade à cheval… Mais le plus choquant, ce sont ces éoliennes qui saturent et bouchent la vue, défigurant totalement le paysage. De toute évidence, il s’agit d’un placement d’écologisme militant… mais produisant comme trop souvent dans le #FakeTrek l’exact effet inverse ! Car étant donné les avancées technologiques de la société trekkienne, il y a quelque chose de cauchemardesque de montrer aux spectateurs qu’en 250 ans, et malgré l’avènement de l’UFP intergalactique pseudo-utopique, rien d’autre n’a été trouvé pour alimenter l’humanité en énergie prétendument "propre", juste des éoliennes qui égalisent tous les paysages et endeuillent le monde animal. On se croirait littéralement plongé dans une variante de Brazil de Terry Gilliam (1985), une espèce de cauchemar écoterroriste à ciel ouvert avec pour seul horizon (bouché) une intensification limitless de la doxa contemporaine (et point de salut en dehors d’elle). Alors que tant de visuels exotiques voire énigmatiques auraient été possibles, par exemple dans le style de la série expérimentale Tales From The Loop (2020), rien que pour suggérer que d’autres voies sont possibles et que nous sommes vraiment en un autre temps. Ironiquement, même le piètre ST 2009 avait évité pareil écueil dans sa représentation de la Terre, alors ne parlons pas du Real-Trek… Autant dire que la proposition sociétale kurtzmanienne verse à nouveau dans une forme de dystopie. Et si cela est involontaire, c’est que l’équipe scénaristique de Secret Hideout n’a aucun sens de l’altérité, aucune vision ; ele est totalement incapable de penser le futur hors des paradigmes bienpensants contemporains. Bref, la Terre de SNW 01x01 Strange New Worlds, c’est juste le monde d’aujourd’hui, mais en pire.
Pike s’embarque depuis la Terre sur la navette Stamets pour regagner l’USS Enterprise en orbite de la Lune... mais finalement il termine le voyage en téléportation (depuis la navette vers le vaisseau). Pourquoi n’avoir pas effectué ce trajet intégralement en téléportation, sachant que sa portée classique est bornée à env. 40 000 km, que la distance Terre-Lune est en moyenne de 384 400 km, mais que des relais de téléportation inondent le voisinage de la Terre. Bien entendu, l’objectif était de se payer une séquence pseudo-contemplative à la ST TMP... mais expédiée en 35 secondes. Le beurre et l’argent du beurre quoi...
Aussi bien au 23ème qu’au 24ème siècle, les vaisseaux de Starfleet n’étaient jamais à quai durant les phases de réparation ou de refit. Mais étrangement ici, l’USS Enterprise est littéralement amarrée à la station de réparation lunaire !
Il faut croire qu’à l’heure de l’intersectionnalité woke, Secret Hideout s’est retrouvé tout honteux de confier le rôle principal d’une nouvelle série à un homme (qui plus est blanc de peau, cisgenre et hétérosexuel). Mais SNM n’avait pas le choix étant donné que le genre de Pike était imposé par ST TOS (encore qu’un genderswap aurait permis à ce reboot d’être moins hypocrite). Alors pour s’excuser platement d’avoir un capitaine (et personnage principal) masculin, tous les autres protagonistes de la passerelle (hormis Spock) sont des femmes ! À force de discrimination positive, le féminisme verse en creux dans la misandrie...
