For All Mankind : Critique 3.09 Coming Home
FOR ALL MANKIND
Date de diffusion : 05/08/2022
Plateforme de diffusion : Apple TV+
Épisode : 3.09 Coming Home (Retour à la maison)
Réalisateur : Craig Zisk
Scénaristes : David Weddle & Bradley Thompson
Interprètes : Joel Kinnaman, Shantel VanSanten, Jodi Balfour, Sonya Walger, Krys Marshall, Cynthy Wu, Casey W. Johnson, Coral Peña, Wrenn Schmidt et Edi Gathegi
LA CRITIQUE
La troisième saison de For All Mankind cultive décidément les ellipses temporelles. FAM 03x09 Coming Home bondit de cinq mois dans le futur… depuis la catastrophe au centre de FAM 03x08 The Sands Of Ares. Nous sommes donc début septembre 1995.
Suite au glissement de terrain ayant recouvert de plusieurs mètres de régolithe la base d’Helios, l’atterrisseur martien Popeye (MSAM) a été tant bien que mal déterré puis transporté à la base de la NASA, Happy Valley, où l’ensemble des astronautes (Helios, Roscosmos, et NASA) se sont établis, en dépit de l’exiguïté et d’une saturation des capacités d’accueil. Désormais, il n’y a plus qu’un seule équipe : les humains de Mars, quelle que soit leur nationalité de provenance, et les cosmonautes russes se partagent le temps d’antenne avec les astronautes américains. Force donc est de constater que la cohabitation est excellente. Devoir survivre dans un même environnement hostile et affronter la mort ensemble crée des liens sans équivalent. C’est à cette convergence et finalement unité que voulait en venir la troisième saison de la série, faisant ainsi honneur à son nom.
Si Nick Corrado, Isabel Castillo, et Alexei Poletov sont décédés durant la tragédie provoquée par Danny Stevens, le commandant Ed Baldwin quant à lui se remet progressivement de ses graves blessures physiques (abdomen transpercé) et sa fille de ses blessures morales (la perte de son amant). Kelly a fait le choix polémique de ne pas avorter en dépit de l’environnement inhospitalier, sa grossesse de cinq mois inquiète le médecin soviétique Dimitri Mayakovsky (en raison de la gravité réduite et des fortes radiations cosmiques faute de champ magnétique sur Mars). Mais le futur "bébé martien" est devenue la coqueluche des médias sur Terre, passionnant les foules à travers le monde…
Dans le but de regagner la planète mère (conformément au titre de l’épisode), l’enjeu collectif est désormais de refaire voler le MSAM pour transporter l’ensemble des astro-cosmonautes rescapés en un seul voyage jusqu’au Phoenix en orbite. Mais outre un approvisionnement de carburant (méthane) très lent, il s’avère que la carte d’intégration de Popeye, permettant de s’amarrer en orbite, a été irrémédiablement grillée ! Et sur Happy Valley, aucun moyen de réparer des circuits imprimés. Comme le reconnait ouvertement Lenara Catiche (directrice de Roscosmos) lors d’un échange visio entre la NASA et Helios, ce Kurs Novaya Aktivnaya Unit a été en fait vendu par l’Ukraine (dans une timeline où elle n’a pas acquis son indépendance et est restée "propriété" soviétique/russe) à Helios Aerospace comme à beaucoup d’autres agences spatiales émergentes. Il apparaît même qu’outre les USA et l’URSS, au moins l’Inde, la Turquie et la Corée du Nord ont envoyé dès les années 90 des sondes automatisées sur Mars… qui jonchent ainsi la surface de la planète (dans notre réalité, l’Union Européenne, le Japon, l’Inde, la Chine, et les Emirats arabes unis en ont fait de même… mais quelques vingt ans après).