Dans ST TAS 02x06 The Counter-Clock Incident sis en 2270, le premier commandant de l’USS Enterprise NCC-1701 — Robert April — était blanc et "seulement" commodore. Or dans SNW 01x01 Strange New Worlds, soit onze ans avant, il se transforme carrément en... black (interprété par Adrian Holmes) et... en amiral ! Entre un inexplicable changement de couleur de peau et une très improbable rétrogradation militaire (pour faute très grave ?), voilà qui confirme — s’il le fallait encore — que SNW n’appartient définitivement pas à la timeline et/ou à l’univers historique de ST TOS/TAS ! Malgré tout, conclure à cette évidence peut constituer une dérobade dans l’exercice critique... lorsqu’on sait que les showrunners n’assument pas publiquement la divergence. Dès lors, quel a été le réel objectif de ce complet révisionnisme ? Comme souvent, sacrifier tout scrupule de continuité internaliste par clientélisme incontinent est contreproductif (dans l’hypothèse d’une ligne temporelle commune). Car ce blackwashing démagogique dessert la cause qu’il prétend porter en frappant la société trekkienne d’une des pires formes de racisme structurel, à savoir le... "passing" ! Cette décoloration volontaire de la peau était pratiquée (par désespoir) durant l’ère coloniale (en Afrique) et pendant l’ère ségrégationniste (aux USA). Certaines vedettes contemporaines (pourtant cultes) sont également soupçonnées d’y avoir eu recours (Michael Jackson en dépit de l’alibi officiel du vitiligo, Denzel Washington, Beyoncé…). Alors à l’approche de la retraite, Robert April se serait-il appliqué un traitement génétique (dans une société où ils sont interdits) en vertu d’une hypothétique "fierté transracialiste" parce qu’il "se sentait blanc dans son âme" ?! Ou comment frapper d’archaïsme dystopique l’UFP en cherchant à donner des gages de wokisme aux influenceurs/censeurs contemporains... À moins que les producteurs de SNW aient carrément pris le parti de ne pas considérer la série animée de 1973-1975 comme canon alors qu’elle l’était pourtant progressivement devenue — malgré les réserves originelles de Gene Roddenberry — au point que son contenu fut pleinement assumé par le Star Trek bermanien. Mais Alex Kurtzman serait particulièrement culotté de ne pas concéder à la très fidèle ST TAS (qui se voulait la quatrième saison de ST TOS en animation faute de live) la canonicité qu’il voudrait que l’on reconnaisse aujourd’hui à ses propres séries animées (pourtant bourrés d’incohérences et d’incompatibilités), à savoir la très parodique Lower Decks et la très infantile Prodigy..
Était-ce bien malin de faire du Dr M’Benga le médecin chef de l’USS Enterprise de Pike, et accessoirement son ami (avec lequel il a voyagé au Kenya et dans le désert de Mojave) ? Parce que dans la chronologie de ST TOS, il sera bien médecin à bord de l’USS Enterprise de Kirk, mais subordonné à l’autorité de Leonard McCoy. Autant dire une régression de carrière pour un titulaire de poste huit ans avant, et il est plutôt humiliant de se faire supplanter ainsi. Alors à moins que SNW ait dans ses cartons une grave faute professionnelle le concernant pour l’avenir, ce fan-service fétichiste conduit à un racisme en creux… ou un système de copinage. Quitte à recaster et rebooter, n’aurait-il pas été plus logique de choisir le Dr Phillip Boyce (interprété dans ST TOS 00x01 The Cage par John Hoyt) qui possédait avec le Pike originel une belle alchimie ?
Être incapable d’assumer l’USS Enterprise sans un Kirk à bord (quand bien même ce serait un autre) est un syndrome soapesque de telenovela (quand bien même sans guimauve pour le moment) ou un racolage d’auteur sans courage. Visiblement, en attendant que James Tiberius se pointe dans la seconde saison (pour que le recast soit vraiment complet), il fallait absolument que la première accueille George Samuel… carrément pote de Pike et subordonné de Spock. Le monde de Kurtzman est décidément minuscule… mais il est également consanguin. Avec pour conséquence que Spock connaitra donc le grand frère avant de se lier d’amitié avec le petit pour honorer la promesse faite à sa sœur cachée. Pourtant dans ST TOS 01x29 Operation – Annihilate !, tout suggère que Spock n’avait jamais rencontré Samuel Kirk avant. Sans quoi, pour quelqu’un avec qui il aurait travaillé durant des années, son indifférence à sa mort serait bien peu flatteuse…
Le paysage Vulcain de Raal a beau être magnifique d’exotisme (à la mesure des épisodes ST ENT 04x07 The Forge et ST ENT 04x09 Kir’Shara), il n’en est pas de même des échanges particulièrement triviaux entre Spock et T’Pring. Hormis pour ce qui est des métadonnées "query" et "answer" (une originalité pour délimiter la part de consentement de chacun), les interrogatoires mutuels, le marivaudage, la complicité, la demande en mariage (mais avec des colliers dans un mini-Kir’Shara pyramidal et non des alliances), et la copulation après le resto renvoient à un ordinaire de drague dans un pub de Greenwich Village (par ex.) peu compatibles avec le contexte futur (dans neuf ans), secret, et très Vulcain du ST TOS 02x05 Amok Time de Theodore Sturgeon. Des relations aussi ouvertement individualistes (et affirmant leur libre-arbitre) ne s’inscrivent aucunement dans une tradition de mariages arrangés en amont par les familles. En outre, l’interprétation très sexy mais bien trop allumeuse et gouailleuse de Gia Sandhu dénature aussi bien la vulcanité en général que la typo de ce personnage de la série originale, supposé froid et calculateur, outre d’être supposé distant de Spock. T’Pring, à moitié dévêtue et frustrée par l’interruption d’une séance de baise avec Spock, appelle Pike par son prénom ! Cette très curieuse familiarité avec le capitaine de l’USS Enterprise et plus généralement une complète transparence envers l’intimité sexuelle vulcaine contribuent rétrospectivement à "ghettoïser" davantage encore le futur Kirk de ST TOS… qui à l’échelle d’une même timeline ignorerait décidément tout ce que les autres sauraient ! Soit toujours le syndrome du "bad prequel" qui ne consolide jamais mais fragilise davantage le worldbuilding. Chez Kurtzman, les Vulcains sont manifestement toujours des humains comme les autres.
Que le Conseil (ou la Haute Cour) de la Fédération ait profité de l’épineux cas posé par Kiley 279 pour faire évoluer vers "Prime Directive" la dénomination originelle du "General Order 1", voilà qui aurait pu représenter une jolie touche internaliste pour tenter d’expliquer que dans la première saison de ST TOS (pourtant sise en 2267, soit huit ans après), il ait seulement été question de General Order 1 tandis que la formule équivalente de Prime Directive se sera progressivement imposée dans les saisons (et a fortiori les séries) suivantes. Malheureusement, comme les productions Kurtzman sont incapables de penser intradiégétique sans se prendre immédiatement les pieds dans le tapis, il s’avère que "Prime Directive" était déjà une locution employée dans les deux premières saisons de Discovery… sises pourtant auparavant, entre 2256 et 2258. Du coup, c’est Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds qui est contradictoire, pas uniquement envers Star Trek comme d’hab, mais cette fois aussi envers le #FakeTrek des mêmes auteurs.
Entre les innombrables autorités politiques et diplomatiques de la Fédération qui semblent de toute évidence au courant (contrairement à ce qui avait été annoncé à la fin de Discovery 02x14 Such Sweet Sorrow Part 2 et maintenant toute la planète Kiley 279 (futur membre de l’UFP), l’affaire de l’USS Discovery et du Zero Point est visiblement devenu un secret de polichinelle. Ce qui ne fait qu’accentuer en proportion l’incompatibilité factuelle avec ST TOS... mais aussi paradoxalement avec les saisons trois et quatre de Discovery (qui reposent sur la complète ignorance historique initiale de l’USS Discovery et de la technologie du "spore drive" par les autorités du 32ème siècle).