La solution matérielle pour les protagonistes est alors d’atteindre en Rover de la NASA la sonde la plus proche, à savoir celle de la Corée du Nord — 483PRK1 — envoyée lors de le fenêtre de lancement de 1994 et atterrie à 89 km de Happy Valley (et non la sonde soviétique 581USSR4 à 1 500 km) pour y cannibaliser une carte de remplacement Kurs-NA. Danielle Poole et Grigory Kuznetsov se chargeront de ce voyage de deux jours à la surface de Mars — Ed et l’équipage issus du Phoenix étant jugé trop précieux pour le prochain retour sur Terre.
Mais si la vie continue tant bien que mal sur Mars et si les médias maintiennent l’intérêt du public par diverses formes de peoplisation, la catastrophe de l’effondrement de la foreuse dans l’aquifère et l’effondrement de terrain résultant — ruinant tous les projets d’implantation coloniale à grande échelle — ainsi que les nombreux morts (six cumulés depuis le début de la course) ont massivement refroidit les investisseurs aussi bien publics (gouvernement pour la NASA) que privés (Helios). En un mot comme en cent, l’aventure humaine sur Mars est considérée comme un échec cuisant. D’un côté, le Congrès fait pression sur la présidence pour contrôler le budget de la NASA (en d’autres termes, couper les fonds). De l’autre, Helios Aerospace a vu ses actions boursières chuter tragiquement, au point de mettre le CEO Dev Ayesa en difficulté face à son conseil d’administration ("board of directors").
Le mensonge sous serment du first gentleman devant la commission parlementaire dans FAM 03x07 Bring It Home ne s’est aucunement tassé, malgré l’incapacité de Willie Baron à fournir (pour le moment) des preuves d’une quelconque relation homosexuelle extraconjugale avec Jeremy Zielke. Or Dick, le président de la Chambre des représentants au Congrès (alias Speaker Of The House en VO) tient tellement à faire passer la bill law (pour réaffecter le financement de la NASA à d’autres secteurs) qu’il n’hésite pas à exercer un chantage sur la présidente en la menaçant, nous seulement de médiatiser les rumeurs d’infidélité de son mari, mais également de faire saisir par voie judiciaire toutes les bandes enregistreuses (au format DAT) du Bureau ovale durant la semaine où Larry a témoigné. Or céder au chantage de Dick revient à signer la mort définitive du programme spatial public martien. Mais ne pas y céder, c’est exposer le "prince consort" à des poursuites pour parjure et, par transitivité, la présidente à une procédure d’impeachment.
Le couple présidentiel se retrouve donc littéralement acculé. Et après un intense brainstorming au parfum de tragédie antique, après avoir inventorié toute les options (invocation du secret présidentiel, effacement des enregistrements…), Larry se propose de se sacrifier pour sauver ce qu’ils ont construit ensemble à savoir la carrière présidentielle de sa femme (et aussi de façon dostoïevskienne parce qu’il se considère coupable de cette négligence en amont), c’est-à-dire d’avouer aux médias être homosexuel mais en exonérant sa femme d’en avoir eu connaissance… quitte à devenir un paria. Et toute l’intégrité d’Ellen et Larry se mesure au fait que jamais l’option de sacrifier la NASA par intérêt personnel n’ait été sur la table, pas même en creux ou en sous-entendu...
Bien entendu, le premier réflexe d’Ellen sera de refuser que son mari et père de son fils — eh oui un "lavender marriage" peut être fécond — ne se livre ainsi aux chiens de garde. Mais elle finira par consentir à ce qui semble être la seule porte de sortie...