Lorsque Pike, Spock et La’an partent en mission sur Kiley 279 à la recherche d’Una, ils profitent d’une forme de téléportation inédite, à savoir qu’ils se matérialisent (sur la planète) différents de leur dématérialisation (sur le vaisseau) ! En effet, le téléporteur de l’USS Enterprise procède à plusieurs tweaks durant le transfert, en remplaçant leurs vêtements (i.e. leurs uniformes par les habits civils locaux), et en leur ajoutant des traducteurs universels et des tricordeurs (quoique pas d’armes)… tous contenus au préalable dans le buffer du téléporteur avant d’être ajoutés au flux de chacun. Alors certes, à partir du moment où une machine décompose et puis recompose un corps physique en particules élémentaires, il pourrait sembler possible de réaliser n’importe quelle customisation en cours de téléportation. Malgré tout, il ne faut pas perdre de vue que dans les sciences réelles, le principe d’indétermination d’Heisenberg rend matériellement impossible toute possibilité de téléportation sauf si le théorème d’impossibilité du clonage quantique est respecté. Cela implique donc que le sujet ou l’objet rematérialisé soit strictement identique au sujet ou à l’objet dématérialisé. Ce qui expliquerait que jamais le Real-Trek n’ait eu recours à de tels ajustements/altérations/ajouts/enrichissements/soustractions de matière en cours de transfert. Par extension, si cela était possible, pourquoi en chronologie interne cela n’a jamais été fait dans ST TOS (six à dix ans après), ni même dans les séries ST du 24ème siècle ? Et toujours si cela était possible, pourquoi ce procédé n’a-t-il pas été élargi pour changer d’aspect physique à volonté (par exemple lors des missions d’infiltration ou par convenance personnelle), pour guérir de maladies, etc. ? Accessoirement, il faudrait aussi signaler que conserver un objet dans un buffer de téléportation consomme incomparablement plus d’énergie que de le conserver dans son état physique naturel. Dès lors, il aurait été beaucoup plus rentable de remettre au voyageur en instance de téléportation les équipements dont il avait besoin (comme cela a toujours été le cas dans Star Trek) que d’imaginer une procédure de ce genre, non seulement incompatible avec le reste du Trekverse, mais dont la seule "justification" narrative est que "ça en jette" !
Lorsque le détachement est mêlé à la population dans la mégalopole de Kiley 279, la communication avec l’USS Enterprise est supposée se faire par de classiques communicators. Mais les personnages ne les sortent jamais de leurs poches (au contraire de téléphones mobiles ou de ce que faisait Kirk dans ST TOS), et ils parlent en main libre (mais sans oreillette) comme s’ils disposaient des combadges du 24ème siècle de ST TNG/DS9/VOY ou du 32ème siècle de Discovery. Un anachronisme (de plus) ?
À noter que durant la rencontre avec la leader de l’un des deux blocs de Kiley 279, Pike activera à distance par reconnaissance vocale son communicateur (au look très TOSien), confisqué et placé sur une table voisine. Un upgrade en prise avec les évolutions technologiques contemporaines, mais représentant pour le coup moins un retcon envers ST TOS qu’un tweak astucieux. Soit un parti pris de crédibilisation rétroactive en fait digne de ceux de la série Enterprise, ce qui est suffisamment rare pour mériter d’être signalé.
Hormis quelques différences physiques (bénéficiant d’une qualité de prothèses et de maquillages pour la première fois digne de l’excellence de Michael Westmore), les Kiley 279 ressemblent un peu trop par leur comportement et leur sociologie à des Étatsuniens standards, en particulier dans la relation au pouvoir, dans la manière de manifester dans la rue et d’organiser les émeutes. Alors évidemment, la Hodgkin’s Law Of Parallel Planetary Development de ST TOS peut toujours "couvrir" et justifier ce très frappant anthromorphisme...
Quand Pike offre un poste permanent à Noonien-Singh sur l’USS Enterprise, il lui adresse une leçon de moraline sur l’esprit d’équipe dans Starfleet. Mais son extension de discours sur l’importance du réseautage et du lien social est un copié-collé de celui de Burnham dans Discovery et de Guinan 2.0 dans Picard. Mais est-ce finalement si étonnant que ces trois séries des mêmes showrunners de Secret Hideout dispensent le même prêt-à-penser essoré ?
Christopher relate aussi l’histoire de ces biodômes : un groupe de scientifiques auraient envoyé des semences dans l’espace (pour les préserver) durant la WW3 nucléaire. Mais après la fin de la guerre, ces forêts spatiales étaient devenues trop larges pour les réimplanter sur Terre, alors la Starbase 1 fut construite autour. Moralité dédicacée spécialement à La’an : même dans l’espace, une remarquable croissance ("growth") est possible. Ok, l’allégorie est jolie. Mais au regard de ce que le ST historique avait laissé en entrevoir, il est fort capillotracté d’imaginer que des biodômes spatiaux de cette envergure (et élaboration) aient été construits et envoyés (vers Jupiter ?) avant le First Contact de Zefram Cochrane (dont le complexe de Bozeman au Montana où le Phoenix fut développé représentait ce qui existait alors de plus avancé). Et ce n’est surement pas la mission Europa prétexte de la seconde saison de Picard qui rendra ce récit de Pike plus crédible...