Pourtant son long recueillement (dans l’East Room de la Maison Blanche ?) devant les Pères fondateurs, ou plus exactement devant un triptyque de tableaux de présidents majoritairement républicains (Richard Nixon trônant au-dessus de la cheminée, Abraham Lincoln à gauche, George Washington à droite) prend l’allure d’Agonie au Jardin des Oliviers. Le spectateur intuitif devine alors qu’Ellen ne laissera pas Larry aller seul à l’échafaud médiatique, voire même qu’elle prendra sa place…
Et en effet, le lendemain dans la salle de presse de l’aile Ouest de la Maison Blanche (qui sera nommée par la suite la James S Brady Press Briefing Room), alors que le first gentleman se présente, penaud et mal à l’aise, devant un parterre de journalistes avides, il est vite supplanté par la présidente qui d’autorité se lance dans un superbe discours de portée historique. Faisant d’abord le bilan positif de tous les accomplissements étatsuniens (notamment spatiaux et énergétiques…) dans la lignée de Ferdinand Magellan et de Lewis & Clark, elle présente ensuite ses excuses au peuple américain pour avoir rompu le lien de confiance en dissimulant son homosexualité, pour avoir déçu quelqu’un de très proche (Pam sans la nommer) faute d’avoir eu le courage d’affirmer son orientation sexuelle, et pour n’avoir pas protégé les victimes de discriminations, en premier lieu l’astronaute Will Tyler. Puis, elle remet à ce dernier la Médaille de la liberté pour services rendus sur Mars et aussi pour ses prises de position courageuses en faveur des droits des homosexuels. Enfin, elle signe dans la foulée un décret autorisant les homosexuels à servir dans les forces armées. La législation Don’t ask, don’t tell n’aura donc existé que cinq mois dans la timeline de FAM (contre dix-sept ans dans la nôtre) ; et d’un retard initial de deux ans dans sa promulgation (1995 contre 1993), l’uchronie aura finalement basculé dans une avance de quinze ans par rapport au monde réel (puisque Barack Obama y prendra l’équivalent de cette décision seulement en 2010).
Inutile de dépeindre le buzz médiatique qui en résultera. Et surtout la sidération puis l’euphorie qui se saisira comme par hasard de tous les VIPs sans exception de la série, à commencer par Will — héros malgré lui et ému au-delà des mots — mais aussi la "vieille garde"… soudain vierge de tout préjugé ! Ainsi le "viriliste" Ed Baldwin louera la décision Ellen, les cosmonautes soviétiques seront en joie (quand on connaît l’état réel de la condition LGBTQIA+ en Russie…), et même l’homophobe notoire Rolan Baranov (cf. FAM 03x06 New Eden) inondera Will d’éloges !!!
Ainsi donc, pour déposséder de leurs leviers coercitifs les "forces obscures" prêtes à tout pour ligoter la NASA, donc afin de sauver — malgré les récents échecs sur Mars — la poursuite ininterrompue du programme spatial dont elle se veut personnellement la garante depuis son engagement originel en politique durant la seconde saison, mais sans pour autant se résoudre à jeter froidement aux loups son mari... la présidente Wilson n’a eu d’autre choix que de faire publiquement son coming out ! Et ce faisant, paradoxalement, elle aura fait honneur au "sacrement" du mariage (pourtant de convenance) en partageant la condition de son époux pour le meilleur et pour le pire, tout en "genderswapant" la fonction traditionnellement dévolue aux maris.
Touchant, jouissif, bien verbalisé… mais trop scripté et idéologisé dans les intentions comme dans l’expression (voire dans les conséquences). Car cette initiative a beau être bétonnée en internaliste (Ellen avait bel et bien le couteau sous la gorge et son but premier était incontestablement de sauver le programme spatial), ladite initiative a beau être pleinement intégrée dans le développement sur le temps long et être amenée depuis plusieurs saisons, difficile de ne pas y voir tout de même la volonté externaliste d’un authentique manifeste LGBTQIA+ teinté de wokisme militant anachronique, moyennant une formulation contemporaine calibrée et aucunement ninetie (avec des relents très autocentrés marqués aux coin des réseaux sociaux qui n’existent pourtant pas encore). Visiblement, les auteurs se sont d’abord fait plaisir avant de respecter un principe de réalité.
À cette époque et au sein du parti républicain US, un pareil aveu revenait pour la présidente Wilson à tuer sa carrière politique, et donc à mettre en danger le programme spatial que l’héroïne prétendait par-là même vouloir sauver. Tabler sur un soutien démocrate (pour éviter qu’aboutisse une procédure d’impeachment acquise à la majorité des deux tiers du Sénat) serait plutôt naïf car ce parti était à l’époque traversé de nombreux courants, tous n’étaient pas aussi démonstrativement progressistes (Bill Clinton avait eu des difficultés à imposer en 1993 la législation Don’t ask, don’t tell pourtant bien anodine en comparaison), ni enclins à soutenir des initiatives directement concurrentielles provenant de la partie adverse (les jeux politiciens ne pouvant être ignorés). Plus important encore, une procédure d’impeachment implique un procès, et aux USA, c’est moins l’imperfection ou la faute que la dissimulation et le mensonge de l’élu qui sont sanctionnés en pareil cas. Or Ellen a sciemment érigé sa carrière et son accès à la présidence sur un mensonge admis par elle, ce qui pourrait lui valoir une hostilité aussi bien des démocrates que des républicains...
Mais il ne fait aucun doute que comme dans The Orville 03x09 Domino par rapport à The Orville 03x08 Midnight Blue, l’univers (c’est-à-dire le bon vouloir des showrunners) se chargera dans l’épisode suivant de porter à bout de bras et/ou de légitimer un agenda hors sol. FAM 03x09 Coming Home en donne déjà un aperçu avec les réactions systématiquement enthousiastes de tous les protagonistes, tous pourtant si distincts au travers de la série, mais tous soudain coulés dans le même moule envers ce sujet précis. Mais eh c’est bien connu : les bonnes intentions et les causes justes suffisent bien (dans les productions hollywoodiennes).
À cet effet, Will Tyler aura été un redoutable catalyseur d’accélération historique, un peu comme Charly Burke dans la troisième saison de The Orville et Mister Smith dans la seconde saison de Jeremiah. Bien "aidé" aussi, il faut le dire, par les incontinences sexuelles de Larry Wilson et par les incontinences émotionnelles de Danny Stevens… Mais également par la légèreté et l’inconséquence du couple présidentiel (qui n’a pas hésité à évoquer des "sujets compromettants" dans le périmètre du Bureau ovale alors qu’il se savait enregistré). L’intradiégétique est en fait tellement "bétonnée" qu’elle en dévient forcée...
Mais l’essentiel finalement est qu’Ellen ait enfin osé mettre à profit sa fonction présidentielle conquise de si haute lutte pour agir en conformité avec sa conscience et ses luttes intersectionnelles avant l’heure, combinant ainsi dans une même praxis le chemin vers les étoiles et vers une société inclusive, diversitaire, token, et sans discrimination. Tant pis si on oublie au passage que dans une vraie démocratie, un·e président·e n’a que peu de pouvoir personnel. Quant à la nébuleuse des réactionnaires sans visage, elle n’a qu’à bien se tenir, ah mais ! Et de toute façon, elle ne compte guère dans la diégèse, car aucun VIP n’en fait véritablement ou durablement partie (le vice-président ultra-conservateur Jim Bragg fut présenté depuis FAM 03x02 Game Changer comme le haïssable dindon de la farce des stratégies vertueuses du couple Wilson, quant au Speaker Of The House et Elliott Lewis, ce ne sont que d’odieux intrigants…). L’épisode bascule donc dans l’hagiographie manichéenne, l’entre-soi autosatisfait de héros pionniers (astronautes, ingénieurs, entrepreneurs et politiques), tous garants d’un progressisme uniforme qui n’attendait messianiquement que ce formidable coming out présidentiel, tandis que les forces réactionnaires et rétrogrades se bornent à une masse amorphe, pestilentielle, méprisable, dont il ne fait aucun doute que la présidente Wilson aura raison dans l’épisode suivant… parce qu’elle le vaut bien et que c’est plus satisfaisant ainsi pour le public de la série.
Bref, les intentions sont bonnes et belles, l’exécution l’est un peu moins...