Les designs et les uniformes de Strange New Worlds ont beau ne pas être identiques à ceux de ST TOS, les codes couleurs de la série originale sont néanmoins supposés avoir été respectés. Du coup, comment expliquer que les officiers préposés au pilotage et à la navigation (comme la lieutenante Erica Ortegas) soient des "red shirts" ? Ils n’auraient pas dû porter des uniformes rouges (technique et sécurité), mais des uniformes jaunes (opérations et commandement) comme le capitaine Pike (la couleur bleue étant quant à elle réservée aux départements scientifiques et médicaux).
Quel pathétique spectacle d’entendre Uhura réagir telle une groupie décervelée en balançant un « Cool, Sir » en réaction à l’énoncé par Pike de la devise cockranienne/kirkienne à la fin de l’épisode. Cette cadette est tout de même supposée être une diplômée de Starfeet Academy, or elle fait l’effet de débarquer et d’être au concert de son idole ! Mais il n’est pas rare que les showrunners de Discovery, Picard et Strange New Worlds cèdent à leur tropisme adulescent (donnant l’impression que les dialogues ont été écrits par des momes de dix ans) et succombent à la tentation de transformer leurs personnages en "simples" trekkies (par racolage ?). Autant de non-sens comportementaux qui se dévoilent lorsque se déchire la fine membrane séparant l’internalisme de l’externalisme...
Les stardates avaient beau ne pas être toujours strictement linéaires dans ST TOS à l’échelle des chiffres d’unités voire de dizaines (un effet de la relativité générale disait-on dans les sixties), elles étaient néanmoins parfaitement ordonnées selon les chiffres des milliers et des centaines, ce qui permettait de les faire correspondre à des datations assez précises de la chronologie. Mais alors que Kelvin avait grossièrement rebooté le système de stardates en le transformant ni plus ni moins en calendrier grégorien (belle marque d’impérialisme anthropocentriste au passage) et que les premières saisons de Discovery semblaient être revenues à un système vaguement compatibles avec celui de ST TOS, voilà que SNW bouleverse à nouveau la donne sans crier gare et sans explication aucune (alors que c’est supposé être un spin-off de Disco) ! Ainsi, dans son "captain’s log", Pike énonce la stardate 2259.42... ce qui situe chronologiquement SNW 01x01 Strange New Worlds carrément sept ans plus tard, durant la première saison de ST TOS en 2266, et plus précisément entre les épisodes ST TOS 01x08 Balance Of Terror (stardates 1709.2-1709.6) et ST TOS 01x09 What Are Little Girls Made Of ? (stardate 2712.4) !!! Un peu ballot comme anachronisme, non ?
La seconde saison de Discovery avait donné le ton : l’USS Enterprise NCC-1701 du Kurtzverse n’était clairement pas celui de ST TOS (en particulier par son aménagement intérieur) et les refit réguliers ne pouvaient guère expliquer que le vaisseau de 2254 ait profondément changé en 2258 pour redevenir en 2265 exactement celui de 2254. Mais qu’importe, l’objectif des showrunners était de vendre une version cosmétique upgradée, davantage au goût du jour, mais pas forcément plus crédible pour autant, car ce ne sont pas les évolutions des modes et des designs qui rapprochent tant soi peu le monde contemporains des technologies disruptives du Star Trek.
Strange New Worlds a profité de Zero Point (le combat spatial dans le dernier épisode de la seconde saison de Discovery) pour refiter une nouvelle fois l’intérieur du vaisseau. Cette déco sera laissée à la libre appréciation des goûts de chaque spectateur, mais elle ressemble encore moins à celle de ST TOS. La passerelle est un Apple Store mais en moins assumé que dans Kelvin, avec quelques couleurs pour une touche kitch et vintage (histoire de faire genre), mais avec un écran encore plus large et spectaculaire (carrément panoramique !) que dans les films de JJ Abrams. Le mess ressemble à un salon de thé classieux du début 20ème (tant qu’à faire de l’anti-TOS, pourquoi pas en effet). La salle de téléportation et l’infirmerie sont des copiés-collés de celles de l’USS Enterprise de ST 2009, mais simplement avec des portes d’un "rouge TOS". Les coursives sont larges et lumineuses, faisant l’effet d’être en "tout plastique". Il y a désormais une vaste Captain’s ready room comparable à celle de l’USS Enterprise D de Picard (faudrait alors expliquer pourquoi elle a disparu dans ST TOS six ans après). Et si elle ne ressemble certes plus à l’usine Budweiser de ST 2009, la salle des machines ne ressemble hélas pas davantage à celle de ST TOS, parvenant même à être encore plus vaste que dans les vaisseaux de Starfleet du 24ème siècle, au prix d’un de ces anachronismes de surenchères typiquement kelviniens ! Le warp core réussit même à en imposer davantage que la National Ignition Facility du Lawrence Livermore National Laboratory employé dans ST Into Darkness ! Le voyage à distorsion ne ressemble en rien à celui du Star Trek historique (ni étoiles ni segments lumineux), c’est à nouveau le FTL de Kelvin.
Tout au plus, pourra-t-on se satisfaire de l’absence d’hologrammes dont Discovery faisait un usage aussi émétique qu’anachronique. Pour le reste, c’est l’USS Enterprise de JJ Abrams, mais avec un saupoudrage esthétique (old school) et sonore (les bruitages de ST TOS) en guise d’alibi et de surcouche pavlovienne, c’est-à-dire quelques cacahuètes parfumées lancées au zoo des trekkies nostalgiques... En réduisant les designs de ST TOS à de la déco vintage, il ne reste plus rien de leur dimension organique et fonctionnelle... qu’avait si bien futurisée ST ENT en optant pour une approche rétro-industrielle.
Au moins, les designs pas davantage rebootés de Kelvin pouvaient se "justifier" par la timeline officiellement alternative. Tandis que Strange New Worlds n’a même pas l’alibi d’un reset Marvel, et il faudrait être bien naïf pour imaginer un quelconque refit correctif d’ici 2265 (année durant laquelle prend place le second pilote de ST TOS).
Le générique d’ouverture de SNW a fait le buzz. Pike y reprend mot pour mot les paroles, non pas de Kirk dans celui de ST TOS ("no man") mais de Picard dans celui de ST TNG ("no one"). Mais l’ensemble est pour le moins décevant dès le second visionnage. Certes, les belles images spatiales s’inscrivent dans la tradition de l’indépassable générique de ST VOY, mais toutefois à la façon d’un pâle wannabe ou ersatz : leur enchaînement manque de virtuosité, et elles sacrifient (comme toujours dans les prods Kurtzman) la science au clinquant. Pire encore, la partition musicale a beau prendre beaucoup d’élan, elle se révèle hélas bien faible pour ne pas dire creuse : aucune mélodie qui puisse marquer la postérité, vraiment à des années-lumière des symphonies inspirées de Jerry Goldsmith. Le générique de Prodigy fait paradoxalement bien mieux sur ce terrain…
Quoique puisant une partie de leur ADN dans les films Kelvin (mais sans les lens flares), la forme, le rythme et la mise en scène sont à verser au nombre des quelques points forts (ou presque) de ce premier épisode de Strange New Worlds : assez élégants, parfois détachés, toujours lisibles. Pas de quoi se substituer à une absence de fond, mais laissant cependant l’épisode respirer. Ce qui s’accorde plutôt bien à une interprétation qui — quand bien même non exempte de pathos — est bien moins gluante que dans les #FakeTrek précédents de Secret Hideout. Cela reste néanmoins très très loin de la distanciation bermanienne et/ou hard-science-fictionnelle, mais c’est tout de même un (petit) pas dans la bonne direction… En d’autres termes, l’intraveineuse de glucose n’a pas cessé, mais le dosage a baissé (i.e. la dilution du sucre a augmenté)... Si bien que la BO a pour le moment évité de s’enfoncer dans le dégueulando larmoyant.