Hantée depuis deux épisodes par l’hypothèse de plus en plus vraisemblable de la trahison de sa supérieure (et bienfaitrice) Margo Madison, Aleida a le réflexe bien naturel de faire appel à son BFF Bill Strausser (bossant désormais pour Helios) pour soumettre sa théorie transgressive à son expertise de vétéran CAPCOM et logicien. Elle le convie alors dans son "antre" où elle a consciencieusement construit un "police investigation board" ou "mind mapping" pour "trianguler" l’origine de la fuite technologique vers l’URSS. Mais telle la bipolaire Carrie Mathison dans la série Homeland qui passait facilement pour une folle ou une illuminée à détecter les fils et des connexions que nul autre ne remarquait, Rosales en était presque venue — face au problème de conscience posée — à espérer que son ex-collègue n’y voie qu’un délire schizophrène façon John Nash dans A Beautiful Mind de Ron Howard (2001) ou Kieran dans Stargate SG-1 06x07 Shadow Play.
Mais bien loin de réfuter la démonstration d’Aleida, Bill a au contraire été convaincu (que Madison est la seule suspecte possible après élimination rationnelle de tous les autres). Si bien qu’il l’exhorte désormais à frapper en top priorité à la porte du FBI, par craindre d’un niveau d’infiltration plus profond encore ! Une extrémité à laquelle Rosales se refuse catégoriquement, non seulement par loyauté et gratitude envers Madison (estimant que le minimum est d’entendre sa version des faits avant s’envisager de la dénoncer), mais également par hostilité envers une agence gouvernementale dont son père fut jadis victime (cf. la première saison de FAM), faisant alors promettre à Strausser son silence.
Mais en se confiant à Bill, Aleida aura ouvert une boîte de Pandore. Incapable de faire comme s’il ne savait rien, Stausser contactera les Feds. Puis assez sournoisement, il mettra son amie devant le fait accompli en organisant — prétendument pour l’aider — une rencontre informelle dans un bar avec l’agente spéciale Victoria Rodriguez, latino comme par hasard, histoire de mette en confiance Rosales… Mais pas question pour cette dernière de collaborer avec les autorités. Ce qui ne changera rien, car la machine infernale a été lancée, et le FBI mènera l’enquête avec ou sans son aide. Pour Aleida, Bill n’existe plus.
Puis revenue chez elle, de détresse et de colère, elle arrachera le "mind mapping" mural et détruira le fruit de son long travail solitaire, devant son père Octavio plein d’attention mais affligé d’une maladie neurodégénérative (confondant désormais sa fille avec feue son épouse Graciana). Depuis le milieu de la troisième saison, l’ingénieure de la NASA n’avait de cesse de faire toute la lumière sur le vol de ses recherches... "Be careful what you wish for".
Pour la première fois depuis le début de la série, Aleida Rosales gagnera l’épaisseur d’un personnage tragique, exposée à un dilemme impossible (loyauté & gratitude vs. loi & devoir) et que son ami — Bill Strausser — aura tenté de résoudre à sa place, mais en la trahissant de la plus violente des manières au nom de la raison d’état. Rarement une crise de larmes n’aura sonné aussi juste, car portée par un désespoir viscéral, non par un pathos complaisant.
Apparemment insensible à la déroute économique de sa société, Dev continuera autistiquement à présenter de nouveaux projets ambitieux pour l’exploration martienne, en particulier la construction (prévue pour 1999) du Calypso, un nouveau vaisseau révolutionnaire à propulsion par plasma et assez puissant pour joindre Mars hors des fenêtres de lancement (soit un rapprochement conceptuel du paradigme spatial de Star Trek). Et dans le même temps, Ayesa refusera de suivre la proposition initiée et négociée par Karen Baldwin auprès de ses contacts de la NASA, à savoir leur revendre le si spacieux et 2001-esque Phoenix pour renflouer les finances déclinantes de compagnie. Unique argument passe-partout de Dev à l’attention de ses collaborateurs : « ayez foi en moi » !