Mais ce qui impressionne le plus, c’est la beauté des effets spéciaux (SFX et VFX), la somptuosité des décors : Strange New Worlds possède une opulente production value, elle est friquée, et elle ne se prive pas de le montrer.
Toujours affligée d’une masse critique d’erreurs et/ou d’incompatibilités chronologiques, jonglant avec les WTF et les TGCM, affichant un recast intégral et encore plus large dans les films Kelvin — le vaisseau USS Enterprise étant lui aussi totalement recasté (les quelques alibis kitsch dans la déco étant davantage des insultes que des marques de respect) — Strange New Worlds ne se démarque guère sur le fond des autres séries (Discovery et Picard) des mêmes showrunners.
Akiva Goldsman & Alex Kurtzman s’imaginent-ils vraiment que les trekkers auront l’impression de voir en Strange New Worlds le prequel rapproché de la série originale, s’insérant avec harmonie précisément entre ST TOS 00x01 The Cage (2254) et ST TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before (2265) ?! Essayez donc simplement d’enchaîner les visionnages... et vous verrez que ça ne passe pas du tout !
Sachant en outre que la plupart de ces protagonistes de ST TOS avaient déjà été recastés dans Kelvin avant de repasser à cette même casserole une décennie après, ce re-recasting commence à peser... sur la suspension d’incrédulité.
L’argument de l’aggiornamento souvent invoqué et assurément démagogique n’est aucunement pertinent, comme l’avait prouvé par l’exemple ST ENT 04x18+04x19 In A Mirror, Darkly (le défi de faire du Star Trek moderne et à la page tout en respectant scrupuleusement la factualité de ST TOS), mais également la série Battlestar Galactica 2003 (produire la plus traumatique des séries de SF en tirant un supplément de viscéralité de ses partis pris délibérément rétros).
En assumant officiellement une autre timeline et un nouveau reboot, Strange New Worlds passe déjà mieux, mais sans pour autant exonérer ou excuser les nombreuses absurdités endogènes dont décidément les productions Kurtzman ne réussissent pas à se défaire...
Derrière le voile de l’illusion parfumé aux madeleines de Proust, les personnages de la série originale ont bet et bien été entièrement repensés et rebootés par Strange New Worlds, réunis parfois même avant leur heure, ce qui a pour effet d’accentuer l’aimantation d’une prédestination et la géométrie non euclidienne d’un micro-univers de poche dans un bac-à-sable (seuls Kirk et McCoy manquent encore à l’appel mais ça viendra…). Le fan-service concourt à construire un clubisme de VIP, où lorsque ce ne sont pas les personnages déjà cultes qui sont mis en scène (April, Pike, Spock, Una, Chapel, M’Benga, Uhura cadette…), ce sont forcément des membres de leurs familles qui viennent en renfort (T’Pring très pote de Pike, le frère ainé de Kirk qui sert comme par hasard sous les ordres de Spock, la descendante lointaine de Khan — le Nemesis de Kirk — qui sert sur l’USS Enterprise de Pike…).
Même si la facticité est moins prononcée et moins visible que (e.g.) dans la seconde saison de Picard, le Kurtzverse se révèle désormais consanguin et soapesque dans son essence même (quoique sans aveu).
Et cette inclination, amplifiée par des dialogues parfois indigents (comme signés par des gamins prépubères) et le cochage de toute les cases d’une check list d’optimisation (et de conscientisation), pourrait périodiquement faire passer Strange New Worlds pour une fan-production, assez cheap sur le fond, mais séduisante sémiotiquement, et évidemment de très grand luxe sur la forme...
Restent malgré tout quelques vraies qualités... et un potentiel de divertissement.
La forme est belle, soignée, friquée, elle pourra suffire voire faire illusion.
L’interprétation est nettement plus sobre et convaincante que dans les quatre séries précédentes (Discovery, Picard, Lower Decks, Prodigy) de Secret Hideout... même si elle pèche parfois par excès de décontraction. Mentions spéciales à Christina Chong qui pourrait bien devenir une nouvelle Camina Drummer et bien sûr à... Anson Mount dont le charme est indéniable, dont l’épaisseur transcende une écriture aux tendances dégoulinantes, et dont la crédibilité survit à l’immaturité chronique des dialogues.