Même si cela avait été mentionné dans une coupure de presse entraperçue dans le clip contrefactuel d’introduction de FAM 03x01 Polaris, avec son collègue du MIT, Richard "Dicky" Hilliard, Dev Ayesa se révélera rétrospectivement être le co-inventeur de la fusion nucléaire contrôlée. Sa qualité de génie scientifique dévoré par sa propre légende (et non de loup des affaires) conduira le spectateur à relire sous un nouvel éclairage ses objectifs réels (fort estimables) et la nature même de sa société Helios Aerospace (à l’idéalisme peut-être illusoire mais pas forcément hypocrite pour autant). Soit la marque même des écritures les plus brillantes, car polysémiques.
Cependant, les lois économiques étant ce qu’elles sont, face à la chute brutale des actions en bourse et l’imperturbabilité des rêves martiens de Dev, le conseil d’administration décide de l’évincer de sa propre société — à l’instar d’un certain Steve Jobs éjecté d’Apple en 1985 — en le faisant remplacer par quelqu’un qui n’a pas une once de compétence scientifique et spatiale mais un sens affuté des affaires et du relationnel, Karen Baldwin !
Dès lors, un évident parallèle émerge entre les situations endurées par Karen et Aleida, l’une et l’autre conduites par les circonstances à trahir respectivement celui (Dev) et celle (Margo) à qui elles doivent leur réussite. Mais il est fort à parier que la première s’accommode mieux de ses scrupules que la seconde...
C’est durant ce FAM 03x09 Coming Home que parviendra à la colonie martienne depuis la Terre le rapport établi par Helios Aerospace sur les causes de l’accident de forage survenu à la fin de FAM 03x07 Bring It Down. Un verdict très attendu par tous… mais fatalement appréhendé par Danny Stevens — puisqu’à l’origine de cette catastrophe sans avoir le courage de l’assumer.
Quoique formulé dans un jargon administratif, les autorités ont conclu qu’il s’agissait de l’erreur d’un opérateur de contrôle (qui n’aurait pas surveillé la pression et n’aurait pas réagi lorsque le réservoir a été percé), en l’occurrence de feu Nick Corrado ! L’indignation de tout le personnel devant ce lâche procédé des PTB — cherchant à se couvrir en blâmant un mort qui ne peut se défendre — est en elle-même fort légitime. Et la surenchère d’indignation publique de Danny himself à l’idée que l’irréprochable Nick (et il est bien placé pour le savoir) puisse être accusé à sa place est très révélatrice de son tiraillement moral intérieur, surtout lorsqu’un tel cri du cœur — assorti du silence pesant de tous ses collègues — avait de quoi le "griller" (à la façon d’un aveu en creux). Ne pas reconnaître ses torts est une chose, laisser accuser un innocent dans l’impossibilité de se disculper en est une autre. Du coup, effectivement, il apparaît clairement que le fils de Gordo n’est pas au-delà de toute rédemption…
Malgré tout, il est très curieux qu’il ait fallu cinq mois pleins pour achever cette enquête prioritaire, qui plus est depuis la Terre, alors que les seules données disponibles avaient été collectées sur Mars ! Comment se fait-il également que les astro-/cosmonautes, isolés sur Mars et premières victimes du drame n’aient entrepris aucune enquête par eux-mêmes sur la cause de leur malheur, restant totalement passifs durant ces longs mois, alors qu’ils parfaitement qualifié pour interpréter les données ?! Et même sans s’être autorisé à une enquête, est-il logique qu’ils n’aient aucun idée, pas le moindre soupçon, à fortiori sachant qu’il n’y avait aucun autre opérateur que Nick et Danny au moment des faits ? Quant au rapport officiel lu par Ed, étant donné la réaction incrédule du personnel à sa lecture, difficile d’imaginer que l’étau ne se soit pas resserré en contrepartie autour du coupable…
Dès lors, soit Danny n’est pas du tout considéré comme suspect par les "colons", mais c’est un syndrome quelque peu Bisounours.