En dépit d’un femwashing (presque uniquement des femmes sur la passerelle) et d’un blackwashing (l’amiral April ayant inexplicablement changé de couleur de peau), le wokisme n’a pas le parachronisme d’être trop démonstratif et token (la série prenant place en 2259 et non en 2022), ce qui limite les pesanteurs électoralistes de la doxa (du moins pour le moment).
Des atouts auxquels il faut adosser un format épisodique, autonome et loner, renouant enfin avec la plus haute tradition trekkienne, toujours susceptible de réserver de belles surprises d’une semaine à l’autre... et qui aura permis pour la première fois depuis 2017 à un opus signé Alex Kurtzman et Akiva Goldsman d’effleurer un sujet de... SF !
Hélas, davantage à la façon d’une musique de film que du film lui-même. Car si "l’esprit Star Trek" est bien là, c’est à la manière d’un ectoplasme durant une séance de spiritisme. Des "fondamentaux trekkiens", il ne subsiste pour le moment que les têtes de chapitres et quelques arômes en suspens.
Tout y est très superficiel, simpliste, hagiographique, architecturé comme un recyclage a minima de l’existant, un Canada Dry de ST, un clip de vitrine ou une démo de showroom. Même le moins réussi des opus historiques de la franchise (1964-2005) réussira à être incomparablement plus épais et nourrissant, y compris par ses imperfections (presque) toujours maïeutiques...
Est-ce à dire que Strange New Worlds est un "Star Trek" qui obligerait à oublier rien de moins que la totalité de Star Trek pour être un minimum appréciable ? Comme Kelvin quoi ! Sauf qu’en pratique, ce cloisonnement mental (ou krypto-révisionnisme) n’est pas viable tant cette nouvelle série de Paramount+ carbure au fan-service. Or icelui renvoie perpétuellement à l’héritage pour une relation de dépendance aussi paradoxale que destructrice... car vampirisant toujours davantage le canon devenu dès lors un combustible fossile non renouvelable.
En somme, au titre de reboot intégral de ST TOS et se déroulant dans une réalité aussi alternative que celle où Vulcain fut anéantie par Nero, Strange New Worlds est ni plus ni moins la version série TV des films Kelvin – mais versant farming et non boss/donjons.
Le pilote Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds propose ainsi une variante étendue du teaser de Star Trek Into Darkness sur le topic « Prime Directive et First Contact pour les nuls ». La civilisation de Nibiru fut sauvée malgré elle de l’extinction par Kirk exactement comme celle de Kiley 279 par Pike ; et en retour, d’une semblable façon, les indigènes ont collectivement "messianisé" l’USS Enterprise tel un gri-gri cosmique... se morphant en vaisseau in fine. Nihil novi sub sole.
Dont acte.
Au sortir de Discovery et Picard, nous revenions de très très loin, des tréfonds abyssaux de la nullité...
Grâce à Strange New Worlds, nous nous sommes hissés... à une médiocrité ordinaire.
Le "progrès" est donc considérable.
Mais le résultat n’en est pas moins… médiocre.
C’est-à-dire assez sympathique comme série de SF, mais très insuffisant en tant que Star Trek.
Cependant, connaissant les fâcheuses propensions d’Alex Kurtzman et de son écurie, si SNW se maintient à ce "niveau" quand bien même médiocre (i.e. sans rechuter dans de funestes abîmes), et ce durant toute la première saison, alors ce sera bel et bien un miracle. Car à ce stade, il n’est hélas pas exclu que Strange New Worlds 01x01 Strange New Worlds soit un simple épisode d’exposition (comme dans chaque production Secret Hideout précédente) puisque la cotation des séries TV (dans les médias et sur les agrégateurs de critiques) est en général basée sur leur seul pilote.
Treize ans de purge kurtzmanienne auront eu le mérite de rendre humble et d’apprendre à se contenter de (très) peu. Soit une forme de voie monastique pour les trekkers... à condition toutefois de ne jamais perdre le nord ni le sens de la mesure.
BANDE ANNONCE