Soit il est bien suspecté, mais alors l’apparente neutralité générale est davantage un signe d’indifférence que de maturité…
Sur Mars les événements s’accélèrent. La calendrier initial de mise en orbite du MSAM Popeye ne pourra certainement pas être tenu... car après un évanouissement brutal de Kelly Baldwin dans l’arboretum (surnommé "la jungle") de la base de Happy Valley, il apparaît qu’elle souffre de prééclampsie (probablement en raison des conditions de gravitation et/ou de radiations de Mars). Il devient donc désormais urgent qu’elle rejoigne le Phoenix, aussi bien pour sa survie que pour celle du bébé...
Durant la mission de récupération de la pièce de rechange vitale (Kurs Novaya Aktivnaya Unit) sur une sonde nord-coréenne (ayant l’aspect des vieux Soyouz soviétiques) à moins de 100 km de Happy Valley, Poole et Kuznetsov tomberont — surprise ! — sur des traces de pas dans le régolithe martien… puis se retrouveront nez à nez avec un taïkonaute nord-coréen armé et les mettant en joue !!!
Serait-il arrivé sur Mars dans le plus secret, avant même l’amarsissage historique de Danielle Poole et de l’équipage du Sojourner 1 ?!
For All Mankind possède décidément à ses heures un art tout serialesque du cliffhanger. Au risque cependant de voir la série de RDM basculer soudain dans un épigone d’Iron Sky de Timo Vuorensola (2012) — un tout autre style de SF...
Charge maintenant aux showrunners de fournir dans FAM 03x10 Stranger In A Strange Land une explication crédible, tant ce type de twist spectaculaire est un terrain miné en Hard-SF.
FAM 03x09 Coming Home est un épisode d’une exceptionnelle densité, riche de dialogues ciselés. En dépit d’une durée nettement moins longue (48 minutes) que de coutume, son temps polynomial réussit pourtant à largement dépasser celui de la plupart des épisodes hémorragiques à la mode (de plus d’une heure). Il renoue ainsi presque avec l’efficacité des meilleures séries des années 90, dont les durées d’épisodes étaient calibrées, mais où chaque scène, chaque ligne de dialogue importait grâce à une économie de moyen chirurgicale.
Se déployant à la fois dans le fascinant désert martien, dans les coulisses ténébreuses de la Maison Blanche, dans les conseils d’administration piégeux d’Helios Aerospace, et dans les alcôves crochues de la NASA... la mosaïque chorale est d’une rare synergie, et elle conduit à des seuils, c’est-à-dire à des basculements disruptifs ("game changer").
Invariablement brillant, méticuleux dans l’écriture comme dans la réalisation, et si chirurgicalement intégré dans le worldbuilding qu’il devient possible de réinterpréter différemment ce qui était tenu pour acquis (signe d’une construction très pensée à l’avance). Mais souffrant hélas d’un réalisme variable selon les tropes.
Lorsqu’il est question d’astrophysique, de sciences, de technologie, d’économie, de politique, de psychologie, de lois naturelles… For All Mankind est (presque) toujours structurée au cordeau.
Mais curieusement, dès lors qu’il est question de progressisme… le wokisme a souvent tendance à l’emporter sur l’universalisme. Comme si les postures symboliques de quelques VIPs suffisaient à révolutionner le monde. Un peu trop simpliste et facile, car dans l’Histoire réelle, les progrès sociaux n’ont jamais été performatifs.
Une œuvre à thèse, toujours.
Mais sans l’antithèse cette fois, contrairement à l’exceptionnel FAM 03x06 New Eden.
BANDE ANNONCE
Les séries TV sont Copyright © leurs ayants droits Tous droits réservés. Les séries TV, leurs personnages et photos de production sont la propriété de leurs ayants droits.